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Date: 20111228

Dossier : T-1676-07

Référence : 2011 CF 1520

Ottawa (Ontario), le 28 décembre 2011

En présence de monsieur le juge Scott 

 

ENTRE :

 

LES PRODUCTIONS TOONCAN (XIII) INC

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               Productions Tooncan (XIII) inc. (Tooncan) demande à la Cour de réviser la décision prise par le ministre du Patrimoine canadien (défendeur) le 20 août 2007, de révoquer le certificat, partie A, de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne de Tooncan, numéro A081151-A081176, pour la production SNAILYMPICS (II) aux termes du paragraphe 125.4 (6) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl.), tel que modifié [LIR] ainsi que de l’alinéa 1106(1)(ii) du Règlement de l’impôt sur le revenu, CRC, c 945 [RIR].

 

[2]               Tooncan demande également à la Cour de rendre une ordonnance pour forcer le défendeur à émettre le certificat d’achèvement, partie B, en vertu du programme de crédit d’impôt à la production cinématographique pour la série SNAILYMPICS II ainsi que toutes autres ordonnances jugées appropriées par la Cour.

 

[3]               Pour les raisons qui suivent, la demande de révision judiciaire de Tooncan est accueillie mais que pour les dépens.

 

II.                Faits

 

A.        Les parties et l’engrenage administratif

 

[4]               Paul Cadieux est un homme d’affaires de la ville de Westmount et représentant dûment mandaté de Tooncan.

 

[5]               Le Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens [BCPAC] est le directorat du ministère du Patrimoine canadien qui administre, pour le défendeur, les responsabilités qui lui sont attribuées en matière de certification de production cinématographique et audiovisuelle aux termes de la LIR et du RIR.

 

[6]               Le BCPAC détermine notamment le statut des productions canadiennes et des œuvres aux fins de l’obtention d’avantages fiscaux aux termes du programme de crédit d’impôt à la production cinématographique et magnétoscopique canadienne. Le crédit d’impôt à la production cinématographique et magnétoscopique canadienne accorde aux productions admissibles un avantage fiscal de 25% des coûts reliés à la main-d’œuvre admissible. Ainsi, un producteur canadien qui participe à une coproduction internationale peut recevoir les mêmes avantages fiscaux que ceux qui sont accordés aux productions nationales.

 

[7]               Téléfilm Canada (Téléfilm) est une société de la Couronne constituée aux termes de la Loi sur Téléfilm Canada, LRC (1985), c C-16 [LTFC]. Cette société administre, entre autres, les traités de coproductions internationales auxquelles est partie le gouvernement du Canada. L’article 17 de la LTFC, précise que Téléfilm est mandataire de Sa Majesté la reine.

 

[8]               Aux termes d’une entente administrative entre le défendeur et Téléfilm, ce dernier doit évaluer les projets de coproductions et lui présenter une recommandation quant au statut d’une production à titre de coproduction prévue par un accord. Téléfilm rend d’abord cette décision sous forme de décision anticipée et procède par la suite à une révision finale lorsque la production audiovisuelle est complétée.

 

[9]               Ultimement, le défendeur a le pouvoir d’accorder un certificat lorsqu’un producteur satisfait à toutes les exigences prévues aux termes de la LIR et du RIR. Un certificat est délivré en deux étapes. Le certificat, partie A, est livré après l’analyse administrative d’un dossier écrit confirmant qu’une production satisfait tous les critères énoncés à la LIR et au RIR et peut être délivré soit avant ou pendant la production afin d’en faciliter le financement ou la réclamation d’un crédit d’impôt à la fin de l’exercice fiscal. Le certificat, partie A, fait l’objet d’une condition suspensive puisque le producteur doit obtenir le certificat d’achèvement (partie B) dans le délai prescrit par le RIR.

 

[10]           Une fois la production achevée, la partie B du certificat peut être délivrée à condition que la production satisfasse tous les critères énoncés dans la LIR et le RIR.

 

[11]           Tooncan recherche la livraison d’un certificat donnant droit à un crédit d’impôt pour une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne pour sa série SNAILYMPICS II. Conséquemment, SNAILYMPICS II doit satisfaire tous les critères énoncés dans la LIR et le RIR pour se qualifier à titre de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne.

 

B.        Les démarches de Tooncan

 

[12]           Le 23 décembre 1998, Tooncan dépose une demande de décision anticipée de coproduction internationale à Téléfilm, pour un projet de coproduction d’une série télévisuelle entre le Canada et l’Espagne.

 

[13]           Le 19 janvier 1999, Téléfilm rend sa décision anticipée de statut de coproduction pour la série SNAILYMPICS I. Téléfilm se dit d’avis que le projet respectera l’Accord sur les relations dans le domaine cinématographique entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de l’Espagne (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-2).

 

[14]           Le 30 juin 1999, Michael Wernick, sous-ministre adjoint du Développement culturel, Patrimoine Canada, signe une note de service qui accompagne la partie A du certificat de coproduction (Affidavit du représentant de la demanderesse, pièce P-3). M. Wernick y écrit : « Téléfilm Canada nous a assuré que cette production est conforme aux termes de l’accord en matière de coproductions Canada-Espagne ». Il précise aussi qu’il « [semble  […] que la production, une fois achevée, sera conforme aux exigences énoncées à l’article 1106 du Règlement de l’impôt sur le revenu ». Finalement, la note conclut que : « le producteur devra soumettre au BCPAC, dans les vingt-cinq mois suivant la fin de l’année d’imposition au cours de laquelle les principaux travaux de prise de vue ont commencé, une demande de certification d’achèvement (partie B) dûment remplie ».

 

[15]           Le 30 juin 1999, la ministre du Patrimoine canadien, Mme Sheila Copps, signe le certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadien, partie A, pour la série SNAILYMPICS I (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-4).

 

[16]           Le 13 août 2001, Téléfilm dépose sa recommandation pour approbation finale pour SNAILYMPICS I (Affidavit du représentant de la demanderesse, pièce P-5), suite à l’analyse de la demande de certification présentée le 27 février 2001 (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-6).

 

[17]           Le 20 novembre 2001, le BCPAC fait parvenir à Tooncan le certificat d’achèvement, partie B, de SNAILYMPICS I, signé par Michael Wernick, sous-ministre adjoint du Développement culturel, au nom du défendeur (Affidavit du représentant de Tooncan pièce P-7).

 

[18]           Le 10 avril 2001, Tooncan dépose à Téléfilm une demande de décision anticipée de coproduction internationale pour le projet SNAILYMPICS II.

 

[19]           Le 26 février 2002, Téléfilm rend sa décision anticipée de statut de coproduction pour SNAILYMPICS II et accepte la demande de décision anticipée présentée par Tooncan (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-11).

 

[20]           Le 14 mars 2003, Tooncan dépose une demande d’approbation finale et demande son certificat, parties A et B, au BCPAC (Affidavit du représentant de Tooncan, pièces P-12 et P-13).

 

[21]           Le 9 juillet 2003, le BCPAC autorise le certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadien, partie A, signé par Susan Peterson, sous-ministre adjointe des Affaires culturelles, Patrimoine Canada, au nom du défendeur (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-14).

 

[22]           Le 15 octobre 2003, Tooncan écrit au BCPAC afin de confirmer que tous les documents pour procéder à l’analyse, partie B, de SNAILYMPICS II ont bel et bien été déposés (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-15).

 

[23]           Le 18 mars 2004, Tooncan envoie un courriel à Brigitte Monneau, directrice coproductions internationales de Téléfilm, suite à une rencontre entre M. Paul Cadieux, son représentant, et Mme Monneau. Dans son courriel (Affidavit du représentant de la demanderesse, pièce P-16), le représentant de Tooncan explique à Mme Monneau que l’Espagne n’a aucune obligation de soumettre les comptes finaux de la coproduction. De plus, il précise que la production s’est très mal terminée. Il écrit : « Nous avons, dans le cas de la série II, rendu au Canada tous les mêmes services que pour la série I et nous avons respecté le partage des tâches établies au moment de la décision anticipée ».

 

[24]           La même journée, Mme Monneau répond à Tooncan (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-16) :

Le problème que nous vivons actuellement – et qui n’était pas là quand nous nous sommes parlés lors de la commission mixte – est que ce projet a été accepté en l’absence de traité TV entre le Canada et l’Espagne. Or, le ministère du Patrimoine questionne maintenant cet état de fait et il se pourrait que, ultimement, Revenu Canada questionne aussi l’admissibilité du projet aux crédits d’impôts.

 

Dans ce contexte, il nous est difficile, en tant qu’administrateur du Traité, de donner une approbation finale en ajoutant une autre dérogation; à savoir, l’absence de validation des chiffres du pays coproducteur. Aussi, je suis au regret de t’informer que nous devons laisser ce projet « sur la glace » tant que la situation du traité ne sera pas réglée.

 

[25]           Le 13 juin 2005, le BCPAC écrit à Tooncan, rappelant entre autres la date limite de 48 mois pour soumettre les documents manquants aux fins d’évaluation et d’émission du certificat de production (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-17).

 

[26]           Le 4 juillet 2005, suite à la lettre du BCPAC du 13 juin 2005, Mme Annie Bourdeau, représentante de Tooncan, s’adresse à Mme Monneau, de Téléfilm, pour lui demander qu’elle recommande la coproduction à l’étape de la certification. En outre, Tooncan écrit que Mme Monneau a déjà déclaré « que ce genre de situation n’était pas un précédent et qu’exceptionnellement, [Téléfilm peut] émettre une finale sans l’accord final de l’autre pays » (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-18).

 

[27]           Mme Monneau répond le même jour et souligne, dans son courriel, que les autorités espagnoles n’envisagent pas pour le moment de reconnaître les productions réalisées antérieurement à la signature d’un nouveau traité qui inclurait les productions télévisuelles. Elle écrit plus bas :

[…]  Sache que le ministère du Patrimoine travaille activement à résoudre la situation, mais que pour le moment, tout est bloqué. Le BCPAC est au courant et je suppose que si la situation venait à se débloquer après les échéances normales de dépôt, une exception pourrait être faite par eux compte tenu des circonstances.

 

[28]           Le 9 septembre 2005, soit avant l’échéance du 31 octobre 2005, la demanderesse écrit à Kenny Duggan, analyste du dossier à Téléfilm, pour lui expliquer la situation (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-19).

 

[29]           M. Duggan répond par courriel le 12 septembre 2005 (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-19) :

[…]  Le ministère est au courant de la situation et travaille pour la régler le plus rapidement possible, mais pour le moment nous ne pouvons procéder. Le BCPAC est au courant de la situation et pour l’instant même si le BCPAC recevait une recommandation de notre part (ce qu’on ne peut pas faire), votre dossier serait bloqué à leur bureau.

 

[30]           Le 10 octobre 2006, soit presque onze mois après l’échéance fatidique du 31 octobre 2005, entre en vigueur une modification à l’accord sur les relations cinématographiques entre le Canada et l’Espagne. Désormais, les productions télévisuelles sont couvertes par le traité (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-20).

 

[31]           Téléfilm ne transmet pas de recommandation au BCPAC avant l’échéance du 31 octobre 2005.

 

[32]           Le 20 août 2007, Tooncan reçoit la décision du défendeur (Affidavit du représentant Tooncan, pièce P-1). Le défendeur conclut que :

[…]  Le paragraphe 1106(1) du [RIR] définit une « production exclue » comme « une production à l’égard de laquelle […] (ii) aucun certificat d’achèvement [certificat partie B] la concernant n’a été délivré avant la date limite d’attestation de la Production ».

 

Le Règlement fixe une échéance de 48 mois pour qu’un certificat partie B soit émis par la ministre du Patrimoine canadien. L’échéance est calculée à partir de la date de la fin de la première année d’imposition au cours de laquelle les principaux travaux de prise de vue ont commencé.

 

Pour cette production, la date de commencement des principaux travaux de prise de vue était le 10 mai 2001 et la date de fin de la première année d’imposition était le 31 octobre 2001. L’échéance de 48 mois était le 31 octobre 2005, mais le certificat partie B n’a pas été délivré parce que le BCPAC n’a pas reçu toute la documentation requise pour recommander l’émission de ce certificat.

 

[…] SNAILYMPICS (II) est une « production exclue » aux termes du [crédit d’impôt à la production cinématographique ou magnétoscopique canadienne].[…]

 

[33]           Le 24 août 2007, le représentant de Tooncan dépose deux demandes d’accès à l’information pour obtenir l’intégralité des dossiers SNAILYMPICS I et SNAILYMPICS II. Il cherche, par ces demandes, à démontrer que le défendeur, par son mandataire Téléfilm, accorde des recommandations finales de statut de coproduction en dérogeant à la Loi ou en l’absence de traités formels.

 

[34]           Le 21 septembre 2007, le représentant de Tooncan dépose une troisième demande d’accès à l’information pour obtenir les catalogues des coproductions dans le but d’établir que certaines productions sont certifiées, même en l’absence de traités.

 

[35]           Le 19 octobre 2007, Pierre-Yves Marchand, parajuriste à Téléfilm, remet copies des deux catalogues de coproductions publiques pour les années 1999 et 2001.

 

[36]           Le 14 décembre 2007, le représentant de Tooncan reçoit la réponse à ses deux premières demandes d’accès à l’information.

 

[37]           Durant la période des fêtes 2007-2008, le représentant de Tooncan se penche sur les documents reçus aux termes de ses demandes d’accès à l’information. Il constate que les autorités espagnoles ont, dans le cas de SNAILYMPICS I, communiqué leur accord au statut de coproduction qu’au moment de l’approbation préliminaire, soit le 22 septembre 1998 (Affidavit supplémentaire du représentant de Tooncan, pièce P-28). La même situation se produit pour SNAILYMPICS II le 1er février 2002 (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-22). Il soutient de plus qu’au moins 33 productions auraient reçu des certificats, parties A et B, en l’absence de traités, entre les années 1987 et 1999 (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-33).

 

III.       Législation

 

[38]           Les articles pertinents de la Loi de l’impôt sur le Revenu [LIR] et le Règlement de l’impôt sur le Revenu [RIR] sont reproduits en annexe aux présents motifs.

 

IV.       Questions en litige et normes de contrôle

 

A.        Questions en litige

 

[39]           Cette demande de révision judiciaire soulève les questions suivantes :

 

1.         Le défendeur a-t-il manqué à son devoir de respecter les principes d’équité procédurale?

 

2.         La décision du défendeur  de révoquer le certificat de coproduction de Tooncan est-elle raisonnable ?

 

B.        Normes de contrôle

 

[40]           Dans l’affaire Tricon Television29 Inc c Canada (Ministre du Patrimoine canadien), 2011 CF 435, [2011] ACF no 547, le Juge Hughes écrit, au paragraphe 31 de sa décision, que :

De manière générale les principes juridiques applicables énoncés par la Cour suprême du Canada notamment dans les arrêts Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339, et Baker c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 RCS 817, ne sont pas contestés :

 

1.  Dans le cadre du contrôle judiciaire d'une décision d'un office fédéral, la norme de la décision correcte s'applique aux questions de droit;

 

2.  Dans le cadre du contrôle judiciaire d'une décision d'un office fédéral qui a agi dans les limites du mandat qui lui a été confié par la loi, la question doit être tranchée en fonction de la norme de la décision raisonnable et il convient de faire preuve de déférence envers l'office fédéral, en particulier lorsque la décision relève de son expertise unique;

 

3.  Lorsqu'il est question de justice naturelle, d'équité et d'impartialité, la norme commande le respect de ces principes;

 

4.  Les motifs fournis par l'office fédéral doivent être intelligibles et transparents, suffisants pour informer le destinataire de l'issue et du raisonnement qui y a conduit.

 

[41]           La norme de contrôle applicable aux questions qui soulèvent l’application de la théorie des attentes légitimes, de la préclusion promissoire et des règles d’équité procédurale est celle de la décision correcte.

 

[42]           La norme de contrôle applicable à la décision du défendeur de révoquer le certificat de coproduction de Tooncan est celle de la décision raisonnable.

 

V.        Position des parties

 

A.        Position de Tooncan

 

[43]           Tooncan allègue que la décision du défendeur est déraisonnable et prise de façon arbitraire et abusive, sans respecter la Loi et les pratiques administratives. La décision de révoquer le certificat est mal fondée en faits et en droit puisque ce dossier ne présente aucun des motifs de révocation prévus à la LIR. La demanderesse n’a fait aucun énoncé inexact ou commis d’omissions en vue d’obtenir le certificat, partie A.

 

[44]           Tooncan soutient avoir réalisé tous les éléments de la production et avoir respecté les proportions des contributions financières auxquelles elle s’est engagée.

 

[45]           Le motif de révocation invoqué dans la décision (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-1) est sans fondement puisque le défendeur avait en main toute l’information nécessaire pour délivrer le certificat d’achèvement, partie B. En accordant le certificat de production partie A, le 9 juillet 2003, le défendeur ne pouvait ignorer que le traité de coproduction avec l’Espagne n’incluait pas, de façon formelle, les productions télévisuelles. Le défendeur ne pouvait donc pas justifier la révocation du certificat, partie A, et le refus de livrer le certificat d’achèvement, partie B, au fait que le traité avec l’Espagne n’incluait pas formellement les productions télévisuelles.

 

[46]           Suite à l’analyse de la demande anticipée présentée par Tooncan, Téléfilm prenait position dans sa recommandation du 26 février 2002, selon laquelle le projet « respectera les normes de l’Accord [sur les relations cinématographiques entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de l’Espagne], sous réserve [de certaines] conditions » (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-11).

 

[47]           Tooncan prétend de plus que la production SNAILYMPICS II respecte l’esprit du traité avec l’Espagne. Les programmes gouvernementaux et les dispositions législatives applicables en l’instance visent à favoriser la création, par le secteur privé, de produits canadiens pour diffusion dans les marchés locaux et internationaux. De fait, Tooncan se fonde sur les paramètres du traité avec l’Espagne concernant le cinéma et soutient qu’ils s’appliquent par analogie aux productions télévisuelles, sans autres formalités.

 

[48]           Tooncan n’a rien à se reprocher puisqu’elle donne suite à ses engagements et se conforme aux directives du défendeur et de Téléfilm.

 

[49]           Tooncan rappelle que Téléfilm procède à la recommandation finale pour la série SNAILYMPICS I en l’absence de toute communication avec les autorités espagnoles et donc, sans aucune confirmation sur les comptes finaux du coproducteur espagnol. Tooncan souligne, par ailleurs, que dans le cas de SNAILYMPICS II, Téléfilm insiste cependant sur le fait que le coproducteur espagnol n’a aucune obligation de déposer ses comptes finaux auprès des autorités espagnoles.

 

[50]           Les gestes posés par Téléfilm, à titre de mandataire du défendeur, lient celui-ci. Téléfilm écrit, dans ses recommandations pour la livraison du certificat, partie A, que la production SNAILYMPICS II respecte les termes du traité de coproduction avec l’Espagne. Sous peine d’abus de pouvoir, le défendeur se doit de délivrer le certificat d’achèvement, partie B, puisqu’il l’a fait auparavant avec la production SNAILYMPICS I. En prenant ses décisions, le défendeur doit agir de façon cohérente.

 

[51]           Selon Tooncan, l’absence d’un avenant télévisuel ou traité de coproduction entre les deux pays ne saurait faire obstacle à l’émission du certificat d’achèvement. Le défendeur a déjà accordé des certificats d’achèvement à d’autres coproductions même en l’absence de l’avenant télévisuel à un traité (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-33).

 

[52]           En comparant les dates de signatures des traités aux dates de production indiquées dans les catalogues de Téléfilm (voir les coproductions énumérées aux paragraphes 18 à 21 de l’affidavit supplémentaire du représentant de Tooncan), Tooncan prétend que le défendeur a signé des certificats sous les parties A et B, aux termes de la LIR et du RIR, en l’absence de traités formels entre le Canada et d’autres pays étrangers.

 

[53]           Le défendeur aurait pu signer le certificat d’achèvement, partie B,  après la conclusion de l’avenant télévision dans le traité avec l’Espagne, signé le 10 octobre 2006 (Affidavit du représentant de Tooncan pièce P-20).

 

[54]           D’autre part, Tooncan prétend que les termes du paragraphe 125.4 (6) de la LIR suggèrent que le processus de certification n’est pas empreint de formalisme, mais plutôt assujetti à  un processus décisionnel flexible.

 

B.        Position du défendeur

 

[55]           Le défendeur prétend respecter tous les principes de l’équité procédurale dans ses rapports avec Tooncan. La décision de révoquer le certificat n’est pas discriminatoire.

 

[56]           D’ailleurs, Tooncan a pu bénéficier d’une prolongation de délai pour la production des documents nécessaires à l’analyse de sa demande (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce

P-17). Le délai additionnel accordé à Tooncan résulte d’une modification au RIR, plus particulièrement la Section VII.

 

[57]           Tooncan connaissait les difficultés rencontrées par Téléfilm d’inclure les projets antérieurs dans le nouvel accord avec l’Espagne (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-18, Réponse de Mme Brigitte Monneau, directrice des coproductions Téléfilm, au courriel de Mme Annie Bourdeau des Productions Tooncan). Malgré cette connaissance, Tooncan ne dépose aucun élément de preuve pour établir que ses productions se qualifient à titre de production cinématographique ou magnétoscopique au sens de la LIR.

 

[58]           Tooncan sait et ne peut ignorer que sa production ne se qualifiait pas pour le crédit d’impôt.

 

[59]           On ne peut forcer le défendeur à signer un certificat pour une production qui ne se conforme pas aux exigences de la LIR et de son Règlement. Le ministre n’a aucune obligation d’accorder un certificat, surtout  en l’absence du respect des exigences de la LIR et du RIR. D’ailleurs, Tooncan le reconnaît dans ses représentations écrites ; la décision du défendeur relève de son pouvoir discrétionnaire.

 

[60]           Le défendeur souligne que, dans la décision Khadr, la Cour fédérale précise que le terme « peut » dans une législation peut, en certaines circonstances, équivaloir à une obligation de refus (voir Khadr c Canada (Procureur Général), 2006 CF 727 au para 109).

 

[61]           Finalement, le défendeur soutient que Tooncan ne peut s’attendre à ce que des droits matériels lui soient reconnus en dehors de la procédure de certification (voir Cinémas Guzzo Inc c Canada (Procureur Général), 2005 CF 691).

 

[62]           La Cour a pris deux objections sous réserve :

1.         Dans un premier temps, l’avocat de Tooncan s’est objecté à la production des pièces P-21 et P-23 du dossier du défendeur aux motifs que ces pièces n’ont pas été introduites en conformité avec les règles de la Cour. Conséquemment, elles ne peuvent faire partie du dossier de la Cour.  Il s’agit du guide de la coproduction de Téléfilm et d’un document de Téléfilm intitulé coproductions officielles mandat politique et exigences. La Cour maintient l’objection de la demanderesse ; ces pièces n’ont pas fait l’objet d’un affidavit, conformément aux règles de la Cour.

 

2.         Le procureur du défendeur s’est objecté aux représentations de Tooncan portant sur la nécessité d’un avis préalable ainsi que sur l’insuffisance de motivation de la décision parce que ces deux arguments n’ont jamais été mentionnés spécifiquement dans le mémoire de Tooncan. La Cour rejette l’objection du défendeur puisque Tooncan se fonde, entre autres, sur l’application de la préclusion promissoire ainsi que sur la théorie des attentes légitimes, lesquelles entraînent des obligations en matière d’équité procédurale. Les arguments de Tooncan, quant à la nécessité d’un préavis et l’insuffisance des motifs, ne sont qu’une conséquence de l’application de ces théories et recevables à ce titre.

 

VI.       Analyse

 

1.         Le défendeur a-t-il manqué à son devoir de respecter les principes d’équité procédurale?

 

[63]           La Cour conclut, pour les raisons qui suivent, que le défendeur en l’instance a fait défaut de respecter les principes d’équité procédurale.

 

[64]           Dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), [1999] 2 RCS 817 au para 21 [Baker], la Cour Suprême du Canada nous indique que « la notion d’équité procédurale est éminemment variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas » (voir aussi Knight c Indian Head School Division No 19, [1990] 1 RCS 653).

 

[65]           Dans l’affaire Island Timberlands LP c Canada (Ministre des Affaires étrangères), 2009 CF 258, [2009] ACF no 335 au para 33, le juge de Montigny mentionne que

[…]  une décision purement administrative, fondée sur des motifs généraux d'ordre public, n'accordera normalement aucune protection procédurale à l'individu, et une contestation de pareille décision devra se fonder sur un abus de pouvoir discrétionnaire. De même, on ne pourra soumettre à la surveillance judiciaire les organismes publics qui exercent des fonctions de nature législative. (voir aussi l’arrêt Martineau c Comité de discipline de l'Institution de Matsqui, [1980] 1 RCS 602)

 

[66]           En l’instance, la décision du ministre peut s’apparenter à une décision de nature purement administrative. Le défendeur peut, sur recommandation de Téléfilm et sous les termes de la LIR et du RIR, livrer un certificat de coproduction. Ainsi, l’obligation d’assujettir le processus décisionnel au respect des règles d’équité procédurale est minime, en temps normal.

 

[67]           Toocan fait valoir l’attente légitime pour justifier l’intervention de notre Cour. À ce sujet, il est intéressant de lire ce qu’écrivait la juge L’heureux-Dubé, de a Cour suprême, au paragraphe 26 de Baker :

[…] Notre Cour a dit que, au Canada, l'attente légitime fait partie de la doctrine de l'équité ou de la justice naturelle, et qu'elle ne crée pas de droits matériels: Vieux St-Boniface, précité, à la p. 1204; Renvoi relatif au Régime d'assistance publique du Canada (C.-B.), [1991] 2 R.C.S. 525, à la p. 557. Au Canada, la reconnaissance qu'une attente légitime existe aura une incidence sur la nature de l'obligation d'équité envers les personnes visées par la décision. Si le demandeur s'attend légitimement à ce qu'une certaine procédure soit suivie, l'obligation d'équité exigera cette procédure: Qi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 33 Imm. L.R. (2d) 57 (C.F. 1re inst.); Mercier-Néron c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995), 98 F.T.R. 36; Bendahmane c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 3 C.F. 16 (C.A.). De même, si un demandeur s'attend légitimement à un certain résultat, l'équité peut exiger des droits procéduraux plus étendus que ceux qui seraient autrement accordés: D. J. Mullan, Administrative Law (3e éd. 1996), aux pp. 214 et 215; D. Shapiro, "Legitimate Expectation and its Application to Canadian Immigration Law" (1992), 8 J.L. & Social Pol'y 282, à la p. 297; Canada (Procureur général) c. Comité du tribunal des droits de la personne (Canada) (1994), 76 F.T.R. 1. Néanmoins, la doctrine de l'attente légitime ne peut pas donner naissance à des droits matériels en dehors du domaine de la procédure. Cette doctrine, appliquée au Canada, est fondée sur le principe que les "circonstances" touchant l'équité procédurale comprennent les promesses ou pratiques habituelles des décideurs administratifs, et qu'il serait généralement injuste de leur part d'agir en contravention d'assurances données en matière de procédures, ou de revenir sur des promesses matérielles sans accorder de droits procéduraux importants.

 

[68]           Ainsi, l’application de cette doctrine dépend de deux éléments : « i) la question de savoir si le [décideur] s’est effectivement engagé à suivre une certaine procédure ; et ii) la question de savoir si cet engagement était ou non-conforme au devoir incombant au [décideur] de par la loi » (voir l’affaire Addy c Canada (Commissaire et président de la Commission d’enquête sur le déploiement des Forces armées canadiennes en Somalie), [1997] 3 CF 784, [1997] ACF no 796 au para 49).

 

[69]           Tooncan prétend que le contexte de la demande pour la production SNAILYMPICS I milite en faveur de l’application de la doctrine de l’attente légitime. On allègue également l’application de la préclusion promissoire. Selon Tooncan, la décision du défendeur de ne pas livrer le certificat d’achèvement, partie B et de révoquer le certificat de production, partie A, pour SNAILYMPICS II est inéquitable et constitue un abus de droit.

 

[70]           En somme, Tooncan recherche l’émission d’un deuxième certificat, en contravention des règles applicables, puisque Téléfilm a recommandé une première fois la livraison d’un certificat en l’absence d’un accord télévisuel entre le Canada et l’Espagne, et le défendeur y a donné suite pour SNAILYMPICS I.

 

[71]           L’accord télévisuel entre les deux pays entre en vigueur le 10 octobre 2006. Le producteur espagnol n’avait pas d’obligation de déposer ses comptes de production finaux auprès des autorités espagnoles avant cette date. Le BCPAC soutient qu’il ne pouvait donc pas recommander l’émission de la certification, même s’il l’a fait dans SNAILYMPICS I. Devant le défaut de présentation de certains documents, dont plus significativement la recommandation de Téléfilm, le défendeur soutient n’avoir d’autres choix que de révoquer le certificat de production cinématographique et magnétoscopique puisque SNAILYMPICS II est une production exclue aux termes de la LIR.

 

[72]           En principe, la doctrine de l’attente légitime « [fait] naître le droit de présenter des observations ou d’être consulté. Elle ne vient pas limiter la portée de la décision rendue à la suite de ces observations ou de cette consultation » (voir Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Lidder, [1992] ACF no 212, [1992] 2 CF 621 au para 4 [Lidder]). De plus, l’autorité publique est liée quant à sa procédure, « mais elle ne peut en aucun cas se mettre en situation de conflit avec ses obligations et faire fi des exigences de la loi » (voir Lidder au para 4).

 

[73]           En l’instance, Tooncan voit le défendeur traiter  les deux demandes qu’il présente de façons différentes. Dans un premier temps, soit dans le dossier de SNAILYMPICS I, le défendeur, sur la foi des documents que lui transmet son mandataire, Téléfilm, certifie une coproduction qui, de toute évidence, ne répond pas aux critères énoncés dans la LIR et le RIR puisqu’il n’existe pas de traité entre la Canada et l’Espagne qui s’applique aux productions télévisuelles. Dans un deuxième temps, le mandataire du défendeur, Téléfilm, sur la foi d’une nouvelle orientation du BCPAC, fait défaut de déposer une recommandation. Ce faisant, il amène le défendeur à révoquer le certificat, partie A, déjà livré mais pour un motif purement technique. En effet, il allègue l’absence de recommandation de Téléfilm dans le délai imparti par la Loi pour éviter de traiter la véritable question qui se pose, à savoir son changement de politique. Dans un courriel du 18 mars 2004, Brigitte Monneau, directrice Co-production Téléfilm, écrit au représentant de Tooncan (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-16) :

Le problème que nous vivons actuellement - qui n’était pas là quand nous nous sommes parlés lors de la Commission mixte - est que ce projet a été accepté en l’absence de traité TV entre le Canada et l’Espagne. Or, le ministère du Patrimoine questionne maintenant cet état de fait et il se pourrait que, ultimement, Revenu Canada questionne aussi l’admissibilité du projet aux crédits d’impôts.

 

Dans ce contexte il nous est difficile en tant qu’administrateur du Traité, de donner une approbation finale en ajoutant une autre dérogation ; à savoir, l’absence de validation des chiffres du pays coproducteur. Aussi, je suis au regret de t’informer que nous devons laisser ce projet « sur la glace » tant que la situation du traité ne sera pas réglée.

 

[74]           Ce courriel atteste d’un changement majeur, par rapport aux pratiques antérieures du défendeur et de son mandataire. Premièrement, il établit que le défendeur questionnait le fait d’accepter des projets de coproduction en l’absence de traités (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-33), alors qu’il avait déjà accepté un certain nombre de coproductions, nonobstant l’absence de traités dans le passé.

 

[75]           Ce changement d’orientation et de politique alors que la production SNAILYMPICS II est terminée aurait dû amener le défendeur à transmettre au moins un avant-projet de décision portant sur ses véritables motifs. Il se devait d’aviser Tooncan de ses intentions et l’inviter à faire valoir ses représentations. D’autant plus que le 4 juillet 2004, Brigitte Monneau écrivait au représentant de Tooncan : « Saches que le ministère du Patrimoine travaille activement à résoudre la situation mais que pour le moment, tout est bloqué. Le BCPAC est au courant et je suppose que si la situation venait à se débloquer après les échéances normales de dépôt, une exception pourrait être faite par eux compte tenu des circonstances. »

 

[76]           Le 12 septembre 2005, en l’absence de Brigitte Monneau, son adjoint, Monsieur Duggan, écrit au représentant de Tooncan qui le presse d’agir et de déposer une recommandation compte tenu de l’échéancier du 31 octobre 2005 :

«  […]. Nous comprenons la position dans laquelle vous vous retrouvez, mais nous ne pouvons pas procéder à une recommandation pour ce projet sachant que l’Accord en vigueur ne comprend pas la télévision. Pour ce qui est de Snailympics I, ce dossier a été traité par notre bureau avant que le ministère nous fasse part d’un problème […] »

 

[77]           Le 20 août 2007, le Ministère du Patrimoine écrivait au représentant de Tooncan, l’informant que SNAILYMPICS II est une production exclue puisqu’aucun certificat d’achèvement n’a été délivré avant la date limite d’attestation de la production. On y spécifiait que : « Pour cette production, la date de commencement des principaux travaux de prise de vue était le 10 mai 2001 et la date de fin de la première année d’imposition était le 31 octobre 2001. L’échéance de 48 mois était le 31 octobre 2005, mais le certificat, partie B, n’a pas été délivré parce que le BCAPC n’a pas reçu toute la documentation requise pour recommander l’émission du certificat. »

 

[78]           Ces éléments de preuve nous amènent à conclure que le défendeur devait à tout le moins permettre à Tooncan de faire valoir ses représentations avant de prendre cette décision qui contrevenait à sa politique ou, à tout le moins, sa pratique antérieure par rapport au dossier de SNAILYMPICS I.

 

[79]           L’avocat de Tooncan s’appuie principalement sur la décision de la Cour Suprême dans l’affaire Centre hospitalier Mont-Sinaï c Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), 2001 CSC 41. Dans cette affaire, l’hôpital du Mont Sinaï recherchait la délivrance d’un permis qui soit conforme aux promesses faites par de nombreux ministres au cours des années pour l’amener à déménager à Montréal. On avait incité l’hôpital à poursuivre sa vocation de centre de soins hospitaliers à caractère mixte, c’est-à-dire offrant des soins de courte et de longue durées alors que son permis original ne prévoyait que des lits pour des soins de longue durée. Il est important de rappeler que le Juge Binnie précisait, au paragraphe 47 de cette décision, que : « La préclusion en droit public exige clairement que l’on détermine l’intention que le législateur avait en conférant le pouvoir dont on cherche à empêcher l’exercice. La loi est suprême. Des circonstances qui pourraient par ailleurs donner lieu à la préclusion peuvent devoir céder le pas à un intérêt prépondérant exprimé dans le texte législatif. Comme le juge Rand l’a affirmé dans l’arrêt St. Ann’s Island Shooting and Fishing Club Ltd c The King [1950] R.C.S. 211 p 220 [traduction] «  il ne peut y avoir de préclusion face à une disposition explicite d’une loi ». »

 

Le Juge Strayer dans l’affaire Aurchem Exploration Ltd v Canada, [1992] FCJ 427, nous souligne qu’il faut se pencher sur la loi applicable et considérer le pouvoir accordé au décideur, en l’instance la portée du pouvoir discrétionnaire accordé au défendeur. Dans le présent dossier, le défendeur  fait valoir qu’en matière fiscale le ministre ne possède aucune discrétion. Il s’appuie sur la décision de la Cour suprême dans Canada (ministre du Revenu national) c Inland Industries Limited, 1974 RCS 514, ainsi que Placer Dome Canada Ltd c Ontario (Ministre des Finances), 2006 1 RCS 715 pour étayer cette position. La Cour souscrit à cette position de défendeur. Par ailleurs, Pierre-André Côté écrit à la page 570, au paragraphe 1758 : dans Interprétation des lois :

Il nous parait néanmoins possible de dégager de la jurisprudence actuelle de la Cour suprême deux principes. Premièrement, le fait que le sens littéral soit clair, c’est-à-dire exempt d’ambiguïtés ou d’imprécisions, ne constitue pas un motif valable d’ignorer les objectifs de la disposition : ceux-ci doivent toujours être envisagés, à titre d’éléments contextuels. Deuxièmement, dans l’établissement du sens de la règle fiscale, les arguments tirés des objectifs d’une disposition pourront jouir d’un poids déterminant lorsque le sens littéral est obscur ; par contre leur poids pourra être sensiblement réduit en présence d’un texte dont le sens littéral, analysé à la lumière du contexte paraît clair.

 

[80]           La Cour reconnaît que le défendeur ne saurait agir de façon contraire à la Loi. Les dispositions de la Loi et du RIR sont claires et non ambigües, il en va de même des objectifs de la Loi. Il n’y a pas de place pour l’interprétation. Le ministre doit appliquer correctement la réglementation, il ne peut en l’absence de traité, certifier une production.

 

[81]           Le défendeur aurait dû, à tout le moins, recevoir les représentations de Tooncan et rendre la décision qu’il jugeait appropriée dans les circonstances tout en respectant les limites que la Loi lui impose. Dans le passé, le défendeur n’a jamais opposé ces arguments pour refuser la livraison d’un certificat, partie B. Le changement de pratique et de politique devait être porté à l’attention de Tooncan. Il appartient donc en principe au défendeur de corriger ce défaut qui contrevient à son devoir d’agir équitablement.

 

[82]           Tout le déroulement de ce dossier nous convainc que le défendeur contrevient à son devoir d’équité procédurale. Il ne permet pas à Tooncan de faire valoir son point de vue avant de prendre sa décision et, qui plus est, il fonde sa décision sur des considérations techniques plutôt que sur les véritables motifs qui la sous-tendent.

 

2.         La décision du défendeur de révoquer le certificat de coproduction de Tooncan est-elle raisonnable?

 

[83]           La décision anticipée du 26 février 2002 (Affidavit du représentant de Tooncan, pièce P-11) est claire et sans équivoque. Téléfilm s’engage « [à visionner] la version finale de la production et [à faire] l’examen des données définitives relatives au projet afin de [s’assurer] qu’il ait été produit en conformité avec la documentation présentée, [TLFC sera] alors en mesure de recommander SNAILYMPICS II au ministre du Patrimoine canadien pour approbation finale du statut de coproduction officielle ».

 

[84]           Toutefois, en se référant à l’alinéa 1106(1)(ii) du RIR, M. Jean-François Bernier, Directeur général aux Industries culturelles, conclut que SNAILYMPICS II est une production exclue. Le BCPAC n’a pas reçu l’intégralité de la documentation requise pour accorder le certificat, partie B, dans les délais prescrits par le RIR. Ainsi, Téléfilm n’a pu recommander SNAILYMPICS II au ministre du Patrimoine canadien pour approbation finale. Le défendeur révoque le certificat de coproduction puisqu’aucun certificat, partie B, n’est livré dans les délais fixés par la Loi.

 

[85]           La décision du défendeur n’est pas raisonnable en l’instance puisque le défendeur n’a pas respecté les principes d’équité procédurale. Normalement, en arrivant à cette conclusion, la Cour doit renvoyer le dossier au Ministre. Toutefois, en l’instance, le ministre ne peut accorder de certificat en contravention à la Loi, la production étant exclue aux termes de la réglementation vu que le traité en vigueur ne s’appliquait pas aux productions télévisuelles. En effet, même s’il recevait les représentations qu’il aurait dû recevoir, il ne peut livrer un certificat rétroactivement ni accorder un certificat en l’absence d’accord télévisuel en place au cours de la période applicable. Les dispositions de la LIR et du RIR établissent un délai de rigueur (voir Granger c Canada (Commission de l’Emploi et de l’immigration), [1986] 3 CF 70 au para 34). Tooncan nous demande de rendre une ordonnance pour contraindre le défendeur à livrer le certificat, partie B. La Cour ne peut acquiescer à une telle demande car cela irait à l’encontre des dispositions applicables de la LIR (voir Satinder c Canada (Procureur général), 2002 CAF 491 au para 9). La Cour éprouve de la sympathie pour Tooncan, qui se voit placée dans une situation difficile à la suite des agissements de Téléfilm et du BCAPC, que l’on ne peut que déplorer, mais on ne peut ordonner de livrer un certificat en contravention à des dispositions claires de la Loi.

 

VII.     Conclusion

 

[86]           Le défendeur en l’instance ne respecte pas son devoir d’équité procédurale, sa décision de révoquer le certificat de coproduction n’est donc pas raisonnable. Toutefois, la demande de révision judiciaire n’est accueillie que pour les dépens car le Ministre ne peut rendre une autre décision que celle qu’il a prise.

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE qu’elle accueille la demande de révision judiciaire mais que pour les dépens.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 


Annexe

 

·                    L’article 125.4 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1, 5e supplément, tel que modifié:

 

Crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne

 

Définitions

 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

·         « certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne »

“Canadian film or video production certificate”

« certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne » Certificat délivré par le ministre du Patrimoine canadien relativement à une production et renfermant :

o        a) une attestation portant que la production est une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne;

o        b) une estimation des montants entrant dans le calcul du montant qui est réputé, par le paragraphe (3), avoir été payé relativement à la production.

·         « dépense de main-d’oeuvre »

“labour expenditure”

« dépense de main-d’oeuvre » Quant à une société qui est une société admissible pour une année d’imposition relativement à un bien lui appartenant qui est une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne et sous réserve du paragraphe (2), le total des montants suivants, dans la mesure où il s’agit de montants raisonnables dans les circonstances qui sont inclus dans le coût du bien ou, s’il s’agit d’un bien amortissable, dans son coût en capital, pour la société :

o        a) les traitements ou salaires directement attribuables au bien que la société a engagés après 1994 et au cours de l’année ou de l’année d’imposition précédente relativement aux étapes de la production du bien, allant de l’étape du scénario version finale jusqu’à la fin de l’étape de la postproduction, et qu’elle a versés au cours de l’année ou dans les 60 jours suivant la fin de l’année, à l’exception des montants engagés au cours de cette année précédente qui ont été payés dans les 60 jours suivant la fin de cette année;

o        b) la partie de la rémunération (sauf les traitements et salaires et la rémunération qui se rapporte à des services rendus au cours de l’année d’imposition précédente et qui a été payée dans les 60 jours suivant la fin de cette année) qui est directement attribuable à la production du bien, qui se rapporte à des services rendus à la société après 1994 et au cours de l’année ou de cette année précédente relativement aux étapes de la production du bien, allant de l’étape du scénario version finale jusqu’à la fin de l’étape de la postproduction, et que la société a versée au cours de l’année ou dans les 60 jours suivant la fin de l’année :

§         (i) soit à un particulier qui n’est pas un employé de la société, dans la mesure où le montant versé est, selon le cas :

§         (A) attribuable à des services rendus personnellement par le particulier dans le cadre de la production du bien,

§         (B) attribuable aux traitements ou salaires des employés du particulier pour les services qu’ils ont rendus personnellement dans le cadre de la production du bien, sans dépasser ces traitements ou salaires,

§         (ii) soit à une autre société canadienne imposable, dans la mesure où le montant versé est attribuable aux traitements ou salaires des employés de cette société pour les services qu’ils ont rendus personnellement dans le cadre de la production du bien, sans dépasser ces traitements ou salaires,

§         (iii) soit à une autre société canadienne imposable dont l’ensemble des actions du capital-actions émises et en circulation, exception faite des actions conférant l’admissibilité aux postes d’administrateurs, appartiennent à un particulier et dont les activités consistent principalement à fournir les services de ce particulier, dans la mesure où le montant versé est attribuable à des services rendus personnellement par le particulier dans le cadre de la production du bien,

§         (iv) soit à une société de personnes qui exploite une entreprise au Canada, dans la mesure où le montant versé est, selon le cas :

§         (A) attribuable à des services rendus personnellement par un particulier qui est un associé de la société de personnes, dans le cadre de la production du bien,

§         (B) attribuable aux traitements ou salaires des employés de la société de personnes pour les services qu’ils ont rendus personnellement dans le cadre de la production du bien, sans dépasser ces traitements ou salaires;

o        c) lorsque la société est une filiale à cent pour cent d’une autre société canadienne imposable (appelée « société mère » au présent article) et a conclu une convention avec celle-ci pour que le présent alinéa s’applique au bien, le montant remboursé par la société au cours de l’année, ou dans les 60 jours suivant la fin de l’année, au titre d’une dépense que la société mère a engagée au cours d’une année d’imposition donnée de celle-ci relativement au bien et qui serait incluse dans la dépense de main-d’oeuvre de la société relativement au bien pour l’année donnée par l’effet des alinéas a) ou b) si, à la fois :

§         (i) la société avait eu une telle année donnée,

§         (ii) la dépense avait été engagée par la société aux mêmes fins qu’elle l’a été par la société mère et avait été versée au même moment et à la même personne ou société de personnes qu’elle l’a été par la société mère.

La dépense de main-d’oeuvre d’une société qui n’est pas une société admissible pour l’année est nulle.

·         « dépense de main-d’oeuvre admissible »

“qualified labour expenditure”

« dépense de main-d’oeuvre admissible » Quant à une société pour une année d’imposition relativement à un bien lui appartenant qui est une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne, le moins élevé des montants suivants :

o        a) l’excédent éventuel du total visé au sous-alinéa (i) sur le total visé au sous-alinéa (ii):

§         (i) le total des montants suivants :

§         (A) la dépense de main-d’oeuvre de la société pour l’année relativement au bien,

§         (B) l’excédent du total des montants représentant chacun la dépense de main-d’oeuvre de la société pour une année d’imposition antérieure relativement au bien sur le total des montants représentant chacun une dépense de main-d’oeuvre admissible de la société relativement au bien pour une année d’imposition antérieure avant la fin de laquelle les principaux travaux de prise de vue ou d’enregistrement du bien ont commencé,

§         (ii) dans le cas où la société est une société mère, le total des montants représentant chacun un montant qui est l’objet d’une convention, visée à l’alinéa c) de la définition de « dépense de main-d’oeuvre », conclue relativement au bien entre la société et sa filiale à cent pour cent;

o        b) le résultat du calcul suivant :

A - B

où :

      • A 

représente 48 % de l’excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le total visé au sous-alinéa (ii):

§         (i) le coût du bien ou, s’il s’agit d’un bien amortissable, son coût en capital, pour la société à la fin de l’année,

§         (ii) le total des montants représentant chacun un montant d’aide relatif au coût visé au sous-alinéa (i) que la société ou une autre personne ou société de personnes a reçu, est en droit de recevoir ou peut vraisemblablement s’attendre à recevoir au moment de la production de sa déclaration de revenu pour l’année, qui n’a pas été remboursé avant ce moment en exécution d’une obligation légale de ce faire et qui n’est pas par ailleurs appliqué en réduction de ce coût,

      • B 

le total des montants représentant chacun la dépense de main-d’oeuvre admissible de la société relativement au bien pour une année d’imposition antérieure avant la fin de laquelle les principaux travaux de prise de vue ou d’enregistrement du bien ont commencé.

·         « investisseur »

“investor”

« investisseur » Personne, sauf une personne visée par règlement, qui ne prend pas une part active, de façon régulière, continue et importante, dans les activités d’une entreprise exploitée par l’entremise d’un établissement stable au Canada, au sens du Règlement de l’impôt sur le revenu, qui constitue une entreprise de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne.

·         « montant d’aide »

“assistance”

« montant d’aide » Montant, sauf un montant prévu par règlement ou un montant réputé payé par le paragraphe (3), qui serait inclus, en application de l’alinéa 12(1)x), dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, compte non tenu des sous-alinéas 12(1)x)(v) à (vii).

·         « production cinématographique ou magnétoscopique canadienne »

“Canadian film or video production”

« production cinématographique ou magnétoscopique canadienne » S’entend au sens du Règlement de l’impôt sur le revenu.

·         « société admissible »

“qualified corporation”

« société admissible » Société qui, tout au long d’une année d’imposition, est une société canadienne imposable visée par règlement dont les activités au cours de l’année consistent principalement à exploiter, par l’entremise d’un établissement stable au Canada, au sens du Règlement de l’impôt sur le revenu, une entreprise qui est une entreprise de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne.

·         « traitement ou salaire »

“salary or wages”

« traitement ou salaire » En sont exclus les montants visés à l’article 7 et les montants déterminés en fonction des bénéfices ou des recettes.

Règles concernant la dépense de main-d’oeuvre d’une société

(2) Les règles suivantes s’appliquent dans le cadre de la définition de « dépense de main-d’oeuvre » au paragraphe (1):

·         a) est exclue de la rémunération celle qui est déterminée en fonction des bénéfices ou des recettes;

·         b) les services visés à l’alinéa b) de cette définition qui se rapportent à l’étape de la postproduction du bien ne comprennent que les services que rend à cette étape la personne qui occupe la fonction d’assistant-bruiteur, d’assistant-coloriste, d’assistant-mixeur, d’assistant-monteur principal, de bruiteur, de cameraman d’animation, de chef de la postproduction, de coloriste, d’étalonneur, d’infographiste, de mixeur, de monteur d’effets spéciaux, de monteur principal, de monteur sonore, de monteur vidéo, de preneur de son, de préposé au développement, de préposé à l’inspection et au nettoyage, de préposé au tirage, de projectionniste, de technicien à l’encodage, de technicien à l’enregistrement, de technicien au repiquage, de technicien en préparation de trucages optiques, de technicien en magnétoscopie, de technicien en sous-titrage ou de vidéographiste ou la personne qui occupe une fonction visée par règlement;

·         c) la définition ne s’applique pas aux montants auxquels s’applique l’article 37.

 

Crédit d’impôt

(3) La société qui est une société admissible pour une année d’imposition est réputée avoir payé, à la date d’exigibilité du solde qui lui est applicable pour l’année, un montant au titre de son impôt payable pour l’année en vertu de la présente partie égal à 25 % de sa dépense de main-d’oeuvre admissible pour l’année relativement à une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne, si les conditions suivantes sont réunies :

·         a) la société joint les documents suivants à la déclaration de revenu qu’elle produit pour l’année :

o        (i) le certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne délivré relativement à la production,

o        (ii) un formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits,

o        (iii) tout autre document visé par règlement relativement à la production;

·         b) les principaux travaux de prise de vue ou d’enregistrement de la production ont commencé avant la fin de l’année.

Exception

(4) Le présent article ne s’applique pas à la production cinématographique ou magnétoscopique canadienne à l’égard de laquelle un investisseur, ou une société de personnes dans laquelle un investisseur a une participation directe ou indirecte, peut déduire un montant relativement à la production dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition.

Moment de la réception d’un montant d’aide

(5) Pour l’application de la présente loi, à l’exception du présent article, il est entendu que le montant qu’une société est réputée, par le paragraphe (3), avoir payé pour une année d’imposition est réputé être un montant d’aide qu’elle a reçu d’un gouvernement immédiatement avant la fin de l’année.

Révocation d’un certificat

(6) Le ministre du Patrimoine canadien peut révoquer un certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne relativement à une production si l’un des faits suivants se vérifie :

·         a) une omission ou un énoncé inexact a été fait en vue d’obtenir le certificat;

·         b) la production n’est pas une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne.

Pour l’application de l’alinéa (3)a)(i), un certificat révoqué est réputé ne jamais avoir été délivré.

 

·                    L’article 1106 du Règlement de l’impôt sur le revenu, CRC c 945  [RIR]:

 

 

Section VII

Certificats délivrés par le ministre du Patrimoine canadien

Définitions

 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente section et à l’alinéa x) de la catégorie 10 de l’annexe II.

·         « agence cinématographique d’État »

“Canadian government film agency”

« agence cinématographique d’État » Agence fédérale ou provinciale dont le mandat est lié à l’octroi d’aide à la réalisation de productions cinématographiques au Canada.

·         « Canadien »

“Canadian”

« Canadien »

o        a) Particulier qui est, selon le cas :

§         (i) un citoyen au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la citoyenneté,

§         (ii) un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés;

o        b) société qui est une unité sous contrôle canadien, selon ce qui est prévu aux articles 26 à 28 de la Loi sur Investissement Canada.

·         « certificat d’achèvement »

“certificate of completion”

« certificat d’achèvement » Certificat attestant l’achèvement d’une production cinématographique ou magnétoscopique d’une société, délivré par le ministre du Patrimoine canadien avant le jour (appelé « date limite d’attestation de la production » à la présente section) qui suit de six mois la date limite de demande relative à la production.

·         « convention de jumelage »

“twinning arrangement”

« convention de jumelage » Convention qui consiste à réunir deux productions cinématographiques ou magnétoscopiques distinctes, l’une canadienne et l’autre étrangère.

·         « demande de certificat d’achèvement »

“application for a certificate of completion”

« demande de certificat d’achèvement » Demande relative à une production cinématographique ou magnétoscopique qu’une société canadienne imposable visée présente au ministre du Patrimoine canadien avant le jour (appelé « date limite de demande relative à la production » à la présente section) qui correspond au dernier en date des jours suivants :

o        a) le jour qui suit de 24 mois la fin de l’année d’imposition de la société au cours de laquelle ont débuté les principaux travaux de prise de vue relatifs à la production;

o        b) le jour qui suit de 18 mois le jour visé à l’alinéa a), si la société a présenté à l’Agence du revenu du Canada la renonciation visée au sous-alinéa 152(4)a)(ii) de la Loi — et en a fourni une copie au ministre du Patrimoine canadien — au cours de la période normale de nouvelle cotisation qui lui est applicable pour les première et deuxième années d’imposition se terminant après le début des principaux travaux de prise de vue relatifs à la production.

·         « producteur »

“producer”

« producteur » Est le producteur d’une production cinématographique ou magnétoscopique le particulier qui, à la fois :

o        a) contrôle la production et en est le principal décideur;

o        b) est directement responsable de l’acquisition de l’intrigue ou du scénario de la production ainsi que de l’élaboration, du contrôle créatif et financier et de l’exploitation de la production;

o        c) est identifié dans la production comme en étant le producteur.

·         « production exclue »

“excluded production”

« production exclue » Production cinématographique ou magnétoscopique d’une société canadienne imposable visée (appelée « société donnée » à la présente définition), qui, selon le cas :

o        a) est une production à l’égard de laquelle l’un des faits suivants se vérifie :

§         (i) la société donnée n’a pas présenté de demande de certificat d’achèvement la concernant avant la date limite de demande relative à la production,

§         (ii) aucun certificat d’achèvement la concernant n’a été délivré avant la date limite d’attestation de la production,

§         (iii) dans le cas où elle n’est pas une coproduction prévue par un accord, ni la société donnée ni une autre société canadienne imposable visée qui lui est liée :

§         (A) d’une part, n’est titulaire exclusif du droit d’auteur mondial sur la production en vue de son exploitation commerciale pour la période de 25 ans qui commence dès que la production est exploitable commercialement après son achèvement, sauf jusqu’à concurrence d’une participation dans la production que détient une société canadienne imposable visée à titre de coproducteur ou une personne visée,

§         (B) d’autre part, ne contrôle le processus de concession de la licence d’exploitation commerciale initiale,

§         (iv) aucune convention écrite, faisant état d’une contrepartie à la juste valeur marchande, n’a été conclue à son égard avec l’une des personnes suivantes pour qu’elle soit diffusée au Canada au cours de la période de deux ans qui commence dès qu’elle est exploitable commercialement après son achèvement :

§         (A) une société, ayant la qualité de Canadien, qui est distributrice de productions cinématographiques ou magnétoscopiques,

§         (B) une société titulaire d’une licence de radiodiffusion délivrée par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes pour les marchés de la télévision,

§         (v) la production a été distribuée au Canada au cours de la période de deux ans qui commence dès qu’elle est exploitable commercialement, après son achèvement, par une personne qui n’a pas la qualité de Canadien;

o        b) est une production qui est, selon le cas :

§         (i) une émission d’information, d’actualités ou d’affaires publiques ou une émission qui comprend des bulletins sur la météo ou les marchés boursiers,

§         (ii) une interview-variétés,

§         (iii) une production comportant un jeu, un questionnaire ou un concours, sauf celle qui s’adresse principalement aux personnes mineures,

§         (iv) la présentation d’une activité ou d’un événement sportif,

§         (v) la présentation d’un gala ou d’une remise de prix,

§         (vi) une production visant à lever des fonds,

§         (vii) de la télévision vérité,

§         (viii) de la pornographie,

§         (ix) de la publicité,

§         (x) une production produite principalement à des fins industrielles ou institutionnelles,

§         (xi) une production, sauf un documentaire, qui consiste en totalité ou en presque totalité en métrage d’archives.

·         « rémunération »

“remuneration”

« rémunération » Sont exclues de la rémunération les sommes déterminées en fonction des bénéfices ou des recettes.

Société canadienne imposable visée

(2) Pour l’application de l’article 125.4 de la Loi et de la présente section, est une « société canadienne imposable visée » la société canadienne imposable qui a la qualité de Canadien, à l’exception de toute société qui, selon le cas :

·         a) est contrôlée directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes dont tout ou partie du revenu imposable est exonéré de l’impôt en vertu de la partie I de la Loi;

·         b) est une société à capital de risque de travailleurs visée à l’article 6701.

Coproduction prévue par un accord

(3) Pour l’application de la présente section, « coproduction prévue par un accord » s’entend d’une production cinématographique ou magnétoscopique à laquelle s’applique l’un des instruments suivants :

·         a) un accord de coproduction conclu entre le Canada et un autre État;

·         b) le Protocole d’entente entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de Hong Kong, région administrative spéciale, République populaire de Chine, relativement à la coproduction cinématographique et audiovisuelle;

·         c) l’Énoncé commun de politique relative à la coproduction cinématographique, télévisuelle et vidéo par le Japon et le Canada;

·         d) le Protocole d’entente entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République de Corée sur la coproduction télévisuelle;

·         e) l’Accord relatif aux relations dans le domaine de l’audiovisuel entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République de Malte.

Production cinématographique ou magnétoscopique canadienne

(4) Sous réserve des paragraphes (6) à (9), pour l’application de l’article 125.4 de la Loi, de la présente partie et de l’annexe II, « production cinématographique ou magnétoscopique canadienne » s’entend d’une production cinématographique ou magnétoscopique, à l’exception d’une production exclue, d’une société canadienne imposable visée, à l’égard de laquelle le ministre du Patrimoine canadien a délivré un certificat (sauf un certificat qui a été révoqué en vertu du paragraphe 125.4(6) de la Loi) et qui, selon le cas :

·         a) est une coproduction prévue par un accord;

·         b) remplit les conditions suivantes :

o        (i) son producteur a la qualité de Canadien tout au long de sa production,

o        (ii) le ministre du Patrimoine canadien y a attribué au moins six points en conformité avec le paragraphe (5),

o        (iii) au moins 75 % du total des coûts des services fournis dans le cadre de sa production, à l’exception des coûts exclus, était à payer relativement à des services fournis à ou par des particuliers qui ont la qualité de Canadien; pour l’application du présent sous-alinéa, sont des coûts exclus :

§         (A) les coûts déterminés en fonction du revenu provenant de la production,

§         (B) la rémunération payable au producteur ou aux particuliers visés à l’un des sous-alinéas (5)a)(i) à (viii) et b)(i) à (vi) ou à l’alinéa (5)c), ou à leur égard, (y compris les particuliers qui seraient visés à l’alinéa (5)c) s’ils avaient la qualité de Canadien),

§         (C) les sommes à payer au titre des frais d’assurance, de financement et de courtage et des frais juridiques et comptables et les sommes semblables,

§         (D) les coûts visés au sous-alinéa (iv),

o        (iv) au moins 75 % du total des coûts se rapportant à sa postproduction, y compris les travaux de laboratoire, la prise de son et le montage de la bande sonore et de l’image, (à l’exception, d’une part, des coûts déterminés en fonction du revenu provenant de la production et, d’autre part, de la rémunération payable au producteur ou aux particuliers visés à l’un des sous-alinéas (5)a)(i) à (viii) et b)(i) à (vi) ou à l’alinéa (5)c), ou à leur égard, y compris aux particuliers qui seraient visés à l’alinéa (5)c) s’ils avaient la qualité de Canadien) ont été engagés relativement à des services fournis au Canada.

(5) Pour l’application de la présente section, le ministre du Patrimoine canadien attribue des points à l’égard des productions cinématographiques ou magnétoscopiques, comme suit :

·         a) s’il s’agit d’une production autre qu’une production d’animation, les points ci-après sont attribués pour chacune des personnes suivantes, si elles sont des particuliers ayant la qualité de Canadien :

o        (i) le réalisateur : deux points,

o        (ii) le scénariste : deux points,

o        (iii) l’artiste principal pour les services duquel la rémunération la plus élevée était à payer : un point,

o        (iv) l’artiste principal pour les services duquel la deuxième rémunération en importance était à payer : un point,

o        (v) le directeur artistique : un point,

o        (vi) le directeur de la photographie : un point,

o        (vii) le compositeur de musique : un point,

o        (viii) le monteur de l’image : un point;

·         b) s’il s’agit d’une production d’animation, les points ci-après sont attribués pour chacune des personnes suivantes, si elles sont des particuliers ayant la qualité de Canadien :

o        (i) le réalisateur : un point,

o        (ii) la voix principale pour laquelle la rémunération la plus élevée ou la deuxième rémunération en importance était à payer : un point,

o        (iii) le concepteur surveillant : un point,

o        (iv) le cameraman, si la prise de vue est effectuée au Canada : un point,

o        (v) le compositeur de musique : un point,

o        (vi) le monteur de l’image : un point;

·         c) s’il s’agit d’une production d’animation, un point est attribué lorsque le scénariste principal et le superviseur du scénario-maquette sont tous deux des particuliers ayant la qualité de Canadien;

·         d) s’il s’agit d’une production d’animation, les points ci-après sont attribués pour chacun des endroits suivants, s’ils sont situés au Canada :

o        (i) l’endroit où sont effectués les travaux préparatoires et les décors de fond : un point,

o        (ii) l’endroit où est effectuée l’animation-clé : un point,

o        (iii) l’endroit où sont effectuées l’animation secondaire et l’interpolation : un point.

(6) Une production, sauf s’il s’agit d’une production d’animation ou d’une coproduction prévue par un accord, est une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne seulement si les points suivants y sont attribués : deux points en vertu des sous-alinéas (5)a)(i) ou (ii) et un point en vertu des sous-alinéas (5)a)(iii) ou (iv).

(7) Une production d’animation, sauf s’il s’agit d’une coproduction prévue par un accord, est une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne seulement si les points ci-après y sont attribués :

·         a) un point en vertu du sous-alinéa (5)b)(i) ou de l’alinéa (5)c);

·         b) un point en vertu du sous-alinéa (5)b)(ii);

·         c) un point en vertu du sous-alinéa (5)d)(ii).

Artiste principal et scénariste

(8) Les règles suivantes s’appliquent dans le cadre de la présente section :

·         a) l’artiste principal d’une production est un acteur ou une actrice qui interprète l’un des rôles principaux, compte tenu de sa rémunération, de sa position au générique et de son temps de présence à l’écran;

·         b) la voix principale d’une production d’animation est la voix du particulier qui interprète l’un des rôles principaux, compte tenu de sa rémunération et de la durée pendant laquelle sa voix est entendue;

·         c) lorsqu’une personne qui n’a pas la qualité de Canadien participe à la rédaction et à l’élaboration du scénario d’une production, le scénariste n’a la qualité de Canadien que si le scénariste principal est un particulier qui a cette qualité par ailleurs, que si le scénario de la production est tiré d’une œuvre écrite par un Canadien et que si l’œuvre est publiée au Canada.

Production documentaire

(9) La production documentaire qui n’est pas une production exclue, et à laquelle moins de six points ont été attribués du fait qu’un ou plusieurs des postes visés à l’alinéa (5)a) sont vacants, est une production cinématographique ou magnétoscopique canadienne si tous les postes visés à cet alinéa qui sont occupés relativement à la production le sont par des particuliers qui ont la qualité de Canadien.

Personne visée

(10) Pour l’application de l’article 125.4 de la Loi et de la présente section, est une personne visée :

·         a) la société titulaire d’une licence de radiodiffusion (télévision, services spécialisés ou télévision payante) délivrée par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;

·         b) la société titulaire d’une licence d’entreprise de radiodiffusion qui finance des productions en raison de son engagement en matière d’« avantages importants » envers le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;

·         c) la personne à laquelle s’applique l’alinéa 149(1)l) de la Loi, si elle a un fonds qui sert à financer des productions cinématographiques ou magnétoscopiques canadiennes;

·         d) toute agence cinématographique d’État;

·         e) en ce qui a trait à une production cinématographique ou magnétoscopique, la personne non-résidente qui n’exploite pas d’entreprise au Canada par l’intermédiaire d’un établissement stable au Canada, si elle acquiert une participation dans la production pour se conformer aux conditions d’attestation d’une convention de jumelage portant sur une coproduction prévue par un accord;

·         f) la personne qui répond aux conditions suivantes :

o        (i) elle est visée à l’alinéa 149(1)f) de la Loi,

o        (ii) elle a un fonds qui sert à financer des productions cinématographiques ou magnétoscopiques canadiennes qui sont financées en totalité ou en presque totalité au moyen de participations directes dans les productions,

o        (iii) les seuls dons qu’elle a reçus après 1996 proviennent de personnes visées aux alinéas a) à e).

Montant prévu

(11) Pour l’application de la définition de « montant d’aide » au paragraphe 125.4(1) de la Loi, est un montant prévu la somme payée ou payable à un contribuable dans le cadre du Programme de droits de diffusion du Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d’émissions canadiennes ou du Canada Television Fund/Fonds canadien de télévision.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1676-07

 

INTITULÉ :                                       LES PRODUCTIONS TOONCAN (XIII) INC

                                                            c

                                                            MINISTRE DU PATRIMOINE CANADIEN

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :               1 novembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                      28 décembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Roch Guertin

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Bernard Letarte

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Roch Guertin, Avocat

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur Général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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