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Federal Court

 

 

 

 

 

 

 

 

Cour fédérale


Date : 20090709

Dossier : T-967-08

Référence : 2009 CF 715

Ottawa (Ontario), le 9 juillet 2009

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

ROBYN P. DAVIDSON

demanderesse

et

 

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]                     Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, visant la décision datée du 20 mai 2008 par laquelle la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a rejeté la plainte de discrimination portée par la demanderesse contre la Société canadienne des postes, au motif que, selon le sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6 (la Loi),  la Commission était convaincue qu’une requête au président du Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) aux fins d'une instruction de la plainte était injustifiée.

[2]         La demanderesse sollicite :

         1.            Une ordonnance de la Cour écartant et annulant la décision contestée;

         2.            Une ordonnance enjoignant à la Commission de déférer la plainte de la demanderesse au président du Tribunal et de demander au Tribunal d’instruire la plainte;

         3.            Un jugement déclaratoire selon lequel la Commission (y compris son enquête sur la plainte et son rapport d’enquête, qui s’en est suivi, daté du 12 juin 2207) n’a pas procédé, en contravention à la loi, à une enquête adéquate pour évaluer la plainte de la demanderesse;

         4.            Une ordonnance sur les dépens de la présente demande, favorable à la demanderesse et défavorable à la défenderesse;

         5.            Toute autre ordonnance ou réparation que la demanderesse peut demander à la Cour de considérer et juger à propos ou juste dans les circonstances.

 

Le contexte

 

[3]         En mars 2006, la demanderesse a fait parvenir un curriculum vitae à la Société canadienne des postes à Halifax, en Nouvelle-Écosse, en réponse à une annonce d’embauche de travailleurs occasionnels et temporaires, d’intérieur et d’extérieur, dans une installation de Postes Canada à Saint John, au Nouveau Brunswick. La demanderesse s’est présentée comme étant une femme appartenant à une minorité visible, atteinte d’une incapacité nommée syndrome d’Asperger. La demande d’emploi a été mise dans la banque de données de Postes Canada ayant trait à l’équité, dans laquelle se trouvent les demandes d’emploi fondées sur l’équité.

 

[4]         Le syndrome d’Asperger est un trouble du spectre autistique de haut niveau. Une personne affectée par ce syndrome jouit généralement d’une capacité cognitive moyenne ou supérieure à la moyenne mais présente des [traduction] « déficits extrêmement importants des aptitudes sociales », tels qu’une sociabilité et des habiletés pour la communication sous la moyenne.

 

[5]         Le 10 mai 2006, la demanderesse a reçu une lettre, de Postes Canada à Saint John au Nouveau-Brunswick, qui la conviait à subir le test d’aptitudes générales de Postes Canada, dans le cadre d’un concours pour l’obtention d’un emploi de la [traduction] « liste des emplois temporaires » de Saint John au Nouveau-Brunswick (le concours) relevant du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP).

 

[6]         Par la suite, la mère de la demanderesse, Sophia Davidson, une employée de longue date de Postes Canada, s’est enquise auprès de Sue Meritt de Postes Canada de savoir si le concours concernait des emplois occasionnels d’intérieur (groupe 1) ou d’extérieur (groupe 2). La demanderesse était préoccupée de savoir si elle détenait son permis de conduire depuis le temps requis pour les postes d’extérieur ainsi que par d’autres circonstances liées à son incapacité, qui la rendaient inadmissible à un poste d’extérieur. Grâce à sa mère, la demanderesse a compris que le concours concernait les emplois d’intérieur aussi bien que d’extérieur et que la réussite du concours lui permettrait de demander ultérieurement son inscription sur la liste des travailleurs occasionnels d’intérieur.

 

[7]         La demanderesse a subi le test d’aptitudes générales le 16 mai 2006 et a été informée le 18 mai 2006 qu’elle l’avait réussi. Elle avait demandé à Postes Canada du temps supplémentaire pour subir le test, en raison de difficultés liées au syndrome d’Asperger, ce qui lui avait été accordé.

 

[8]         Le 24 mai 2006, la demanderesse a reçu un avis de Postes Canada, lui demandant de se présenter à une entrevue d’emploi en rapport avec le concours. Le père de la demanderesse, Philip Davidson, lui aussi un employé de longue date de Postes Canada, a téléphoné à Patsy Dallon de Postes Canada, pour s’enquérir de la nature de l’entrevue et déterminer les besoins d’accommodement de la demanderesse. Il a été informé que l’entrevue comporterait des questions situationnelles. Le père de la demanderesse n’a ni demandé, ni proposé, expressément, qu’une forme quelconque d’accommodement soit accordée à la demanderesse lors de l’entrevue, mais il s’est enquis de savoir si un accommodement était requis pour permettre à la demanderesse de concourir de façon juste avec les autres candidats. La demanderesse n’a, elle-même, parlé à personne avant l’entrevue. La défenderesse a déclaré qu’elle aurait consenti à toutes [traduction] « requêtes raisonnables » d’accommodement.

 

[9]         Le 30 mai 2006, la demanderesse a eu une entrevue avec Sue Merritt et Patsy Dallon de Postes Canada.

 

[10]     Le 14 juin 2006, la demanderesse a reçu un appel téléphonique de Cathy Ollerhead de Postes Canada à Halifax pour l’avertir qu’une lettre offrant un emploi à la demanderesse lui avait été envoyée par erreur et que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences de l’emploi.

 

[11]     Le 15 juin 2006, la demanderesse a reçu la lettre qui lui offrait de l’emploi à titre d’employé occasionnel temporaire.

 

[12]     Le 16 juin 2006, la demanderesse a reçu une autre lettre, qui l’informait qu’elle n’avait pas réussi le test d’aptitudes générales.

 

[13]     En réponse à ces lettres, la mère de la demanderesse a téléphoné à Sue Merrit, de Postes Canada à Saint John, et à E. McKiggan, de Postes Canada à Halifax, pour obtenir des éclaircissements sur ces lettres. On lui a dit que la demanderesse avait réussi le test d’aptitudes générales, mais échoué à l’entrevue, et qu’on était en train d’apporter des corrections aux lettres. La demanderesse et sa mère ont subséquemment rencontré Sue Merritt à propos de l’entrevue à laquelle la demanderesse avait échouée.

 

[14]     La demanderesse a également joint Lucille Bourque-Lampier, l’agente des droits de la personne de Postes Canada pour la région de l’Atlantique, aux environs du 13 juillet 2006, afin de déposer une plainte interne auprès de la défenderesse relativement à son échec à obtenir un emploi à titre de commis de la poste temporaire. Madame Lampier a rencontré la demanderesse et sa mère et a subséquemment ordonné la tenue d’une enquête interne.

 

[15]     Madame Lampier a conclu de son enquête que : 1) la demanderesse n’avait ni demandé ni proposé un accommodement durant l’entrevue, ni proposé une autre méthode d’évaluation; 2), la partie [traduction] « compétences et aptitudes » de l’entrevue était rationnellement liée à l’emploi de commis de la poste ainsi qu’à celui de facteur; 3) la demanderesse avait échoué à l’entrevue en raison de son manque d’expérience de travail, et non de son incapacité; 4) le processus de recrutement de la défenderesse comportait des efforts adéquats pour donner des accommodements aux candidats à l’emploi.

 

[16]     La défenderesse déclare que la demanderesse avait réussi le test d’aptitudes générales, mais non l’entrevue, pour lequel elle avait obtenu la note de 39,2 %, plutôt que celle de 60 % requise pour réussir. La partie entrevue du concours consistait en un [traduction] « processus d’entrevue normalisé qui vise à évaluer et à comparer une série d’habiletés et de compétences, chez tous les candidats aux postes d’une unité de négociation, y compris pour l'emploi temporaire de commis de la poste que la demanderesse avait sollicité ». L’entrevue comportait trois volets d’évaluation : a) les habiletés de travail; b) un exercice de lecture de carte; c) les compétences et l’aptitude. Le volet [traduction] « compétences et aptitude » signifiait [traduction] « les connaissances, les habiletés et les capacités ou les attributs comportementaux associés à un haut rendement au travail ». Les compétences que Postes Canada estime nécessaires pour s’acquitter convenablement des emplois de l’unité de négociation, y compris les emplois temporaires de commis de la poste et de facteurs, sont les suivantes : a) orientation de la clientèle; b) l’engagement à l’excellence; c) la gestion des relations; d) la prise de décision et le jugement; e) la communication orale.

 

[17]     Après l’échec des tentatives pour régler à l’interne les différends sur le processus d’embauche, la demanderesse a déposé auprès de la Commission, le 21 juillet 2006, une plainte portant que Postes Canada avait exercé une discrimination à son endroit dans le processus d’embauche et que les normes qui avaient été appliquées à la demanderesse contrevenaient aux articles 7 et 10 de la Loi sur le fondement de son incapacité. La demanderesse a déclaré qu’elle avait demandé d’être évaluée par Postes Canada selon une méthode qui tienne compte des circonstances particulières de son syndrome ainsi que des exigences précises de l’emploi de « commis de la poste d’intérieur », postulé par elle, plutôt que selon une méthode qui tienne compte des exigences des emplois de commis de la poste « d’intérieur » ainsi que de commis de la poste « d’extérieur ».

 

[18]     Par la suite, la demanderesse a déposé plusieurs ajouts à sa plainte.

[19]     La demanderesse a également demandé une copie de son guide d’entrevue à Postes Canada, en vertu des dispositions légales sur la protection de la vie privée, demande à laquelle, selon elle, il n’a jamais été satisfait entièrement. La défenderesse déclare avoir fourni toute l’information nécessaire pour évaluer la plainte.

 

[20]     À l’automne 2006, la demanderesse et la défenderesse ont participé au processus de médiation de la Commission, mais sans parvenir à un règlement. L’affaire a alors été portée devant la Division des enquêtes de la Commission.

 

[21]     En avril 2007, la Commission a envoyé à la demanderesse une lettre qui lui exposait en détail la réponse de Postes Canada à la plainte et qui lui demandait d’y répondre. La demanderesse a fait parvenir sa réponse au début de mai 2007 ainsi que quatre lettres additionnelles qui faisaient état des observations de la demanderesse sur la défense de Postes Canada.

 

La décision de l’enquêteur

 

[22]     La Commission a fait parvenir à la demanderesse le rapport d’enquête de la Commission sur la plainte, en juin 2007. L’enquêteur recommandait le rejet de la plainte par la Commission parce que [traduction] « la preuve ne démontre pas que la défenderesse n’a pas pris de mesure d’adaptation à l’égard de la plaignante; et la preuve démontre que le processus d’embauche de la défenderesse comportait des efforts adéquats pour prendre des mesures d’adaptation envers les candidats » (Rapport d’enquête, Commission canadienne des droits de la personne).

 

[23]           L’enquêteur est parvenu aux conclusions suivantes : la demanderesse nécessitait des accommodements dans le processus d’embauche en raison de son incapacité; la preuve démontre que ces accommodements ont été accordés lors des tests d’aptitudes générales et qu’aucune demande d’accommodement n’a été faite par la demanderesse pour l’entrevue; la défenderesse a proposé à la demanderesse d’autres accommodements pour l’entrevue, mais celle-ci les a refusés sans proposer d’autres solutions, parce qu’elle pense que toute évaluation des aptitudes sociales est discriminatoire; la défenderesse reconnaît qu’elle pose, lors des entrevues, des questions situationnelles aux candidats aux emplois d’intérieur et d’extérieur, mais affirme qu’elle est disposée à considérer d’autres options; l'obligation d’accorder des accommodements n’est pas illimitée et la preuve montre que la défenderesse s’est efforcée de s’acquitter de cette obligation; la demanderesse doit coopérer afin de faciliter le processus d’accommodement.

 

[24]           Le rapport a été soumis à l’examen de la Commission et la décision a été prise de renvoyer la plainte à la conciliation. En septembre 2007, une conciliation a été tentée, mais les parties ne sont pas parvenues à un règlement. 

 

[25]     Le 20 mai 2008, il a été signifié à la demanderesse que sa plainte ne serait pas déférée au Tribunal en vertu du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi selon lequel « compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle-ci [par le Tribunal] n’est pas justifié ».

 

Les questions litigieuses

 

[26]     La demanderesse a soulevé les questions litigieuses suivantes :

         1.            La Commission a commis une erreur de droit en omettant de considérer que la défenderesse n’avait pas démontré qu’elle avait appliqué des normes valables, au stade de l’embauche, rationnellement liées à l’emploi particulier que sollicitait la demanderesse.

         2.            La Commission a commis une erreur de droit en omettant de considérer que la défenderesse n’avait pas adopté ses normes d’évaluation dans la croyance de bonne foi qu’elles étaient nécessaires pour atteindre un objectif légitime lié au travail en ce qui regarde l’emploi sollicité par la demanderesse.

         3.            La Commission a commis une erreur de droit en omettant de considérer que la défenderesse n’avait pas démontré, à quelque degré de « contrainte » que ce soit, qu’elle ne pouvait pas consentir à des accommodements relativement à l’incapacité de la demanderesse en adoptant des normes d’évaluation davantage appropriés aux besoins de cette dernière et à l’emploi sollicité.

         4.            La Commission a commis une erreur de droit en omettant de considérer que la défenderesse n’avait pas démontré que les normes d’évaluation au stade de l’embauche constituaient des exigences professionnelles justifiées pour le type particulier d’emploi sollicité par la demanderesse.

         5.            La Commission a commis une erreur de droit en omettant d’exercer sa compétence pour obtenir et considérer la preuve pertinente de la défenderesse (soit une copie non modifiée du guide d’entrevue de la demanderesse) et, en outre, du fait de cette omission d’obtenir cette preuve, en refusant d’accorder à la demanderesse la possibilité de réfuter toute question ayant trait au guide d’entrevue, à partir de la connaissance de son contenu.

         6.            La Commission a commis une erreur de droit en omettant de considérer l’effet des articles 7 et 10 de la Loi, selon l'argument soulevé dans la plainte modifiée de la demanderesse.

 

[27]     Je suis d’avis de reformuler les questions en litige de la manière suivante :

         1.            Quelle est la norme de contrôle judiciaire ?

         2.            La Commission a-t-elle commis une erreur en ne déférant pas la plainte de la demanderesse au Tribunal sur le fondement d’une discrimination violant les articles 7 et 10 de la Loi dans les pratiques d’embauche de la défenderesse ?

         3.            La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant de considérer la preuve pertinente dans son enquête sur la plainte ?

 

Les observations de la demanderesse

La norme de contrôle judiciaire

 

[28]     Dans ses observations écrites, la demanderesse soutient que la question dont la Cour est saisie est une question de fait et de droit, mais que, puisqu’il n’y a [traduction] « pas de question de fond quant aux faits qui sont consignés dans le dossier, seulement quant à l’application de la loi à ces faits », la norme de contrôle judiciaire est la décision correcte. À l’appui de cet argument, la demanderesse rappelle que le juge Harrington dans Donovan c. Canada, 2008 CF 524 (CanLII) fait les observations suivantes quant à la détermination de la norme de contrôle judiciaire : premièrement, que « la norme dépend largement de la question en litige, à savoir s’il s’agit d’une question de droit, d’une question mixte de droit et de fait ou d’une pure question de fait », deuxièmement, que « en règle générale, [...] les questions de droit sont examinées selon la norme de contrôle de la décision correcte », troisièmement, que l’existence d’une clause privative constituait une indication de l’intention du Parlement quant à savoir quelle était la bonne norme et que la Loi n’en comportait pas une, et quatrièmement, que les questions de compétence et d’interprétation de la loi devraient être examinées selon la norme de contrôle de décision correcte .

 

[29]     À l’audience, la demanderesse a fondé ses prétentions relativement à la norme de contrôle applicable sur la jurisprudence établie dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9.

[30]     La demanderesse concède toutefois que, effectivement, la jurisprudence renvoie à la norme de raisonnabilité, comme dans la décision Khanna c. Canada (Attorney General), 2008 CF 576 (CanLII).

 

La discrimination dans les pratiques d’embauche

 

[31]     La demanderesse soutient que la défenderesse a exercé une discrimination envers elle par ignorance des accommodements qu’il est nécessaire d’accorder aux personnes atteintes par son incapacité. Elle invoque sa propre expérience dans le processus d’embauche ainsi qu’une décision récente du Tribunal canadien des droits de la personne dans l’affaire Dawson c. Société canadienne des postes, 2008 TCDP 41, pour démontrer que la défenderesse n’est pas pleinement consciente de la manière dont ses politiques sont discriminatoires. Le 3 octobre 2008, le président Deschamps a écrit sur les difficultés que rencontrait Postes Canada relativement à Mme Dawson, une employée de longue date de Postes Canada. La demanderesse considérait les paragraphes suivants comme étant particulièrement importants relativement à sa plainte :

[240] À la fin de son témoignage, Mme Daoust a reconnu que c'était la première fois que la Société canadienne des postes avait à traiter avec un employé qui était autiste et, que selon toute probabilité, la Société avait mal géré l'affaire mais qu'enfin, elle avait appris de cette expérience.

 

[241] D'après Mme Daoust, la Société canadienne des postes a pris différentes mesures afin d'améliorer sa compréhension des personnes autistes et d'être un meilleur gestionnaire, par exemple en organisant une réunion avec Mme Poirier. La Société canadienne des postes devait s'adapter au processus cognitif de Mme Dawson. Selon elle, la Société a tenté d'accommoder Mme Dawson, mais certaines règles à la Société canadienne des postes doivent être respectées et compte tenu de ces règles, l'accommodement de Mme Dawson n'était pas toujours facile. La Société canadienne des postes a fait de son mieux, d'après elle, en fonction de la connaissance qu'elle avait de l'autisme.

 

[242] [...] L'employeur a le devoir de s'assurer non seulement que tous les employés travaillent dans un environnement sécuritaire, mais aussi que les mauvaises perceptions au sujet de l'état d'un employé, causées par une mauvaise information ou une information inadéquate au sujet de cette déficience, n'entraînent pas les autres employés à avoir des perceptions négatives et mal fondées au sujet de cet employé.

 

[...]

 

[245] Les personnes autistes, si elles veulent pouvoir s'accomplir dans un lieu de travail ou en société, ont besoin d'être rassurées qu'on fera tout ce qui est possible, jusqu'à contrainte excessive, afin de garantir que les mauvaises perceptions et les idées fausses au sujet de leur état sont gérées de façon appropriée par leur employeur, afin que leurs collègues aient une compréhension adéquate de leur état et qu'ils ne soient pas portés à faire preuve de discrimination ou de harcèlement envers elles.

 

[...]

 

[247] Le Tribunal est d'avis, compte tenu de la preuve, que l'intimée doit réviser ses politiques en matière de discrimination et de harcèlement et doit mettre en place des programmes de formation qui sensibiliseront ses employés ainsi que ses gestionnaires aux besoins des personnes déficientes en milieu de travail, notamment les personnes autistes, afin que des personnes telles que Mme Dawson n'aient plus à souffrir d'un manque de connaissances et de compréhension envers leur état. [...]

 

 

[32]     La demanderesse soutient que les points énoncés par le président Deschamps évoquent sa propre expérience et elle relève : premièrement, que les points litigieux, aussi bien dans la décision Dawson, précitée, qu’en l’espèce, concernent les ressources humaines du même bureau de la défenderesse, à Halifax; deuxièmement, que la défenderesse avait déclaré dans la décision Dawson, précitée, que c’était la première fois qu’elle avait affaire à un employé autistique; troisièmement, que Postes Canada avait admis qu’elle avait mal géré l’affaire; quatrièmement, que des règles internes rigides lui rendaient difficile d’accorder des accommodements à des employés comme Mme Dawson, ainsi qu’à des employés potentiels comme la demanderesse. La demanderesse soutient que les employeurs sont assujettis aux mêmes obligations qu’ils aient affaire à des employés existants ou à des employés potentiels.

 

[33]     La demanderesse affirme que la défenderesse et la Commission, dans sa décision, n'ont pas tenté de déterminer les modifications qu’il aurait pu être à propos d’accorder à un candidat affecté par l’incapacité de la demanderesse. Elle soutient que les tentatives de règlement, de médiation et de conciliation n’ont donné lieu à aucune proposition légitime dans laquelle auraient été véritablement énoncées des mesures d’accommodement appropriées pour une personne affectée par l’incapacité de la demanderesse.

 

[34]     La demanderesse affirme qu’aucun élément de preuve ne démontrait que la défenderesse comprenait véritablement l’incapacité de la demanderesse ainsi que la façon dont elle aurait pu s’acquitter convenablement de son obligation d’accorder des accommodements. La demanderesse soutient que ces accommodements ne sont pas seulement censés convenir pour l’incapacité particulière, mais que, une fois établis, ils doivent être mis en œuvre jusqu’à contrainte excessive. 

 

[35]     De plus, la demanderesse fait valoir que la méthode d’évaluation n’est pas rationnellement liée au poste sollicité, ce qui constitue une partie du critère qui ressort de l’arrêt de la Cour suprême du Canada Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU [1999] 3 R.C.S 3 (Meiorin). La demanderesse soutient que certaines questions dans l’entrevue ne concernaient pas les aptitudes requises pour le poste qu’elle sollicitait à titre de travailleur d’intérieur et que cela constituait une discrimination envers elle à titre de personne ayant une incapacité. Cela contrevient également à l’article 10 de la Loi qui interdit les politiques et les pratiques discriminatoires. La demanderesse soutient que l’enquêteur ne s’est nullement penché sur cette question dans ses motifs.

 

La preuve pertinente considérée

 

[36]     La demanderesse soutient que l’enquêteur n’a pas pleinement considéré les faits et le droit pertinents en l’espèce. Elle soulève deux questions. Premièrement, la demanderesse fait valoir que sans le guide d’entrevue de Postes Canada, l’enquêteur n’était pas complètement à même d’évaluer le processus d’embauche. Et deuxièmement, que l’enquêteur a trop fait reposer sa décision sur le refus de la demanderesse d’accepter un règlement par voie de médiation plutôt que de la faire reposer surtout sur la question de savoir si la conduite de la défenderesse durant le processus d’embauche contrevenait à la Loi.

 

Le refus de déférer la plainte au Tribunal

 

[37]     La demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur en ne renvoyant pas la plainte au Tribunal pour examen. Elle soutient que la décision de la Commission doit être assujettie à la norme de contrôle la plus exigeante en raison de l’importance de veiller au respect des droits de la personne et parce que la demanderesse n’aura plus de recours si la Commission ne renvoie pas la plainte au Tribunal pour examen.

 

Les observations de la défenderesse

La norme de contrôle judiciaire

 

[38]     La défenderesse soutient que la norme de contrôle judiciaire applicable aux affaires soumises à la Commission qui reposent sur les faits et le droit est la raisonnabilité. L’arrêt Dunsmuir, précité, est invoqué pour illustrer la manière de déterminer la norme de contrôle applicable. La défenderesse fait valoir que la jurisprudence qui a déjà énoncé la norme de contrôle applicable dans des affaires semblables est déterminante. Si la jurisprudence n’établit pas la norme de contrôle judiciaire applicable, alors il convient d’appliquer une approche en deux étapes, comme dans l’arrêt Dunsmuir, précité.

 

[39]     En ce qui concerne la norme de contrôle applicable aux décisions de la Commission rendues en vertu du paragraphe 44(3) de la Loi, la défenderesse fait valoir que cette question a été examinée dans plusieurs causes antérieures à l’arrêt Dunsmuir, précité, dans lesquelles la norme de contrôle appliquée avait été la décision raisonnable. Dans Bastide c. Société canadienne des postes, [2005] A.C.F. no 1724, le juge de Montigny conclut que la Commission doit appliquer aux faits de la plainte les normes juridiques afin de déterminer si un examen par le Tribunal est justifié. Postérieurement à l’arrêt Dunsmuir, le juge Martineau dans Bateman c. Canada (Procureur général), 2008 CF 393, a affirmé que la Commission était chargée de décider « clairement d’une question mixte de fait et de droit ».

 

[40]     La défenderesse soutient que la norme de raisonnabilité s’applique aussi à la façon dont la Commission applique les articles 7 et 10 de la Loi. Les enquêteurs ont la responsabilité de traiter les plaintes de pratique discriminatoire et les décisions font partie d’un vaste régime spécialisé visant à faire respecter les droits de la personne. La défenderesse soutient que les faits de la plainte sont inséparables de l’analyse juridique et que, pour cette raison, l’arrêt Dunsmuir, précité, justifie un contrôle judiciaire fondé sur la norme de la décision raisonnable.

 

 

 

La discrimination dans les pratiques d’embauche

 

[41]     La défenderesse fait valoir que l’analyse de la question de savoir si la décision de la Commission de rejeter la plainte de la demanderesse était raisonnable devrait s’ouvrir par l’examen des principes généraux d'application du paragraphe 44(3) de la Loi. La défenderesse invoque l’arrêt  Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879, ainsi que l’arrêt Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854, à l’appui de la thèse selon laquelle dans la phase précédant le renvoi d’une plainte au Tribunal, l’examen est semblable à celui qu’un juge effectue à une enquête préliminaire et que, pour cette raison, ce n’est pas la fonction de la Commission de déterminer si la plainte est fondée. La jurisprudence affirme plutôt que l'obligation de la Commission est de déterminer si un examen par le Tribunal est justifié, compte tenu de tous les faits, et de vérifier s’il existe une preuve suffisante.

 

[42]     De plus, la défenderesse allègue que la recension de la jurisprudence donne à penser que la Cour doit faire preuve de retenue à l’égard de la Commission en raison de sa compétence et du fait que l’article 44 lui confère un pouvoir discrétionnaire considérable; voir Owen c. Canada (Procureur général), [1995] A.C.F. no 1661; Wang c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2005 CF 654; Bastide, précitée. La défenderesse soutient que le mandat de la Commission n’est pas de donner son avis sur le bien-fondé d’une plainte ou de déterminer si une plainte est fondée mais de donner un avis sur la question de savoir si la preuve est suffisante pour justifier une audience du Tribunal. C’est à cette base de la décision que, selon les prétentions de la défenderesse, s’applique la norme de raisonnabilité.

 

[43]     La défenderesse fait remarquer que la recommandation de l’enquêteur est par prolongement une décision de la Commission. Cette relation entre la décision de la Commission et le rapport de l’enquêteur a été examinée dans l’arrêt Sketchley c. Canada (Procureur général), [2006] 3 R.C.F. 392.

 

[44]     La défenderesse soutient que la recommandation de l’enquêteur de ne pas déférer la plainte de la demanderesse au Tribunal était raisonnable. Les éléments donnés à l’enquêteur par la défenderesse éclaircissaient plusieurs points, ce qui lui permettait de conclure raisonnablement que la défenderesse n’avait pas omis de consentir à des accommodements à la demanderesse, que les critères d’évaluation n’étaient pas discriminatoires puisqu’ils étaient rationnellement liés à l’emploi et qu’ils avaient été adoptés de bonne foi.

         a)            La phase entrevue du concours pour l’obtention d’un poste temporaire vise à évaluer la capacité d’un candidat à exécuter les tâches d’un commis de la poste et d’un facteur;

         b)            Les règles strictes qui s’appliquent à la dotation des postes permanents selon le critère de l’ancienneté signifient que l’entrevue est cruciale pour s’assurer que toute nouvelle recrue est capable de satisfaire aux exigences de base de tout emploi, d’intérieur ou d’extérieur, dans l’unité de négociation du STTP.

         c)            Les compétences requises pour les postes de commis de la poste et de facteur et le niveau très bas d’adresse requis pour ces mêmes postes sont raisonnablement nécessaires pour s’acquitter correctement des responsabilités de ces postes;

         d)            La demanderesse a demandé des accommodements durant la partie test d’aptitudes générales de l’évaluation et ces accommodements lui ont été accordés.

         e)            La demanderesse n’a pas refusé d’accorder des accommodements à la demanderesse durant la phase entrevue de l’évaluation. À aucun moment avant sa participation à l’entrevue, la demanderesse, ni quiconque en son nom, n’a proposé ou demandé des accommodements et/ou que soit appliquée une autre méthode d’évaluation à l’égard de la demanderesse.

 

[45]     La défenderesse soutient également que la conduite et les positions des parties à la suite du dépôt de la plainte constituaient des preuves suffisantes pour asseoir la conclusion de l’enquêteur selon laquelle la défenderesse avait pris toutes les mesures raisonnables pour consentir à des accommodements pour la demanderesse. La défenderesse a fait valoir que la décision de l’enquêteur était raisonnable en particulier parce que : 

         a)            à deux occasions, elle a offert à la demanderesse de lui faire passer une nouvelle entrevue, dans une forme différente, et de lui accorder plus de temps pour préparer ses réponses;

         b)            la défenderesse s’est montrée disposée à envisager d’autres mesures d’accommodement, y compris d’autres adaptations de l’entrevue, afin que le processus d’embauche ne défavorise pas la demanderesse en raison de son incapacité;

         c)            la demanderesse a refusé les accommodements proposés par la défenderesse et a en outre refusé de passer une nouvelle entrevue, quelle que soit sa forme, avec la défenderesse;

         d)            la demanderesse a cessé de collaborer au processus d’accommodement; sa seule position était qu’elle voulait être embauchée au poste, qu’elle sollicitait, de commis de la poste et être indemnisée pour tous les avantages et les privilèges perdus.

 

[46]     La défenderesse soutient que le rapport d’enquête établit que l’enquêteur s’est penché sur toutes les questions relatives aux pratiques discriminatoires dans l’embauche. Elle soutient que les questions de savoir si les critères d’évaluation avaient été adoptés de bonne foi, s’ils étaient rationnellement liés au poste sollicité et si la défenderesse avait pris des mesures d’accommodement tant qu’il n’en résultait pas pour elle une contrainte excessive avaient toutes été examinées par l’enquêteur, qui était parvenu à une conclusion favorable à la défenderesse.

 

[47]     De plus, la défenderesse conteste les allégations de la demanderesse selon lesquelles l’enquêteur n’a pas considéré les articles 7 et 10 de la Loi dans son évaluation des pratiques d’embauche de la défenderesse. La défenderesse affirme qu’il a été procédé à l’analyse des normes d’évaluation prétendument discriminatoires au regard de l’article 10 de la Loi, ainsi qu’à l’analyse de l’effet de ces normes sur la demanderesse au regard de l’article 7 de la Loi.

 

[48]     La défenderesse soutient également que le refus de la demanderesse d’accepter les mesures d’accommodements proposées par la défenderesse rendait le rapport de l’enquêteur d’autant plus raisonnable. La défenderesse fait valoir que la jurisprudence est favorable à la notion qu’un demandeur a l’obligation d’accepter une offre raisonnable. Dans l’arrêt Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 R.C.S. 970, le juge Sopinka, de la Cour suprême du Canada, traite de l'obligation du plaignant de contribuer à l’obtention de mesures d’accommodement adéquates et il écrit qu’un autre :

[...] aspect de cette obligation est le devoir d'accepter une mesure d'accommodement raisonnable. [...]Le plaignant ne peut s'attendre à une solution parfaite.  S'il y a rejet d'une proposition qui serait raisonnable compte tenu de toutes les circonstances, l'employeur s'est acquitté de son obligation.

 

La défenderesse fait valoir également que le processus d’accommodement échoue lorsque l’employé ne prend pas part aux tentatives pour trouver des accommodements, comme dans l'arrêt Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, [2007] A.C.S no 4. Et des décisions comme Hutchinson c. Canada (Ministre de l’Environnement), [2003] 4 C.F. 580, dans laquelle la Commission avait considéré que le renvoi de la plainte au Tribunal n’était pas justifié lorsqu’une nouvelle proposition d'accommodement raisonnable avait été refusée par un employé qui préférait une autre solution, font peser sur le demandeur un fardeau encore plus lourd.

 

La preuve pertinente considérée

 

[49]     La défenderesse fait valoir que l’explication qu’elle a donnée du contenu et de la raison d’être de ses normes d’embauche, y compris pour ce qui est du guide d’entrevue, était complète et n’a pas contribué à un déficit d’information en ce qui a trait à la prise de décision sur les questions de fond dans la plainte.

 

Le refus de renvoyer la plainte au Tribunal

 

[50]     La défenderesse invoque la décision Besner c. Canada (Procureur général), 2007 CF 1076, dans laquelle la décision de la Commission de rejeter la plainte a été maintenue au motif que l’enquête avait porté à juste titre sur le fond de la plainte du demandeur et non sur le défaut prétendu de l’employeur de décrire exactement et complètement les exigences réelles de l’emploi.

 

[51]     La défenderesse invoque également la décision Hutchinson, précitée, selon laquelle l’enquête « ne traite pas en détail » de la plainte, mais a plutôt pour but de faire la lumière sur le fond de la plainte.

 

Analyse et décision

 

[52]     La question 1

         Quelle est la norme de contrôle judiciaire?

          Je suis d’avis que la norme de contrôle judiciaire à appliquer est la raisonnabilité sauf pour la question de savoir si l’équité procédurale a été accordée à la demanderesse en ce qui concerne la communication des questions d’entrevue de Postes Canada.

 

[53]           Pour établir la norme de contrôle judiciaire, la Cour doit déterminer si le degré de déférence correspondant au type de question en cause a déjà été précisé, comme le requiert l’arrêt Dunsmuir, précité. Si cela a été fait, il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse complète de la norme de contrôle judiciaire. Si la jurisprudence n’a pas établi la norme de contrôle applicable, alors l’instance révisionnelle doit effectuer une analyse en deux étapes pour déterminer laquelle des normes doit s’appliquer dans un cas donné, comme le requiert l’arrêt Dunsmuir, précité.  .

 

[54]           Peu après l’arrêt Dunsmuir, précité, il a été établi que la norme de contrôle judiciaire applicable aux questions de fait ou aux questions mixtes de fait et de droit soumises à la Commission canadienne des droits de la personne était la raisonnabilité (voir A.J. c. Canada (Procureur général), 2008 FC 591 (CanLII); Bateman c. Canada (Procureur général), 2008 CF 393 (CanLII)).

 

[55]           Cependant, le processus qui entourait l’analyse de la norme de contrôle des décisions de la Commission avant l’arrêt Dunsmuir était loin d’être très clair. La décision Bateman, précitée, reconnaît, au paragraphe 19, qu’il y avait eu « à la Cour et à la Cour d’appel fédérale des décisions contradictoires à l’égard de la norme de contrôle applicable à une décision de la Commission de renvoyer ou non une plainte au Tribunal pour examen ». De l’avis du juge Martineau dans la décision Bateman, précitée, les causes dépendaient de la question de savoir si le litige était considéré comme une question de fait, de droit ou mixte de fait et de droit. La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Sketchley précité, « a fait ressortir l’importance de procéder à une analyse pragmatique et fonctionnelle à l’égard de chaque décision faisant l’objet d’un contrôle, indépendamment de la question de savoir si la même question ou une question semblable a été tranchée dans une affaire antérieure ». Malgré ces causes, l’arrêt Dunsmuir, précité, a simplifié l’analyse en la ramenant à la norme de raisonnabilité.

 

[56]           Il ne s’ensuit pas toutefois que l’observation de la demanderesse à propos de [traduction] « l’objectif élevé de la Loi » soit contestée. Il convient de se pencher sur ces « objectifs élevés » énoncés dans la Loi pour examiner la question du caractère raisonnable d’une décision, y compris en ce qui a trait « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

[57]           La dernière question à trancher est de savoir si la Commission a considéré toute la preuve pertinente dans son enquête et pour la prise de sa décision finale de rejeter la plainte. Dans Egan c. Canada (Procureur général), 2008 CF 649 (CanLII), la Cour fédérale était saisie de la question de savoir si la Commission avait mené une enquête approfondie. Le juge Hughes a conclu qu’il s’agissait d’une question d’équité procédurale qui justifiait comme norme de contrôle l’application de la décision correcte, comme cela avait été le cas avant l’arrêt Dunsmuir, précité.  La question en litige était celle de savoir si la Commission avait été justifiée de ne pas déférer la plainte au Tribunal en vertu du paragraphe 44(3) de la Loi. De plus, la décision A.J., précitée, notait que la Cour d’appel fédérale avait fait observer dans l’arrêt Sketchely, précité, aux paragraphes 52 et 53, que l’analyse pragmatique et fonctionnelle (remplacée depuis par l’analyse de la norme de contrôle judiciaire) ne s’appliquait pas lorsque le contrôle judiciaire était demandé sur le fondement d’une dénégation prétendue de l’équité procédurale dans une enquête de la Commission.  La tâche de la Cour est plutôt de décider si le processus suivi par la Commission satisfait au niveau d’équité requis compte tenu de toutes les circonstances; voir également Sanderson c. Canada (Procureur général), 2006 CF 447.

 

[58]           La question 2

            La Commission a-t-elle commis une erreur en ne déférant pas la plainte de la demanderesse au Tribunal sur le fondement d’une discrimination violant les articles 7 et 10 de la Loi dans les pratiques d’embauche de la défenderesse ?

            Comme cela a été résumé plus haut, la décision de la Commission était fondée sur les conclusions générales suivantes :

            1.         La plaignante nécessitait des accommodements dans le processus d’embauche en raison de son incapacité;

            2.         Il ressort de la preuve que des accommodements ont été accordés pour le test d’aptitude générales, mais qu’aucune requête d’accommodements n’a été faite par la demanderesse pour l’entrevue;

            3.         La défenderesse a proposé d’autres accommodements à la défenderesse pour l’entrevue, mais celle-ci les a refusés sans proposer d’autres solutions parce qu’elle croyait que toute mesure d’évaluation des aptitudes sociales est discriminatoire;

            4.         La défenderesse reconnaît qu’elle pose, aux entrevues, des questions situationnelles aux candidats à des postes d’intérieur et d’extérieur, mais qu’elle est disposée à envisager d’autres options.

            5.         L’obligation d’accorder des accommodements n’est pas illimitée et la preuve indique que la défenderesse s’est efforcée de s’acquitter de cette obligation; la demanderesse doit coopérer afin de faciliter le processus d’accommodement.

 

[59]           À titre de question préliminaire, j’estime que le rapport de l’enquêteur constitue le raisonnement de la Commission, comme dans l'arrêt Sketchley, précité. Au paragraphe 37, la Cour d’appel fédérale affirmait :

L’enquêteur établit son rapport à l’intention de la Commission et, par conséquent, il mène l’enquête en tant que prolongement de la Commission (SEPQA,  [Syndicat des employés de production du Québec et de L’Acadie c. Canada (Commission des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879.

 

 

 

[60]           Je note également les obligations de la Commission canadienne des droits de la personne d’enquêter sur les plaintes, comme l’explique la Cour suprême du Canada au paragraphe 53 de son arrêt Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] A.C.S no 115 : 

La Commission n’est pas un organisme décisionnel; cette fonction est remplie par les tribunaux constitués en vertu de la Loi.  Lorsqu’elle détermine si une plainte devrait être déférée à un tribunal, la Commission procède à un examen préalable assez semblable à celui qu’un juge effectue à une enquête préliminaire.  Il ne lui appartient pas de juger si la plainte est fondée.  Son rôle consiste plutôt à déterminer si, aux termes des dispositions de la Loi et eu égard à l’ensemble des faits, il est justifié de tenir une enquête.  L’aspect principal de ce rôle est alors de vérifier s’il existe une preuve suffisante.

 

[61]           Le pouvoir discrétionnaire conféré à la Commission de déterminer si un examen est justifié « compte tenu de toutes les circonstances » est large (voir Mercier c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 3 C.F. 3), mais doit être exercé équitablement (voir Sanderson, précitée).

[62]           La question que je trouve préoccupante et, en dernière analyse, déraisonnable est de savoir si la Commission a véritablement tenu compte de toutes les circonstances relatives à la plainte.

 

[63]           Je ne suis pas convaincu, pour les motifs qui suivent, que l’enquête accordée à la demanderesse ait tenu compte des difficultés inhérentes que l’obtention d’un emploi à Postes Canada pose invariablement à la demanderesse en raison de son incapacité.  

 

[64]           Comme je l'ai dit, la Commission a conclu que la demanderesse avait besoin d’accommodement durant le processus d’embauche. Cependant, consentir à des accommodements sans procéder à une analyse de l’interrelation entre l’incapacité et les pratiques d’embauche ne conduit pas véritablement à l’équité. À mon avis, pour prendre conscience des aspects discriminatoires des pratiques d’embauche, il aurait été nécessaire que l’enquêteur montrât qu’il comprenait la perspective de chaque partie, et en particulier les difficultés singulières et les circonstances particulières résultant du syndrome d’Asperger de la demanderesse. Ce n’est que si l’enquêteur parvient à une pleine compréhension des incapacités de la demanderesse qu’il devient possible de déterminer si un examen par le Tribunal est justifié. Pour démontrer sa compréhension, l’enquêteur aurait dû pouvoir exposer clairement les difficultés particulières de la demanderesse, ce qui bien plus que seulement écrire un paragraphe général de routine sur le syndrome d’Asperger et l’autisme, comme cela été le cas. Cette lacune dans l’approche de l’enquêteur s’est communiquée aux différentes conclusions qui ont conduit la Commission à décider qu’aucun examen par le Tribunal n’était pas justifié.

 

[65]           La seconde conclusion était qu'il ressortait de la preuve que des accommodements avaient été accordés pour le test d’aptitudes générales, mais que la demanderesse n’avait pas demandé d’accommodement pour l’entrevue.

[66]           Je ne suis pas convaincu que les conclusions de l’enquêteur étaient raisonnables à cet égard. Je ne conviens pas que la demanderesse n’a demandé aucun accommodement à Postes Canada pour la partie entrevue du processus d’embauche.

 

[67]           Comme je l'ai déjà dit, le père de la demanderesse a téléphoné à Patsy Dallon de Postes Canada, à Saint John, pour s’enquérir de la nature de l’entrevue et déterminer les besoins d’accommodements de la demanderesse. Il a été informé que l’entrevue comporterait des questions situationnelles. Le père de la demanderesse n’a ni demandé ni proposé, expressément, qu’une forme quelconque d’accommodement soit accordée à la demanderesse lors de l’entrevue, mais il a demandé si un accommodement serait requis pour permettre à la demanderesse de concourir de façon juste avec les autres candidats. La demanderesse n’a elle-même parlé à personne avant l’entrevue. La défenderesse a déclaré qu’elle aurait consenti à toutes [traduction] « requêtes raisonnables » d’accommodement.

 

[68]           Je reconnais que la demanderesse avait l’obligation de prendre part à la décision sur les types d’accommodements susceptibles de lui convenir. À mon avis, c’est précisément ce qu’elle faisait. Cependant, les questions posées par son père n’ont pas donné lieu à un dialogue mais à la seule réponse que des « questions situationnelles » seraient posées. La défenderesse aurait vraiment été à même à ce moment-là de proposer d’autres méthodes d’évaluation. Et ce n’est qu’après l’échec de la demanderesse à l’entrevue et le dépôt de sa plainte en matière de droits de la personne que la défenderesse semble s’être ouverte à la possibilité de discuter d’accommodements.

 

[69]           Dans l’arrêt Renaud précité, qui portait sur une personne ayant demandé des accommodements en raison de ses croyances religieuses, le juge Sopinka a déclaré que :

43        La recherche d'un compromis fait intervenir plusieurs parties.  Outre l'employeur et le syndicat, le plaignant a également l'obligation d'aider à en arriver à un compromis convenable. [...]

 

[...]

 

Ainsi, pour déterminer si l'obligation d'accommodement a été remplie, il faut examiner la conduite du plaignant.

 

 

 

[70]           Plus loin au paragraphe 44 de l’arrêt Renaud, précité, le juge Sopinka écrit :

[...] [b]ien que le plaignant puisse être en mesure de faire des suggestions, l'employeur est celui qui est le mieux placé pour déterminer la façon dont il est possible de composer avec le plaignant [...] 

 

 

[71]           La troisième conclusion est que la défenderesse avait suggéré d’autres accommodements à la demanderesse pour la partie entrevue, mais que la demanderesse les avait refusés sans proposer d’autres solutions parce qu’elle croyait que toute mesure d’évaluation des habiletés sociales est discriminatoire.

 

[72]           La défenderesse déclare que la demanderesse s’est vu offrir des accommodements non seulement pour la partie entrevue du processus d’embauche, mais aussi par la suite lors de la tentative de résolution de la plainte par les parties. Cependant, la difficulté inhérente à la position de la défenderesse ainsi que par la suite aux conclusions de la Commission sur cette question est que les accommodements proposés à la demanderesse prévoyaient toujours une évaluation de ses habiletés sociales, ce qui est précisément la chose pour laquelle elle avait besoin d’accommodements et ce pourquoi la demanderesse, qui connaît mieux que quiconque ses limitations, avait le sentiment d’être victime de discrimination et finalement d’être exclue de l’emploi.

 

[73]           La défenderesse fait valoir qu’il lui était, pour deux raisons, impossible d’offrir des accommodements à cet égard. Premièrement, elle fait valoir que les conventions collectives auraient entraîné l’admissibilité de la demanderesse à présenter sa candidature à d’autres postes sur le seul fondement de son ancienneté, d’autres postes pouvant nécessiter de plus grandes aptitudes sociales que celles requises pour le poste d’abord sollicité. Et deuxièmement, la défenderesse fait valoir que le poste d’intérieur, auquel la demanderesse avait posé sa candidature, requérait de celle-ci qu’elle puisse exercer des aptitudes sociales avec ses compagnons de travail et ses superviseurs. 

 

[74]           La demanderesse a raison de faire remarquer que les explications de Postes Canada relatives aux conventions collectives et aux pratiques générales ne vont pas dans le sens de la jurisprudence en matière d’accommodements, par exemple au paragraphe 24 de l’arrêt Renaud, précité :

[...] Dans les deux cas, les ententes privées, que ce soit par contrat ou par convention collective, doivent céder devant les exigences de la Loi [sur les droits de la personne].  Dans le cas d'une discrimination directe non justifiée en vertu de la Loi, l'ensemble de la disposition est nul parce qu'elle a pour objet et pour effet d'établir une distinction fondée sur un motif prohibé. Ainsi, dans l'arrêt Etobicoke, la disposition d'une convention collective qui obligeait les pompiers à prendre leur retraite à 60 ans n'était pas applicable parce que, dans toutes ses applications, elle établissait, de par son texte même, une distinction fondée sur l'âge.  Cet effet discriminatoire ne pouvait se justifier à titre d'EPN.

 

25     En revanche, une disposition comme celle dont il est question en l'espèce est discriminatoire envers l'appelant, même si elle est neutre à première vue.  La disposition est valide dans son application générale.  La loi sur les droits de la personne exige que l'on compose avec l'appelant en le soustrayant à l'application de cette disposition de sorte qu'elle cesse d'établir à son égard une distinction fondée sur sa religion.  Laisser entendre que la disposition doit être appliquée de manière à viser l'appelant revient à permettre à l'employeur et au syndicat de renoncer aux exigences de la Human Rights Act, ce qu'ils ne peuvent faire.  Cela ne signifie pas que la convention collective ne peut contenir une formule permettant de respecter les croyances religieuses des employés.  L'employeur qui se prévaut d'une telle disposition générale doit toutefois établir qu'elle respecte [page 987] l'obligation d'accommodement.  Voir l'arrêt Central Alberta Dairy Pool, à la p. 528.

 

26     Bien que les dispositions d'une convention collective ne puissent dégager les parties de l'obligation d'accommodement, l'effet de la convention est pertinent pour évaluer le degré de contrainte résultant de l'ingérence dans ses conditions.  Une dérogation importante à l'effet normal des conditions d'emploi dans la convention collective peut constituer une ingérence excessive dans l'exploitation de l'entreprise de l'employeur.

 

 

[75]           Quoique l’arrêt Renaud, précité, concerne des accommodements en matière de croyance religieuse, je ne vois pas de bonne raison pour laquelle Postes Canada ne devrait pas avoir suivi les mêmes principes pour l’embauche de la demanderesse. Il aurait été raisonnable au moins de discuter sur d’éventuelles modifications aux termes de la convention collective pour la demanderesse, mais cela n’a pas été fait. L’enquête et la décision ultérieure de la Commission ont échoué à déterminer l’interrelation entre le fait de satisfaire aux obligations des conventions collectives et celui d’accorder des accommodements à une personne comme Mme Davidson conformément à la législation sur les droits de la personne.

[76]           L’arrêt Renaud, précité, au paragraphe 36, traite de la façon dont un syndicat peut devenir complice d’une discrimination quand « il peut causer la discrimination ou y contribuer d'abord en participant à la formulation de la règle de travail qui a un effet discriminatoire sur le plaignant ». Au paragraphe 39, le juge Sopinka poursuit :
 

Un syndicat responsable à titre de coauteur, avec l'employeur, d'une discrimination, est tenu, conjointement avec celui‑ci, de chercher à s'entendre avec l'employé.  Si rien n'est fait, ils sont tous deux également responsables.  Néanmoins, il faut tenir compte du fait que normalement l'employeur, qui est en charge du lieu de travail, est mieux placé pour formuler des compromis.  On peut donc s'attendre à ce qu'il amorce le processus.

 

 

[77]           Le fait que des clauses de la convention collective permettent aux employés, une fois embauchés, de poser leur candidature à d’autres postes sur le fondement de leur ancienneté ne signifie pas que la demanderesse, qui rencontre des obstacles importants dans notre société pour trouver de l’emploi, devrait être écartée d’un travail qui lui convient particulièrement en définitive, car il ne l’expose pas aux interactions sociales requises par d’autres postes. Il se peut que Postes Canada ait à modifier ses conventions collectives à titre d’employeur soucieux d’équité. Je reconnais qu’il existe des facteurs distincts de ceux de l’arrêt Renaud, précité. Composer avec les croyances religieuses ne fait pas véritablement intervenir les aptitudes à l’emploi comme c’est le cas en l’espèce. Cependant, cette question, qui a été soulevée par la demanderesse, est importante. Je conclus qu’il était déraisonnable de la part de la Commission de considérer que les règles strictes de l’unité de négociation du STTP étaient acceptables et rationnellement liées à l’emploi de commis de la poste en dépit de la possibilité que ces « règles » l’emportent sur les droits de la personne de la demanderesse. La Commission écrit ce qui suit à la page 5 de sa décision :

[traduction] L’intimée fait valoir que l’interchangeabilité des emplois dans l’unité de négociation du STTP et les règles strictes qui s’appliquent à la dotation des postes permanents parmi la réserve d’employés temporaires signifie que l’entrevue est cruciale pour s’assurer que ne soient recrutés que des candidats qualifiés pour les postes temporaires sur appel.

 

 

[78]           La notion d’accommodement sans contrainte excessive a été adoptée dans le contexte des relations employé-employeur. Il se peut qu’il soit également nécessaire d’examiner la question de savoir si les négociations entre le syndicat et la direction, qui pourraient faciliter l'application de la notion, constituent elles-mêmes en fait une contrainte excessive, selon l’arrêt Meiorin, précité. Dans cet arrêt, la Cour suprême a décidé que l’intimé n’avait pas démontré que ses normes de performance aérobique étaient nécessaires pour assurer l’exécution sécuritaire et efficace de l’emploi de pompier forestier, et qu’elles étaient pour cette raison discriminatoires.

[79]           La défenderesse a soutenu pour sa part que même un poste d’intérieur nécessitait des aptitudes sociales, les employés étant appelés à entretenir des relations avec leurs compagnons de travail et avec la direction. Cependant, l’enquêteur n’a jamais considéré la possibilité que les employés de Postes Canada reçoivent des cours de sensibilisation pour permettre la réussite de l’intégration de la demanderesse. De plus, la demanderesse fait remarquer que ce poste lui convient particulièrement, car il implique de la solitude, une structure, de la monotonie et de la régularité, toutes choses que de nombreuses autres personnes trouvent éprouvantes. En d’autres mots, la disposition et l’incapacité de la demanderesse ne constituent pas en soi un déficit, mais un ensemble de compétences et d’aptitudes qui tout en étant différentes de celles de la population non affectée par le syndrome d’Asperger sont néanmoins valables dans des postes comme celui-ci.  La décisioin Dawson, précitée, critique expressément les règles rigides des sociétés qui empêchent l’intégration véritable des personnes comme la demanderesse atteintes d’une incapacité. 

 

[80]           La défenderesse soutient également que c’était l’absence d’expérience de la demanderesse et non ses aptitudes sociales qui ont en dernier ressort décidé du rejet de sa candidature. Cependant, si Postes Canada avait été vraiment consciente de la situation de la demanderesse comme revendicatrice d’équité, elle aurait pu considérer que celle-ci pouvait être écartée d’autres emplois en raison de son incapacité. Ceci dit, la demanderesse laisse entendre qu’elle ne sollicite pas un emploi qui ne lui convient pas et pour lequel elle serait mal préparée. Elle a été une élève du tableau d’honneur à l’école secondaire et elle étudie maintenant les sciences en première année à l’université.

 

[81]           La quatrième conclusion de la Commission était que la défenderesse reconnaissait qu’elle posait, aux entrevues, des questions situationnelles aux candidats à des postes d’intérieur et d’extérieur, mais qu’elle était disposée à envisager d’autres options. Cette conclusion me laisse quelque peu perplexe puisque la préoccupation sur les clauses de la convention collective relatives à l’avancement selon l’ancienneté n’a jamais été réglée. Si la défenderesse s’était vraiment efforcée de parvenir à des accommodements au-delà du niveau d’aptitudes sociales et de compétences qu’elle exigeait, elle n’aurait pas pu soutenir cet argument qui a pesé sur la décision de l’enquêteur.

 

[82]           Au paragraphe 48 de la décision Bastide, précitée, il est en partie discuté des formes d’accommodements suffisantes :

Il est vrai que l’évaluation individuelle ne constitue pas toujours une forme suffisante d’accommodement. Encore faut‑il que l’évaluation évalue les personnes selon une norme réaliste qui reflète ses capacités réelles et son apport potentiel. 

 

 

[83]           La cinquième question litigieuse concerne la conclusion de la Commission selon laquelle la demanderesse ne pouvait ou ne voulait pas participer au processus pour aboutir à des compromis convenables avec Postes Canada. Selon la jurisprudence,  il existe une obligation pour la demanderesse de faciliter la recherche d’accommodements (voir Renaud, précité, cité dans Boldy c. Banque Royale du Canada, [2008] A.C.F. no 135).

 

[84]           Je reconnais que le processus visant à trouver des accommodements convenables pose les problèmes que la Commission a mentionnés. Cependant, ce processus ne visait certainement pas à contraindre la plaignante à accepter un accommodement qui ne constituait pas un correctif véritable à la pratique discriminatoire et ne reflétait pas le type d’évaluation à l’embauche qui aurait convenu à une personne comme Mme Davidson. Il était déraisonnable que l’enquêteur ne relève pas les problèmes fondamentaux que recelaient les offres d’accommodements de la défenderesse. Tant et aussi longtemps que Postes Canada refusait d’évaluer la demanderesse, en ce qui a trait aux critères de l’entrevue, en ayant égard à son incapacité et sans tenir compte du soi-disant étranglement par les règles syndicales, la demanderesse avait le sentiment que le fond de sa plainte n’avait nullement été compris, ce qui la rendait réticente à participer.

[85]           Les difficultés qu’éprouvait la demanderesse à s’engager dans le processus pour aboutir à des accommodements sont également compréhensibles. C’est ainsi que le refus, par exemple, de laisser tomber l’évaluation conçue pour les candidats aux postes d’extérieur semble avoir conduit Mme Davidson à conclure que Postes Canada n’avait pas pleinement pris conscience des limites de sa capacité à interagir avec le public. Postes Canada est un employeur soucieux de l’équité qui dispose de l’infrastructure et des moyens nécessaires pour offrir un milieu de travail positif. Par ailleurs, la société est familière à la demanderesse puisque ses parents en sont des employés de longue date. De plus, et ceci est crucial, les tâches de l’emploi conviennent tout particulièrement à une personne atteinte du syndrome d’Asperger, étant donné leur caractère répétitif, leur régularité et le fait qu’elles ne requièrent pas d’aptitudes sociales. La demanderesse doit avoir eu le sentiment qu’elle allait certainement échouer puisque Postes Canada et la Commission semblaient n’avoir aucune conscience des modifications éventuellement nécessaires pour lui assurer l’équité véritable par des accommodements.

 

[86]           L’autre aspect de la question est l’obligation d’accepter des accommodements raisonnables. C’est cet aspect auquel le juge McIntyre se référait dans l’arrêt Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536. Le plaignant ne peut pas s’attendre à une solution parfaite. Si une proposition qui serait raisonnable compte tenu de toutes les circonstances est refusée, l’employeur est libéré de son obligation. L’enquêteur a déclaré :

[traduction] Il importe de noter que l'obligation de consentir à des accommodements n’est pas illimitée. L’obligation de l’intimée est de véritablement s’efforcer de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la plaignante. La preuve montre que l’intimée a fait de tels efforts et qu’elle demeure disposée à envisager d’autres mesures d’accommodement.  La plaignante, toutefois, doit coopérer afin de faciliter le processus pour aboutir à des accommodements.

 

 

[87]           Je ne suis pas d’avis que la demanderesse doit être considérée comme fautive pour avoir refusé d’accepter les accommodements qui lui étaient proposés. En l’espèce, la notion d’accommodement ne signifie pas nécessairement une diminution de l’exigence de se conformer à une certaine norme : elle peut entraîner la nécessité de modifier la norme complètement, et c’est ce que la demanderesse a soutenu qu’il était essentiel de faire pour qu’un traitement égal lui soit accordé conformément aux normes en matière de droits de la personne. Les observations de la défenderesse et le rapport de l’enquêteur ne me convainquent pas que l’on ait jamais consciencieusement examiné cette notion. Je suis par ailleurs de l’avis que ce type d’accommodement dans le contexte du syndrome d’Asperger présente des difficultés pour les employeurs. Les principes bien établis par la jurisprudence sur les éléments constitutifs d’un accommodement ne s’appliquent pas aisément. Cependant, les principes sous-jacents à la Loi sont établis par interprétation.

 

[88]           Je conclus par une analyse du paragraphe 44(3) de la Loi et de l’objectif de l’enquête. Comme l’enquête ne constitue pas une audience du Tribunal, la Cour doit analyser en conséquence la décision prise à ce stade du processus.

 

[89]           La défenderesse fait valoir que la compétence de la Cour de contrôler la décision ne va pas au-delà d’une analyse de l’obligation d’agir équitablement, car l’enquête comporte une dimension administrative. La question de savoir si une discrimination a vraiment été exercée, par exemple, excède le mandat de la Commission et, à ce titre, ne peut constituer le facteur déterminant quant à savoir si la décision était déraisonnable (voir Bastide précité). La défenderesse a raison de noter que le mandat de la Commission comporte de multiples facettes qui concernent, entre autres, l'intérêt supérieur du public et l’utilisation efficace des ressources et du temps. La Cour suprême du Canada considère même le premier stade du processus, avant l’audience, comme étant une décision  purement « administrative » (voir l’arrêt Syndicat, précité). C’est la totalité de la preuve qui est importante (voir la décision Wang, précitée). Ces paramètres étant donnés, je suis néanmoins d’avis que la manière dont la preuve a été considérée n'a pas abouti à des conclusions justifiées et intelligibles qui constituent une décision raisonnable selon l’arrêt Dunsmuir, précité.

 

[90]           Dans mon analyse de la présente question, ma tâche ne consiste pas à déterminer si une discrimination s’est en fait produite, mais plutôt si la Commission a commis une erreur en prenant la décision qu’un examen par le Tribunal n’était pas justifié. Il convient de faire preuve également d’une certaine déférence en raison de l’intérêt de la Commission à maintenir « un système qui fonctionne et qui soit efficace sur le plan administratif » (voir la décision Slattery c. Canada, [1994] 2 F.C. 574, citée dans Williams c. First Air, [1998] A.C.F. no 1844). Ceci étant dit, il faut reconnaître qu’il n’est pas possible de procéder à un tel examen sans se pencher un tant soit peu sur le fond du litige en matière de discrimination.

 

[91]           Le sommaire de la décision Slattery, précitée, comporte le passage suivant :

Le paragraphe 44(3) de la Loi ne permet pas à la CCDP de rendre des décisions en ne tenant absolument pas compte du bien-fondé de la plainte. Si l'on permettait que des considérations purement administratives (comme les coûts, le temps) soient déterminantes, on pourrait concevoir des situations où le droit d'une personne à un recours sous le régime d'une loi relative aux droits de la personne dépendrait de la facilité avec laquelle l'on peut prouver qu'il y a eu violation des droits de la personne. Une telle façon de faire serait clairement en contradiction avec l'objectif de justice visé par la Loi, de donner effet au principe de l'égalité des chances. Les organismes administratifs doivent, dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire, poursuivre des objectifs qui ne contredisent d'aucune façon l'esprit de leur loi constitutive. D'autre part, la prétention de la requérante selon laquelle il y a lieu d'exercer un contrôle judiciaire à l'égard de l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la CCDP chaque fois que, de l'avis de la Cour saisie de la demande de contrôle, le plaignant a réussi à faire porter ses arguments au delà du domaine de la conjecture, va beaucoup trop loin dans l'autre sens. Il faut privilégier la retenue plutôt que l'interventionnisme tant que la CCDP traite des questions d'appréciation des faits et de décision, tout particulièrement à l'égard de questions pour lesquelles la CCDP dispose d'un vaste pouvoir discrétionnaire, comme lorsqu'il s'agit de décider s'il y a lieu de rejeter une plainte sous le régime du paragraphe 44(3). Comme le pouvoir conféré à la CCDP par le paragraphe 44(3) est de nature discrétionnaire, une cour ne doit pas s'ingérer uniquement parce qu'elle aurait exercé différemment ce pouvoir discrétionnaire.

 

[92]           La décision Slattery, précitée, énonce le contenu de l’équité procédurale qui est requis dans les enquêtes de la Commission conformément aux exigences de la Loi quant à la rigueur :

Il faut faire montre de retenue judiciaire à l'égard des organismes décisionnels administratifs qui doivent évaluer la valeur probante de la preuve et décider de poursuivre ou non les enquêtes. Ce n'est que lorsque des omissions déraisonnables se sont produites, par exemple lorsqu'un enquêteur n'a pas examiné une preuve manifestement importante, qu'un contrôle judiciaire s'impose.

 

[93]           Je note que plusieurs conclusions importantes de la décision Dawson du Tribunal, précitée, intéressent les questions soulevées en l’espèce. Comme cette dernière affaire a été tranchée après la décision de la Commission de rejeter la plainte, la Commission ne pouvait en avoir connaissance au moment de décider de la plainte Mme Davidson. Je ne pense pas que la décision puisse servir de soutien aux conclusions, mais les questions sont pertinentes : Postes Canada n’avait qu’une expérience restreinte des rapports avec les personnes atteintes du syndrome d’Asperger; Postes Canada devrait apprendre à s’adapter aux processus de pensée et aux capacités des personnes atteintes du syndrome d’Asperger sinon il était inévitable que des discriminations se produisent; sauf si les employés de Postes Canada sont bien informés sur l’incapacité, il est inévitable qu’un manque de sensibilité se produise et affecte par conséquent la confiance de la personne autistique d’être traitée convenablement malgré son incapacité. 

 

[94]           Le juge en chef Dikson dans l’arrêt C.N c. Canada (Commission des droits de la personne), [1987] 1 R.C.S. 1114, parle de la manière dont il convient d’interpréter la législation sur les droits de la personne :

24      La législation sur les droits de la personne vise notamment à favoriser l'essor des droits individuels d'importance vitale, lesquels sont susceptibles d'être mis à exécution, en dernière analyse, devant une cour de justice. Je reconnais qu'en interprétant la Loi, les termes qu'elle utilise doivent recevoir leur sens ordinaire, mais il est tout aussi important de reconnaître et de donner effet pleinement aux droits qui y sont énoncés. On ne devrait pas chercher par toutes sortes de façons à les minimiser ou à diminuer leur effet. Bien que cela puisse sembler banal, il peut être sage de se rappeler ce guide qu'offre la Loi d'interprétation fédérale lorsqu'elle précise que les textes de loi sont censés être réparateurs et doivent ainsi s'interpréter de la façon juste, large et libérale la plus propre à assurer la réalisation de leurs objets. Voir l'article 11 de la Loi d'interprétation, S.R.C. 1970, chap. I-23 et ses modifications. Comme Elmer A. Driedger l'a écrit à la p. 87 de Construction of Statutes (2nd ed. 1983):

 

[TRADUCTION] De nos jours, un seul principe ou méthode prévaut pour l'interprétation d'une loi: les mots doivent être interprétés selon le contexte, dans leur acception logique courante en conformité avec l'esprit et l'objet de la loi et l'intention du législateur.

 

25        Les objets de la Loi sembleraient tout à fait évidents, compte tenu des termes puissants de l'art. 2. Pour que tous puissent avoir des chances égales d'«épanouissement», la Loi cherche à interdire «les considérations» fondées notamment sur le sexe. C'est l'acte discriminatoire lui-même que l'on veut prévenir. La Loi n'a pas pour objet de punir la faute, mais bien de prévenir la discrimination.

 

[95]           Le juge de Montigny écrit dans la décision Bastide, précitée, que :

39        [...] dans la très grande majorité des cas, la discrimination résultera plutôt d’une norme en apparence neutre; dans la mesure où l’application de cette norme entraîne l’exclusion disproportionnée de certaines catégories de personnes (que ce soit en fonction de l’âge, du sexe, ou d’une autre caractéristique énumérée aux articles 7 et 10 de la Loi), on conclura d’une discrimination systémique ou par suite de son effet préjudiciable : Commission ontarienne des droits de la personne et O’Malley c. Simpsons‑Sears Ltd. et autres, 1985 CanLII 18 (C.S.C.), [1985] 2 R.C.S. 536; Bhinder et autre c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et autres, 1985 CanLII 19 (C.S.C.), [1985] 2 R.C.S. 561

 

40        Ce n’est que dans une deuxième étape, lorsqu’il convient de se demander si les restrictions, conditions ou préférences de l’employeur découlent d’exigences professionnelles justifiées au sens de l’article 15 de la Loi, que la nature du test et son individualisation seront pertinentes. Si l’employeur peut démontrer qu’une condition de travail est une exigence professionnelle justifiée, cette condition ne sera pas considérée comme un acte discriminatoire.

 

[96]           L’arrêt Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554, traite également de la question de l’interprétation de la législation sur les droits de la personne :

94     Il est bien établi dans la jurisprudence de notre Cour que les lois sur les droits de la personne ont une nature quasi constitutionnelle unique et qu'elles doivent être interprétées d'une façon large, libérale et en fonction de leur objet.  À cet égard, voir les arrêts Insurance Corp. of British Columbia c. Heerspink, [1982] 2 R.C.S. 145; Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons‑Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536; Bhinder c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1985] 2 R.C.S. 561; Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1987] 1 R.C.S. 1114 («Action travail des femmes»); Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84; Zurich, précité, (pour un examen global, voir Alan L. W. D'Silva, «Giving Effect to Human Rights Legislation ‑- A Purposive Approach» (1991), 3 Windsor Rev. L. & S. Issues 45).  D'après cette longue suite d'arrêts, les tribunaux doivent interpréter les lois sur les droits de la personne d'une façon compatible avec leurs objectifs prédominants, reconnaissant comme l'a fait mon collègue le juge Sopinka, s'exprimant au nom de la majorité dans l'arrêt Zurich, précité, à la p. 339, que ces lois «constituent souvent le dernier recours de la personne désavantagée et de la personne privée de ses droits de représentation». 

 

 

[97]           Je conclus par conséquent que mon examen des conclusions de la Commission respecte les principes généraux qui régissent le pouvoir discrétionnaire de la Commission conféré par le paragraphe 44(3) de la Loi de même que les principes généraux de la Loi. L’enquête, pour les motifs exposés ci-dessus, a été menée d’une manière incompatible avec la législation sur les droits de la personne et la jurisprudence, en raison de deux omissions : l’absence d’une évaluation individualisée de l’interrelation entre l’incapacité de la demanderesse en ce qui a trait à ses aptitudes sociales et les modifications nécessaires à apporter aux normes dans les pratiques d’embauche, et la façon dont les règles de la société et les conventions collectives, quoique neutres en apparence, ont servi à écarter Mme Davidson par le biais de son besoin d’accommodement.

 

[98]           Je suis par conséquent d’avis d’accueillir la demande de contrôle judiciaire pour ces motifs.

 

[99]           Étant donné ma présente conclusion, je n’ai pas à traiter de la question 3.

 

[100]       La demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l’affaire sera renvoyée à la Commission pour qu’un enquêteur différent examine les plaintes de la demanderesse d’une manière compatible avec les présents motifs.

 

[101]       La demanderesse aura droit aux dépens de la demande.

 

 

 


 

JUGEMENT

 

[102]       LA COUR ORDONNE :

            1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Commission est annulée et l’affaire est renvoyée à la Commission pour qu’un enquêteur différent examine les plaintes de la demanderesse d’une manière compatible avec les présents motifs.  

            2.         La demanderesse a droit aux dépens de la demande.

 

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


ANNEXE

 

Dispositions légales pertinentes

 

Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6

 

2.La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l’état de personne graciée.

 

 

 

 

3.(1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience.

 

. . .

7. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

 

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

 

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

 

 

 

 

 

 

. . .

 

10. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

 

a) de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

 

b) de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

 

 

 

 

 

 

 

 

. . .

 

44.(1) L’enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l’enquête.

 

 

 

(2) La Commission renvoie le plaignant à l’autorité compétente dans les cas où, sur réception du rapport, elle est convaincue, selon le cas :

 

a) que le plaignant devrait épuiser les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

 

b) que la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale.

 

 

 

 

 

(3) Sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

 

a) peut demander au président du Tribunal de désigner, en application de l’article 49, un membre pour instruire la plainte visée par le rapport, si elle est convaincue :

 

(i) d’une part, que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle-ci est justifié,

 

(ii) d’autre part, qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la plainte en application du paragraphe (2) ni de la rejeter aux termes des alinéas 41c) à e);

 

 

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

 

 

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle-ci n’est pas justifié,

 

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l’un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

 

 

(4) Après réception du rapport, la Commission :

 

 

a) informe par écrit les parties à la plainte de la décision qu’elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3);

 

 

 

 

 

b) peut informer toute autre personne, de la manière qu’elle juge indiquée, de la décision qu’elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3).

2.The purpose of this Act is to extend the laws in Canada to give effect, within the purview of matters coming within the legislative authority of Parliament, to the principle that all individuals should have an opportunity equal with other individuals to make for themselves the lives that they are able and wish to have and to have their needs accommodated, consistent with their duties and obligations as members of society, without being hindered in or prevented from doing so by discriminatory practices based on race, national or ethnic origin, colour, religion, age, sex, sexual orientation, marital status, family status, disability or conviction for an offence for which a pardon has been granted.

 

3.(1) For all purposes of this Act, the prohibited grounds of discrimination are race, national or ethnic origin, colour, religion, age, sex, sexual orientation, marital status, family status, disability and conviction for which a pardon has been granted.

 

 

. . .

7. It is a discriminatory practice, directly or indirectly,

 

 

 

 

(a) to refuse to employ or continue to employ any individual, or

 

(b) in the course of employment, to differentiate adversely in relation to an employee,

 

on a prohibited ground of discrimination.

 

. . .

 

10. It is a discriminatory practice for an employer, employee organization or employer organization

 

 

 

 

 

 

 

 

(a) to establish or pursue a policy or practice, or

 

(b) to enter into an agreement affecting recruitment, referral, hiring, promotion, training, apprenticeship, transfer or any other matter relating to employment or prospective employment,

 

 

that deprives or tends to deprive an individual or class of individuals of any employment opportunities on a prohibited ground of discrimination.

 

. . .

 

44.(1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

 

(2) If, on receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission is satisfied

 

 

 

(a) that the complainant ought to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available, or

 

 

(b) that the complaint could more appropriately be dealt with, initially or completely, by means of a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act,

 

it shall refer the complainant to the appropriate authority.

 

 

(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

 

(a) may request the Chairperson of the Tribunal to institute an inquiry under section 49 into the complaint to which the report relates if the Commission is satisfied

 

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is warranted, and

 

(ii) that the complaint to which the report relates should not be referred pursuant to subsection (2) or dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e); or

 

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

 

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

 

(ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).

 

(4) After receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

 

(a) shall notify in writing the complainant and the person against whom the complaint was made of its action under subsection (2) or (3); and

 

 

 

 

(b) may, in such manner as it sees fit, notify any other person whom it considers necessary to notify of its action under subsection (2) or (3).

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-967-08

 

INTITULÉ :                                       ROBYN P. DAVIDSON

 

                                                            - et -

 

                                                            SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Fredericton (Nouveau-Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               12 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT DE :                       LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      9 juillet 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

E. Thomas Christie, c.r.

 

POUR LA DEMANDERESSE

Jamie Eddy

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Christie Law Office

Fredericton (Nouveau-Brunswick)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Cox & Palmer

Fredericton (Nouveau-Brunswick)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

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