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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20101202

Dossier : T-1812-08

Référence : 2010 CF 1220

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 décembre 2010

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

MUSTAFA IBRAHIM

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

SHAW CABLESYSTEMS G.P. ET

SHAW COMMUNICATIONS INC.

 

 

 

défenderesses

 

 

 

 

 

      MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               M. Ibrahim est un musulman noir d’origine somalienne. Il a porté plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne au motif que ses employeurs (collectivement désignés Shaw) lui auraient fait subir de la discrimination, n’auraient pas pris de mesures d’accommodement à la suite d’un accident qu’il avait subi au travail et l’auraient par la suite congédié en raison de sa race, de sa religion, de sa couleur et d’une déficience.

 

[2]               La Commission a fait enquête et conclu que la plainte de M. Ibrahim devait être rejetée. Ce dernier a présenté à la Cour une demande de contrôle judiciaire de cette décision, la question en litige étant de savoir s’il était raisonnable pour la Commission de conclure qu’il y avait trop peu d’éléments de preuve pour que soit justifié le recours à une enquête complète du Tribunal canadien des droits de la personne. La conclusion de la Commission étant à mon avis raisonnable, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée, avec dépens.

 

[3]               En octobre 2001, Mustafa Ibrahim a commencé à travailler chez Shaw comme installateur de câbles. En avril 2003, M. Ibrahim, au travail, s’est blessé à la hanche, à l’aine et au dos. Il a alors touché des indemnités d’accident du travail; il n’est retourné travailler qu’en février 2005, à un poste plus sédentaire. En septembre 2006, M. Ibrahim s’est plaint à la Commission canadienne des droits de la personne de ce que Shaw n’avait pas pris les mesures d’accommodement rendues nécessaires par sa déficience et que, en regard de certains rabais accordés aux employés, il subissait de la discrimination en raison de la couleur de sa peau.

 

[4]               M. Ibrahim a fait l’objet d’un congédiement, censément justifié, le 20 février 2007. Le mois suivant, il a saisi la Commission d’une seconde plainte, celle‑ci portant sur de la discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion et la déficience. M. Ibrahim se plaignait d’une différence de traitement préjudiciable du fait que de Shaw n’avait pas pris de mesures d’accommodement à son égard et ne lui avait pas offert un milieu de travail exempt de harcèlement ainsi que de son licenciement pour des motifs illicites.

 

[5]               La Commission a décidé en premier lieu de ne pas se saisir des actes discriminatoires qui seraient survenus avant février 2005. L’alinéa 41(1)e) de la Loi canadienne sur les droits de la personne lui confère le pouvoir discrétionnaire d’écarter pour irrecevabilité les plaintes fondées sur des actions ou des omissions remontant à plus d’un an avant qu’elles n’aient été portées à son attention. Cette décision de la Commission n’a pas été contestée.

 

[6]               La Commission a ensuite réuni les deux plaintes et nommé un enquêteur. Dans son rapport, dont l’ébauche a été remise aux parties pour qu’ils formulent des commentaires, ce qu’ils ont fait, l’enquêteur a recommandé le rejet de la plainte parce que l’employeur avait pris des mesures d’accommodement pour répondre aux besoins de M. Ibrahim, avait pris les mesures requises pour qu’il n’y ait plus de graffitis ou de commentaires racistes et avait licencié M. Ibrahim pour un motif non discriminatoire légitime. La Commission a souscrit aux recommandations de l’enquêteur et rejeté la plainte.

 

[7]               L’argumentation de M. Ibrahim est à deux volets. Il soutient qu’aucune enquête n’a été menée à toutes fins utiles et que, si l’on devait considérer qu’il y en a eu une, celle-ci a été superficielle et minée par des retards excessifs qui ont conduit à de l’injustice. En tout état de cause, il soutient aussi que la décision de la Commission de rejeter sa plainte était déraisonnable. La Commission aurait dû déférer la plainte au Tribunal canadien des droits de la personne ou, à tout le moins, demander la tenue d’une enquête plus exhaustive avant d’en arriver à sa décision.

 

[8]               M. Ibrahim, qui se représentait lui-même, a établi un dossier de demande peu cohérent, a eu du mal à distinguer entre la présentation d’observations fondées sur le dossier dont je disposais et de nouveaux témoignages et, pendant la plaidoirie, n’a pas traité de tous les points, fort nombreux, soulevés dans ses observations écrites. Je suppose toutefois que M. Ibrahim n’a pas laissé tomber les points non abordés, mais n’avait tout simplement rien à ajouter.

 

[9]               J’en suis venu à la conclusion que l’enquête a été menée dans le respect de la loi, qu’elle était équitable et que l’enquêteur a tiré des conclusions raisonnables. Je conclus également qu’il était raisonnable pour la Commission de souscrire aux recommandations de l’enquêteur et de rejeter la plainte de M. Ibrahim.

 

LA LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE

[10]           L’objet de la Loi est de donner effet, dans le champ de compétence fédérale, au principe du droit de tous les individus à l’égalité des chances et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l’état de personne graciée.

 

[11]           L’article 7 et l’article 14 sont les deux articles de la Loi sur lesquels s’appuie au premier chef la demande de M. Ibrahim. L’article 7 prévoit que constitue un acte discriminatoire le fait, notamment, de défavoriser un individu en cours d’emploi pour un motif illicite. L’article 14 prévoit pour sa part que constitue un acte discriminatoire le fait, en matière d’emploi, de harceler un individu pour un motif illicite.

 

[12]           On a constitué la Commission pour qu’elle traite les plaintes. Elle peut notamment nommer un enquêteur, qui doit présenter un rapport faisant état de ses conclusions. Diverses options s’offrent à la Commission une fois que le rapport lui a été remis. Elle peut demander au Tribunal canadien des droits de la personne de procéder à un examen complet de la plainte, ou rejeter la plainte si elle estime l’examen de la plainte non justifié dans les circonstances. Elle peut aussi nommer des conciliateurs et approuver ou rejeter les règlements convenus entre les parties.

 

[13]           Dans les affaires comme en l’espèce où la Commission souscrit au rapport de l’enquêteur sans présenter de motifs additionnels, le rapport constitue les motifs de la Commission même et est susceptible de contrôle judiciaire (Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 R.C.F. 392, paragraphe 37).

 

[14]           Dans l’arrêt Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879, [1989] A.C.S. n° 103 (QL), la Cour suprême a cerné l’intention du législateur dans les cas où la preuve ne suffit pas pour justifier le renvoi par la Commission de la plainte au Tribunal. Le juge Sopinka a déclaré à ce titre, au paragraphe 27 : « Le but n’est pas d’en faire une décision aux fins de laquelle la preuve est soupesée de la même manière que dans des procédures judiciaires; la Commission doit plutôt déterminer si la preuve fournit une justification raisonnable pour passer à l’étape suivante. » Le juge La Forest a également fait remarquer ce qui suit dans l’arrêt Cooper c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854, [1996] A.C.S. n° 115 (QL), au paragraphe 53 : « Il ne lui appartient pas de juger si la plainte est fondée. Son rôle consiste plutôt à déterminer si, aux termes des dispositions de la Loi et eu égard à l’ensemble des faits, il est justifié de tenir une enquête. L’aspect principal de ce rôle est alors de vérifier s’il existe une preuve suffisante. »

 

 

[15]           La Commission doit se conformer aux principes de justice naturelle pour en arriver à sa décision, comme l’a précisé la juge Layden-Stevenson dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Davis, 2010 CAF 134, 403 N.R. 355 (au paragraphe 6) :

La Commission doit se conformer aux principes de justice naturelle. Cette obligation signifie que le rapport d’enquête sur lequel elle se fonde doit être neutre et complet et qu’elle doit donner aux parties la possibilité d’y répondre : Sketchley c. Canada (Procureur général) (C.A.F.), [2006] 3 R.C.F. 392, appliquant l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

 

Se reporter également à la décision Slattery c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574, [1994] A.C.F. n° 181 (QL), confirmé, 2005 N.R. 383, [1996] A.C.F. n° 385 (QL).

 

[16]           Comme on l’a aussi souligné dans l’arrêt Davis, précité, la norme de contrôle applicable aux questions de justice naturelle et d’équité procédurale est la décision correcte (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190), tandis que la décision de renvoyer ou non une plainte au Tribunal commande la norme de la raisonnabilité.

 

[17]           Même si les relations entre M. Ibrahim et Shaw s’envenimaient depuis un certain temps déjà, deux éléments se sont avérés déterminants et ont fait l’objet de l’essentiel des plaintes de M. Ibrahim. Il y a eu premièrement les suites de l’accident de travail de M. Ibrahim et, deuxièmement, les relations de celui-ci avec ses collègues de travail.

 

[18]           La question de l’accident de travail comporte elle-même deux volets : le fait qu’on n’ait pas pris de mesures d’accommodement à l’égard de la déficience de M. Ibrahim et le fait que M. Ibrahim se soit vu par la suite refuser des avantages sociaux en raison de la couleur de sa peau.

 

[19]           La situation a culminé en février 2007. Shaw a déclaré, verbalement et par écrit, qu’elle estimait que M. Ibrahim ne lui avait pas donné d’avis appropriés de ses rendez-vous chez le médecin. Selon Shaw, vu que M. Ibrahim avait déclaré devoir attendre jusqu’à trois mois pour obtenir un tel rendez-vous, il aurait donc dû être en mesure de l’aviser suffisamment à l’avance de ses absences pour pouvoir s’y préparer. Elle disait s’attendre à un préavis d’au moins deux jours ouvrables. Il pouvait s’ensuivre des mesures disciplinaires, y compris son congédiement, si M. Ibrahim continuait d’enfreindre les directives de l’entreprise quant à toute absence d’un quart normalement prévu.

 

[20]           En outre, M. Ibrahim enregistrait subrepticement d’autres employés, dont un qu’il a accusé de tenir des propos racistes. Bien qu’il ait dit disposer d’enregistrements sur bande, M. Ibrahim a refusé dans un premier temps de les produire. On a muté l’employé en cause ailleurs de manière à ce qu’il ne puisse plus communiquer avec M. Ibrahim.

 

[21]           Deux autres employés, qui craignaient semble-t-il d’être piégés, ont informé par écrit l’entreprise que M. Ibrahim avait souvent mentionné s’être procuré de la drogue et avoir fumé de la marihuana au travail. M. Ibrahim les avait invités à se joindre à lui, mais ils avaient refusé.

 

[22]           Le 20 février 2007, M. Ibrahim a fait l’objet d’un congédiement justifié, soit [traduction] « notamment, pour avoir encouragé des collègues de travail à consommer avec [lui] des stupéfiants illicites, en contravention du Code criminel, avoir enregistré subrepticement des collègues au travail, avoir entravé une enquête faisant suite à une allégation de harcèlement et avoir caché ou détruit des éléments de preuve liés à cette enquête ».

 

L’ÉQUITÉ PROCÉDURALE

[23]           M. Ibrahim se plaint du fait que l’enquêteur n’a pas fait passer d’entrevues à deux témoins éventuels qu’il avait désignés et n’est pas allé saisir le pouls de la communauté somalienne de Winnipeg et parler à certains de ses membres. Si l’enquêteur l’avait fait, il se serait rendu compte qu’il était tout simplement impossible pour M. Ibrahim d’avoir consommé de la drogue au travail ou d’avoir incité d’autres personnes à le faire, cette allégation n’ayant été portée qu’en raison de la couleur de sa peau. Ce que M. Ibrahim avait pris au travail c’était du nabilone, un médicament délivré sur ordonnance et ressemblant quelque peu à la marihuana. On lui avait prescrit ces pilules en raison de ses maux de dos. Toutefois, les deux témoins éventuels avaient travaillé avec M. Ibrahim en 2003, soit avant que ne se produise son accident de travail. Les faits visés par l’enquête n’avaient débuté qu’en 2005. L’enquêteur a fait état de manière très détaillée des documents qu’il avait passés en revue et a précisé quelles personnes il avait interrogées. La Commission jouit d’une grande latitude dans l’exercice de ses activités. Ce qu’il s’agissait d’établir c’était ce qui s’était produit au travail et non, comme l’a allégué M. Ibrahim, si l’on pouvait présumer que les citoyens ordinaires de Winnipeg croyaient qu’une personne d’origine somalienne était un trafiquant de drogue.

 

[24]           À mon sens, l’enquête menée a été exhaustive, neutre et équitable. Les résultats d’une enquête ne constituent pas une feuille de pointage comme le laisse entendre M. Ibrahim, selon qui, puisque l’enquêteur a conclu d’une manière favorable à Shaw sur tous les points, celui-ci devait être partial. De telles allégations ne sont d’aucune aide.

 

[25]           Dans l’arrêt Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie, précité, le juge Sopinka a fait sienne la déclaration de lord Denning dans l’arrêt Selvarajan c. Race Relations Board, [1976] 1 All. E.R. 12 (à la page 19) :

[traduction]

 

Ces dernières années nous avons examiné la procédure de nombreux organismes chargés de faire enquête et de se faire une opinion [...] Dans tous ces cas , on a jugé que l’organisme chargé d’enquêter a le devoir d’agir équitablement; mais les exigences de l’équité dépendent de la nature de l’enquête et de ses conséquences pour les personnes en cause. La règle fondamentale est que, dès qu’on peut infliger des peines ou sanctions à une personne ou qu’on peut la poursuivre ou la priver de recours, de redressement ou lui faire subir de toute autre manière un préjudice en raison de l’enquête et du rapport, il faut l’informer de la nature de la plainte et lui permettre d’y répondre. Cependant, l’organisme enquêteur est maître de sa propre procédure. Il n’est pas nécessaire qu’il tienne une audition. Tout peut se faire par écrit. Il n’est pas tenu de permettre la présence d’avocats. Il n’est pas tenu de révéler tous les détails de la plainte et peut s’en tenir à l’essentiel. Il n’a pas à révéler sa source de renseignements. Il peut se limiter au fond seulement. De plus, il n’est pas nécessaire qu’il fasse tout lui-même. Il peut faire appel à des secrétaires et des adjoints pour le travail préliminaire et plus. Mais en définitive, l’organisme enquêteur doit arrêter sa propre décision et faire son propre rapport.

 

L’ACCOMMODEMENT À L’ÉGARD DE LA DÉFICIENCE

[26]           Nul ne conteste que des mesures d’accommodement devaient être prises par suite de l’accident subi par M. Ibrahim au travail. Shaw a agi en étroite collaboration avec la Commission d’indemnisation des travailleurs pour que des mesures d’accommodement soient prises pour répondre aux besoins de M. Ibrahim lors de son retour au travail en février 2005. La commission a écrit à Shaw l’année suivante pour l’informer que M. Ibrahim était en mesure de reprendre son ancien travail d’installateur de câbles. M. Ibrahim a contesté l’avis de la commission; après avoir reçu un certificat du médecin de ce dernier, Shaw a continué de lui offrir des mesures d’accommodement pour répondre à ses besoins en lui permettant d’occuper un poste plus sédentaire. L’enquêteur a établi qu’au vu de la preuve, bien que M. Ibrahim ait pu être insatisfait de ses nouvelles fonctions, Shaw avait tenu compte en tout temps de ses besoins. Cette décision était raisonnable.

 

L’ACCOMMODEMENT À L’ÉGARD DE LA RELIGION

[27]           Selon M. Ibrahim, Shaw savait qu’il était musulman et qu’il lui fallait prendre sa pause dîner de 13 h à 13 h 30 pour prier. La période prévue à l’origine pour la pause dîner de M. Ibrahim était de 12 h 30 à 13 h, mais cette période a été modifiée lorsque ce dernier en a fait la demande. Comme le superviseur de M. Ibrahim l’a déclaré : [traduction] « Ce que Mustafa voulait, on le lui accordait. » L’enquêteur a conclu de manière raisonnable que la preuve n’étayait pas la prétention de M. Ibrahim selon laquelle on avait refusé de prendre à son endroit les mesures d’accommodement requises à l’égard de sa religion. M. Ibrahim s’est également plaint du fait qu’une année on ne lui avait pas transmis d’invitation personnelle pour la réception de Noël de l’entreprise. Personne toutefois n’avait alors reçu d’invitation personnelle, l’invitation ayant été affichée sur un babillard.

 

 

LA DIFFÉRENCE DE TRAITEMENT PRÉJUDICIABLE DANS L’OFFRE D’AVANTAGES SOCIAUX

 

 

[28]           M. Ibrahim s’est plaint de ce que, pendant son congé de maladie, il n’a pas pu bénéficier du rabais offert aux employés quant à des services Internet et à des services de communication par câble, ni du régime de prestations de soins de santé des employés, et on a interrompu son accès à Internet au travail.

 

[29]           La situation était certes confuse comme M. Ibrahim a dû acquitter une partie de ses prestations. Quoique M. Ibrahim avait droit au même ensemble de prestations de soins de santé versées par une société d’assurance que tous les autres employés, lorsqu’un employé devient couvert par le régime d’indemnisation des accidents du travail, il n’a plus accès jusqu’à son retour au travail à temps plein à ces prestations de soins de santé.

 

[30]           Shaw admet avoir refusé temporairement à M. Ibrahim l’accès à Internet au travail, pour deux motifs. Premièrement, bien que M. Ibrahim ait été en congé de maladie, il venait sur les lieux de travail pour avoir accès à Internet. Deuxièmement, l’accès à Internet n’était pas requis pour l’exécution par M. Ibrahim de ses nouvelles fonctions.

 

[31]           L’enquêteur a conclu qu’il y avait une certaine confusion au plan administratif quant au moment où avait commencé et cessé le versement des prestations de M. Ibrahim. Cela venait du fait qu’entre 2003 et 2007, M. Ibrahim avait eu de nombreuses périodes alternées de travail et de congé et avait souvent touché des indemnités pour accident du travail, et que le régime de prestations de soins de santé et le régime d’indemnisation allaient de pair. L’enquêteur a conclu de façon raisonnable que M. Ibrahim avait été traité de la même manière que tout autre employé.

 

LE HARCÈLEMENT – GRAFFITIS DANS LES TOILETTES

[32]           La preuve a révélé qu’à l’occasion, il y avait eu dans les toilettes des hommes des graffitis liés à un motif de distinction illicite, mais que les graffitis ne visaient pas nécessairement M. Ibrahim. Certains des commentaires formulés concernaient les Philippins. L’entreprise, par ailleurs, avait pris toutes les mesures nécessaires pour faire enlever les graffitis des toilettes à chaque fois qu’il y en avait eu.

 

LE HARCÈLEMENT – PROPOS RACISTES QUI AURAIENT ÉTÉ TENUS PAR UN COLLÈGUE DE TRAVAIL

[33]           Un incident a mis en cause M. Ibrahim et un autre employé. Dès que M. Ibrahim en a informé Shaw, une enquête interne a été ouverte. L’employé concerné a fait l’objet d’un blâme, on lui a demandé de rédiger une note d’excuses – ce qu’il a fait – et on lui a assigné de nouvelles fonctions ailleurs qu’à l’entrepôt où travaillait M. Ibrahim.

 

[34]           M. Ibrahim avait enregistré la conversation tenue avec cet employé, mais il a refusé de remettre l’enregistrement. L’enquêteur a conclu que Shaw s’était occupée correctement de ce problème de harcèlement et que M. Ibrahim ne s’était pas montré coopératif dans la tenue de l’enquête.

 

[35]           On a également affirmé que M. Ibrahim avait enregistré d’autres employés tenant des propos racistes, mais M. Ibrahim a nié devant moi l’avoir fait. On a toutefois remis à M. Ibrahim une ébauche du rapport de l’enquêteur où figurait cette affirmation, et il n’a formulé aucun commentaire à son sujet.

 

[36]           L’enregistrement par M. Ibrahim de conversations a fait craindre à d’autres employés d’avoir été piégés pour qu’on les croie être des consommateurs de drogue. Deux employés ont exprimé leurs craintes par écrit, alléguant que M. Ibrahim leur avait demandé de fumer de la marihuana avec lui.

 

[37]           Devant moi à l’audience, M. Ibrahim a plutôt accusé les deux employés d’être eux-mêmes des trafiquants de drogue et d’être des lèche-bottes espérant obtenir de Shaw de l’avancement. Comme je l’ai déjà dit, ce fut là pour Shaw la goutte qui a fait déborder le vase.

 

[38]           Tout bien pesé, l’analyse de l’enquêteur s’est avérée neutre et très exhaustive. Dans la mesure où je n’ai pas traité expressément des autres plaintes de M. Ibrahim, j’estime que l’analyse et la conclusion de l’enquêteur étaient raisonnables. Le rapport d’enquête montre que chacune des allégations a été examinée en détail. Il y a bien eu du harcèlement, mais Shaw a pris très rapidement toutes les mesures raisonnables requises. La question des avantages sociaux a aussi été source d’une certaine confusion, mais c’était là un problème de nature administrative plutôt que de discrimination.

 

DÉPENS

[39]           Ce qui touche le mode de vie et les enquêtes sur des allégations de discrimination, affirme M. Ibrahim, ça n’a pas de prix. Selon lui, l’enquêteur aurait dû se rendre à Winnipeg et l’enquête aurait dû être menée plus rapidement. Il y a bien toutefois des questions budgétaires à prendre en compte, et les coûts sont un facteur à considérer. Aucune preuve quelconque ne démontre que le résultat aurait été le moindrement différent si la Commission avait disposé de plus nombreux enquêteurs, ce qui aurait permis le règlement plus rapide de l’affaire, ou avait décidé d’envoyer son enquêteur à Winnipeg.

 

[40]           Il n’y a aucune raison pour que les dépens ne suivent pas l’issue de la cause. En l’espèce, Shaw a recouru aux services de son propre avocat, de Toronto, plutôt que de retenir les services d’un avocat sur les lieux, à Winnipeg. Elle avait assurément le droit de le faire. L’octroi des dépens relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour, toutefois, et je ne vois aucun motif pour lequel M. Ibrahim devrait acquitter les frais de déplacement ou de logement de l’avocat de Shaw.

 

[41]           Les dépens seront taxés en fonction des valeurs médianes de la colonne 2.

 

 

 

 


ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS ÉNONCÉS,

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée, avec dépens.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1812-08

 

IINTITULÉ :                                      MUSTAFA IBRAHIM c. SHAW CABLESYSTEMS                                                                         G.P. ET SHAW COMMUNICATIONS INC.

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 WINNIPEG (MANITOBA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 17 NOVEMBRE 2010

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS ET

DE L’ORDONNANCE :                   LE 2 DÉCEMBRE 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mustafa Ibrahim

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Howard A. Levitt

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

S/0

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Lang Michener LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

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