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Date : 20081205

Dossier : IMM-1633-08

Référence : 2008 CF 1354

OTTAWA (ONTARIO), le 5 DÉCEMBRE 2008

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

ABDUL GHANI ABDULLA ALI

demandeur 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Section d’appel), rendue le 25 mars 2008, dans le cadre de laquelle on a conclu que le demandeur s’était désisté de son appel en raison de son défaut de comparaître à l’audience et de fournir ses coordonnées.

 

 

 

 

FAITS

[2]               Le demandeur, un citoyen du Yémen né au Koweït le 4 juillet 1976, est venu au Canada en mai 2002 à titre de résident permanent avec un visa de résidence conditionnel dans la catégorie des entrepreneurs.

 

[3]               Le 5 avril 2005, la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur était une personne interdite de territoire en vertu du paragraphe 41(b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi), parce qu’il ne s’était pas conformé aux conditions imposées à titre d’entrepreneur.  Le demandeur a déposé un appel de cette décision.

 

[4]               Le 3 août 2006, le demandeur a obtenu un sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion émise contre lui par la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, assorti de conditions.  L’une des conditions fixées par la Section d’appel est prévue explicitement à l’alinéa 251a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés :

251. Conditions – Si la Section d’appel de l’immigration sursoit à une mesure de renvoi au titre de l’alinéa 66b) de la Loi, elle impose les conditions suivantes à l’intéressé :

a) informer le ministère et la Section d’appel de l’immigration par écrit et au préalable de tout changement d’adresse.

 

 

[5]               La Section d’appel s’est montrée encore plus explicite en ajoutant la condition suivante :

10. The appellant will report any change of address in writing to the CIC and to the Immigration and REfugee Board, Appeal Division located at 1010, Saint-Antoine Street West, 2nd floor, Montreal (Quebec) H3C 1B2, within 5 days of making such a change of address.

 

 

[6]               Cette décision du 3 août 2006 prévoyait que le réexamen intérimaire du sursis devait être fixé devant la Section d’appel le ou vers le 30 août 2007.  Or, le 12 septembre 2007, le demandeur a reçu un avis de convocation à une audience devant se tenir le 16 octobre 2007 en vue de réexaminer le sursis.  Cet avis de convocation énonçait l’avertissement contenu au paragraphe 168(1) de la Loi, lequel prévoit qu’un commissaire de la Section d’appel peut prononcer le désistement dans l’affaire dont il est saisi s’il estime que l’intéressé omet de poursuivre l’affaire, notamment par défaut de comparution, ou s’il omet de fournir des renseignements que la Section d’appel peut requérir, ou de donner suite à ses demandes de communication.

 

[7]               À l’audience du 16 octobre 2007, l’avocat du demandeur a demandé un ajournement parce qu’il voulait assigner comme témoin le conseil du ministre. 

 

[8]               Le 4 décembre 2007, le procureur du demandeur fut avisé que la date de l’audience avait été fixée au 4 mars 2008. 

 

[9]               Le 19 décembre 2007, le demandeur a présenté une demande de renouvellement de sa carte de résident permanent, qui expirait le 21 janvier 2008.  Cette demande a été reçue par le Centre de traitement des demandes de Sydney le 24 décembre 2007.

 

[10]           Le 20 décembre 2007, la date d’audience devant la Section d’appel fut de nouveau reportée au 25 mars 2007, de concert avec le procureur du demandeur.

 

[11]           Le 28 janvier 2008, la Section d’appel a envoyé au demandeur un avis de convocation confirmant la date de l’audience préalablement fixée au 25 mars 2008.  L’avis informait le demandeur qu’il devait fournir à la Section d’appel et au ministre une déclaration écrite sur le respect des conditions du sursis, conformément à l’article 26 des Règles de la Section d’appel de l’immigration.  L’avis de convocation énonçait également, à l’instar de l’avis daté du 12 septembre 2007, l’avertissement suivant tiré du paragraphe 168(1) de la Loi:

IMPORTANT Under section 168(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, if you fail to appear for a hearing, or fail to communicate with the IAD when requested, or fail to provide information required by the IAD (such as your most recent address), the IAD may determine that you have abandoned the appeal.

 

 

[12]           Le 31 janvier 2008, le Centre de traitement de Sydney a avisé le demandeur que la demande de renouvellement pour sa carte de résident permanent était incomplète, et a requis des informations additionnelles.  Ce n’est cependant qu’à la fin du mos de février que cette lettre aurait été portée à la connaissance du procureur du demandeur.  Malgré cette lettre, aucun avis ne fut envoyé à la Section d’appel.

 

[13]           Le 4 mars 2008, le demandeur a sollicité une remise de l’audience prévue pour le 25 mars, afin de lui allouer suffisamment de temps pour que sa carte de résident permanent soit renouvelée et pour qu’il puisse ainsi assister à l’audience. Cette demande a été rejetée par la Section d’appel le 17 mars 2008, au motif que la date d’audience était fixée depuis le 20 décembre 2007, de consentement avec le procureur du demandeur.  Il a donc été décidé que l’affaire procéderait tel que prévu le 25 mars 2008, et que le demandeur pourrait être entendu par téléconférence.

 

[14]           Le procureur du demandeur a été avisé de cette décision le 18 mars 2008.  On lui a également demandé de transmettre à la Section d’appel le numéro de téléphone du demandeur ainsi que des cartes d’appel.  Aucune demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision n’a été déposée à l’encontre de cette décision.

 

[15]           Le 20 mars 2008, le procureur du demandeur a informé la Section d’appel qu’il n’avait que l’adresse courriel du demandeur, et qu’il avait avisé son client que la demande de remise avait été refusée. 

 

[16]           Le 25 mars 2008, le demandeur n’a pas comparu devant la Section d’appel, que ce soit en personne ou par téléphone, bien que son procureur ait été présent.  Ce dernier a réitéré sa demande de remise, compte tenu du fait que le demandeur n’avait pu être rejoint et ne pouvait se présenter au Canada tant et aussi longtemps que sa carte de résident permanent n’aurait pas été renouvelée.  De son côté, le conseil du ministre a soutenu que le comportement du demandeur justifiait une conclusion de désistement.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[17]           La Section d’appel a prononcé le désistement de l’appel du demandeur en vertu du paragraphe 168(1) de la Loi, en raison de son défaut de comparaître à l’audience et de fournir ses coordonnées tel que requis.  La Section d’appel a noté qu’il appartenait au demandeur de s’assurer que les documents nécessaires à se demande de renouvellement de résidence permanente soient soumis en bonne et due forme, et qu’au surplus elle n’avait pas été informée du fait que son dossier avait été jugé incomplet. 

 

[18]           La Section d’appel a également mentionné que l’appelant aurait pu être entendu par téléphone.  Si le demandeur n’a pas reçu l’avis de convocation, il n’avait que lui à s’en prendre.  Il lui incombait d’aviser la Section d’appel de tout changement d’adresse.  Même s’il avait soumis une demande pour faire remettre l’audience, il ne pouvait présumer du sort de cette demande et il avait la responsabilité de se renseigner sur la décision prise.  Pour tous ces motifs, la Section d’appel a rejeté la nouvelle demande de remise du procureur du demandeur et a conclu au désistement de l’appel.

 

ANALYSE

[19]           La seule question en litige dans la présente affaire est celle de savoir si la conclusion de la Section d’appel à l’effet que le demandeur s’était désisté de son appel est raisonnable.  Seule la décision rendue le 25 mars 2008 est en cause ici; le demandeur ne saurait attaquer par la bande la décision de ne pas accorder de remise prise le 17 mars 2008, et il n’a pas tenté de le faire.

[20]           Les procureurs des parties n’ont pas fait de représentation en ce qui concerne la norme de contrôle applicable.  Ils ont semblé prendre pour acquis que la décision devait être révisée selon la norme de raisonnabilité, et ils ont eu raison de le faire.  La décision prise par la Section d’appel repose sur l’application du paragraphe 168(1) de la Loi aux faits qui ont été mis en preuve.  Il s’agit donc d’une question mixte de droit et de fait.  Par voie de conséquence, cette Cour n’interviendra que dans l’hypothèse où la solution retenue par la Section d’appel ne fait pas partie des issues possibles acceptables au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 49).

 

[21]            Le défendeur a souligné, avec raison, que ni la Loi ni les Règles de la Section d’appel ne prévoient l’obligation pour cette dernière de tenir une audience de justification pour décider de l’opportunité de prononcer un désistement, contrairement à la situation qui prévaut devant la Section de la protection des réfugiés (voir Règle 58 des Règles de la Section de la protection des réfugiés).  À cet égard, cette Cour s’est exprimée dans les termes suivants :

Par ailleurs, donner dans tous les cas l’opportunité de se faire entendre à une personne qui fait défaut de comparaître l’opportunité d’expliquer les raisons de son défaut reviendrait à vider de son sens le para. 168(1) LIPR.

 

(…)

 

S’il fallait suivre le raisonnement du demandeur, cela impliquerait qu’à chaque fois qu’une personne omettrait de se présenter, manquerait de diligence ou aurait un comportement pouvant clairement laisser croire à un désistement d’appel, la SAI serait tenue de faire enquête pour retrouver cette personne, de lui rappeler ses obligations et de la convoquer pour tenir une nouvelle audience avant de prononcer le désistement.  Je ne peux retenir pareille interprétation, d’autant plus qu’en l’espèce, le demandeur n’a pas communiqué ses changements d’adresse à la SAI, de sorte que celle-ci n’aurait de toute façon pas pu le joindre pour convoquer une nouvelle audience si elle avait eu pareille obligation.  La SAI n’était pas tenue d’agir comme conseiller juridique pour le demandeur, ni de lui rappeler le sérieux des procédures auxquelles il est partie, ni de s’assurer que celui-ci avait bien compris qu’il devait se présenter à sa conférence de mise au rôle ou encore qu’il était tenu d’aviser la SAI de ses changements d’adresse…

Dubrézil c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 142, par. 10, 12; voir aussi Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 212.

 

 

[22]           Dans le cas présent, le demandeur a été avisé le 12 septembre 2007 qu’il devrait se présenter devant la Section d’appel le 16 octobre 2007 pour que soit réexaminé le sursis auquel il avait eu droit le 3 août 2006.  Lors de cette audition, il demanda un premier ajournement afin d’assigner un témoin.  Cet ajournement lui a été accordé; il est intéressant de noter que ce témoin n’a jamais été assigné par la suite.

 

[23]           Le 4 décembre 2007, le procureur du demandeur fut avisé que la date de l’audience avait été fixée au 4 mars 2008; elle fut ensuite reportée au 25 mars, avec l’accord du procureur du demandeur.  Pourtant, ce n’est que le 19 décembre que le demandeur a entamé des procédures pour obtenir le renouvellement de sa carte de résidence permanente, soit trois mois après le premier avis de convocation.  Qui plus est, le dossier révèle que sa demande de renouvellement était incomplète à plusieurs égards.  N’ayant pas informé le Centre de traitement des demandes de Sydney de ses nouvelles coordonnées, c’est le procureur du demandeur qui prendra finalement connaissance de la lettre lui réclamant des informations additionnelles à la fin du mois de février 2008.

 

[24]           Il est vrai que le procureur du demandeur a présenté une demande de remise le 4 mars 2008 lorsqu’il a constaté que son client n’obtiendrait probablement le renouvellement de sa carte de résidence permanente avant l’audition fixée pour le 25 mars.  Cette demande a cependant été présentée bien tardivement, et ce à cause de la négligence du demandeur.  Ce dernier ne pouvait d’autre part présumer que cette demande serait accueillie, et il lui incombait de faire diligence pour être informé de la décision qui serait prise.  Or, le demandeur n’a communiqué à son procureur que son adresse courriel et s’est rendu en Chine pour des raisons d’affaires.  Il ne peut maintenant reprocher à la Section d’appel de ne pas lui avoir permis de se faire entendre.

 

[25]           Le demandeur plaide maintenant que la conclusion à l’effet qu’il s’était désisté de son appel lui cause un préjudice irréparable.  Il n’a pourtant que lui seul à blâmer.  Non seulement l’audience était-elle fixée depuis plusieurs mois, mais la Section d’appel lui a également donné la possibilité de faire des représentations par voie d’appel téléphonique.  S’il n’a pu se prévaloir de cette possibilité, c’est uniquement parce qu’il n’a pas pris les mesures les plus élémentaires pour pouvoir être rejoint par la Section d’appel elle-même ou par son procureur. 

 

[26]           Compte tenu de toutes ces circonstances, la Section d’appel était en droit de conclure que le demandeur s’était désisté de son appel.  Le demandeur a eu toutes les chances de se faire entendre, mais il ne les a pas saisies à cause de sa propre négligence.  Il lui incombait de faire preuve de diligence; il ne saurait maintenant reporter le blâme sur la Section d’appel en invoquant un manquement aux principes d’équité procédurale.  Le tribunal s’est acquitté de ses responsabilités, a reporté l’audience à plus d’une reprise pour accommoder le demandeur, et lui a même permis de faire valoir ses arguments par téléphone.  La situation dans laquelle se trouve le demandeur lui est totalement imputable, et il doit par conséquent en subir les conséquences.

 

[27]           Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section d’appel de l’immigration le 25 mars 2007 est rejetée.  Les parties n’ont proposé aucune question pour fins de certification, et aucune n’est certifiée.

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.  Aucune question n’est certifiée.

 

« Yves de Montigny »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1633-08

 

INTITULÉ :                                      ABDUL GHANI ABDULLA ALI

 c.

MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 2 décembre 2008

 

MOTIFS :                                          Monsieur le juge de Montigny

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 5 décembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Lucrèce M Joseph

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me  Lisa Maziade

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Lucrèce M. Joseph

1819 boul. René-Lévesque O.

Suite 404

Montréal (Québec)   H3H 2P5

Fax. : (514) 939-2009

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

Complex Guy-Favreau

200 boul. René-Lévesque O.

5è étage

Montréal (Québec)   H2Z 1X4

Fax : (514) 496-7876

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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