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Date : 20080715

Dossier : A-531-07

Référence : 2008 CAF 239

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

TORONTO SUN WAH TRADING INC.

appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

 

Requête écrite décidée sans comparution des parties.

 

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 15 juillet 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                              LE JUGE EVANS

                                                                                                                             LA JUGE TRUDEL

 


Date : 20080715

Dossier : A-531-07

Référence : 2008 CAF 239

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE TRUDEL

 

 

ENTRE :

 

TORONTO SUN WAH TRADING INC.

appelante

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]               L’appel a été introduit il y a de cela presque huit mois et n’est toujours pas rendu à l’étape du dépôt de l’entente sur le contenu du dossier d’appel. Près de six mois après l’introduction de l’appel, la partie intimée (la Couronne) a sollicité une ordonnance rejetant l’appel pour cause de retard. L’appelante (Toronto Sun Wah) s’oppose à la requête et sollicite une ordonnance prorogeant le délai pour déposer l’entente sur le contenu du dossier d’appel et le dossier d’appel. La Couronne s’oppose à cette requête. Les requêtes ont été examinées ensemble.

 

[2]               Les faits sous-jacents, tels qu’énoncés par le juge Teitelbaum, se rapportent à une épidémie de salmonellose apparue dans le sud de l’Ontario en novembre 2005. L’épidémie était apparemment liée à la consommation de haricots germés. L’Agence canadienne d’inspection des aliments (l’ACIA) a lancé un avertissement de danger pour la santé avisant le public que les haricots germés d’ambérique distribués par Toronto Sun Wah pouvaient être contaminés par la salmonellose. Toronto Sun Wah a volontairement retiré ses haricots germés du marché.

 

[3]               En décembre 2005, l’ACIA a reçu une demande conformément à Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A-1, sollicitant des renseignements se rapportant au rappel des haricots germés par le Bureau de la salubrité et des rappels des aliments. En date du 14 avril 2006, l’ACIA avait répertorié les renseignements sollicités et conclu que certains d’entre eux contenaient des références à Toronto Sun Wah. À cette date, l’ACIA a fait parvenir à Toronto Sun Wah l’avis aux tiers prévu à l’article 27 de la Loi sur l’accès à l’information, où elle décrivait les renseignements dont l’ACIA avait l’intention de donner communication. Toronto Sun Wah a répondu en formulant un certain nombre d’objections fondées sur les articles 19 et 20 de la Loi sur l’accès à l’information. L’ACIA a accueilli certaines des objections, mais pas toutes, et par lettre en date du 27 avril 2006, a avisé Toronto Sun Wah de sa proposition révisée de donner communication des renseignements.

 

[4]               Suivant l’article 44 de la Loi sur l’accès à l’information, Toronto Sun Wah avait 20 jours pour présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale relativement à la décision de l’ACIA de donner communication des renseignements se rapportant à Toronto Sun Wah. Toronto Sun Wah a déposé une demande en ce sens à la Cour fédérale le 16 mai 2006.

 

[5]               Toronto Sun Wah devait prendre certaines mesures afin que sa demande soit entendue à la Cour fédérale. Plusieurs de ces mesures ont été prises hors des délais prescrits, avec le consentement de la Couronne. Tous les documents ont finalement été déposés le 7 novembre 2006, mais la demande d’audience n’avait toujours pas été déposée le 12 décembre 2006. À cette date, la Cour fédérale a délivré un avis d’examen de l’état de l’instance. Toronto Sun Wah a répondu à cet avis, et la Cour a autorisé la poursuite de la demande. La demande d’audience a été déposée le 23 février 2007 et l’audience a été fixée au 17 octobre 2007 à 9 h 30.

 

[6]               Selon l’affidavit déposé par la Couronne à l’appui de son objection à la prorogation de délai aujourd’hui sollicitée par Toronto Sun Wah, l’avocat de Toronto Sun Wah n’était pas présent à l’heure prévue pour l’audience. À 9 h 55, le juge Teitelbaum a indiqué verbalement qu’il rejetterait la demande pour défaut de comparution de l’avocat. Cependant, l’avocat de Toronto Sun Wah est finalement apparu à l’audience avant que le juge Teitelbaum ne mette sa menace à exécution. Il a entendu les arguments sur le fond et a réservé sa décision. Une semaine plus tard, le 24 octobre 2007, le juge Teitelbaum a rendu jugement rejetant la demande (2007 CF 1091).

 

[7]               Le 23 novembre 2007, Toronto Sun Wah a déposé un avis d’appel, alléguant que le juge Teitelbaum a commis une erreur en concluant que certains renseignements ne satisfaisaient pas aux exigences des articles 19 et 20 de la Loi sur l’accès à l’information, et en [traduction] « omettant de prendre en considération les questions de politique publique liées aux renseignements communiqués par une personne, comme l’exige la loi, et le fait que de tels renseignements doivent rester confidentiels pour la personne à qui ils sont divulgués et aux fins pour lesquelles ils sont divulgués ».

 

[8]               Toronto Sun Wah n’a pas demandé à ce qu’il soit sursis au jugement du juge Teitelbaum. Toutefois, il appert des éléments de preuve déposés par la Couronne que l’ACIA a reporté la communication des renseignements faisant l’objet du litige, en attendant le résultat de l’appel. 

 

[9]               Les requêtes au dossier nécessitent une compréhension de l’historique des procédures de l’appel. Selon le paragraphe 343(1) des Règles sur les Cours fédérales, DORS 98/106, une entente sur le contenu du dossier d’appel devait être déposée dans les 30 jours suivant le dépôt de l’avis d’appel. Si l’on tient compte du congé de Noël, la date limite de cette étape était le jeudi, 10 janvier 2008. Une semaine avant la date limite, l’avocat de Toronto Sun Wah a fait parvenir une lettre à l’avocate de la Couronne, qui comportait une ébauche d’entente sur le contenu du dossier d’appel. Celle-ci a répondu promptement, en indiquant son accord général, mais notant avec raison que le dossier d’appel ne devait pas inclure les mémoires des faits et du droit, lois ou jurisprudence et indiquant aussi que l’entente se devait d’énumérer les pièces jointes aux affidavits inclus dans le dossier d’appel.

 

[10]           À la fin de janvier 2008, l’avocate de la Couronne a contacté l’avocat de Toronto Sun Wah pour s’informer au sujet de l’état de l’entente. Celui-ci a indiqué qu’il effectuerait un suivi, mais il semble que cela n’ait pas été le cas et qu’il ne l’ait pas recontactée. Elle a conclu que Toronto Sun Wah n’était plus intéressée à la poursuite de l’appel et, le 8 mai 2008, elle a déposé la requête de la Couronne visant à faire rejeter l’appel pour cause de retard.

 

[11]           Le 9 mai 2008, après la signification du dossier de la requête à Toronto Sun Wah, l’avocat de Toronto Sun Wah a dit à l’avocate de la Couronne qu’à la suite de leur correspondance du début janvier 2008, il s’était attendu à recevoir son consentement au contenu. Il n’explique pas pourquoi il s’attendait à recevoir le consentement de l’avocate de la Couronne à une entente que celle-ci croyait incorrecte, pas plus qu’il n’explique pourquoi il ne l’a pas contactée, ou pourquoi il n’a pas effectué un suivi auprès d’elle après qu’elle l’eut contacté à la fin du mois de janvier. Dans tous les cas, il a ajouté une entente révisée où étaient effectués les changements qu’elle avait suggérés au départ. L’avocate de la Couronne a donné son accord de principe à l’entente révisée, mais a refusé d’y apposer sa signature parce qu’elle avait déjà déposé une requête visant à faire rejeter l’appel.

 

[12]           Le 20 mai 2008, l’avocat de Toronto Sun Wah a déposé un dossier de requête s’opposant à la requête de la Couronne en rejet de l’appel et a aussi déposé un dossier de requête sollicitant une prorogation de délai pour déposer l’entente sur le contenu du dossier d’appel et le dossier d’appel. À cette date, plus de quatre mois s’étaient écoulés depuis la date à laquelle l’entente sur le contenu du dossier d’appel aurait dû être déposée. La Couronne s’oppose à la requête en prorogation de délai.

 

Analyse

[13]           Il convient de se prononcer en premier lieu sur la requête en prorogation de délai pour déposer l’entente sur le contenu du dossier d’appel et le dossier d’appel de Toronto Sun Wah.

 

[14]           Une ordonnance accordant ou rejetant une prorogation de délai est discrétionnaire. Les principes applicables sont résumés dans l’arrêt de principe, Canada (Procureur général) c. Hennelly (1999), 244 N.R. 299, [1999] A.C.F. no 846 (QL) (C.A.F.). La considération sous-jacente est que justice doit être rendue entre les parties. Les facteurs à prendre en considération sont les suivants :

a)                  une intention constante de poursuivre l’appel;

b)                 l’appel n’est pas sans fondement;

c)                  que le délai n’entraîne pas de préjudice; et

d)                 qu'il existe une explication raisonnable justifiant le retard.

 

[15]           Dans l’affaire qui nous concerne, il convient d’examiner les premier et quatrième facteurs simultanément. Le dépôt de l’avis d’appel et la tentative initiale de Toronto Sun Wah d’obtenir l’accord de la Couronne concernant le contenu du dossier d’appel indiquent l’intention de poursuivre l’appel jusqu’au début janvier 2008. Cependant, aucune action n’a été entreprise par Toronto Sun Wah après cette date, jusqu’à ce qu’elle soit confrontée à la requête en rejet de la Couronne en début mai. La seule explication offerte par Toronto Sun Wah pour les quatre mois d’inactivité est qu’elle attendait le consentement de la Couronne à la version initiale incorrecte de l’entente sur le contenu du dossier d’appel. À mon avis, il ne s’agit pas d’une explication satisfaisante, particulièrement au vu de la vaine tentative de la Couronne d’obtenir un suivi à la fin janvier. Je conclus donc que Toronto Sun Wah n’a ni démontré une intention constante de poursuivre l’appel, ni fourni une explication raisonnable justifiant le retard.

 

[16]           En ce qui concerne le deuxième facteur, il y a très peu d’éléments au dossier qui me permettent de conclure que l’appel n’est pas sans fondement. Il semblerait que le motif principal de Toronto Sun Wah soit que les renseignements contestés aient été fournis à l’ACIA dans le cadre d’une enquête. Cependant, les pièces déposées par Toronto Sun Wah ne font référence à aucun principe juridique ou à aucune jurisprudence à partir de laquelle je peux discerner de quelle façon Toronto Sun Wah entend se servir de cette notion générale pour étayer sa contestation de la justesse de la décision du juge Teitelbaum.

 

[17]           Pour le troisième facteur, la Couronne n’allègue pas subir quelconque. Cependant, la Couronne prétend que la partie ayant demandé les renseignements avait déjà attendu quelques années pour obtenir une réponse finale, et pourrait subir un préjudice s’il y a des délais supplémentaires. Aucun élément de preuve n’étaye cet argument, probablement parce que l’identité du demandeur et les motifs de la demande sont non pertinents d’un point de vue juridique dans un litige concernant une mésentente sur la divulgation de renseignements en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Cependant, je dois concéder qu’il est raisonnable de présumer qu’un délai indu dans la communication de renseignements conformément à la Loi sur l’accès à l’information pourrait porter préjudice à l’auteur de la demande. Toronto Sun Wah prétend que la divulgation de l’information faisant l’objet du litige lui portera préjudice, mais cette prétention présume que l’appel interjeté a un certain fondement, et pour les motifs susmentionnés, cette présomption ne semble pas bien fondée. Tout compte fait, il me semble que le facteur du préjudice joue en faveur de la Couronne.

 

[18]           Pour ces motifs, je rejetterais la requête en prorogation de délai de Toronto Sun Wah. Puisque cela empêchera Toronto Sun Wah de poursuivre son appel, il s’ensuit que j’accueillerais aussi la requête de la Couronne en rejet d’appel, et que je rejetterais l’appel avec dépens.

 

 

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

     John M. Evans j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

     Johanne Trudel j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-531-07

 

INTITULÉ :                                                                           Toronto Sun Wah Trading Inc.

                                                                                                c. Procureur général du Canada

 

 

REQUÊTE ÉCRITE DÉCIDÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE SHARLOW

                                                                                                LE JUGE EVANS

                                                                                                LA JUGE TRUDEL

 

DATE DES MOTIFS :                                                          le 15 juillet 2008

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

Newton Wong

POUR L’APPELANTE

 

Glynis Evans

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Newton Wong & Associates

Toronto (Ontario)

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

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