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Date : 20090423

Dossier : IMM-4172-08

Référence : 2009 CF 406

Ottawa (Ontario), le 23 avril 2009

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

PUNEET KAUR DEOL

demanderesse

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ  

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu du par. 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), en vue de soumettre à un contrôle judiciaire une décision datée du 2 juillet 2008 (la décision) et rendue à Edmonton (Alberta) par laquelle un agent de Citoyenneté et Immigration Canada (l’agent) a refusé la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire présentée en application de l’art. 25 de la Loi.

 

CONTEXTE

[2]               La demanderesse est née aux États-Unis le 31 mars 1994, à Redmond, King County (Washington). Elle est une citoyenne des États-Unis et elle détient un passeport états-unien.

 

[3]               La demanderesse aurait été élevée par ses parents adoptifs, qui sont des citoyens canadiens, depuis l’âge de trois mois. Depuis lors, elle dit avoir continuellement vécu au Canada. Elle affirme que, lorsqu’elle était bébé, elle n’avait pas besoin de permis pour traverser la frontière entre les États-Unis et le Canada. Elle soutient également que ses parents biologiques n’ont fourni aucune aide financière après qu’elle soit venue vivre au Canada avec ses parents adoptifs. Toutefois, elle est toujours couverte par l’assurance médicale de ses parents biologiques puisque le ministère de la Santé de l’Alberta a rejeté la demande d’assurance-santé présentée par sa mère adoptive. La mère biologique de la demanderesse est la sœur de la mère adoptive. Depuis le tout début, la demanderesse et ses parents adoptifs se rendent aux États-Unis à l’occasion pour visiter les parents biologiques. Habituellement, ils les visitent une fois par année pour une période de 2 ou 3 jours, mais ils sont parfois restés jusqu’à deux semaines.

 

[4]               Les parents adoptifs avaient déjà adopté deux enfants au moment où la demanderesse leur a été confiée : une fille née le 18 novembre 1977 et un garçon né le 9 mars 1978. Ils ont essayé d’avoir des enfants pendant 15 ans, mais la mère adoptive était infertile et les traitements ont échoué.  

 

[5]               Selon la demanderesse, sa mère biologique et sa mère adoptive avaient conclu une entente selon laquelle la mère biologique aurait un enfant qui serait élevé par la mère adoptive. Elle affirme que ses parents adoptifs ont payé pour sa nourriture et ses vêtements et lui ont offert des cadeaux. La demanderesse dit également avoir fait toutes ses études au Canada.

[6]               Le 15 mars 1995, après avoir conclu l’entente avec sa sœur, la mère adoptive a donné naissance à une fille que la demanderesse considère comme sa sœur. En 2007, elle a donné naissance à un autre enfant, un fils.  

 

[7]               La demanderesse appelle sa mère biologique « maman », tout comme la fille biologique de sa mère adoptive. C’est d’ailleurs cette dernière qui aurait commencé à appeler la mère biologique de la demanderesse « maman ».

 

[8]               La demanderesse a été adoptée en 2006. Elle dit que l’adoption légale n’a pas eu lieu plus tôt parce qu’ils [traduction] « n’ont jamais considéré qu’il était nécessaire de le faire ». La mère adoptive soutient qu’elle considérait la demanderesse comme sa fille et qu’il [traduction] « ne semblait pas nécessaire d’obtenir les documents juridiques pour établir ce fait ». Toutefois, peu après 2006, les parents adoptifs de la demanderesse ont commencé à avoir des problèmes relativement à son statut à l’école, aux activités sportives et aux passages frontaliers parce qu’ils n’avaient pas les documents d’adoption officiels.

 

[9]               Les parents adoptifs ont parrainé la demanderesse à partir du Canada. La demanderesse a présenté une demande de visa de résidence permanente.

 

DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE JUDICIAIRE

 

[10]           Dans ses notes versées au dossier, l’agent a relevé les renseignements suivants concernant l’immigration de la demanderesse :

Date

Événement

27 SEPTEMBRE 2000

Permis d’études délivré. Selon le dossier, la demanderesse est entrée au Canada pour la première fois au PDE de Douglas avec son père biologique parce qu’elle commençait sa première année dans une école privée. Son père a affirmé qu’elle ne devait rester au Canada que pour l’année scolaire puisqu’elle était inscrite sur  une liste d’attente pour une école privée à Seattle. Son père biologique a déclaré qu’il payait pour tout et qu’elle était couverte par l’assurance médicale des É.-U. Sa tante et son oncle sont définis comme étant les gardiens de la demanderesse.

30 JUILLET 2001

Permis d’études délivré. Elle entre encore au Canada au PDE de Douglas selon les mêmes conditions que le permis d’études précédent.

05 AOÛT 2002

Permis d’études délivré. Elle entre encore au Canada au PDE de Douglas selon les mêmes conditions que le permis d’études précédent.

14 AOÛT 2003

Fiche de visiteur délivrée. Elle entre encore au Canada au PDE de Pacific HWY selon les mêmes conditions que la fiche de visiteur précédente.

16 JUILLET 2004

Fiche de visiteur délivrée. Elle entre encore au Canada au PDE de Pacific HWY selon les mêmes conditions que la fiche de visiteur précédente.

26 AOÛT 2005

Fiche de visiteur délivrée. Elle entre au Canada à l’aéroport international Lester B. Pearson (LBPIA) à son retour d’un voyage en Inde.

09 JANVIER 2006

Décret d’adoption prononcé en faveur de la tante et de l’oncle.

04 DÉCEMBRE 2006

Une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (CH) et le parrainage des parents adoptifs est présentée au CTD-V.

01 FÉVRIER 2007

Fiche de visiteur délivrée. Prorogation du délai accordée par le bureau de CIC à Edmonton.

04 JUILLET 2007

Demande de résidence permanente (CH) reçue au bureau de CIC à Edmonton.

15 MARS 2008

Fiche de visiteur délivrée par le CTD-V.

02 JUILLET 2008

Entrevue de la demanderesse et des parents adoptifs au bureau de CIC à Edmonton.

 

[11]           L’agent a souligné que la demanderesse tentait d’obtenir une dispense de l’application des critères de sélection au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire ou pour des raisons liées à l’intérêt public, et ce, pour faciliter le traitement de sa demande de résidence permanente au Canada. L’agent a fait remarquer qu’il incombe à la demanderesse d’établir que l’obligation d’obtenir de manière habituelle un visa de résidence permanente depuis l’extérieur du Canada constituerait une difficulté : i) inhabituelle et injustifiée, ou ii) excessive.

 

Demande fondée sur l’intérêt supérieur de l’enfant et l’établissement au Canada

 

[12]           L’agent fait observer que, selon son dossier, la demanderesse est entrée au Canada la première fois le 27 septembre 2000, à l’âge de 6 ans, avec son père biologique au point d’entrée de Douglas, en Colombie-Britannique. Son père avait affirmé à l’époque qu’elle commençait sa première année à l’école privée Tempo et qu’elle allait demeurer avec sa tante et son oncle. Son père biologique avait aussi déclaré qu’il payait pour les études de la demanderesse et que cette dernière était couverte par l’assurance médicale des É.-U. Son nom figurait également sur une liste d’attente pour une école privée aux É.-U.

 

[13]           L’agent a noté ce qui suit : la demanderesse a obtenu un permis d’études chaque été de 2001 à 2005, elle visite ses parents biologiques aux É.-U. chaque année et ses parents biologiques lui rendent régulièrement visite au Canada. La demanderesse affirme également qu’elle parle à ses parents biologiques de façon régulière et qu’elle les appelle « maman » et « papa ». Elle a dit à l’agent qu’elle avait de la chance d’avoir deux ensembles de parents.

 

[14]           L’agent a souligné que, pendant l’entrevue, les parents adoptifs ont affirmé que la demanderesse demeurait avec eux parce qu’ils n’avaient pas d’enfants. Cependant, l’agent a signalé que les parents adoptifs ont d’autres enfants qui ne figurent pas sur la demande, dont un fils de 30 ans, adopté en 1988, qui est marié et habite à Edmonton et une fille de 31 ans, adoptée en 1988, qui est mariée et habite en C.-B. Ils ont aussi deux enfants biologiques : une fille née en 1995 et un garçon de six mois (au moment de l’entrevue). Ces renseignements n’apparaissaient pas sur la demande et ont été fournis par la demanderesse lors de l’entrevue. La demanderesse a aussi déclaré qu’elle avait un frère de 26 ans qui habite à Seattle et qui est un agent immobilier. Elle le voit régulièrement.  

 

L’intérêt supérieur des enfants directement touchés et l’établissement au Canada

 

[15]           L’agent a noté que l’intérêt supérieur d’un enfant directement touché est un facteur essentiel pour déterminer s’il existe des motifs d’ordre humanitaire. Il souligne que la demanderesse est maintenant âgée de 14 ans et qu’elle soutient avoir vécu au Canada depuis sa tendre enfance, bien qu’aucune preuve n’ait été fournie pour appuyer cette prétention. Les dossiers du ministère de l’Immigration indiquent qu’elle est entrée au Canada à l’âge de 6 ans.

 

[16]           L’agent souligne que la demanderesse fréquente une école privée depuis sa première année et qu’elle a récemment été adoptée par sa tante et son oncle, même si elle voit régulièrement ses parents biologiques et qu’elle les appelle « maman » et « papa ». L’agent a reconnu que la demanderesse entretient des liens étroits avec sa famille au Canada et il reconnaît qu’elle étudie au Canada depuis sa première année et qu’elle prévoit fréquenter prochainement une université canadienne dans le but de devenir pharmacienne ou biologiste de la vie marine.  

 

[17]           Les parents adoptifs soutiennent qu’ils payent les droits pour étudiants étrangers à l’école privée que fréquente la demanderesse, mais aucune preuve n’a été fournie. L’agent souligne aussi que selon la demande, la demanderesse n’a aucun proche parent à l’exception de ses parents adoptifs et qu’elle n’a personne aux États-Unis. Il s’agissait toutefois d’une présentation erronée des faits puisque la demanderesse a affirmé avoir un lien de filiation avec ses parents biologiques ainsi qu’avec son frère qui habite à Seattle. De plus, l’agent a conclu que l’allégation selon laquelle la demanderesse avait été confiée à ses parents adoptifs parce que ces derniers n’avaient pas d’autres enfants était sans fondement.

 

[18]           Les parents adoptifs ont affirmé que le régime d’assurance-maladie de l’Alberta n’offrait pas de protection pour la demanderesse au moment où ils en ont fait la demande. Toutefois, l’agent a communiqué avec des représentants du régime d’assurance-maladie de l’Alberta qui lui ont confirmé que le régime couvrait entièrement tous les enfants pris en charge en vertu d’une entente de tutelle, ainsi que les enfants adoptés. La demanderesse a été et est actuellement couverte par le régime des soins de santé de ses parents biologiques aux États-Unis.   

 

[19]           L’agent a conclu que, à la lumière de ces facteurs, la preuve était insuffisante pour le convaincre que l’intérêt supérieur d’un enfant serait compromis si la demanderesse devait présenter sa demande depuis l’extérieur du Canada tout en conservant son statut de visiteur et en continuant ses études au Canada. L’agent était d’avis qu’il s’agissait d’une adoption de convenance et les faits démontrent qu’il existe toujours un lien de filiation avec ses parents biologiques. De plus, la demanderesse est couverte par le régime des soins de santé de ses parents biologiques aux États-Unis. Les raisons données par les parents adoptifs pour adopter la demanderesse n’étaient pas crédibles puisqu’ils ont d’autres enfants.

 

Conclusion

 

[20]           L’agent cite le par. 3(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) :

(2) Pour l’application du présent règlement, il est entendu que le terme «adoption»  s’entend du lien de droit qui unit l’enfant à ses parents et qui rompt tout lien de filiation préexistant.

(2) For the purposes of these Regulations, “adoption”, for greater certainty, means an adoption that creates a legal parent-child relationship and severs the pre-existing parent-child relationship.

 

 

[21]           L’agent note que les adoptions plénières sont reconnues aux fins de l’immigration au Canada et que les liens avec les parents biologiques doivent être complètement rompus pour qu’il y ait une adoption plénière.

 

[22]           Compte tenu de tous les facteurs, l’agent est arrivé à la conclusion que les circonstances humanitaires ne suffisaient pas pour justifier une exemption des exigences législatives.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[23]           Les questions soulevées par la demanderesse ne sont pas parfaitement claires, mais elles semblent se résumer ainsi :

1)                  L’agent a omis d’interroger la mère adoptive de la demanderesse;  

2)                  La décision est manifestement déraisonnable.  

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

 

[24]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

 

Séjour pour motif d’ordre humanitaire

 

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

Humanitarian and compassionate considerations

 

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister’s own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

 

 

[25]           La disposition suivante du Règlement s’applique en l’espèce :

3(2) Pour l’application du présent règlement, il est entendu que le terme «adoption»  s’entend du lien de droit qui unit l’enfant à ses parents et qui rompt tout lien de filiation préexistant.

3(2) For the purposes of these Regulations, “adoption”, for greater certainty, means an adoption that creates a legal parent-child relationship and severs the pre-existing legal parent-child relationship.

 

 

NORME DE CONTRÔLE

 

[26]           La demanderesse n’a pas présenté d’observations écrites au sujet de la norme de contrôle, mais elle a fait valoir à l’audience que la norme devrait être celle de la décision raisonnable.

 

[27]           Le défendeur prétend que l’agent était un expert chargé par le Parlement de trancher les questions dont il était saisi. Le défendeur cite Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, pour justifier un processus de contrôle judiciaire moins attentatoire en l’espèce. La norme de la « décision raisonnable » n’équivaut pas à l’ancienne norme de la « décision raisonnable simpliciter ». Par conséquent, la norme de retenue devrait être plus élevée quand les questions relèvent de l’expertise du tribunal : Dunsmuir, paragraphes 48-49.

 

 

[28]           Le défendeur affirme que la décision de l’agent se situe dans la gamme des solutions raisonnablement acceptables. Les conclusions de l’agent étaient étayées par des motifs clairs, détaillés et fondés sur la preuve dont il disposait. Par conséquent, la Cour devrait refuser d’intervenir si  la demanderesse est simplement en désaccord avec ces conclusions.

 

[29]           Le défendeur souligne que la norme de la décision raisonnable adoptée par la Cour suprême dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa 2009 CSC 12, commande un degré élevé de retenue judiciaire à l’égard des conclusions de fait et de l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’un tribunal.

 

[30]           Le défendeur prétend que l’arrêt Khosa est applicable en l’espèce non seulement parce qu’il s’applique à tous les cas de contrôle judiciaire dont est saisie la Cour fédérale, mais aussi parce que la décision en l’espèce ressemble à la décision discrétionnaire fondée sur des considérations de politique générale et des raisons d’ordre humanitaire qui était en cause dans Khosa.

 

[31]            Le défendeur se fonde sur le paragraphe 61 de l’arrêt Khosa :

61  Mon collègue le juge Fish reconnaît que la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité, mais il accueillerait l’appel. Il affirme :  

 

Le refus de M. Khosa de reconnaître qu’il participait à une course de rue peut certes indiquer qu’il « ne saisit pas bien toute la portée de sa conduite », mais il ne peut raisonnablement servir à contredire — et encore moins à surpasser, selon la prépondérance des probabilités, — tous les éléments de preuve en sa faveur concernant ses remords, sa réadaptation et son risque de récidive. [par. 149]

 

Je ne crois pas qu’il rentre dans les attributions de la cour de révision de soupeser à nouveau les éléments de preuve.

 

 

[32]           Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a reconnu que, bien que la norme de la décision raisonnable simpliciter et celle de la décision manifestement déraisonnable se distinguent du point de vue théorique, « les difficultés analytiques soulevées par l’application des différentes normes réduisent à néant toute utilité conceptuelle découlant de la plus grande souplesse propre à l’existence de normes de contrôle multiples » (Dunsmuir, paragraphe 44). Par conséquent, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il y avait lieu de fondre les deux normes de « raisonnabilité » en une seule.

 

[33]           Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a également conclu que l’analyse relative à la norme de contrôle n’était pas toujours nécessaire. En effet, dans les cas où la norme de contrôle applicable à une question particulière dont la cour est saisie est bien établie dans la jurisprudence, la cour de révision peut l’adopter. Ce n’est que lorsque l’examen de la jurisprudence se révèle infructueux que la cour de révision doit entreprendre l’examen des quatre facteurs constitutifs de l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[34]           Dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 61 (Baker), la Cour suprême a conclu que la norme de contrôle applicable à une décision d’un agent des visas d’accorder ou non une exemption fondée sur des motifs d’ordre humanitaire était la décision raisonnable simpliciter. À la lumière de l’arrêt Dunsmuir de la Cour suprême du Canada et de la jurisprudence de la Cour, je conclus que la norme de contrôle applicable à la question en l’espèce est celle de la décision raisonnable. Dans le contrôle d’une décision selon la norme du caractère raisonnable, l’analyse s’attache à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, paragraphe 47. Autrement dit, la Cour ne doit intervenir que si la décision était déraisonnable en ce qu’elle n’entre pas dans les « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».  

 

[35]           En ce qui concerne la question numéro 1 et l’omission de l’agent d’interroger la mère adoptive de la demanderesse, une question d’équité procédurale, à laquelle s’applique la norme de contrôle de la décision correcte, est soulevée : Bouaroudj c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1530, paragraphe 9; Canada (Procureur général) c. Sketchley, 2005 CAF 404, et Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539.

 

ARGUMENTATION

            La demanderesse

 

[36]           La demanderesse affirme que l’agent a manqué à ses obligations aux termes de l’article 25 de la Loi parce qu’il n’a pas interrogé sa mère adoptive. Elle prétend qu’un agent doit faire enquête lorsqu’il est question d’un enfant. L’omission de l’agent d’interroger la mère adoptive constitue un motif suffisant pour annuler la décision. La demanderesse prétend également que la décision est manifestement déraisonnable compte tenu des faits attestés dans l’affidavit de sa mère adoptive.

 

[37]           La demanderesse soutient qu’elle a été élevée par ses parents adoptifs au Canada depuis l’âge de trois mois. Ils l’ont élevée comme leur propre enfant et lui ont procuré les nécessités essentielles de la vie. La demanderesse allègue que son explication quant à savoir pourquoi les papiers d’adoption n’ont pas été remplis avant 2006 est crédible et compréhensible. La prétention de l’agent selon laquelle l’adoption est une adoption de convenance n’est pas étayée par les faits et est sans fondement. La demanderesse prétend également que la conclusion portant qu’il s’agit d’une adoption de convenance constitue un affront à la Cour supérieure de l’État de Washington.

 

[38]           La demanderesse ajoute que la conclusion de l’agent selon laquelle il s’agit d’une adoption de convenance risque de lui causer des difficultés excessives auprès du ministère de l’Immigration si elle est maintenue. La raison en est que :

1)                  il n’est pas contesté qu’elle a vécu au Canada avec ses parents adoptifs depuis l’âge de trois mois;

2)                  elle a fait ses études au Canada;

3)                  elle a toujours été traitée comme la fille naturelle de ses parents adoptifs.

 

[39]           La demanderesse affirme qu’il serait tout à fait déraisonnable de dire qu’elle devrait quitter le Canada alors qu’elle y habite depuis l’âge de trois mois. Il serait aussi déraisonnable pour elle d’aller aux É.-U. pour présenter une demande afin de pouvoir vivre dans le pays où elle a été élevée et qu’elle considère comme le sien.

 

[40]           La demanderesse conclut que l’affaire devrait être renvoyée à un autre agent avec la directive que le visa de résidence permanente soit accordé. Le visa devrait être accordé au motif que refuser la résidence permanente de la demanderesse irait à l’encontre des considérations d’ordre public et ne serait pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché par la décision fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

 

Le défendeur

 

[41]           Le défendeur prétend que la demanderesse n’a souligné aucune conclusion de fait déraisonnable fondée sur la preuve. Au contraire, la demanderesse est simplement en désaccord avec l’interprétation de la preuve et l’issue de l’affaire. Elle n’a présenté aucune preuve quant à savoir quelle preuve a été présentée au tribunal.

 

Omission d’interroger la mère adoptive

 

[42]           Le défendeur soutient que, après Khosa, la Cour a examiné une demande CH semblable dans Abdirisaq c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 300, en tenant compte du précédent faisant autorité Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, et a conclu qu’il n’y avait aucune exigence de mener une entrevue et qu’il incombait au demandeur de présenter la preuve à l’appui de sa demande.

 

[43]           Selon le défendeur, la preuve appuyait les conclusions de l’agent. Une entrevue a eu lieu avec la demanderesse et sa mère adoptive. L’agent a tenu compte de plusieurs contradictions et incohérences importantes dans la preuve et a rendu une décision qui était raisonnable compte tenu des faits en cause. Il n’y a aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision ni dans la démarche.

 

La preuve qui n’a pas été présentée au Tribunal

 

[44]           L’affidavit et les pièces fournis par la mère adoptive visent à contester les conclusions de l’agent; cependant, rien dans l’affidavit n’indique que l’agent disposait de la preuve relative à la demande CH. Le défendeur souligne que le contrôle judiciaire est fondé sur la preuve dont dispose l’agent.

 

[45]           Le défendeur fait remarquer que, selon la majeure partie de l’affidavit de la mère adoptive, les conclusions de l’agent sont erronées; toutefois, il n’existe aucune preuve substantielle montrant que l’agent a commis une erreur à la lumière de la preuve présentée dans le cadre de la demande CH. En l’absence d’une allégation de compétence ou d’inéquité procédurale, seule la preuve dont disposait l’agent au moment de rendre la décision est admissible. Le défendeur demande que l’affidavit et les pièces soient écartés par la Cour dans la mesure où ils se rapportent à des arguments portant sur des éléments de preuve dont ne disposait pas l’agent.

 

[46]           Le défendeur prétend qu’une demande CH ne représente pas une autre façon d’immigrer pour les demandeurs qui ne sont pas en mesure de satisfaire aux critères énoncés dans la Loi, ou qui préfèrent ne pas le faire. Il s’agit d’une mesure d’exception fondée sur des circonstances spéciales qui justifient l’annulation des normes habituelles que prévoit la loi. Voir : Serda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2006 CF 356, au paragraphe 20 et Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2002 CAF 125, aux paragraphes 15 à 20 (Legault).

 

Aucune conclusion de fait susceptible de contrôle, aucune réévaluation de la preuve

 

[47]           Le défendeur prétend que la mère adoptive de la demanderesse était présente lors de l’entrevue et qu’elle a été interrogée par l’agent au besoin. La mère adoptive n’était pas la demanderesse et la demanderesse, âgée de 14 ans, était en mesure de répondre à la plupart des questions. Quoi qu’il en soit, le défendeur soutient que, dans le contexte d’une demande CH, il n’existe aucun droit, ni aucune attente légitime, quant à la tenue d’une entrevue. L’agent n’est pas non plus tenu d’interroger la mère adoptive de la demanderesse ou de chercher des facteurs qui n’ont pas été soulevés.

 

[48]           Le défendeur prétend qu’il incombe à la demanderesse d’établir les faits que devrait examiner le décideur. Il renvoie à Owusu au paragraphe 8 :

8     Le demandeur qui invoque des raisons d’ordre humanitaire n’a pas un droit d’être interviewé ni même une attente légitime à cet égard. Et, puisque le demandeur a le fardeau de présenter les faits sur lesquels sa demande repose, c’est à ses risques et périls qu’il omet des renseignements pertinents dans ses observations écrites. Selon nous, dans sa demande pour des raisons humanitaires, M. Owusu n’a pas suffisamment insisté sur les répercussions de son expulsion potentielle sur l’intérêt supérieur de ses enfants de manière à ce que l’agente n’ait d’autre choix que d’en tenir compte.

 

 

[49]           Le défendeur soutient que l’appréciation de l’agent de l’intérêt supérieur de l’enfant en l’espèce était fondée sur les observations que la demanderesse a elle-même présentées. La Cour d’appel fédérale, au paragraphe 5 de l’arrêt Owusu, a donné les indications suivantes :

5     L’agent d’immigration qui examine une demande pour des raisons d’ordre humanitaire doit être « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur des enfants, sur lesquels l’expulsion du père ou de la mère peut avoir des conséquences préjudiciables, et il ne doit pas « minimiser » cet intérêt : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 75. Toutefois, l’obligation n’existe que lorsqu’il apparaît suffisamment clairement des documents qui ont été soumis au décideur, qu’une demande repose, du moins en partie, sur ce facteur. De surcroît, le demandeur a le fardeau de prouver toute allégation sur laquelle il fonde sa demande pour des raisons humanitaires. Par voie de conséquence, si un demandeur ne soumet aucune preuve à l’appui de son allégation, l’agent est en droit de conclure qu’elle n’est pas fondée.

 

 

[50]           Le défendeur soutient que l’agent a tenu compte de la preuve documentaire et des observations présentées par la demanderesse. La preuve appuyait toutes les conclusions de l’agent et contredisait la prétention de la demanderesse selon laquelle elle a vécu au Canada depuis l’âge de trois mois :  les documents frontaliers révèlent qu’elle est entrée au Canada la première fois à l’âge de 6 ans pour aller à l’école.

 

[51]           Le défendeur indique également que la preuve établissait l’existence d’une relation continue entre la demanderesse et ses parents biologiques durant toute sa vie, même après l’adoption. Cela englobait les visites qu’elle leur rendait chaque année pendant l’été et les visites à d’autres moments de l’année, le financement continu des soins de santé (aujourd’hui encore) et l’aide financière accordée. Selon le défendeur, le soupçon selon lequel il s’agissait d’une adoption de convenance n’est pas déraisonnable compte tenu de la preuve dont disposait l’agent. Même dans le cadre de la présente demande, la mère adoptive de la demanderesse a déclaré que l’adoption a été finalisée en 2006 parce qu’ils rencontraient des difficultés aux postes frontaliers ainsi que dans d’autres situations légales.

 

[52]           L’agent a remarqué que la demanderesse a habité aux É-U. jusqu’à l’âge de 6 ans et qu’elle est ensuite déménagée au Canada. Rien n’indique que la demanderesse a subi un préjudice indu en déménageant des É-.U. au Canada.

 

[53]           Le défendeur renvoie au paragraphe 12 de Legault :

12     Bref, l’agent d’immigration doit se montrer « réceptif, attentif et sensible à cet intérêt » (Baker, par. 75), mais une fois qu’il l’a bien identifié et défini, il lui appartient de lui accorder le poids qu’à son avis il mérite dans les circonstances de l’espèce. La présence d’enfants, contrairement à ce qu’a conclu le juge Nadon, n’appelle pas un certain résultat. Ce n’est pas parce que l’intérêt des enfants voudra qu’un parent qui se trouve illégalement au Canada puisse demeurer au Canada (ce qui, comme le constate à juste titre le juge Nadon, sera également le cas), que le ministre devra exercer sa discrétion en faveur de ce parent. Le Parlement n’a pas voulu, à ce jour, que la présence d’enfants au Canada constitue en elle-même un empêchement à toute mesure de refoulement d’un parent se trouvant illégalement au pays (voir Langner c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, (1995), 184 N.R. 230 (C.A.F.), permission d’appeler refusée, [1995] C.S.C.R. n° 241, CSC 24740, 17 août 1995).

 

 

[54]            Selon le défendeur, l’agent devait déterminer si la demanderesse subissait une contrainte excessive en étant obligée de présenter sa demande de résidence permanente de l’extérieur du Canada. En l’espèce, dans les observations qu’elle a faites dans le cadre de sa demande, la demanderesse précisait qu’elle n’avait aucune place où rester à l’extérieur du Canada et que personne aux É.-U. ne pouvait s’occuper d’elle. Ces déclarations ont été contredites par la preuve dont disposait l’agent, selon laquelle ses parents biologiques jouaient toujours un rôle actif dans sa vie et qu’elle n’avait pas vécu avec ses parents adoptifs avant l’âge de 3 mois; en fait, elle est entrée au Canada pour la première fois à l’âge de 6 ans. Par conséquent, il n’était pas déraisonnable d’accepter ces renseignements plutôt que les déclarations non étayées de la demanderesse.

 

[55]           Le défendeur prétend que la décision n’était pas déraisonnable. Elle aborde les questions de manière appropriée et elle arrive à des conclusions fondées sur la preuve dont disposait l’agent.

 

ANALYSE

 

[56]           L’affidavit de Balbir Jaur Deol daté du 22 octobre 2008 a été rédigé pour les besoins de la présente demande et il n’avait pas été présenté à l’agent au moment où celui-ci a rendu sa décision. Par conséquent, il ne sera pas pris en considération pour les fins de ma décision. Voir Sidhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 260, au par. 22; Gallardo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 45, au par.7; Samsonov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1158, au par. 7; et Asafov c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] CFPI n° 713 (C.F. 1re inst.).

 

[57]           La prétention de la demanderesse selon laquelle [traduction] « l’omission de l’agent d’interroger la mère adoptive de la demanderesse constitue clairement un manquement aux obligations du ministre prévues à l’article 25 » n’est pas appuyée par la jurisprudence. Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour qu’il incombe au demandeur de fournir à l’agent tous les renseignements nécessaires en vue de le convaincre qu’une dispense est justifiée en vertu de l’article 25. Voir Tran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1377, au par. 4. Comme le souligne le juge Mosley dans Abdirisaq au paragraphe 6, il n’existe pas d’exigence légale de mener une entrevue : Owusu; Glushanytsya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 725.

 

[58]           En l’espèce, la demanderesse a été interrogée en présence de sa mère adoptive et elles ont toutes les deux eu la possibilité d’établir les faits et de soumettre les éléments de preuve qu’elles voulaient présenter à l’agent.

 

[59]           Il n’y a eu ici aucun manquement à l’équité procédurale et l’approche utilisée lors de l’évaluation de l’intérêt supérieur de la demanderesse en sa qualité d’enfant n’était pas déraisonnable.

 

[60]           Dans Del Cid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 326, au par. 30, le juge O’Keefe a conclu ce qui suit :

30     J’estime que l’agente d’immigration avait l’obligation d’obtenir d’autres renseignements concernant l’intérêt des enfants nées au Canada si elle pensait que les renseignements fournis par la demanderesse n’étaient pas suffisants pour lui permettre d’évaluer l’intérêt des enfants.

 

 

[61]           La demanderesse cherche à faire valoir cet extrait pour justifier qu’il incombe à l’agent de pousser son enquête plus loin (surtout sur la mère adoptive) afin de clarifier les contradictions entre la demande écrite et le témoignage de la demanderesse lors de l’entrevue.

 

[62]           Je suis d’avis que les faits de l’espèce révèlent une situation complètement différente de celle à laquelle a été confronté le juge O’Keefe dans Del Cid. En l’espèce, l’agent a interrogé la demanderesse en présence de sa mère adoptive et il a obtenu les faits dont il avait besoin pour évaluer l’intérêt supérieur de la demanderesse en sa qualité d’enfant dans la mesure où ils sont  pertinents aux fins de sa demande fondée sur l’article 25. L’agent a vérifié la véracité de la situation de la demanderesse et a rendu sa décision en se fondant sur la preuve présentée par la demanderesse et sur la preuve obtenue lors de l’entrevue.

 

[63]           La demanderesse s’oppose à quelques-unes des conclusions de l’agent, mais je ne pense pas que l’on puisse dire, eu égard aux faits de l’affaire, que l’agent n’a pas fait les vérifications nécessaires pour évaluer l’intérêt supérieur de la demanderesse.

 

[64]           La demanderesse et sa mère adoptive ont toujours été en mesure de fournir des éléments de preuve à l’appui de leur dossier. Comme l’indique clairement la Cour d’appel fédérale au paragraphe 5 de la décision Owusu, « le demandeur a le fardeau de prouver toute allégation sur laquelle il fonde sa demande pour des raisons humanitaires ».  

 

[65]           En l’espèce, il ne s’agissait pas d’une situation où l’agent n’avait pas suffisamment de renseignements pour évaluer l’intérêt supérieur de la demanderesse. Il a mené une entrevue et a complété et corrigé les faits et les éléments de preuve présentés dans la demande écrite. Il a ensuite rendu la décision qu’il avait, selon le législateur, le droit et l’obligation de rendre.

 

[66]           La demanderesse affirme maintenant que l’agent aurait dû signaler les problèmes et divergences que comportait sa demande et donné à sa mère adoptive la possibilité de les corriger. Selon elle, le fait que l’agent n’ait pas procédé ainsi signifie que ses intérêts n’ont pas été pris en considération et que, par conséquent, la décision est déraisonnable.

 

[67]           À mon avis, il s’agit simplement d’un argument selon lequel un agent CH est tenu de relever les faiblesses et les incohérences que comporte une demande et de donner au demandeur une chance de les corriger.  

 

[68]           L’agent CH n’a aucune obligation de ce genre, même lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant est examiné. Comme il ressort clairement d’Owusu, il incombait à la demanderesse de produire la preuve étayant « toute allégation » sur laquelle était fondée sa demande CH. Qui plus est, en l’espèce, l’agent a mené une entrevue et a donné à la demanderesse la possibilité d’expliquer davantage le fondement de sa demande et de clarifier certains renseignements qui n’étaient pas correctement exposés dans sa demande écrite.

 

[69]           La demanderesse affirme également qu’il était déraisonnable pour l’agent de conclure qu’il s’agissait « d’une adoption de convenance ». Toutefois, l’agent disposait de nombreux faits à l’appui d’une telle conclusion, malgré l’existence du certificat d’adoption américain : la demanderesse a déclaré sous serment que les déclarations étaient véridiques alors qu’elles ne l’étaient pas, les raisons données pour expliquer son refus de retourner aux É.-U. ainsi que l’adoption qui se sont avérées fausses lors de l’entrevue, le témoignage de la demanderesse selon lequel son statut lui a causé des problèmes aux passages frontaliers ainsi qu’à d’autres occasions, et les importantes incohérences entre le récit de la demanderesse quant à son passé au Canada et les renseignements enregistrés dans le système du défendeur.

 

[70]           On peut ne pas être d’accord avec les conclusions de l’agent sur la question, mais je ne peux conclure que sa décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. C’est la demanderesse qui exerçait un contrôle sur les faits présentés à l’agent, ainsi que les réponses qu’elle a données à propos de son passé et de sa relation continue avec ses parents biologiques. C’est la mère adoptive de la demanderesse qui a exposé les raisons de l’adoption, lesquelles n’ont pas résisté à un examen approfondi.

 

[71]           Après avoir examiné attentivement la décision, je suis convaincu, compte tenu de la preuve dont dispose l’agent, qu’elle est raisonnable au sens des arrêts Dunsmuir et Khosa. La demanderesse n’est pas d’accord avec la décision, mais elle n’a soulevé aucune erreur susceptible de contrôle.

 

[72]           J’ai demandé aux avocats de signifier et déposer des observations au sujet de la certification d’une question de portée générale dans les sept jours suivant la réception des présents motifs. Chacune des parties aura une période supplémentaire de trois jours pour signifier et déposer toute réponse aux observations de la partie adverse. Par la suite, un jugement sera rendu. 

 

         « James Russell »

      Juge

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4172-08

 

INTITULÉ :                                       PUNEET KAUR DEOL c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 avril 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            Le juge Russell

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 23 avril 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Brian Doherty

 

POUR LA DEMANDERESSE

Rick Garvin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Doherty Schuldhaus LLP

Edmonton (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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