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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20110125

Dossier : T-1803-09

Référence : 2011 CF 86

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 25 janvier 2011

En présence de Madame la juge Heneghan

 

ENTRE :

 

RACHEL EXETER

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Mme Rachel Exeter (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire d’une décision datée du 1er octobre 2009 et fondée sur l’alinéa 41(1)d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la Loi), dans laquelle la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission ou la CCDP) a rejeté la demande de la demanderesse en vue de réactiver sa plainte et de la renvoyer au Tribunal canadien des droits de la personne.

 

[2]               La demanderesse avait travaillé pendant plusieurs années pour Statistique Canada, représenté en l’espèce par le procureur général du Canada (le défendeur). Elle avait déposé une plainte portant le numéro 20060542, dans laquelle elle avait soutenu avoir été victime de discrimination au travail pour des raisons liées à la race, à la couleur et à la icience. Elle a également reproché à son employeur de ne pas l’avoir accommodée relativement à différents problèmes physiques. Elle aurait fait l’objet de harcèlement, d’entrave, d’intimidation, de représailles et de restrictions en ce qui a trait à sa demande d’indemnisation des accidents du travail. Dans sa plainte, qui vise la période allant d’avril 2003 à avril 2007, la demanderesse mentionne différents griefs soumis à l’égard d’activités poursuivies au travail et reproche à ses superviseurs d’avoir fait preuve de racisme. Elle a déclaré qu’à la date du dépôt de la plainte auprès de la Commission, elle avait épuisé les recours internes en matière de grief et que le traitement dont elle avait été victime de la part de son employeur constituait du [traduction] « harcèlement psychologique, mental, physique et moral ».

 

[3]               Le 11 février 2009, la demanderesse a signé un protocole d’accord avec son employeur, Statistique Canada. Le document était une entente confidentielle lorsqu’il a été signé et est demeuré confidentiel lorsqu’il a été présenté à la Commission. Cependant, lorsque la demanderesse a engagé la présente demande de contrôle judiciaire et a contesté la décision de la Commission, la confidentialité a fait l’objet d’une renonciation.

 

[4]               Le dossier de la Commission, qui fait partie du dossier de la présente demande, renferme notamment un rapport aux termes des articles 40 et 41, auquel l’entente était jointe à l’annexe A. Les parties n’ont pas demandé que le dossier de la Commission demeure confidentiel.

 

[5]               Le protocole d’accord visait à régler tous les griefs et plaintes que la demanderesse avait déposés au sujet de son employeur, y compris les griefs portés devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le protocole d’accord concernait également, selon le paragraphe 3, [traduction] « tous autres griefs, plaintes ou allégations de la plaignante, connus ou inconnus des parties, et appelés collectivement aux présentes les « griefs » ».

 

[6]               Le protocole d’accord prévoyait que, pourvu que les conditions de celui-ci soient respectées, tous les griefs et plaintes de la demanderesse [traduction] « sont par les présentes retirés ». Une lettre de congédiement datée du 4 septembre 2007, qui faisait partie du dossier de la demanderesse, devait être remplacée par une lettre de démission signée par celle-ci. L’employeur s’est engagé à fournir une lettre de recommandation neutre à la plaignante et à retirer du dossier d’emploi de celle‑ci toutes les lettres de réprimande, avis de suspension et évaluations de rendement rédigés depuis 2003. De plus, toujours selon l’entente, l’employeur devait verser à la demanderesse un montant de 128 971 $, calculé comme suit :

[traduction]

i.          27 jours de suspension, soit un montant total de 6 135 $;

ii.          1 journée et demie de congé sans solde, soit un montant total de 335 $;

iii.         un paiement forfaitaire équivalent à 15 mois de salaire, soit un montant total de 72 500 $;

iv.         une allocation unique accordée pour des raisons exceptionnelles de 20 000 $;

v.         une allocation de formation unique totalisant 10 000 $;

vi.         le paiement des frais et honoraires juridiques raisonnables, sur présentation d’un reçu satisfaisant, jusqu’à concurrence de 20 000 $.

[7]               Les clauses 16, 19 et 21 portent sur le caractère définitif de l’entente en ce qui a trait au règlement de tous les différends opposant la demanderesse et son ex-employeur, Statistique Canada. Voici le texte de ces clauses :

[traduction]

La plaignante dégage l’employeur de la responsabilité découlant de toutes les procédures liées d’une façon ou d’une autre aux allégations et griefs visés aux paragraphes 1 et 2 ou de sa relation de travail avec l’employeur, notamment en ce qui a trait aux faits et événements non connus ou prévus à la date de signature de la présente entente.

[...]

Sous réserve des paragraphes 16, 17 et 18, la plaignante convient de n’engager aucune autre procédure administrative ou judiciaire devant un tribunal administratif ou judiciaire du Canada à l’égard d’une question liée à son emploi auprès de l’employeur, à l’exception d’une plainte visée par la législation sur l’indemnisation des accidents du travail, y compris toute forme de plainte ou grief auprès du Tribunal de dotation de la fonction publique, de la Commission des relations de travail dans la fonction publique et de la Commission canadienne des droits de la personne.

[...]

Les conditions qui précèdent constituent un règlement complet et final des griefs.

 

[8]               À la clause 20, dont le texte est reproduit ci-dessous, la demanderesse reconnaît qu’elle a été représentée par un conseiller juridique tout au long du processus qui a mené à la signature de l’entente :

[traduction]

La plaignante reconnaît le caractère irrévocable de la présente entente et de sa démission et reconnaît qu’elle a été représentée par un conseiller juridique tout au long du processus de règlement qui a mené à la signature des présentes.

 

[9]               Un rapport aux termes des articles 40 et 41, qui concerne la plainte numéro 20060542, a été rédigé le 29 juillet 2009. La question en litige y est énoncée comme suit :

[traduction]

La question que la Commission doit trancher est de savoir si elle devrait refuser de traiter la plainte sur le fondement de l’alinéa 41(1)d) de la Loi.

 

[10]           Le rapport aux termes des articles 40 et 41 a été mis à la disposition de la demanderesse et de l’employeur. Chacun d’eux a eu la possibilité de le commenter et l’a fait. Les deux parties ont ensuite eu la possibilité de répondre aux arguments de l’autre et se sont prévalues de cette possibilité.

 

[11]           Les paragraphes 31 à 39 du rapport aux termes des articles 40 et 41 sont intitulés [traduction] « Conclusions »; cependant, à mon avis, les observations qui y sont formulées s’apparentent davantage à des recommandations. Le rapport ne comportait aucune recommandation ferme à la Commission. Au paragraphe 39, le dernier paragraphe, les options offertes à la Commission sont exposées comme suit :

[traduction]

La Commission peut décider :

 

a)      soit de statuer sur la plainte en application du paragraphe 41(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne;

b)      soit de refuser de statuer sur la plainte sur le fondement de l’alinéa 41(1)d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, parce que les allégations de discrimination qui sont formulées ont été examinées dans le cadre d’une procédure à laquelle la plaignante a eu par ailleurs raisonnablement accès et qui a donné lieu à un règlement complet et final.

 

[12]           La Commission a décidé de ne pas réactiver la plainte. Il appert du dossier de la décision que la Commission s’est fondée sur l’alinéa 41(1)d) de la Loi, soit sur le fait que « la plainte est frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi ». Cependant, selon les motifs supplémentaires auxquels elle renvoie dans ce paragraphe et qui sont formulés aux pages 2 et 3 du dossier de la décision, la Commission a décidé de ne pas réactiver la plainte parce que la demanderesse avait conclu un protocole d’accord ayant pour effet de régler ladite plainte et d’autres questions.

 

[13]           La Commission a examiné l’argument de la demanderesse selon lequel elle avait signé le protocole sous la contrainte et a conclu que cet argument n’était nullement appuyé par la preuve. La Commission a souligné en particulier le fait que la demanderesse avait été représentée par un conseiller juridique tout au long des négociations qui ont mené à la signature de l’entente et pendant la signature, et que la demanderesse avait elle-même signé le protocole d’accord.

 

[14]           En ce qui a trait aux allégations de la demanderesse selon lesquelles les conditions du protocole n’avaient pas été entièrement respectées, la Commission a adopté le raisonnement suivant qui a été exposé dans le rapport d’enquête :

[traduction]

Le respect des conditions d’un « protocole d’accord » ne constitue cependant pas une question concernant les droits de la personne. Il s’agit d’une question d’exécution et c’est devant la Cour fédérale que le recours devrait être exercé.

 

 

[15]           Trois questions sont soulevées dans la présente demande de contrôle judiciaire :

a.       Quelle est la norme de contrôle applicable?

b.      La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en refusant de réactiver la plainte de la demanderesse?

c.       La Commission a-t-elle commis un manquement à l’équité procédurale en refusant d’interroger deux personnes, comme la demanderesse le lui avait proposé?

 

[16]           Dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour suprême du Canada a décidé qu’il n’y a que deux normes de contrôle au regard desquelles les décisions des organismes d’origine législative peuvent être révisées, soit la décision correcte pour ce qui est des questions de droit et d’équité procédurale et la raisonnabilité pour ce qui est des conclusions de fait et des questions mixtes de fait et de droit. Au paragraphe 53 de ce même arrêt, la Cour suprême s’est exprimée comme suit :

En présence d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, la retenue s’impose habituellement d’emblée (Mossop, p. 599-600; Dr. Q, par. 29; Suresh, par. 29-30). Nous sommes d’avis que la même norme de contrôle doit s’appliquer lorsque le droit et les faits s’entrelacent et ne peuvent aisément être dissociés.

 

[17]           Par ailleurs, dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 43, la Cour suprême du Canada a formulé les remarques suivantes :

L’intervention judiciaire est aussi autorisée dans les cas où l’office fédéral

 

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il est légalement tenu de respecter;

 

Aucune norme de contrôle n’est précisée. Par contre, suivant Dunsmuir, les questions de procédure (sous réserve d’une dérogation législative valide) doivent être examinées par un tribunal judiciaire selon la norme de la décision correcte.

 

[18]           De plus, au paragraphe 57 de l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a souligné que, lorsque la norme de contrôle applicable à un décideur donné a été établie, il n’est pas nécessaire de mener une analyse exhaustive pour arrêter la norme de contrôle qui convient :

Il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse exhaustive pour arrêter la bonne norme de contrôle. Là encore, la jurisprudence peut permettre de cerner certaines des questions qui appellent généralement l’application de la norme de la décision correcte (Cartaway Resources Corp. (Re), [2004] 1 R.C.S. 672, 2004 CSC 26). En clair, l’analyse requise est réputée avoir déjà eu lieu et ne pas devoir être reprise.

 

[19]           Dans Morin c. Canada (Procureur général) (2007), 332 F.T.R. 136, la Cour fédérale a conclu que la norme de contrôle applicable à la décision de la Commission de ne pas statuer sur une plainte sur la base du paragraphe 41(1) de la Loi était celle de la décision raisonnable. La norme de contrôle applicable au fond de la décision de la Commission est la décision raisonnable.

 

[20]           La décision raisonnable s’applique tant au processus décisionnel qu’au résultat, comme la Cour suprême l’a expliqué au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir :

La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[21]           La Commission a exposé sa décision dans des motifs relativement succincts et a adopté l’analyse du rapport aux termes des articles 40 et 41. Dans ces circonstances, il convient de considérer le rapport en question comme un document faisant partie des motifs de la Commission; voir Sketchley c. Canada (Procureur général), [2006] 3 R.C.F. 392, au paragraphe 37.

 

[22]           En ce qui a trait au contenu du rapport aux termes des articles 40 et 41, avant d’exposer ses conclusions, l’enquêtrice a passé en revue l’historique des différents griefs et plaintes de la demanderesse. Dans ses conclusions, elle a cité l’alinéa 41(1)d) de la Loi, qui accorde à la Commission le pouvoir discrétionnaire de ne pas statuer sur une plainte lorsque les questions qui y sont soulevées ont été examinées dans le cadre d’une autre procédure, y compris un règlement ou compromis. Au même moment, l’enquêtrice a souligné que la Commission conservait le pouvoir discrétionnaire de connaître d’une plainte malgré le fait qu’une renonciation finale avait été signée, [traduction] « s’il semble que les questions liées aux droits de la personne et soulevées dans la plainte n’ont pas été traitées dans le règlement ».

 

[23]           Il appert du rapport de l’enquêtrice que celle-ci était au courant de la jurisprudence pertinente, notamment les décisions rendues dans Boudreault c. Canada (Procureur général) (1995), 99 F.T.R. 293, et Société canadienne des postes c. Barrette, [2000] 4 C.F. 145 (C.A.F.).

 

[24]           Dans Boudreault, la Cour fédérale a décidé que la Commission ne peut refuser de connaître d’une plainte pour la seule raison qu’un autre organisme s’était déjà penché sur la question. Selon la Cour, la Commission doit passer la preuve en revue et décider elle-même s’il y a lieu de poursuivre l’affaire ou non. Cependant, au même moment, la Commission peut utiliser les éléments de preuve réunis dans l’autre procédure, y compris les documents et les témoignages.

 

[25]           Dans Barrette, la Cour d’appel fédérale a conclu que la décision rendue par une autre instance décisionnelle ne pouvait donner lieu à une préclusion. Au paragraphe 28, elle s’est exprimée comme suit :

[...]

 

la Commission doit examiner la décision de l’[autre instance décisionnelle], non pas pour déterminer si elle est liée par cette décision, mais plutôt pour répondre à la question de savoir si, compte tenu de la décision de l’arbitre et des conclusions de fait et en matière de crédibilité qu’il a tirées, l’alinéa 41(1)d) ne s’applique pas, vu la nature de la plainte.

 

 

[26]           La Commission était saisie de renseignements montrant que la demanderesse avait déposé des griefs connexes auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique et que ces griefs avaient été rejetés. Elle était saisie de renseignements indiquant qu’un exercice d’établissement des faits avait été effectué et avait mené à la conclusion que les plaintes de la demanderesse n’étaient pas fondées.

 

[27]           Une copie du protocole d’accord avait été jointe en appendice A au rapport aux termes des articles 40 et 41. La Commission avait été saisie de ce document, qui prévoyait le paiement d’une indemnité pécuniaire à la demanderesse. Selon ce même protocole, la demanderesse s’engageait également à ne pas poursuivre sa plainte en matière de droits de la personne. Un examen des circonstances relatives à l’ensemble des plaintes de la demanderesse montre que certains des griefs de celle-ci portaient jusqu’à un certain point sur des droits de la personne, notamment en ce qui concerne la plainte liée à l’omission par l’employeur de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la déficience de la demanderesse, la plainte relative à la différence de traitement dont celle-ci a été victime et les allégations ayant trait à sa déficience découlant d’allergies.

 

[28]           Le protocole d’accord prévoyait le paiement à la demanderesse d’une indemnité pécuniaire élevée, y compris [traduction] « une allocation unique accordée pour des raisons exceptionnelles de 20 000 $ ».

 

[29]           Un compte rendu détaillé de ces facteurs figure dans le rapport aux termes des articles 40 et 41. Bien que la demanderesse ait tenté d’attaquer la crédibilité et le caractère équitable de l’exercice d’établissement des faits et de l’entente, elle n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de ses allégations dans les observations qu’elle a présentées à la Commission. En revanche, le défendeur a fourni des explications réfléchies au sujet de chacune des préoccupations de la demanderesse à l’égard de l’exercice d’établissement des faits.

 

[30]           Il était loisible à la Commission de conclure que la demanderesse n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve crédibles à l’appui de ses arguments. Dans ces circonstances, je suis d’avis que la décision de la Commission selon laquelle la demande de la demanderesse était visée par le critère prévu à l’alinéa 41(1)d) de la Loi était raisonnable et qu’il n’y a pas lieu pour la Cour d’intervenir.

 

[31]           La demanderesse conteste également la rigueur de l’enquête sous-jacente. Elle reproche à la Commission de ne pas avoir tenté d’obtenir de renseignements auprès de témoins importants qu’elle a nommés. Elle ajoute que la Commission aurait dû l’aviser  que la crédibilité de ses allégations pouvait susciter des doutes et que cette omission constitue également un manquement à l’équité procédurale.

 

[32]           Il est bien reconnu en droit que la Commission est maître de sa procédure. Dans Busch c. Canada (Procureur général) (2008), 71 C.C.E.L. (3d) 178, la Cour a formulé les commentaires suivants au paragraphe 15 : 

[...] ce ne sont pas toutes les personnes dont le nom figure sur la liste de témoins potentiels fournie par le plaignant qui doivent être interviewées; l’enquêteur dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire lorsqu’il s’agit de décider comment mener une enquête [...]. Toutefois, lorsqu’un témoin possède des renseignements qui pourraient répondre à une conclusion importante de l’enquêteur et lorsque aucune autre personne qui pourrait permettre de résoudre un aspect important et controversé n’est interviewée, il me semble que le fait de ne pas interviewer cette personne peut résulter en une enquête qui est incomplète. [Références omises.]

 

[33]            Il faut se rappeler que le rapport aux termes des articles 40 et 41 qui a été produit en l’espèce a été rédigé après la signature du protocole d’accord par la demanderesse et son ex‑employeur, Statistique Canada. Lors de l’enquête initiale, la principale question sur laquelle la Commission s’est penchée était de savoir s’il y avait lieu de réactiver la plainte de la demanderesse, à la lumière de l’ensemble des circonstances, y compris la signature du protocole d’accord en question. Dans Tinney c. Canada (Procureur général), 2010 CF 605, la Cour a résumé comme suit la norme d’équité procédurale relative à l’interrogatoire de témoins proposés :

La jurisprudence est claire : l’enquêteur qui examine une plainte en matière de droits de la personne n’a pas l’obligation d’interroger tous les témoins potentiels proposés ou identifiés par les parties... Toutefois, il ressort clairement de la jurisprudence qu’une entrevue s’avère nécessaire lorsqu’une personne raisonnable s’attendrait à ce que des éléments de preuve utiles pour l’enquêteur puissent être obtenus à l’occasion de cette entrevue [...], ou encore, lorsqu’un témoin possède des renseignements qui pourraient traiter d’un fait important et lorsqu’aucune autre personne qui pourrait résoudre un aspect important et controversé n’est interrogée. [Références omises.]

 

 

[34]           Eu égard à cette norme, je suis d’avis qu’une personne raisonnable ne s’attendrait pas à ce que les témoins proposés par la demanderesse fournissent des éléments de preuve utiles pour étayer son allégation de contrainte ou à ce qu’ils possèdent des renseignements qui permettraient de résoudre plus facilement cette question. Je suis convaincue qu’aucun manquement à l’équité procédurale n’a été commis à cet égard.

 

[35]           La demanderesse allègue aujourd’hui qu’elle a signé le protocole d’accord sous la contrainte. Elle n’a présenté aucun élément de preuve indépendant à ce sujet. Elle renie à toutes fins utiles le rôle de son conseiller juridique qui l’a aidée au cours des négociations et lors de la signature du protocole.

 

[36]           En ce qui a trait à l’allégation de la demanderesse selon laquelle la Commission aurait dû l’informer qu’elle n’accepterait peut-être pas ses arguments au sujet de l’intégrité de l’exercice d’établissement des faits ou au sujet de la contrainte lors de la signature de l’accord, l’échange des observations écrites montre clairement que ces questions étaient contestées. La demanderesse a eu la possibilité de commenter ces questions dans ses observations.

 

[37]           En conclusion, je suis d’avis que la Commission a rendu une décision raisonnable et qu’aucun manquement à l’équité procédurale n’a été commis. La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens en faveur du défendeur.

 


 

ORDONNANCE

 

La demande est rejetée avec dépens en faveur du défendeur. Si les parties ne peuvent s’entendre sur les dépens, des observations écrites d’au plus cinq (5) pages pourront être déposées; le défendeur devra signifier et produire ses observations au plus tard le 7 février 2011, tandis que la demanderesse devra faire de même au plus tard le 21 février 2011.

 

                                                                                                                 « E. Heneghan »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1803-09

 

INTITULÉ :                                       RACHEL EXETER c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 7 septembre 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 25 janvier 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Yavar Hameed

 

POUR LA DEMANDERESSE

Paul Battin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hameed & Farrokhzad

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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