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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20100924

Dossier : T-1621-09

Référence : 2010 CF 955

TRADUCTION CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 septembre 2010

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

Mme ANNETTE J. SOUP

demanderesse

et

 

BLOOD TRIBE BOARD OF HEALTH

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Annette Soup (Soup), dont la plainte relative aux renseignements personnels a débouché sur un arrêt de la Cour suprême concernant le secret professionnel de l’avocat, demande à la Cour, en vertu du paragraphe 14(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la Loi ou la LPRPDE) diverses réparations, notamment des dommages et intérêts.

 

[2]               La demanderesse s’est représentée elle-même, et d’après ce que la Cour a pu comprendre, elle demande les réparations suivantes a) la divulgation, sous forme non expurgée, de la lettre qui est, d’après elle, à l’origine de tous ses problèmes; b) une ordonnance enjoignant à la défenderesse de corriger les « inexactitudes » contenues dans la lettre; c) l’affichage de la correction dans un endroit public et d) des dommages et intérêts d’un montant non précisé.

 

II.         LECONTEXTE

[3]               Mme Soup a été congédiée de son poste de travailleuse de la santé mentale communautaire par la défenderesse en avril 2002. Elle occupait cet emploi depuis huit mois et a été congédiée à la suite d’une évaluation du rendement.

 

[4]               Au cours de l’évaluation de rendement, la demanderesse a été informée que la défenderesse avait reçu une lettre d’un employé du Kinai Women’s Shelter qui alléguait qu’elle avait violé son obligation de confidentialité à l’égard de deux conversations téléphoniques.

 

[5]               Soup a demandé une copie de la lettre pour qu’elle puisse en contester le contenu. La défenderesse a refusé de la lui communiquer. La demanderesse a alors demandé une copie de son dossier personnel, ce qui lui a été refusé; d’après la défenderesse, le demanderesse possédait déjà des copies de son contenu.

 

[6]               La demanderesse a déposé une plainte auprès du Commissaire à la protection de la vie privée pour demander l’accès à son dossier personnel pensant que celui-ci contiendrait la lettre relative à la violation de la confidentialité. La plainte portait sur un certain nombre d’autres aspects qui ne concernent pas directement la présente affaire.

 

[7]               La défenderesse a justifié son refus de communiquer la lettre concernant l’atteinte à la confidentialité en affirmant que la communication de cette lettre à la demanderesse aurait pour effet de divulguer des renseignements personnels concernant un tiers. En outre, la demanderesse avait déjà été informée du contenu de la lettre lors de son évaluation.

 

[8]               Le Commissaire a rejeté la plus grande partie de la plainte, mais a conclu que la lettre relative à l’atteinte à la confidentialité pouvait être communiquée après en avoir expurgé les renseignements personnels concernant le tiers. À la suite de la recommandation du Commissaire, la défenderesse a expurgé les renseignements concernant le tiers et a communiqué la lettre à la demanderesse sous sa forme révisée.

 

[9]               La demanderesse, dont la plainte a été traitée avec beaucoup de retard (un fait que la Cour ne reproche à personne), sollicite maintenant les réparations exposées ci-dessus.

 

III.       ANALYSE

[10]           La présente affaire n’exige pas qu’il soit procédé à une analyse de la norme de contrôle. L’article 14 prévoit un examen de novo des questions à l’origine de la plainte. Néanmoins, seuls les aspects qui sont directement visés par la Loi peuvent être pris en considération, même si la plainte est elle-même formulée en termes plus larges.

 

[11]           Les pouvoirs de la Cour en matière de réparation sont limités aux mesures exposées à l’article 16 :

16. La Cour peut, en sus de toute autre réparation qu’elle accorde :

 

a) ordonner à l’organisation de revoir ses pratiques de façon à se conformer aux articles 5 à 10;

 

b) lui ordonner de publier un avis énonçant les mesures prises ou envisagées pour corriger ses pratiques, que ces dernières aient ou non fait l’objet d’une ordonnance visée à l’alinéa a);

 

c) accorder au plaignant des dommages-intérêts, notamment en réparation de l’humiliation subie.

 

16. The Court may, in addition to any other remedies it may give,

 

(a) order an organization to correct its practices in order to comply with sections 5 to 10;

 

 

(b) order an organization to publish a notice of any action taken or proposed to be taken to correct its practices, whether or not ordered to correct them under paragraph (a); and

 

 

(c) award damages to the complainant, including damages for any humiliation that the complainant has suffered.

 

[12]           La demanderesse se plaint en réalité du fait qu’elle a été congédiée en partie à cause des allégations contenues dans la lettre relative à la violation de la confidentialité. Elle n’a toutefois pas intenté de poursuite pour congédiement injustifié. Le droit d’action prévu par la Loi sur la protection des renseignements personnels n’a pas pour but de remplacer une action en congédiement justifié lorsque le congédiement est à l’origine de la plainte.

 

[13]           La demanderesse demande également que la défenderesse corrige les allégations contenues dans la lettre en question. Il est toutefois difficile de savoir comment la défenderesse pourrait corriger les faits allégués, compte tenu, en particulier, du contexte de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

 

[14]           La demanderesse connaît la nature des allégations, mais il semble qu’elle n’ait pas pris les mesures habituelles qui consistent à consigner « dans le dossier » son opinion au sujet des allégations ou sa version des faits. La défenderesse s’est déjà engagée à retirer la lettre contestée du dossier personnel de la demanderesse. Il est difficile d’imaginer qu’elle puisse faire davantage pour le moment.

 

[15]           Aux termes de l’article 16 de la Loi, les réparations que la Cour peut accorder consistent à ordonner que soient prises des mesures correctives touchant les pratiques de l’organisation et qu’avis en soit donné. Le type de mesure corrective que la demanderesse sollicite n’est pas relié aux pratiques de l’organisation défenderesse. Par pratique, on entend généralement les méthodes ou les procédures opérationnelles habituelles d’une organisation. C’est pourquoi la demande présentée par la demanderesse va au-delà des pouvoirs que l’article 16 de la Loi attribue à la Cour en matière de réparation.

 

[16]           La plainte déposée par la demanderesse devant le Commissaire a été jugée fondée, mais uniquement sur des motifs de plainte très limités. La façon dont la défenderesse a obtenu, utilisé, et divulgué les renseignements personnels de la demanderesse a été jugée appropriée. En l’absence d’autres éléments de preuve déterminants, la Cour considère que le rapport du Commissaire constitue le fondement factuel à partir duque il y a lieu d’examiner la question des réparations.

 

[17]           Le seul reproche que l’on puisse faire à la défenderesse est qu’elle a pris beaucoup de temps pour fournir la copie expurgée de la lettre en question. Tout examen des réparations, en particulier sous la forme de dommages-intérêts, doit prendre en considération le caractère limité de cette violation et les éléments qui l’expliquent.

 

[18]           Il n’y a pas de constatation ou d’élément de malveillance ou d’inobservation d’une règle dans le retard qu’a mis la défenderesse. Ce retard est principalement attribuable aux problèmes que soulevait la question de savoir quels étaient les renseignements personnels concernant un tiers qu’il fallait supprimer de la lettre et comment le faire. Ce processus était particulièrement incertain parce que la Loi venait d’entrer en vigueur au moment où la plainte en question a été déposée. Il existait à l’époque peu d’éléments pratiques ou judiciaires susceptibles de guider cette opération.

 

[19]           La défenderesse a reconnu qu’elle avait commis une erreur et elle a modifié en conséquence ses politiques en matière de communication et de suppression de renseignements.

 

[20]           La demanderesse n’a pas été en mesure d’aider la Cour à définir la nature ni le montant des dommages-intérêts aux termes de la Loi. En outre, les pertes qu’elle a subies découlent de son congédiement; elles ne sont pas liées à une atteinte à sa vie privée ou à une humiliation causée par le temps qu’elle a dû attendre pour avoir accès à la version expurgée de la lettre concernant la violation de la confidentialité.

 

IV.       CONCLUSION

[21]           La Cour n’accorde donc aucune des réparations demandées. La demande est rejetée. La Cour est convaincue que l’ancien employeur de la demanderesse ne cherchera pas à obtenir les dépens, compte tenu de la situation difficile dans laquelle se trouve la demanderesse. Aucuns dépens ne seront adjugés.

 

 

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée sans frais.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1621-09

 

INTITULÉ :                                       Mme ANNETTE J. SOUP

                                                            c.

                                                            BLOOD TRIBE BOARD OF HEALTH

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 21 septembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 24 septembre 2010

 

 

COMPARUTION :

 

Mme Annette Soup

 

LA DEMANDERESSE

M. Gary Befus

M. Dylan Snowdon

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mme Annette Soup

 

 

LA DEMANDERESSE

Walsh Wilkins Creighton LLP

Avocat

Calgary (Alberta)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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