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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20101012

Dossier : IMM-1585-10

Référence : 2010 CF 1005

[TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 octobre 2010

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

IVAN ARTURO PARASI AGUIRRE

BEATRIZ ENRIQUETA RUBIO DE PARASI

et IVAN AARON PARASI RUBIO

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente est une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés L.C. 2001, c. 27 (la Loi), d’une décision rendue le 25 février 2010 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés (la Commission) a conclu que Ivan Arturo Parasi Aguirre (le demandeur principal), Beatriz Enriqueta Rubio De Parasi (l’épouse du demandeur principal) et Ivan Aaron Parasi Rubio (le fils du demandeur principal) n’avaient ni qualité de réfugiés au sens de la Convention ni qualité de personnes à protéger.

 

[2]        Les demandeurs sont citoyens du Pérou. La source des problèmes des demandeurs remonte au début des années 1990 lorsque le beau-frère du demandeur principal a obtenu un poste relevant de la politique municipale et a reçu des menaces de groupes terroristes, ce qui l’a conduit à fuir le pays en 1992.

 

[3]        De 1994 à 1998, les demandeurs n’ont signalé aucun incident. Cependant, ils ont commencé à être ciblés en 1998. Le premier incident signalé a été le saccage de leur supermarché pendant leurs vacances. Le concierge a tenu le Sentier lumineux responsable de cet incident.

 

[4]        En 1999, les demandeurs allèguent que leur supermarché a encore été pillé, et le 1er avril 2000, le demandeur principal a été agressé sur la rue. Deux semaines après cet incident, des terroristes ont jeté des pierres sur la maison du demandeur principal et sur son fils.

 

[5]        Le demandeur principal a communiqué avec la police après chacun de ces trois incidents, mais il n’a reçu aucune aide.

 

[6]        Les demandeurs ont fui le Pérou vers les États-Unis en mai 2000, et ils sont arrivés au Canada en 2007 où ils ont demandé l’asile.

 

[7]        La Commission a rejeté les demandes des demandeurs pour des questions de crédibilité, d’incohérences, de contradictions et en raison du fait que les demandeurs sont exposés à un risque généralisé.

[8]        La Commission a conclu que les demandeurs étaient crédibles quant à ce qu’ils avaient vécu, mais qu’ils n’étaient pas crédibles quant à l’auteur du préjudice. Ils n’ont pas réussi à établir que le préjudice qu’ils ont subi était le résultat d’un ciblage précis de la part du Sentier lumineux sur la famille et leurs affaires. 

 

[9]        La Commission a conclu que les demandeurs étaient victimes de crime et d’attaques gratuites en raison de leur présumée richesse, mais le fait qu’ils soient considérés comme riches n’est pas l’un des motifs prévus par la Convention pour lequel l’asile peut être accordé.

 

[10]      Les questions de crédibilité sont des questions de fait et la norme qui leur est applicable est celle de la décision raisonnable (Aguirre c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 571, [2008] A.C.F. no 732, au paragraphe 14; Guzman c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 490, [2008] A.C.F. no 624, au paragraphe 10). Par conséquent, la Cour n’interviendra que si la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).

 

[11]      La Commission a fondé sa conclusion quant à la crédibilité des demandeurs sur les contradictions entre les témoignages incriminant le Sentier Lumineux et la preuve documentaire qui indique que pendant les années en question, le Sentier lumineux était presque inactif. Elle s’est également fondée sur les contradictions entre le témoignage du demandeur principal et ce qu’il a déclaré par écrit et pendant des entrevues aux agents d’immigration (AI) ainsi que sur des contradictions entre le témoignage du demandeur principal et son formulaire de renseignements personnels (FPR).

 

[12]      Les demandeurs s’appuient sur la décision Shaheen c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2001 CFPI 670, au paragraphe 13, où la Cour déclare que :

Les divergences sur lesquelles s’appuie la Section du statut de réfugié doivent être réelles (Rajaratnam c. MEI, 135 N.R. 300 (C.A.F.). La Section du statut de réfugié ne doit pas mettre un zèle « […] à déceler des contradictions dans le témoignage du requérant […] elle ne devrait pas manifester une vigilance excessive en examinant à la loupe [les éléments de preuve] » Attakora c. M.E.I (1989), 99 N.R. 168, au paragraphe 9). Les contradictions ou l’incohérence doivent être raisonnablement liées à la crédibilité du demandeur (Owusu-Ansah c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1989), 98 N.R. 312 (C.A.F.). Il doit être tenu compte des explications qui ne sont pas manifestement invraisemblables (Owusu-Ansah, précité).

 

 

[13]      En l’espèce, je ne crois pas que c’est à la suite d’un examen à la loupe que les contradictions ont été relevées par la Commission. J’estime qu’elles sont rationnellement liées à la crédibilité des demandeurs. La Commission n’était pas satisfaite des réponses fournies par les demandeurs sur la question de savoir pourquoi ils avaient changé leur témoignage concernant l’agent responsable des présumées agressions.

 

[14]      En outre, la Commission n’a pas simplement fondé ses conclusions sur les contradictions entre le témoignage du demandeur principal et ses interactions avec les AI, elle a également tenu compte des documents sur la situation dans le pays. Ces détails sont précisés aux paragraphes 10 à 25 de la décision. La Cour est d’avis que les conclusions tirées par la Commission sont étayées par la preuve.

 

[15]      Quant à la conclusion par la Commission selon laquelle les demandeurs sont exposés à un risque généralisé, soit le même auquel sont exposés tous les citoyens du Pérou, la Commission a fourni des motifs solides et a cité à l’appui la décision Cius c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1, aux paragraphes 18 et 21. Il n’y a pas lieu pour la Cour d’intervenir.

 

[16]      Quant au présumé manquement à la justice naturelle, les demandeurs ont affirmé qu’ils s’attendaient légitiment à ce que seuls leurs FRP de remplacement seraient pris en compte à l’audience. La Commission a plutôt examiné le premier FRP et le FRP modifié. Les demandeurs se sont appuyés sur la décision Levanaj c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 330, [2006] A.C.F. no 400, au paragraphe 34.

 

[17]      Les faits dans cette affaire sont différents de ceux de l’espèce. En effet, en l’espèce, les demandeurs ont été avisés au début de l’audience que le premier FRP serait examiné.

 

[18]      Par conséquent, je conclus qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale.

 

[19]      Les demandeurs proposent les questions suivantes à certifier :

1.      Lorsqu’on évalue si une décision est raisonnable au sens donné par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] R.C.S. 190 et dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, [2009] A.C.S. no 12, on doit se demander si :

a.       la décision de la SPR manque-t-elle a) de justification ou b) de transparence si la SPR ne renvoie pas à une preuve précise et pertinente?

b.      la décision de la SPR est-elle intelligible si la discussion de la preuve ne consiste qu’en une simple déclaration générale que la SPR a tenu compte de tous les éléments de preuve?

 

            2.         Est-il a) injuste sur le plan procédural ou b) contraire aux principes de justice naturelle ou c) déraisonnable d’examiner à la loupe en vue de trouver des contradictions entre un formulaire de renseignements personnels qui n’a pas été traduit dans la langue des demandeurs et un formulaire de renseignements personnels modifié?

 

            3.         La SPR a-t-elle droit de conclure qu’un demandeur n’est pas crédible et qu’il se plaint du comportement d’un conseiller ou d’un avocat si le demandeur ne dépose pas une plainte officielle auprès d’un organisme officiel ou s’il ne prend aucune mesure?

 

            4.         Aux fins de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, les capitalistes peuvent-ils constituer un groupe particulier dans un pays où les capitalistes sont persécutés?

 

            5.         L’arrêt Roma c. Canada (MCI), [2006] A.C.F. no 728, fait-il autorité et est-il déraisonnable que la SPR tire une conclusion défavorable parce qu’un demandeur

                        a.         désigne de façon plus vague l’agent du préjudice à son arrivée au Canada que la façon dont il l’a désigné dans son Formulaire de renseignements personnels ou à l’audience?

                        b.         acquiert de la certitude quant à l’identité de l’agent du préjudice à la lumière de nouveaux renseignements reçus entre le moment de son arrivée au Canada et l’audition de la demande d’asile?

 

[20]      Je suis d’accord avec le défendeur pour affirmer que ces questions ne devraient pas être certifiées parce qu’elles ne sont pas des questions de portée générale ou parce que la jurisprudence s’est prononcée sur elles.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée. Aucune question n’est à certifier.

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1585-10

 

INTITULÉ :                                       IVAN ARTURO PARASI AGUIRRE

                                                            BEATRIZ ENRIQUETA RUBIO DE PARASI

                                                            IVAN AARON PARASI RUBIO

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 30 septembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 12 octobre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Helen Harvey

Emma Andrews

 

POUR LES DEMANDEURS

Brie Reilly

Keith Reimer

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Emma Andrews Law Firm

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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