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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20100318

Dossier : IMM-4083-09

Référence : 2010 CF 314

Ottawa (Ontario), le 18 mars 2010

En présence de monsieur le juge Phelan

 

ENTRE :

PURUSOTHAMAN SIVAPATHAM

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit de la deuxième décision relative à un examen des risques avant renvoi (ERAR) à l’égard de laquelle les défendeurs ont consenti à un jugement. Le consentement au jugement à l’égard de la première décision n’a été donné qu’une fois l’autorisation accordée. En l’espèce, le consentement n’a été donné qu’une fois l’affaire renvoyée aux fins de l’audition de la demande de contrôle judiciaire. Dans les deux cas, les défendeurs se sont aussi vigoureusement opposés à toutes les étapes intermédiaires. La seule question que la Cour doit trancher concerne les dispositions du consentement au jugement.

 

[2]               Le demandeur est un jeune Tamoul du Nord du Sri Lanka. Sa situation est décrite dans son formulaire de renseignements personnels, notamment les agressions de l’armée et de la police sri‑lankaises.

 

[3]               Le demandeur est entré au Canada en passant par les États-Unis. Sa demande d’asile au Canada a été jugée irrecevable en raison de l’Entente sur les tiers pays sûrs. Il a revendiqué son droit à la protection par l’entremise du processus d’ERAR.

 

[4]               Les demandeurs ont dû admettre, encore une fois, qu’un autre agent d’ERAR du bureau de Niagara Falls avait mal effectué l’ERAR relativement au demandeur. Ayant examiné les actes de procédure en l’espèce, la Cour est d’avis que la concession des défendeurs est tout à fait justifiée.

 

[5]               En plus de demander à la Cour d’ordonner l’annulation de la décision à l’égard de l’ERAR, le demandeur réclame que soient établies plusieurs modalités qui, selon lui, pourront accélérer le réexamen de l’ERAR et éviter que ne se reproduise encore le même genre d’erreur. Il demande également que lui soient accordés symboliquement des dépens visant à punir la conduite des défendeurs à son égard.

 

[6]               La Cour donnera des directives quant au droit canadien pour éliminer tout risque de confusion à l’égard du critère juridique qu’il convient d’appliquer. Bien que l’agent d’ERAR ait semblé y faire référence, il semblerait à certains égards qu’il se soit enlisé dans des notions de droit international incompatibles avec le droit canadien.

 

[7]               Ni l’une ni l’autre des décisions à l’égard de l’ERAR ne mettent en doute la crédibilité du récit du demandeur. Il n’a été fait aucune insinuation quant au manque de crédibilité du récit du demandeur et les défendeurs ne sauraient contester sa crédibilité, dans le cadre du nouvel ERAR, qu’avec l’approbation de la Cour.

 

[8]               La Cour n’accédera pas à la demande du demandeur de renvoyer l’affaire à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour qu’elle procède à l’analyse relative à l’article 97. Il convient plutôt de confier cette tâche à une unité d’ERAR des défendeurs. Il y a toutefois lieu de croire qu’un troisième renvoi au même bureau soulèverait un doute quant à l’objectivité de l’agent du bureau de Niagara Falls choisi pour effectuer cette tâche : subirait-il des pressions, réelles ou apparentes, pour étayer les conclusions de ses deux collègues, lesquelles avaient été entérinées par leurs supérieurs? Par conséquent, le réexamen de l’ERAR sera effectué par un agent d’ERAR de n’importe quelle unité autre que celle du bureau de Niagara Falls.

 

[9]               Puisqu’il s’agira du troisième ERAR portant sur les mêmes faits, la Cour ne voit aucune raison qui justifie de ne pas accélérer le réexamen et établira un échéancier à cet effet dans l’ordonnance.

 

[10]           La Cour n’accorde pas au demandeur les dépens symboliques qu’il réclame. La preuve en l’espèce ne permet pas de conclure à la mauvaise foi ou à la présence de circonstances semblables qui constitueraient des « raisons spéciales » d’accorder des dépens – bien que l’on pressente l’existence de telles circonstances. Toutes les parties étant égales devant la Cour, le fait d’accorder des dépens sur le fondement de deux décisions indéfendables risquerait de créer un précédent selon lequel deux contrôles judiciaires infructueux justifient d’accorder des dépens au demandeur d’asile. Un tel résultat serait incompatible avec le principe de non-adjudication de dépens reconnu dans l’application de la législation en matière d’immigration.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision relative à l’ERAR est annulée et l’affaire est renvoyée aux défendeurs afin qu’ils réexaminent la demande d’ERAR selon les modalités décrites dans la présente ordonnance. Le réexamen doit être effectué par un agent de n’importe quel bureau désigné par les défendeurs, autre que celui de Niagara Falls.

2.         Le réexamen doit respecter le critère juridique du « risque » établi dans la jurisprudence canadienne comme étant une « possibilité raisonnable », suivant l’arrêt Adjei c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 7 Imm. L.R. (2d) 169 (C.A.F.).

3.         L’agent de réexamen devra considérer la description de la situation du demandeur comme crédible, à moins que la Cour n’ordonne que les défendeurs disposent de motifs suffisants pour étayer une contestation de sa crédibilité.

4.         L’échéancier relatif au réexamen est le suivant :

a)         Le demandeur disposera d’un délai de vingt et un (21) jours à compter de la date de la présente ordonnance pour présenter des observations additionnelles;

b)         Les défendeurs devront, dans un délai subséquent de quatorze (14) jours, communiquer au demandeur tout nouvel élément de preuve dont ils entendent tenir compte;

c)         Le demandeur disposera ensuite de sept (7) jours pour déposer sa réponse;

d)         La décision à l’égard du réexamen devra être rendue dans un délai de soixante (60) jours à compter de la dernière des dates précitées, sous réserve d’une autre ordonnance de la Cour.

5.         La Cour demeure saisie de l’affaire jusqu’à ce que soit rendue une nouvelle décision à l’égard de l’ERAR.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4083-09

 

INTITULÉ :                                       PURUSOTHAMAN SIVAPATHAM

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 17 MARS 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 18 MARS 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Raoul Boulakia

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nicole Paduraru

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raoul Boulakia

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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