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Date : 20140610


Dossier : T-1739-12

Référence : 2014 CF 555

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Toronto (Ontario), le 10 juin 2014

En présence du protonotaire Kevin R. Aalto

ENTRE :

MIKE HENRY

demandeur

et

BELL MOBILITÉ

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   INTRODUCTION

[1]               Dans la présente action, M. Henry sollicite des dommages‑intérêts, parce que Bell Mobilité a révélé certains renseignements concernant son compte de téléphone cellulaire (le compte) à un tiers non autorisé. La communication des renseignements équivalait à une violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LC 2000, c 5) (la LPRPDE). M. Henry soutient qu’il a subi un préjudice découlant de la divulgation de ces renseignements. Il réclame des dommages‑intérêts qui s’élèvent à 49 500 $, ce qui comprend des dommages‑intérêts compensatoires de 35 500 $, des dommages‑intérêts punitifs de 5 000 $, des dommages‑intérêts généraux de 5 000 $ et des dépens de 4 000 $.

[2]               Bien que l’évaluation de dommages‑intérêts pour atteinte à la vie privée et violation de la LPRPDE ait habituellement lieu par voie de demande, la présente réclamation a été instituée comme action simplifiée. Bell Mobilité a présenté une défense à l’encontre de l’action, mais, à l’ouverture du procès, elle a reconnu sa responsabilité, et la seule question en litige était la détermination du montant de dommages‑intérêts.

II.                LA PREUVE

[3]               Au procès, les affidavits souscrits par M. Henry le 1er novembre 2012, auxquels était joint comme pièce le rapport des conclusions du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (le commissaire à la protection de la vie privée), ainsi que le contre-interrogatoire de M. Henry constituaient les éléments de preuve. L’affidavit d’une personne nommée Ray Beavis (M. Beavis) et souscrit le 1er mai 2013 avait également été signifié et déposé. Toutefois, au début du procès, M. Henry a présenté à la Cour la copie d’un courriel provenant de M. Beavis indiquant qu’il ne pourrait pas être présent à l’audience. M. Henry a fait valoir que nonobstant l’absence de M. Beavis, son affidavit devait être admis. L’avocat de Bell Mobilité s’est opposé à l’affidavit soutenant que, puisque M. Beavis ne pouvait pas être contre‑interrogé à son sujet, l’élément de preuve était donc inadmissible.

[4]               Les faits donnant lieu à la présente action se retrouvent en grande partie dans le rapport des conclusions du commissaire à la protection de la vie privée.

[5]               Essentiellement, une femme n’ayant pas de lien avec M. Henry a communiqué avec Bell Mobilité le 14 octobre 2010 et a demandé des renseignements concernant le compte de M. Henry. La femme a téléphoné à Bell Mobilité et a entrepris de convaincre le représentant du service à la clientèle (RSC) qu’elle devait avoir accès au compte. L’appel a duré environ dix minutes. Le RSC lui a donné accès au compte, malgré le fait que la femme ne connaissait pas le NIP ni d’autres renseignements pertinents concernant le compte. Elle a déclaré qu’elle s’appelait Michea‑l Henry. Elle a convaincu le RSC de modifier le NIP se rapportant au compte et a fait changer le nom du compte pour Michea‑l Henry. La femme connaissait le numéro de téléphone et l’adresse de facturation de M. Henry, mais elle ne connaissait aucun autre renseignement. La transcription de la conversation entre la femme et le RSC était également une pièce jointe à l’affidavit de M. Henry.

[6]               Au cours de l’appel, le RSC a fourni à la femme les renseignements suivants concernant le compte :

a)                  le NIP exact associé au compte;

b)                  la date de la dernière facture émise;

c)                  la date du dernier paiement;

d)                 le montant des dernières factures;

e)                  le montant des derniers paiements effectués;

f)                   le nombre de minutes d’utilisation;

g)                  le type de plan de téléphonie auquel M. Henry avait souscrit;

h)                  les numéros pour lesquels M. Henry avait demandé une assistance‑annuaire;

i)                    les sept derniers numéros composés.

[7]               Le commissaire à la protection de la vie privée a conclu que la communication des renseignements à la femme constituait une violation de la LPRPDE. Le commissaire à la protection de la vie privée a tiré les conclusions suivantes concernant la divulgation de ces renseignements personnels :

[traduction]

Communication des renseignements

30.       Les renseignements personnels du plaignant [M. Henry] ont été communiqués à l’imposteur qui a téléphoné à Bell le 14 octobre 2010 en prétendant être la détentrice du compte. Cet événement n’est contesté ni par le plaignant ni par Bell. Les renseignements personnels communiqués comprenaient le NIP du plaignant ainsi que de l’information sur ses paiements et l’historique des appels de son compte de téléphone mobile.

31.       Le principe 4.3 prévoit que toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu’il ne soit pas approprié de le faire. Étant donné que le plaignant n’a pas donné son consentement pour qu’on communique à l’appelante des renseignements le concernant, le principe 4.3 a été enfreint.

[8]               Le commissaire à la protection de la vie privée a également tiré les conclusions suivantes concernant la plainte de M. Henry à l’encontre de Bell Mobilité et le délai de réponse de Bell Mobilité à M. Henry :

[traduction]

Accès

32.       Une autre question consiste à savoir si Bell a donné au plaignant l’accès aux renseignements personnels qui le concernent et, ce faisant, si elle a respecté ses obligations en vertu de la Loi.

33.       Le principe 4.9 de la Loi exige qu’une organisation permette à toute personne qui en fait la demande de consulter les renseignements personnels qui la concernent. Le paragraphe 8(3) stipule qu’une organisation saisie d’une telle demande doit y donner suite avec la diligence voulue et, en tout état de cause, dans les trente jours suivant sa réception. Le paragraphe 8(4) prévoit la possibilité d’une prorogation du délai dans certaines circonstances. Le paragraphe 8(5) ajoute que, faute de répondre dans le délai, une organisation est réputée avoir refusé d’acquiescer à la demande.

34.       Le plaignant a demandé l’accès à ses renseignements personnels le 8 novembre 2010. Toutefois, Bell ne lui a répondu que le 21 décembre 2010. Le délai d’intervention est supérieur à trente jours, plus long que ce que le permet le paragraphe 8(3). L’entreprise n’a pas tenté de proroger le délai en invoquant l’un des motifs cités au paragraphe 8(4). Par conséquent, conformément au paragraphe 8(5), nous sommes d’avis que l’entreprise a refusé d’acquiescer à la demande, étant donné qu’elle n’a pas respecté le délai permis de trente jours. L’entreprise, en ne donnant pas suite à la demande dans le délai prescrit, a enfreint le principe 4.9.

[9]               Dans son témoignage, outre les renvois aux conclusions du commissaire à la protection de la vie privée, M. Henry a témoigné concernant une occasion d’affaires qu’il aurait perdue. L’occasion d’affaires visait la réalisation d’un film documentaire sur l’environnement. M. Henry se décrit lui-même comme ayant plusieurs professions, quoique tout récemment il ait travaillé dans le domaine de la construction et dans l’industrie du pétrole dans le nord de l’Alberta. Il a indiqué qu’il avait eu plusieurs autres emplois, mais a reconnu qu’il n’avait auparavant participé à la réalisation d’aucun film.

[10]           Il semble que M. Henry ait tenté de réaliser un documentaire sur la pollution de l’eau et de l’air ainsi que la pollution par le pétrole, un documentaire à la « Michael Moore » pour citer M. Henry. Selon son témoignage, il était en train de réaliser et de préparer le documentaire et avait obtenu du financement de M. Beavis. Il a déclaré que M. Beavis avait retiré son financement, parce qu’une femme non identifiée lui avait téléphoné et lui avait laissé entendre que M. Henry n’était pas fiable ni digne de foi. Tout le témoignage concernant le prétendu appel fait à M. Beavis constituait du ouï-dire. J’y accorde très peu de poids.

[11]           Bien que M. Henry puisse croire que M. Beavis a refusé de financer le documentaire en raison d’un appel téléphonique d’une femme, aucun élément de preuve direct, convaincant ou admissible n’a été présenté à la Cour concernant un appel téléphonique fait à M. Beavis qui a eu pour effet de mettre le financement du documentaire de M. Henry en péril. Aucun élément de preuve direct n’établit de corrélation entre la divulgation du compte de M. Henry et un appel téléphonique fait à M. Beavis.

[12]           En réponse à une question posée lors de son contre-interrogatoire concernant les montants d’argent qu’il avait dépensés à l’égard du documentaire et à la question de savoir s’il existait des documents concernant le documentaire, M. Henry a reconnu qu’il n’y avait rien. Il n’avait pas de reçus, de factures, de plan d’affaires, d’accord de financement ni aucune autre chose qui aurait pu indiquer qu’une forme de financement existait. Il y avait en preuve un DVD qui, selon M. Henry, montrait la séquence d’ouverture du documentaire. La Cour a visionné ce DVD et, bien que le générique d’ouverture mentionne M. Henry comme réalisateur et d’autres personnes participant à la réalisation, le documentaire montre essentiellement M. Henry tentant d’avoir accès à une installation pour photographier des infractions environnementales alléguées. Les efforts de M. Henry pour réaliser un documentaire concernant l’environnement sont louables. Malheureusement, la preuve présentée à la Cour qu’un véritable documentaire en voie de réalisation ferait l’objet d’une distribution commerciale constitue au mieux une preuve ténue.

[13]           M. Henry n’a présenté aucun élément de preuve concernant des problèmes médicaux, y compris le stress, qu’il dit avoir subis en raison de la communication de ses renseignements personnels.

III.             LES POSITIONS DES PARTIES

[14]           M. Henry soutient que la communication des renseignements personnels à la femme inconnue a porté atteinte à sa vie privée. Il a fait valoir que la communication des renseignements lui avait causé du stress, avait pris beaucoup de son temps et avait entraîné la perte de son occasion d’affaires concernant le documentaire. Il sollicite des dommages‑intérêts de 49 500 $.

[15]           Pour sa part, Bell Mobilité ne conteste pas qu’une femme qui n’avait pas l’autorisation d’accéder au compte de M. Henry a porté atteinte à la vie privée de celui-ci. Bell Mobilité soutient toutefois que les dommages‑intérêts se situent au mieux à l’intérieur d’une fourchette limitée et qu’aucun élément de preuve n’appuie la réclamation de dommages‑intérêts compensatoires que fait valoir M. Henry au titre du documentaire. Selon Bell Mobilité, les dommages‑intérêts réclamés concernant le documentaire ne sont pas prévisibles et aucun lien de causalité n’a été prouvé entre l’atteinte à la vie privée et l’ingérence alléguée dans le financement du documentaire.

IV.             ANALYSE

[16]           À la lumière de la preuve présentée par M. Henry et des positions adoptées dès le début du procès, je conclus qu’il y a eu atteinte aux droits à la vie privée de M. Henry en ce qui concerne son compte. Cette conclusion est conforme aux conclusions du commissaire à la protection de la vie privée et se fonde principalement sur le rapport de celui‑ci et la reconnaissance par Bell Mobilité qu’une atteinte à la vie privée injustifiée a eu lieu.

[17]           Je conclus également qu’il n’existe aucun fondement pour adjuger des dommages‑intérêts compensatoires. Je conclus ainsi pour plusieurs motifs. Premièrement, il y a l’absence totale de la preuve concernant l’élaboration du documentaire et son financement. Deuxièmement, compte tenu de la preuve ténue dont je dispose, il n’y a aucun fondement démontrant un lien de causalité entre la perte alléguée de financement du documentaire et la communication des renseignements personnels de M. Henry. Troisièmement, il y a la femme inconnue qui a téléphoné à Bell Mobilité pour obtenir les sept derniers numéros que M. Henry avait composés. M. Henry a reconnu qu’aucun de ces numéros n’était le numéro de téléphone de M. Beavis. Dans son témoignage, M. Henry a bien parlé d’une personne en mesure de trouver le numéro de téléphone de M. Beavis, mais dire qu’il s’agissait de la même femme n’était qu’une simple conjecture et aucun élément de preuve n’a montré que les deux femmes étaient la même personne. Quatrièmement, M. Henry ne disposait d’aucun chèque, d’aucune facture, d’aucun échange de courriels, d’aucun plan d’affaires, ni d’aucun autre document concernant son documentaire. Cinquièmement, le DVD qui contient une partie du documentaire est insuffisant pour étayer la prétention de l’ampleur invoquée par M. Henry. Sixièmement, la preuve de M. Beavis concernant l’appel téléphonique et son refus de financer le documentaire constitue du ouï-dire aux fins du présent procès, puisqu’il n’était pas disponible pour être contre‑interrogé. Cette preuve est inadmissible et n’a aucune valeur. Même si l’affidavit de M. Beavis était admis en preuve, il n’établirait pas de lien suffisant entre la femme qui a obtenu les renseignements concernant M. Henry et les allégations faites à l’égard de l’appel téléphonique. En conséquence, je ne peux accorder de dommages‑intérêts compensatoires concernant le documentaire.

[18]           Toutefois, les dommages-intérêts constituent une mesure de réparation appropriée pour une atteinte à la vie privée prévue par la LPRPDE. Il existe une série de décisions prononcées par la Cour et qui portent sur la question de l’adjudication de dommages‑intérêts pour atteinte à la vie privée. Plus particulièrement, dans Nammo c TransUnion of Canada, 2010 CF 1284, le juge Russell Zinn a énoncé certains facteurs non exhaustifs à prendre en compte lors de l’évaluation de dommages-intérêts dans des affaires comme celle en l’espèce. Dans Girao c Zarek Taylor Grossman Hanrahan LLP, 2011 CF 1070, le juge Richard Mosley fait ainsi un résumé utile de ces principes aux paragraphes 46 et suivants :

46.       Au paragraphe 76 de la décision Nammo, le juge Zinn a énoncé certains facteurs non exhaustifs qui pouvaient être appliqués aux demandes de dommages-intérêts en vertu de la LPRPDE devant la Cour :

     si les dommages‑intérêts sont conformes à l’objet général de la LPRPDE et aux valeurs qui y sont enchâssées;

     si des dommages‑intérêts devraient être accordés pour décourager la perpétration d’autres violations;

     la gravité ou l’énormité de la violation.

47.       Lorsqu’il a évalué la gravité de la violation en cause, le juge Zinn a pris en compte les considérations suivantes dans son analyse aux paragraphes 68 à 71 de Nammo :

     les incidences de la violation sur la santé, le bien-être et la situation sociale, commerciale et financière du demandeur;

 

     la conduite de la défenderesse avant et après la violation;

 

     si la défenderesse avait profité de la violation.

48.       Parmi les autres facteurs qui peuvent être pertinents pour évaluer la gravité de la violation, l’on peut mentionner :

     la nature des renseignements en cause;

     la nature de la relation entre les parties;

     des violations antérieures commises par la défenderesse qui dénotent un manque de respect du droit au respect de la vie privée.

49.       Dans la présente affaire, les renseignements étaient personnels, mais pas très sensibles. J’admets que la violation en l’espèce était un incident isolé. Il n’y a rien au dossier qui porte à croire que les documents auraient été affichés malicieusement ou dans l’intention de causer un préjudice. Voir : Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130, au paragraphe 196. Il n’y a non plus aucune preuve de violations répétées du droit au respect de la vie privée par la défenderesse. Cependant, la communication a été faite sous une forme qui met en cause le système législatif lui-même en ce qu’elle était reliée à une enquête et un rapport de conclusions de la CPVPC.

[19]           Après avoir examiné ces différents facteurs, des dommages‑intérêts devraient être accordés à M. Henry pour être conformes à l’objet général de la LPRPDE. Toutefois, en ce qui a trait aux effets nuisibles sur la santé de M. Henry, son bien-être et sa situation sociale, commerciale et financière, la preuve est au mieux ténue. Il n’y avait aucune preuve médicale de stress ou de problème de santé chez M. Henry. De plus, comme je l’ai déjà mentionné, la preuve concernant la situation financière de M. Henry et le documentaire n’est tout simplement pas convaincante ni n’appuie l’existence d’une perte. En outre, il ne s’agit pas d’une affaire dans laquelle Bell Mobilité a profité de la violation et celle-ci a tenté de réparer le préjudice de M. Henry en apportant des rajustements au compte. Finalement, la nature des renseignements communiqués n’est pas aussi importante que des renseignements médicaux ou des renseignements financiers précis qui peuvent nuire au crédit d’une personne.

[20]           En réponse aux conclusions du commissaire à la protection de la vie privée, Bell Mobilité a pris des mesures correctives en ce qui concerne le RSC en cause et a mis en œuvre une meilleure formation. Les objectifs de la LPRPDE ont été atteints.

[21]           De façon générale, les dommages‑intérêts dans le cas d’une violation des dispositions de la LPRPDE varient en moyenne de zéro à 5 000 $. Il y a une affaire, discutée plus loin, qui constitue une anomalie, puisque les dommages‑intérêts accordés atteignaient 21 000 $.

[22]           Le tableau ci-dessous présente un résumé des affaires portant sur l’atteinte à la vie privée et sur lesquelles la Cour s’est prononcée :

décisionS

NATURE DE LA VIOLATION

DOMMAGES‑INTÉRÊTS

Stevens c SNF Maritime Metal Inc, 2010 CF 1137

Communication de renseignements financiers

AucunS

Randall c Nubody’s Fitness Centres, 2010 CF 681

Communication de l’utilisation du centre de conditionnement à l’employeur

AucunS

Biron c RBC Banque Royale, 2012 CF 1095

Communication de relevés de carte de crédit dans le cadre d’une instance en divorce

2 500 $ + les dépens

Townsend c Financière Sun Life, 2012 CF 550

Communication de renseignements médicaux à un tiers

AucunS

Girao c Zarek Taylor Grossman Hanrahan LLP, 2011 CF 1070

Communication de renseignements personnels concernant des problèmes de santé

1 500 $ + 500 $ pour les dépens

Landry c Banque Royale du Canada, 2011 CF 687

Communication de renseignements financiers dans le cadre d’une instance en divorce

4 500 $ + les dépens


 

Nammo c TransUnion of Canada Inc, 2010 CF 1284

Communication de renseignements personnels inexacts à une banque entraînant des problèmes de crédit

5 000 $ + 1 000 $ pour les dépens

[23]           La décision Chitrakar c Bell TV, 2013 CF 1103, est la décision qui se situe sensiblement à l’extérieur de cette fourchette de dommages‑intérêts. M. Henry soutient que cette décision devrait être suivie pour évaluer ses dommages‑intérêts.

[24]           L’affaire Chitrakar était une demande de dommages‑intérêts pour atteinte à la vie privée. Dans cette affaire, Bell TV avait fait une « vérification » de solvabilité de M. Chitrakar avant d’installer le service de télévision par satellite. Un mois après l’installation du service, M. Chitrakar a été tenu d’apposer sa signature sur un dispositif de confirmation de livraison. Ce document n’était pas simplement la confirmation de la livraison du service de télévision par satellite, mais constituait dans les faits le contrat de location de Bell TV, lequel contenait une autorisation d’effectuer une vérification de solvabilité. Le commissaire à la protection de la vie privée a conclu à l’atteinte aux droits à la vie privée du demandeur.

[25]           De façon étonnante, Bell TV n’a pas, pour des raisons inconnues, présenté de défense contre l’action. Au procès, la cour a conclu que le défaut de comparaître de Bell TV reflétait son manque d’égards pour les droits à la vie privée de M. Chitrakar. La cour a également conclu que la « vérification » de la solvabilité de M. Chitrakar avait eu des conséquences négatives, puisqu’elle pouvait entraîner une diminution de la cote de solvabilité d’une personne. Un élément de preuve montrait que M. Chitrakar s’était vu refuser une demande de prêt étudiant, mais la cour a conclu qu’il n’y avait pas de lien direct entre la vérification de solvabilité de Bell TV et le refus du prêt étudiant à M. Chitrakar. Dans les circonstances précises de cette affaire, aucun élément de preuve ne montrait que Bell TV avait modifié ses politiques en matière de contrat, compte tenu du rapport du commissaire à la protection de la vie privée; aucun élément de preuve ne montrait que Bell TV avait reconnu l’atteinte et Bell TV n’avait présenté aucune preuve. La Cour a donc accordé des dommages‑intérêts généraux de 10 000 $, plus des dommages‑intérêts exemplaires de 10 000 $, ainsi qu’une somme de 1 000 $ pour les débours.

[26]           La décision Chitrakar se distingue de l’espèce en ce que Bell Mobilité a reconnu sa responsabilité pour l’atteinte aux droits à la vie privée de M. Henry. Elle a pris des mesures pour mieux former les RSC. Elle n’a aucunement profité de la violation et a reconnu que M. Henry avait droit à des dommages‑intérêts en conformité avec la jurisprudence de la Cour. Bell Mobilité a soutenu que des dommages‑intérêts se situant entre 1 500 $ et 2 000 $ étaient plus que suffisants pour indemniser M. Henry dans les circonstances.

[27]           Après avoir examiné l’ensemble de la preuve et la jurisprudence, et vu les circonstances dans lesquelles la femme a amené le représentant de Bell à apporter les modifications aux comptes et l’étendue des renseignements communiqués, je suis d’avis que des dommages‑intérêts de 2 500 $ sont suffisants. M. Henry se représentait lui-même au procès, même s’il un avocat était inscrit au dossier pour l’aider plus tôt dans l’instance. Dans les circonstances, la Cour adjuge des dépens de 1 000 $ pour les débours et les frais d’avocat.


JUGEMENT

la cour statue que :

1.                  Le demandeur a droit à un paiement de 2 500 $ et aux intérêts avant et après jugement de la part de la défenderesse.

2.                  Le demandeur a droit à des dépens fixés et payables de 1 000 $, y compris les débours et la TVH.

« Kevin R. Aalto »

Protonotaire

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche


cour fédérale

avocats inscrits au dossier


Dossier :

T-1739-12

 

Intitulé :

MIKE HENRY c BELL MOBILITÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 mai 2014

 

Motifs du jugement
et jugement :

 

Le protonotaire AALTO

 

Date des motifs

ET DU JUGEMENT :

 

Le 10 juin 2014

Comparutions :

Mike Henry

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Noel Peacock

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mike Henry (se représentant lui‑même)

Winnipeg (Manitoba)

 

Pour le demandeur

 

Service juridique de Bell

Toronto (Ontario)

Pour la défenderesse

 


 

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