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Date : 20080417

Dossier : A-468-06

Référence : 2008 CAF 143

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE TRUDEL

 

 

ENTRE :

 

 

GRK CANADA LIMITED

demanderesse

et

 

LELAND INDUSTRIES INC., INFASCO, DIVISION DE LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE IFASTGROUPE, ARROW FASTENERS LTD., COALITION DES IMPORTATEURS DE PIÈCES D’ATTACHE DU CANADA, SHANGHAI BEN YUAN METAL PRODUCTS CO., LTD., STAR STAINLESS SCREW CO., BOMBARDIER PRODUITS RÉCRÉATIFS INC., ITW CONSTRUCTION PRODUCTS, LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE, FLEETWOOD CANADA LTD., LE GOUVERNEMENT

DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, LE GOUVERNEMENT

DE TAÏWAN, VELAN INC., DIRECT FASTENERS, WESTLAND STEEL

PRODUCTS LTD., TONG HWEI ENTERPRISE CO. LTD., FULLER METRIC

PARTS LTD., ENDRIES INTERNATIONAL OF CANADA, NATIONAL

SOCKET SCREW, HILTI (CANADA) CORPORATION, VISQUÉ INC.

 

défendeurs

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 15 avril 2008

 

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 17 avril 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                             LA JUGE TRUDEL

 


Date : 20080417

Dossier : A-468-06

Référence : 2008 CAF 143

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LA JUGE SHARLOW         

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

GRK CANADA LIMITED

demanderesse

et

LELAND INDUSTRIES INC., INFASCO, DIVISION DE LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE IFASTGROUPE, ARROW FASTENERS LTD., COALITION DES IMPORTATEURS DE PIÈCES D’ATTACHE DU CANADA, SHANGHAI BEN YUAN METAL PRODUCTS CO., LTD., STAR STAINLESS SCREW CO., BOMBARDIER PRODUITS RÉCRÉATIFS INC., ITW CONSTRUCTION PRODUCTS, LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE, FLEETWOOD CANADA LTD., LE GOUVERNEMENT

DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, LE GOUVERNEMENT

DE TAÏWAN, VELAN INC., DIRECT FASTENERS, WESTLAND STEEL

PRODUCTS LTD., TONG HWEI ENTERPRISE CO. LTD., FULLER METRIC

PARTS LTD., ENDRIES INTERNATIONAL OF CANADA, NATIONAL

SOCKET SCREW, HILTI (CANADA) CORPORATION, VISQUÉ INC.

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par GRK Canada Limited (GRK) à l’égard d’une décision rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) le 26 septembre 2006 (Enquête no NQ-2004-005R, « Certaines pièces d’attache »). Cette décision a été rendue à la suite d’un nouvel examen ordonné par la Cour dans Fasteners c. Leland Industries Inc., 2006 CAF 118 (GRK n1).

 

[2]               Dans GRK n1, la Cour a examiné et rejeté un certain nombre de motifs à l’appui de la demande de contrôle judiciaire visant la première décision rendue par le TCCE dans cette affaire. GRK (appelée alors GRK Fasteners) avait toutefois aussi allégué dans cette procédure que le TCCE avait refusé de manière déraisonnable de lui accorder une exclusion à l’égard de ses vis en acier inoxydable brevetées et ses vis en acier au carbone brevetées. GRK a soutenu que sa demande d’exclusion aurait dû être accueillie parce que, comme ses vis en acier inoxydable et ses vis en acier au carbone étaient brevetées, aucun producteur national n’avait la capacité ni le droit de fabriquer des vis identiques sans détenir une licence.

 

[3]               La Cour a convenu que le TCCE avait commis une erreur en n’ayant pas examiné adéquatement les arguments de GRK sur ce point. Elle a écrit ce qui suit au paragraphe 29 des motifs de GRK n1 :

[. . .] La demande de GRK Fasteners devrait être accueillie en partie, la décision du Tribunal concernant la demande d’exclusion présentée par GRK relativement à certaines vis en acier inoxydable brevetées devrait être annulée et l’affaire devrait être renvoyée au Tribunal pour qu’il rende une nouvelle décision fondée sur le dossier existant.

 

 

 

[4]               Le jugement dans l’affaire GRK n1 énonce ce qui suit :

La demande est accueillie en partie sans dépens et la décision du Tribunal concernant l’exclusion de produits brevetés est renvoyée au Tribunal pour nouvelle décision conforme aux motifs de la Cour.

[5]               On ne sait pas très bien pourquoi le paragraphe 29 des motifs de GRK n1 mentionne les vis en acier inoxydable brevetées, mais pas les vis en acier au carbone brevetées. Cette question n’a cependant pas été présentée régulièrement à la Cour.

 

[6]               Le 24 mars 2006, l’avocat de GRK Fasteners (qui n’est pas son avocat actuel) a écrit une lettre à la Cour dans laquelle il demandait que le paragraphe 23 des motifs soit corrigé afin de faire état du fait que GRK avait informé la Cour qu’elle avait demandé au TCCE de lui accorder une exclusion concernant ses vis en acier au carbone brevetées de même que ses vis en acier inoxydable brevetées. C’est au paragraphe 23 que la Cour a résumé l’argument de GRK concernant ses brevets. La correction demandée par l’ancien avocat de GRK consistait [traduction] « à ajouter les mots “ et en acier au carbone ” à la deuxième phrase du paragraphe 23 de ses motifs après les mots “ acier inoxydable ” ».

 

[7]               La lettre indique qu’une copie conforme a été envoyée à l’avocat de la défenderesse Leland Industries Inc. (Leland). Celui‑ci n’a fait parvenir à la Cour aucune réponse à la lettre.

 

[8]               GRK n’a pas déposé d’avis de requête pour officialiser sa demande de correction. La Cour a néanmoins apporté la correction au paragraphe 23 des motifs demandée par l’ancien avocat de GRK. Après correction, le paragraphe 23 énonce ce qui suit (les mots ajoutés sont soulignés) :

[23] Dans cet argument, GRK affirme qu’en raison de ces écarts de procédure, le Tribunal a tiré des conclusions de fait qui ne se justifient pas. Ces prétendues erreurs de fait comprennent notamment le rejet de sa demande d’exclusion visant certaines vis en acier inoxydable [et en acier au carbone] brevetées et la conclusion que le dumping de vis en acier inoxydable menaçait de dommage la branche de production nationale.

[9]               Aucune demande de correction n’a été présentée à l’égard du paragraphe 29 des motifs ou du jugement.

 

[10]           Dans une lettre datée du 5 mai 2006 et adressée au TCCE, l’ancien avocat de GRK a porté à l’attention du TCCE les motifs corrigés de GRK no 1 et lui a demandé de rendre une nouvelle décision sur la demande d’exclusion de GRK conformément aux motifs corrigés.

 

[11]           Le TCCE a rendu sa décision consécutive au réexamen le 26 septembre 2006. Dans le cadre de son réexamen, le TCCE, se fondant sur le jugement rendu dans l’affaire GRK no1 et sur le paragraphe 29 des motifs, a interprété la directive de la Cour comme étant une directive de réexamen des observations faites par GRK seulement en ce qui a trait à ses vis en acier inoxydable brevetées.

 

[12]           Dans la présente demande de contrôle judiciaire, GRK fait valoir que le TCCE a commis une erreur en omettant de trancher l’ensemble de la question que la Cour lui a renvoyée. Cet argument est fondé sur le point de vue de GRK selon lequel les motifs corrigés de GRK n1 établissent clairement que la Cour entendait que tant les vis en acier inoxydable brevetées que les vis en acier au carbone brevetées fassent l’objet du réexamen.

 

[13]           Je ne peux accepter l’argument de GRK à cet égard. À mon avis, il était raisonnable que le TCCE se fonde sur le jugement ainsi que sur le paragraphe 29 des motifs (auxquels les corrections susmentionnées n’ont pas été apportées) pour établir l’étendue de l’affaire à réexaminer.

 

[14]           Je souligne que, dans la lettre du 24 mars 2006, dans laquelle il demande d’apporter des corrections au paragraphe 23 des motifs de GRK n1, l’ancien avocat de GRK a déclaré que la correction demandée [traduction] « rectifierait l’erreur commise par inadvertance dans les motifs de la Cour puis dans le jugement ». De toute évidence, il a cru que le changement apporté au paragraphe 23 aurait pour effet de modifier le jugement et la conclusion énoncée au paragraphe 29 des motifs. On ignore pourquoi il a tiré une telle conclusion, mais, quoi qu’il en soit, le fait qu’il a fait cette déclaration dans la lettre du 24 mars 2006 ne contraignait en rien le TCCE ou la Cour à accepter cette interprétation de l’effet de la correction. Le fait que l’avocat de Leland n’a pas répondu à la demande de correction ne permet pas de conclure que Leland était d’accord avec l’interprétation de l’ancien avocat de GRK quant à l’effet de la correction.

 

[15]           GRK soutient également que le TCCE a commis une erreur en ne réexaminant pas à nouveau toute la documentation versée au dossier initial qui était pertinente pour sa demande d’exclusion. GRK soutient que, si le TCCE avait examiné tous les documents pertinents, il n’aurait pas refusé l’exclusion demandée, principalement parce que les vis en acier inoxydable brevetées de GRK étaient vendues à un prix beaucoup plus élevé que toutes les autres vis en acier inoxydable vendues au Canada, et parce qu’environ 98 % des produits de GRK étaient exportés aux États-Unis.

 

[16]           À mon avis, la seule question dont le TCCE était saisi dans le cadre du réexamen était de savoir si la seule existence des brevets constituait un fondement suffisant pour accueillir la demande d’exclusion de GRK. Il s’agit de l’argument présenté à la Cour dans GRK no 1, et c’est parce que le TCCE n’a pas examiné cette question que la Cour a renvoyé cet aspect de l’affaire devant le TCCE pour réexamen.

 

[17]           Je conviens avec Leland que la plupart des arguments avancés par GRK quant au bien-fondé de la décision consécutive au réexamen du TCCE sont en réalité une tentative de débattre à nouveau d’éléments qui ont été tranchés dans GRK n1 en faveur de Leland, surtout en ce qui concerne la conclusion de dommage. Le nouvel examen ne devait pas porter sur la question du dommage. Il était censé porter seulement sur la question de savoir si le rejet de la demande d’exclusion de GRK devait être maintenu étant donné le défaut initial du TCCE d’examiner comme il se doit la demande d’exclusion de GRK à l’égard de ses vis en acier inoxydable brevetées parce qu’elles sont brevetées.

 

[18]           Sur cette question restreinte, le TCCE a conclu que le fait qu’un produit importé est breveté ne justifie pas automatiquement son exclusion. Le motif à l’appui de cette conclusion est énoncé comme suit aux paragraphes 17 et 18 de la nouvelle décision du TCCE :

17.    […] Même si un produit breveté importé peut présenter certaines caractéristiques ou propriétés physiques qui le distinguent du point de vue du droit des brevets, il se peut qu’un produit de production nationale présente les mêmes utilisations finales, réponde à la majorité des mêmes besoins du client et livre concurrence au produit breveté sur le marché. Par conséquent, même lorsqu’une demande d’exclusion de produit vise un produit breveté, le Tribunal doit déterminer si les circonstances de l’espèce sont telles qu’accorder l’exclusion causerait ou menacerait de causer un dommage à la branche de production nationale. […]

18.    Par conséquent, la question fondamentale que doit trancher le Tribunal lorsqu’il décide d’accorder, ou non, une exclusion de produit dans le cas d’un produit breveté n’est pas celle de savoir si ledit produit breveté est unique ou si la branche de production nationale peut le fabriquer sans contrevenir à une loi régissant les brevets. La question est, plutôt, celle de savoir si la branche de production nationale fabrique ou peut fabriquer un produit substituable qui, même s’il pourrait ne pas présenter tous les attributs du produit breveté, livre quand même concurrence au produit breveté et répond à la majorité des mêmes besoins du client. Si ces conditions sont remplies, le Tribunal devrait rejeter la demande d’exclusion de produit, puisque l’accueillir entraînerait vraisemblablement un dommage ou une menace de dommage à la branche de production nationale.

[19]           Après avoir énoncé le principe applicable, le TCCE l’a appliqué à partir de la preuve qu’il estimait pertinente, y compris la preuve de Leland quant à sa capacité de produire des vis en acier inoxydable dans la même fourchette de tailles que les vis en acier inoxydable brevetées de GRK, ainsi que dans une vaste gamme de styles de têtes et dans des tailles impériales et métriques. Le TCCE n’était pas convaincu que les vis en acier inoxydable brevetées pour lesquelles GRK demandait une exclusion étaient à ce point spécialisées ou visaient des marchés à ce point distincts qu’elles ne livraient pas concurrence aux produits de producteurs nationaux.

 

[20]           À mon avis, étant donné la question qui a été présentée régulièrement au TCCE, l’analyse et les conclusions du TCCE à cet égard sont raisonnables. Je ne relève aucune erreur de droit ni aucune autre erreur qui justifie l’intervention de la Cour.

 

Conclusion

[21]           Je rejetterais la présente demande de contrôle judiciaire avec dépens.

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

« Je suis d’accord

            Gilles Létourneau, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

            Johanne Trudel, j.c.a. »

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-468-06

 

 

INTITULÉ :                                                                           GRK CANADA LTD. c.

                                                                                                LELAND INDUSTRIES INC. ET AL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 15 AVRIL 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                LA JUGE TRUDEL

 

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 17 AVRIL 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew Lokan

Cyndee Todgham Cherniak

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Lawrence Herman

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Paliare Roland Rosenberg Rothstein

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Herman & Company

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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