Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20090415

Dossier : IMM‑3524‑08

Référence : 2009 CF 379

Ottawa (Ontario), le 15 avril 2009

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

HUI CHEN

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), contre la décision d’une agente d’Examen des risques avant renvoi (ERAR) datée du 5 mai 2008 (la décision), par laquelle l’agente d’ERAR (l’agente) a refusé la demande de la demanderesse et a conclu que la demanderesse ne serait pas exposée à la persécution, au risque de torture ou à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités si elle était renvoyée dans le pays dont elle a la nationalité ou dans lequel elle a sa résidence habituelle.

 

RÉSUMÉ DES FAITS

 

[2]               La demanderesse déclare qu’elle est une citoyenne chinoise qui a commencé à pratiquer le Falun Gong en Chine le 3 juillet 2004, sur les conseils d’un voisin selon qui cette pratique l’aiderait à guérir son insomnie. Après environ une semaine, la demanderesse a remarqué que son insomnie diminuait, ainsi elle a continué à pratiquer le Falun Gong au sein d’un groupe de sept pratiquants, une fois par semaine.

 

[3]               Le 27 avril 2005, le Bureau de la sécurité publique (BSP) a découvert l’existence du groupe et des agents sont venus les arrêter. La demanderesse s’est enfuie du lieu de pratique et elle s’est cachée. Le lendemain, elle a appris que son voisin avait été arrêté.

 

[4]               Le 29 avril 2005, des agents du BSP se sont rendus au domicile de la demanderesse, ils la cherchaient et ils ont dit à ses parents qu’elle faisait partie d’un [traduction] « culte du mal ». Ils ont fouillé sa maison et ils ont pris sa carte d’identité de résident. Les agents du BSP la cherchaient, ils sont donc retournés fréquemment à la maison de la demanderesse.

 

[5]               La famille de la demanderesse l’a avisée que le 5 mai 2008, le BSP avait émis un mandat d’arrêt contre elle. La demanderesse avait extrêmement peur pour sa sécurité et pour sa vie, elle s’est donc enfuie de la Chine et elle est arrivée par avion au Canada; elle a atterri à Vancouver le 23 juin 2005. Quelques jours plus tard, elle a présenté une demande d’asile ici.

 

[6]               Le 26 mars 2007, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté la demande d’asile de la demanderesse parce que la demanderesse n’avait pas établi qu’elle était une citoyenne de la République populaire de Chine. Cette conclusion résultait essentiellement du fait que la demanderesse n’avait pas présenté sa carte d’identité de résident. La Cour fédérale du Canada a rejeté sa demande d’autorisation le 11 juillet 2007.

 

[7]               Lors d’une entrevue au Centre d’exécution de la Loi du Toronto métropolitain le 3 août 2007, la demanderesse a présenté une demande d’ERAR. Lors de l’entrevue, on a avisé la demanderesse qu’elle serait renvoyée en Chine à moins que sa demande d’ERAR soit accueillie. La demanderesse a rempli un formulaire pour l’obtention d’un passeport chinois et elle a fourni la copie de son certificat de résidence. On lui a aussi donné une nouvelle traduction de son certificat de résidence, puisque l’exemplaire précédent avait été saisi par les fonctionnaires de l’Immigration.

 

[8]               La demanderesse a engagé un consultant en immigration, Roy Kellogg, pour qu’il la conseille sur son ERAR et il a rédigé des observations pour elle. Le 5 juin 2008, la demanderesse a été convoqué au Centre d’exécution de la Loi du Toronto métropolitain où elle a reçu sa décision défavorable de l’ERAR et, une fois de plus, elle a rempli un formulaire pour l’obtention d’un passeport chinois.

 

[9]               Après la décision défavorable de l’ERAR, la demanderesse a demandé à M. Kellogg de lui fournir une copie de sa demande d’ERAR et des documents à l’appui de cette demande. Il lui a fourni une copie des formulaires d’ERAR. L’avocat actuel de la demanderesse a demandé une copie de l’ensemble des documents soumis, y compris les observations juridiques et la preuve documentaire. M. Kellogg a fourni une copie électronique de sa lettre d’observations.

 

LA DÉCISION SOUMISE AU CONTRÔLE

 

[10]           L’agente a examiné la lettre écrite par l’association Falun Dafa du Canada, lettre qui confirmait la participation de la demanderesse aux activités du Falun Gong. Toutefois, l’agente a conclu que la lettre ne réfutait pas les conclusions de la SPR et qu’elle n’établissait pas l’identité chinoise de la demanderesse. Par conséquent, l’agente y a accordé un poids minimal. La demanderesse a aussi fourni plusieurs photos de personnes qui se trouvaient dans un parc et qui pratiquaient des positions du Falun Gong, ainsi que des photos de rassemblements et de réunions publiques. Toutefois, l’agente a conclu que les photos n’étaient pas des preuves solides réfutant les conclusions de la SPR.

 

[11]           En l’absence de nouveaux éléments de preuve, l’agente s’est fondée sur les documents relatifs à la situation du pays pour tirer la conclusion que la demanderesse ne serait pas exposée à plus qu’une simple possibilité de persécution et qu’elle ne serait pas exposée à un risque de torture, à une menace à sa vie ou à un risque de traitements cruels et inusités si elle était renvoyée en Chine.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[12]           La demanderesse soulève les questions suivantes :

1)                  L’agente a‑t‑elle commis une erreur de fait et de droit et a‑t‑elle manqué à l’équité procédurale lorsqu’elle a conclu que la demanderesse n’était pas une citoyenne chinoise?

2)                  L’agente a‑t‑elle omis de fournir des motifs adéquats dans sa décision?

3)                  L’agente a‑t‑elle commis une erreur par l’omission de tenir compte de la preuve établissant que la demanderesse serait soumise à la torture ou à des traitements cruels et inusités si elle était renvoyée en Chine?

 

[13]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent à la présente instance :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

Person in need of protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

Personne à protéger

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

 

Person in need of protection

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

Demande de protection

 

112. (1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

Application for protection

 

112. (1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

 

Exception

 

(2) Elle n’est pas admise à demander la protection dans les cas suivants :

 

Exception

 

(2) Despite subsection (1), a person may not apply for protection if

 

a) elle est visée par un arrêté introductif d’instance pris au titre de l’article 15 de la Loi sur l’extradition;

 

(a) they are the subject of an authority to proceed issued under section 15 of the Extradition Act;

 

b) sa demande d’asile a été jugée irrecevable au titre de l’alinéa 101(1)e);

 

(b) they have made a claim to refugee protection that has been determined under paragraph 101(1)(e) to be ineligible;

 

c) si elle n’a pas quitté le Canada après le rejet de sa demande de protection, le délai prévu par règlement n’a pas expiré;

 

(c) in the case of a person who has not left Canada since the application for protection was rejected, the prescribed period has not expired; or

 

d) dans le cas contraire, six mois ne se sont pas écoulés depuis son départ consécutif soit au rejet de sa demande d’asile ou de protection, soit à un prononcé d’irrecevabilité, de désistement ou de retrait de sa demande d’asile.

 

(d) in the case of a person who has left Canada since the removal order came into force, less than six months have passed since they left Canada after their claim to refugee protection was determined to be ineligible, abandoned, withdrawn or rejected, or their application for protection was rejected.

 

Restriction

 

(3) L’asile ne peut être conféréau demandeur dans les cas suivants :

 

Restriction

 

(3) Refugee protection may not result from an application for protection if the person

 

a) il est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée;

 

(a) is determined to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights or organized criminality;

 

b) il est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité au Canada punie par un emprisonnement d’au moins deux ans ou pour toute déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

 

(b) is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction in Canada punished by a term of imprisonment of at least two years or with respect to a conviction outside Canada for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years;

 

c) il a été débouté de sa demande d’asile au titre de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés;

 

(c) made a claim to refugee protection that was rejected on the basis of section F of Article 1 of the Refugee Convention; or

 

d) il est nommé au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

(d) is named in a certificate referred to in subsection 77(1).

 

Examen de la demande

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

Consideration of application

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

 

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

 

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3), sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part :

 

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

 

(i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

 

(i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

 

(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

 

(ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada.

 

167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci‑après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

 

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

 

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant’s credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[14]           Les questions soulevées par la demanderesse relativement à l’équité procédurale et au caractère adéquat des motifs sont contrôlées selon la décision correcte : Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1.

 

[15]           Au paragraphe 6 de Fi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1125, le juge a conclu que la norme de contrôle des décisions d’ERAR était la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, les conclusions de fait considérées ne devraient pas être renversées à moins qu’elle aient été tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve présentés à l’agent d’ERAR.

 

[16]           Au paragraphe 22 de Elezi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 240 (Elezi), la Cour a décidé ce qui suit :

Dans l’appréciation des faits nouveaux dont il est question à l’alinéa 113a), il faut considérer deux questions distinctes. La première est celle de savoir si l’agent a commis une erreur lorsqu’il a interprété la disposition elle‑même. C’est là une question de droit, à laquelle s’applique la norme de la décision correcte. Si l’agent n’a commis aucune erreur dans l’interprétation de la disposition, alors la Cour doit encore se demander s’il a commis une erreur dans sa manière d’appliquer la disposition aux circonstances particulières de l’espèce. C’est là une question mixte de droit et de fait, à laquelle s’applique la norme de la décision raisonnable simpliciter.

 

 

[17]           Dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a admis que même si la décision raisonnable simpliciter et la décision manifestement déraisonnable sont des normes théoriquement différentes, « les difficultés analytiques soulevées par l’application des différentes normes réduisent à néant toute utilité conceptuelle découlant de la plus grande souplesse propre à l’existence de normes de contrôle multiples » : Dunsmuir, au paragraphe 44. Par conséquent, la Cour suprême du Canada a décidé que les deux normes de contrôle relatives au caractère raisonnable de la décision devaient être fusionnées pour en former une seule : « la raisonnabilité ».

 

[18]           La Cour suprême du Canada dans Dunsmuir a aussi décidé que l’analyse de la norme de contrôle n’a pas besoin d’être menée dans chaque instance. Plutôt, lorsque la norme de contrôle applicable à une question précise présentée à la cour est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse que la cour de révision doit entreprendre l’analyse des quatre facteurs qui permettent de déterminer la bonne norme de contrôle.

 

[19]           Ainsi, vu l’arrêt Dunsmuir de la Cour suprême du Canada et la jurisprudence de la Cour, je conclus que la raisonnabilité est la norme de contrôle applicable aux questions non liées à l’équité procédurale soulevées par la demanderesse. Lorsque la Cour effectue le contrôle de la décision selon la raisonnabilité, son analyse tiendra « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir, au paragraphe 47. Autrement dit, la Cour devrait intervenir seulement si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

 

LES ARGUMENTS

            La demanderesse

                        La conclusion selon laquelle la demanderesse n’est pas Chinoise

 

[20]           La demanderesse fait valoir que la nature et les motifs de la décision dans la présente demande sont contradictoires. Selon la demanderesse, l’agente n’a accordé aucun poids à la preuve que la demanderesse a présentée dans sa demande d’ERAR, parce qu’elle a décidé que la demanderesse n’était pas une citoyenne chinoise, pourtant, elle a décidé que la Chine était le pays où la demanderesse ne serait exposée à aucun risque si elle y était renvoyée. La demanderesse est d’avis qu’il s’agit d’une conclusion déraisonnable.

 

[21]           La demanderesse déclare que [traduction] « tout était prêt pour son renvoi » avant qu’on lui demande de présenter sa demande d’ERAR, et qu’on l’a avisée qu’elle serait renvoyée dans le pays dont elle a la nationalité. La demanderesse soutient qu’il était malhonnête et injuste que l’agente ne tienne pas compte de la preuve du risque potentiel allégué par la demanderesse et que l’agente se fonde sur les conclusions antérieures de la SPR selon lesquelles elle n’avait pas établi qu’elle était Chinoise.

 

[22]           La demanderesse soutient que, plusieurs années après la décision de la SPR et après qu’on eut décidé qu’elle était prête pour son renvoi en Chine, l’agente aurait dû admettre l’identité de la demanderesse et elle aurait dû examiner le bien‑fondé de sa demande. Selon la demanderesse, si l’agente avait des doutes sur l’identité chinoise de la demanderesse, alors l’agente aurait dû en aviser la demanderesse et lui donner une occasion de dissiper ses doutes. Il était déraisonnable, selon la demanderesse, que l’agente croie que son identité n’avait pas été établie, puisqu’elle avait produit des documents supplémentaires relatifs à son identité et qu’elle avait été avisée qu’elle serait renvoyée en Chine.

 

L’omission de fournir des motifs adéquats

 

[23]           La demanderesse fait aussi valoir que l’agente n’a pas fourni de motifs adéquats lorsqu’elle a conclu que la demanderesse ne serait pas soumise à la torture ou à des traitements cruels et inusités. La demanderesse se fonde sur Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, à la page 845; Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, au paragraphe 56, et Via Rail Canada c. Office national des transports, [2001] 2 C.F. 25, au paragraphe 22, pour affirmer que des motifs adéquats doivent traiter des principaux points en litige et permettre de suivre le raisonnement.

 

[24]           La demanderesse fait valoir que la décision ne satisfait pas au critère des motifs adéquats parce que l’agente ne s’est pas livrée à un processus de raisonnement significatif. Les motifs sont extrêmement brefs, sont pauvres sur le plan analytique et ne constituent pas un examen en profondeur de la preuve. La décision démontre que l’agente n’a pas examiné les questions soulevées par la demanderesse, mais qu’elle s’est fondée sur la décision de la SPR.

 

L’omission de tenir compte de la preuve

 

[25]           La demanderesse soutient que selon l’alinéa 113a) de la Loi, l’agente avait l’obligation d’examiner la preuve présentée. Toutefois, l’agente n’a pas examiné les nouveaux éléments de preuve présentés et elle semble avoir examiné seulement un document, ce qui est inadéquat : Streanga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 792, aux paragraphes 29 et 31; Rizvi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1017, au paragraphe 9. La demanderesse rappelle à la Cour que plus la preuve qui n’a pas été mentionnée est importante « plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l’organisme a tiré une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments dont il [disposait] » : Bains c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 497 (C.F. 1re inst.); Cepeda‑Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1425 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 17; Christopher c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 964, aux paragraphes 18 et 20.

 

[26]           La demanderesse déclare qu’elle a produit la preuve qu’elle pratique le Falun Gong. Elle a aussi produit la preuve que les pratiquants du Falun Gong sont persécutés en Chine. Toutefois, l’agente n’a pas examiné cette preuve et elle n’a pas examiné les risques potentiels auxquels la demanderesse serait exposée. Tout cela rend la décision déraisonnable : Erdogu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 407, au paragraphe 33.

 

L’incompétence de l’avocat

 

[27]           La demanderesse déclare qu’elle a engagé Roy Kellogg, un consultant en immigration, pour qu’il agisse en son nom dans le cadre de sa demande d’ERAR. Elle lui a donné une copie de son certificat de résidence pour l’établissement de sa nationalité chinoise et elle lui a demandé de la soumettre avec sa demande d’ERAR. Toutefois, la demande d’ERAR ne comprenait pas le document chinois attestant la résidence. On a avisé la demanderesse que M. Kellogg n’avait pas inclus le document puisque [traduction] « l’Immigration en avait déjà une copie ».

 

[28]           La demanderesse affirme que M. Kellogg ne s’est pas comporté de façon cohérente, stable et professionnelle. Elle déclare qu’elle a déposé une plainte contre M. Kellogg à la Société canadienne des consultants en immigration.

 

[29]           La demanderesse déclare que l’inclusion de ce document chinois attestant sa résidence était un élément fondamental de sa demande d’ERAR et que les actions de M. Kellogg lui ont causé un préjudice parce qu’il ne s’est pas comporté de façon adéquate et professionnelle. La demanderesse fait valoir que la décision d’ERAR aurait été différente si son document chinois attestant sa résidence avait été inclus dans sa demande.

 

Le défendeur

            Un nouvel examen n’est pas nécessaire

 

[30]           Le défendeur soutient que tout demandeur doit assumer le choix qu’il a fait de se faire représenter soit par un avocat soit par quelqu’un qui n’est pas avocat : Cove c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 266, et Shah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 708, au paragraphe 23. La Cour a toujours été réticente à admettre des allégations d’incompétence professionnelle en l’absence de preuve : Nunez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 555 (C.F.).

 

[31]           Le défendeur soutient que la preuve déposée sous serment par la demanderesse donne à penser que si des éléments de preuve supplémentaires d’identité n’ont pas été présentés à l’appui de sa demande d’ERAR, c’est en raison de la conduite du consultant en immigration qu’elle avait engagé à l’époque. Selon le défendeur, la demanderesse est liée par le choix de consultant qu’elle a fait, ainsi que par sa conduite et elle ne peut pas se servir de son incompétence prétendue comme étant un motif pour l’obtention d’un nouvel examen de sa demande d’ERAR : Radji c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 100, au paragraphe 33 (Radji). Le défendeur déclare que la preuve de la demanderesse sur l’incompétence n’est pas concluante parce que la demanderesse se fonde sur des notes du dossier concernant une entrevue avec un agent d’exécution de la loi, pour établir le manque de professionnalisme de son consultant. Toutefois, la demanderesse n’a pas fourni cette preuve à la Cour. De plus, il n’y a pas de preuve documentaire établissant que la demanderesse a déposé une plainte à la Société canadienne des consultants en immigration ou qu’elle a avisé son ancien consultant de la plainte. Il n’y a pas non plus de preuve de la part du consultant sur ce qui s’est passé. En l’absence de preuve concluante, le défendeur soutient que cette allégation ne peut pas aboutir : Muhammed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 828, au paragraphe 17 (Muhammed).

 

[32]           Le défendeur soutient aussi que même si le consultant avait commis une faute par l’omission de présenter une copie du document attestant la résidence de la demanderesse, elle n’a pas établi que la présentation de ce document aurait modifié l’issue de l’instance. L’agent peut seulement examiner la preuve présentée dans les limites fixées par l’alinéa 113a) de la Loi. Il n’y a pas de preuve établissant la raison pour laquelle le document attestant la résidence de la demanderesse n’avait pas été présenté avant l’audience de la demanderesse, qui a eu lieu plus de trois années plus tard, ou avant que la décision du 19 mars 2007 soit rendue. La demanderesse savait que son identité soulevait des doutes. Le défendeur souligne que s’il y a des motifs pour que le document attestant la résidence de la demanderesse soit examiné par un agent d’ERAR, en application de l’alinéa 113a) de la Loi, la demanderesse peut toujours présenter une deuxième demande d’ERAR sur la base de tels motifs.

 

[33]           Le défendeur ne conteste pas que dans certains cas, la Cour a conclu que l’incompétence d’un avocat peut soulever une question de justice naturelle. Toutefois, le défendeur déclare que dans la présente affaire, la demanderesse n’a pas établi que « n’eût été les erreurs commises par l’avocat par manque de professionnalisme, l’issue de l’instance aurait été différente ». Les faits n’étaient pas non plus « clairement prouvés » : Radji, au paragraphe 32.

 

La conclusion sur l’identité était raisonnable

 

[34]           Le défendeur déclare qu’il incombait à la demanderesse de s’assurer que tous les éléments de preuve importants étaient mis à la disposition de l’agent : Ferguson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, au paragraphe 35. D’après le défendeur, l’argument de la défenderesse selon lequel les conclusions de l’agente relatives à l’identité sont déraisonnables ne peut pas aboutir, parce que la conclusion de la SPR sur l’identité ne peut pas être contestée dans le cadre d’un contrôle judiciaire, en particulier parce que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la demanderesse contre la décision de la SPR a déjà été rejetée : H.K. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1612; Bolombo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 375; Hausleitner c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 641.

 

[35]           Le défendeur fait remarquer que la question en litige dans la présente demande est de savoir si l’agente a tiré une conclusion raisonnable en ce qui a trait à l’identité de la demanderesse. Étant donné la preuve qui a été présentée à l’appui de la demande d’ERAR de la demanderesse, la conclusion était raisonnable. Aucun élément de preuve supplémentaire sur l’identité n’a été produite par la demanderesse à l’appui de sa demande d’ERAR. L’agente avait le droit de se fonder sur la conclusion de la SPR concernant les documents d’identité qui lui avaient été présentés.

 

Inutile d’évaluer le reste de la demande

 

[36]           D’après défendeur, une fois que la SPR a conclu que l’identité n’a pas été établie, il n’y a pas lieu d’analyser le reste des éléments de preuve ou la demande. Le fait que le demandeur ne puisse pas établir son identité anéantit en fait toute allégation qu’il craint avec raison d’être persécuté : Husein c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 726, au paragraphe 13; Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 296, au paragraphe 8; Zheng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 877, au paragraphe 15; Najam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 425, au paragraphe 16.

 

[37]           Le défendeur termine en disant que l’agente a raisonnablement conclu que l’identité de la demanderesse n’avait pas été établie. Cela signifiait que la preuve de la situation du pays ne pouvait pas être évaluée de façon appropriée, parce qu’elle ne pouvait pas être reliée à la situation particulière de la demanderesse : Jin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 126, au paragraphe 26.

 

Les motifs sont adéquats

 

[38]           Le défendeur soutient que le l’obligation de fournir des motifs a été énoncée dans l’arrêt Lake c. Canada (Ministre de la Justice), 2008 CSC 23, arrêt dans lequel la Cour suprême a déclaré que : « Deux objectifs sous‑tendent son obligation : permettre à l’intéressé de comprendre la décision et à la cour de révision d’apprécier le bien‑fondé de celle‑ci. » Le défendeur déclare que la question principale pour l’agente était de savoir si la demanderesse avait établi son identité comme citoyenne chinoise. Étant donné qu’elle n’avait produit aucun nouvel élément de preuve de son identité de Chinoise, les motifs de l’agente étaient adéquats. Les motifs expliquaient aussi adéquatement la raison pour laquelle l’ERAR n’avait pas été décidé en faveur de la demanderesse. Il n’y avait donc pas d’erreur susceptible de contrôle.

 

ANALYSE

 

[39]           Dans son affidavit, l’agente décrit la façon dont elle a examiné la demande d’ERAR de la demanderesse :

[traduction]

8.  J’ai conclu que la demanderesse n’avait pas réfuté la conclusion de la SPR selon laquelle elle n’avait pas établi son identité en tant que citoyenne de la Chine. Toutefois, me fondant sur l’article 241 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement), j’ai conclu que même si la demanderesse n’avait pas établi qu’elle était Chinoise, l’application de n’importe lequel des autres critères du Règlement mènerait à son renvoi vers la Chine. Par conséquent, j’ai évalué son risque à l’égard de la Chine.

 

 

[40]           Ainsi, l’agente a admis que malgré la persistance des problèmes sur l’identité de la demanderesse, la demanderesse serait renvoyée en Chine et qu’il était nécessaire d’évaluer le risque à l’égard de la Chine.

 

[41]           Dans le corps de la décision, l’agente a fourni l’analyse et les conclusions suivantes :

[traduction]

La demande d’asile de la demanderesse a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés le 26 mars 2007 parce que la demanderesse n’a pas établi qu’elle était une citoyenne de la République populaire de Chine. La Cour fédérale a rejeté la demande d’autorisation de la demanderesse le 11 juillet 2007.

 

Le 17 août 2007, la demanderesse a présenté une demande d’ERAR suivie d’observations reçues le 24 août 2007. J’ai examiné la lettre écrite par l’association Falun Dafa du Canada, qui confirme la participation de la demanderesse aux activités du Falun Gong. Toutefois, la lettre ne réfute pas les conclusions de la SPR et elle n’établit pas l’identité de la demanderesse comme citoyenne de la Chine; par conséquent, je lui accorde un poids minimal. La demanderesse a aussi présenté plusieurs photos de personnes dans un parc pratiquant des positions du Falun Gong, ainsi que des photos de rassemblements et de réunions publiques. Je conclus que ces photos ne sont pas une preuve concluante réfutant la conclusion de la SPR.

 

En l’absence de tout autre nouvel élément de preuve, les documents sur la situation du pays m’amènent à conclure qu’il n’y a pas plus qu’une simple possibilité que la demanderesse soit exposée à la persécution décrite à l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR). De façon semblable, je conclus que la demanderesse ne serait probablement pas exposée à la torture ou à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités comme il en est question à l’article 97 de la LIPR, si elle était renvoyée en Chine.

 

 

[42]           La SPR a conclu sa décision de la façon suivante :

En résumé, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que la demandeure d’asile n’a pas établi qu’elle était une ressortissante de la République populaire de Chine. Elle peut très bien être chinoise, car elle a eu recours à un interprète du mandarin, mais elle peut être une citoyenne de Taïwan, de Singapour ou de nombreux autres pays. Ainsi, comme je constate que la demandeure d’asile n’est pas une citoyenne de la République populaire de Chine, je ne peux conclure qu’il existe une possibilité sérieuse que la demandeure d’asile soit persécutée par les autorités du pays ou qu’elle soit exposée à une menace à sa vie ou au risque de traitements cruels et inusités, ou au risque d’être soumise à la torture.

 

 

[43]           La demanderesse déclare qu’il était malhonnête et injuste que l’agente d’ERAR ne tienne pas compte de la preuve sur le risque potentiel qu’elle a présentée, et qu’elle se fonde simplement sur les conclusions précédentes de la SPR selon lesquelles la demanderesse n’avait pas établi qu’elle était une citoyenne de la Chine. La demanderesse déclare que l’agente aurait dû évaluer les risques liés à son appartenance au Falun Gong, si elle était renvoyée en Chine.

 

[44]           La demanderesse déclare que, en raison des problèmes d’identité dans sa demande d’asile, la SPR n’a jamais évalué le risque auquel elle serait exposée. Le risque n’a pas non plus été évalué dans la demande d’ERAR parce que l’agente s’est servie des mêmes problèmes d’identité pour rejeter sa demande. Il en résulte qu’elle est renvoyée dans un pays pour lequel aucune évaluation des risques n’a été faite, ce qui va à l’encontre de l’esprit et du but de la demande d’ERAR.

 

[45]           À la section 10.10, le guide PP3 sur l’Examen des risques avant renvoi (ERAR) donne aux agents l’avis suivant : « nos obligations nationales et internationales exigent que nous tenions compte des risques que le demandeur encourt dans tout pays vers lequel il serait renvoyé, qu’il s’agisse ou non d’un pays dont il est citoyen ou résident habituel ».

 

[46]           Comme l’agente l’a expliqué dans son affidavit, elle a tenté de respecter les lignes directrices et les obligations du guide par l’application à son analyse de l’article 241 du Règlement.

 

[47]           La demanderesse déclare qu’il ressort de la décision que l’agente est loin d’avoir évalué le risque au regard des obligations du guide. Selon la demanderesse, les motifs ne tiennent pas compte de la preuve pertinente relative à ses activités en tant que leader du Falun Gong, et ces motifs sont donc inadéquats.

 

[48]           Le défendeur déclare que l’agente ne pouvait guère faire plus, parce que la question principale était l’identité et qu’il n’était pas déraisonnable que l’agente se fonde sur la décision de la SPR après avoir conclu que rien n’avait changé.

 

[49]           Le défendeur se fonde sur des décisions telles que Liu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 831, au paragraphe 18, pour faire l’affirmation selon laquelle « pour tout demandeur d’asile, une preuve d’identité est une condition préalable à remplir » :

[S]ans identité « il ne peut y avoir de fondement solide permettant de vérifier des allégations de persécution, ou même d’établir la nationalité réelle d’un demandeur ».

 

 

[50]           Les deux parties sont d’accord que l’ensemble de la jurisprudence sur ce point touche aux demandes du statut de réfugié. Le défendeur déclare qu’il devrait être indifférent qu’on examine en l’espèce une décision d’ERAR. La demanderesse déclare qu’il faut faire la différence, en particulier en l’espèce, où les risques n’ont jamais été évalués ni par la SPR ni par l’agente d’ERAR en raison des doutes sur l’identité.

 

[51]           Dans la présente affaire, la demande de la demanderesse a été évaluée par rapport à la Chine et le défendeur déclare que parce que la demanderesse n’avait pas établi son identité, il n’y avait pas de lien entre les documents relatifs à la situation du pays et la situation personnelle de la demanderesse. Si l’identité ne peut pas être établie, alors le risque ne peut pas être évalué.

 

[52]           La demanderesse fait valoir que le risque peut être évalué parce que les documents sur la situation du pays faisaient référence à la persécution et aux risques énumérés à l’article 97 pour les pratiquants du Falun Gong en Chine. La demanderesse avait au moins établi qu’elle pratiquait le Falun Gong et qu’elle avait participé à des manifestations.

 

[53]           La base de la décision de l’agente semble être que rien de ce qui a été présenté avec la demande d’ERAR ne modifie ce que la SPR a décidé.

 

[54]           Toutefois, l’agente d’ERAR a bien continué son analyse parce qu’elle reconnaissait avoir l’obligation d’aller au‑delà de la preuve présentée par la demanderesse et d’examiner les documents relatifs à la situation du pays. Après avoir fait cela, elle n’a pas dit qu’elle ne pouvait pas évaluer le risque en raison des problèmes d’identité. Elle déclare [traduction] « les documents sur la situation du pays m’amènent à conclure qu’il n’y a pas plus qu’une simple possibilité que la demanderesse soit exposée à la persécution [...] et ne serait probablement pas exposée aux risques dont il est question à l’article 97 de la Loi ». Cela est conforme à ce que l’agente dit dans son affidavit qu’elle a fait : [traduction] « Par conséquent, j’ai évalué son risque à l’égard de la Chine ». Selon l’agente, la décision sur les risques énumérés à l’article 97 est basée sur les documents relatifs à la situation du pays. Je ne pense pas que l’agente ait voulu dire qu’elle n’avait pas effectué l’évaluation du risque parce que l’identité n’avait pas été établie.

 

[55]           Je suis d’avis que l’agente avait raison lorsqu’elle a conclu que, malgré la persistance des problèmes d’identité, elle avait quand même l’obligation d’évaluer le risque dans le pays où elle envisageait le renvoi. Le non‑établissement de l’identité a pour conséquence qu’il n’est pas nécessaire de poursuivre l’analyse et d’examiner la preuve relative à la persécution. Voir : Najam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 516, au paragraphe 16; Su c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 680, au paragraphe 14; Elmi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 773, au paragraphe 4; Jin, au paragraphe 26; Liu, au paragraphe 18. Je n’interprète pas cette série d’affaires comme signifiant que l’agent d’ERAR n’a pas à évaluer le risque si l’identité continue d’être un problème, et l’agente dans la présente affaire est bien allée au‑delà du problème d’identité.

 

[56]           Cela étant dit, l’analyse de l’agente sur les documents relatifs à la situation du pays était, à mon avis, inadéquate. Des documents fiables avaient été présentés à l’agente sur la torture ou les mauvais traitements à l’endroit des adeptes du Falun Gong en Chine et elle n’a pas fait référence à ces documents qui contredisaient directement ses conclusions. Voir Cepeda. Cela signifie que des éléments de preuve importants ont été laissés de côté et que les motifs ne donnent pas une évaluation adéquate de ces éléments de preuve. Pour ces motifs, la décision est déraisonnable et ne peut pas être maintenue, et devra être renvoyée pour nouvel examen.

 

[57]           J’ai examiné les autres questions soulevées par la demanderesse et je ne pense pas qu’elles établissent des erreurs susceptibles de contrôle.

 

[58]           Je demande aux avocats de signifier et déposer toute observation relative à la certification d’une question de portée générale dans un délai de sept jours à compter de la réception des présents motifs de jugement. Chacune des parties aura une période supplémentaire de trois jours pour signifier et déposer toute réponse aux observations de la partie adverse. Par la suite, un jugement sera rendu.

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A. Trad.jur.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                IMM‑3524‑08

 

INTITULÉ :                                               HUI CHEN

                                                                    c.

                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                    ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                        Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                       le 12 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                    le juge RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                             le 15 avril 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Nancy Myles Elliott

 

POUR LA DEMANDERESSE

Sharon Stewart-Guthrie

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Nancy Myles Elliott

Markham (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.