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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20090501

Dossier : T-204-08

Référence : 2009 CF 444

Ottawa (Ontario), le 1er mai 2009

En présence de madame la juge Simpson

 

 

ENTRE :

 

ATIA ZAHRA

demanderesse

 

 

 

et

 

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Atia Zahra (la demanderesse) est une demanderesse se représentant elle-même. Elle décrit sa demande comme étant une de contrôle judiciaire, mais dans les faits, il s’agit d’un appel interjeté en application du paragraphe 14(5) de la Loi sur la Citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 (la Loi). L’appel porte sur la décision d’un juge de la citoyenneté datée du 10 décembre 2007 (la décision), dans laquelle ce dernier a conclu que Mme Zahra ne satisfaisait pas au critère de connaissance établi à l’alinéa 5(1)e) de la Loi et n’a pas recommandé au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration d’exercer son pouvoir discrétionnaire prévu aux paragraphes 15(1), 5(3) et 5(4) de la Loi. Il a, par conséquent, rejeté sa demande de citoyenneté canadienne.

 

CONTEXTE

 

[2]               La demanderesse est une citoyenne du Pakistan âgée de 32 ans. Elle a immigré au Canada le 2 avril 2004 avec son fils. Son époux et ses trois jeunes enfants sont tous des citoyens canadiens.

 

[3]               Le 3 avril 2007, Mme Zahra a déposé une demande de citoyenneté canadienne. Elle a reçu le matériel d’apprentissage. Le 5 juillet 2007, Mme Zahra a passé l’examen pour la citoyenneté et n’a répondu correctement qu’à 4 des 20 questions à choix multiples. Afin de réussir cet examen, les demandeurs doivent répondre correctement à 60% des questions, ou à 12 questions, ainsi que répondre correctement à toutes les questions portant sur le système électoral. Même si Mme Zahra ne satisfaisait pas à l’exigence de connaissance de l’examen pour la citoyenneté, elle répondait à tous les autres critères d’obtention de la citoyenneté.

 

[4]               Le 27 novembre 2007, Mme Zahra a comparu devant le juge de la citoyenneté pour une entrevue. Au moment de l’entrevue, Mme Zahra était enceinte de cinq mois de son troisième enfant et était accompagnée par son époux et ses enfants. L’époux de Mme Zahra a d’ailleurs agi comme représentant et interprète. Lorsqu’interrogée, elle est devenue nerveuse et mal à l’aise. Étant donné son état mental et physique perturbé, elle avait de la difficulté à s’exprimer, autant en anglais qu’en panjabi, sa langue maternelle.

 

[5]               L’époux de Mme Zahra a relevé l’incapacité de son épouse à s’exprimer, et le juge de la citoyenneté a recommandé qu’elle prenne une pause d’une demi-heure. Après la pause, le malaise est revenu.

 

[6]               L’époux de Mme Zahra a mentionné au juge de la citoyenneté qu’elle ne pouvait pas répondre aux questions correctement en raison de son état et a demandé quelles autres options se présentaient à elle. Le juge de la citoyenneté l’a informé qu’elle recevrait l’information dans une lettre, par la poste, dans environ quatre semaines. Cette information était la décision du juge de la citoyenneté.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[7]               Mme Zahra ne s’oppose pas à la conclusion du juge de la citoyenneté qu’elle n’a pas satisfait au critère de connaissance établi à l’alinéa 5(1)e) de la Loi. Elle s’oppose toutefois à son refus d’exercer son pouvoir discrétionnaire de faire une recommandation fondée sur des raisons d’ordre humanitaire en vertu du paragraphe 5(3) ou une situation particulière et inhabituelle de détresse, en application du paragraphe 5(4) de la Loi (une recommandation).

 

[8]               Le défendeur prétend qu’il y a deux questions en litige :

[traduction]

  1. La demanderesse s’est-elle acquittée de son fardeau de convaincre le juge de la citoyenneté qu’elle méritait une recommandation?
  2. L’omission de faire la recommandation prévue au paragraphe 15(1) est-elle considérée comme une « décision » selon le paragraphe 14(2) de la Loi, qui confère à la Cour fédérale sa compétence en matière d’appel?

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[9]               Dans Arif c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 557, aux paragraphes 7 et 8, le juge Blais a dit que la norme de contrôle applicable à une décision d’un juge de la citoyenneté de ne pas recommander que le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire prévu aux paragraphes 5(3) et 5(4) de la Loi était celle de la décision manifestement déraisonnable, puisqu’il s’agit d’une décision discrétionnaire. Compte tenu de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, qui éliminait la norme de la décision manifestement déraisonnable, je conclus que la norme de contrôle appropriée en l’espèce devrait être celle de la raisonnabilité.

 

ANALYSE

1) Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur révisable lorsqu’il a conclu qu’il n’y avait pas de circonstances spéciales justifiant une recommandation au ministre d’exempter la demanderesse du critère de connaissance ou de lui octroyer la citoyenneté?

 

[10]           Lors de l’audition de l’appel, l’époux de Mme Zahra a prétendu que, lorsqu’il a parlé au juge à propos de l’état de celle-ci et qu’il lui a demandé quelles autres options s’offraient à elle si elle devait échouer à l’entrevue, le juge de la citoyenneté aurait dû leur mentionner qu’il est possible de demander à ce que leur demande soit examinée sur le fondement de raisons d’ordre humanitaire. Il prétend que, lorsqu’il s’est informé à propos des autres options, il demandait essentiellement que le cas de son épouse soit évalué sur le fondement de raisons d’ordre humanitaire.

 

[11]           L’époux de Mme Zahra a prétendu que, lorsque sa femme a souffert de symptômes d’un stress sévère à l’entrevue et qu’ils se sont informés au sujet des autres options, le juge de la citoyenneté aurait dû leur répondre de manière compréhensible et les informer qu’ils pouvaient demander une exemption au critère de connaissance pour des raisons d’ordre humanitaires.

 

[12]           Mme Zahra a seulement subi ce degré de stress à la date de l’audience. Elle n’avait pas d’antécédents de crises de panique, et aucun élément de preuve ne faisait état de tels problèmes. Elle prétend qu’étant donné que le juge de la citoyenneté a constaté son état et a recommandé qu’elle prenne une pause, il savait qu’elle était aux prises avec un problème qui l’empêchait de répondre à des questions.

 

[13]           Cependant, les demandeurs se représentant eux-mêmes ont l’obligation de connaître et de comprendre la loi. Par conséquent, il incombait à Mme Zahra de savoir qu’en cas de besoin, elle pouvait demander que l’entrevue fasse l’objet d’un ajournement et qu’elle pouvait présenter des éléments de preuve qui étayaient une demande de recommandation.

 

[14]           Lorsqu’ils ont été interrogés lors de l’audition de l’appel, Mme Zahra et son époux ont confirmé qu’elle n’avait pas antécédents de crises de panique ou d’autres problèmes de santé, et que sa troisième grossesse se déroulait sans heurts. Elle n’a relaté aucun fait qui aurait pu être présenté devant le juge de la citoyenneté pour expliquer son incapacité à retenir de l’information ou à répondre à des questions. Elle a aussi dit qu’elle n’avait répondu correctement qu’à quatre des vingt questions lors de l’examen parce qu’elle n’avait pas étudié adéquatement le matériel d’apprentissage.

 

[15]           Mme Zahra a comparu devant le juge de la citoyenneté en tant que femme enceinte en santé, qui avait lamentablement échoué à la partie de l’examen écrit pour la citoyenneté portant sur la connaissance. Elle est devenue nerveuse au cours de l’entrevue, au cours de laquelle elle a encore été incapable de répondre correctement aux questions. Rien de prouvait l’existence d’un problème de santé qui aurait pu justifier une recommandation, et il n’y a pas eu de demande d’ajournement. Dans ces circonstances, le juge de la citoyenneté n’avait pas l’obligation de mentionner le fait qu’une recommandation pouvait être faite dans les cas appropriés.

 

[16]           Par conséquent, j’ai conclu que l’omission du juge de la citoyenneté de mentionner la possibilité d’une recommandation était raisonnable en l’espèce. 

 

2) La Cour fédérale a-t-elle compétence en matière d’appel en l’espèce?

 

[17]           Le paragraphe 14(2) de la Loi se lit ainsi :

Aussitôt après avoir statué sur la demande visée au paragraphe (1), le juge de la citoyenneté, sous réserve de l’article 15, approuve ou rejette la demande selon qu’il conclut ou non à la conformité de celle-ci et transmet sa décision motivée au ministre.

Forthwith after making a determination under subsection (1) in respect of an application referred to therein but subject to section 15, the citizenship judge shall approve or not approve the application in accordance with his determination, notify the Minister accordingly and provide the Minister with the reasons therefor.

 

 

[18]           Selon moi, il ressort sans équivoque de cette disposition qu’une partie du processus décisionnel du ou de la juge de la citoyenneté est de se pencher sur la possibilité d’une recommandation. De plus, la décision en l’espèce démontre que le juge de la citoyenneté a statué sur la question d’une recommandation. Pour ces motifs, j’ai conclu que la Cour a compétence pour trancher la présente affaire.

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que, pour les motifs fournis quant à la première question en litige, le présent appel est rejeté.

 

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-204-08

 

INTITULÉ :                                        ATIA ZAHRA c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge Simpson

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 1er mai 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Atia Zahra

Masood Abid (époux de la demanderesse) 

 

DEMANDERESSE (se représentait elle-même)

 

Brad Gotkin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Atia Zahra

Toronto (Ontario)

 

DEMANDERESSE (se représentait elle-même)

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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