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Date : 20081211

Dossier : IMM-4523-08

Référence : 2008 CF 1364

Ottawa (Ontario), le 11 décembre 2008

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

MICHAEL ELLERO

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS MODIFIÉS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

(Les présents motifs modifient seulement le numéro du dossier et rien d’autre)

I.          Aperçu

[1]               L’intérêt public exige que l’exécution des mesures de renvoi soit faite de façon efficace, rapide et équitable et que les efforts de ceux qui sont chargés d’une telle exécution soient appuyés. Ce n’est que dans des cas exceptionnels que l’intérêt personnel l’emportera sur l’intérêt public. Voir Aquila c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 94 A.C.W.S. (3d) 960, [2000] A.C.F. no 36 (QL) (C.F. 1re inst.); Kerrutt c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 53 F.T.R. 93, 32 A.C.W.S. (3d) 621; Dugonitsch c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1992), 53 F.T.R. 314, 32 A.C.W.S. (3d) 1135 (C.F. 1re inst.).

II.         Introduction

[2]               Le demandeur est un citoyen des États‑Unis d’Amérique qui demande le sursis à son expulsion vers les États-Unis (les É.‑U.), prévue pour le 11 décembre 2008.

 

[3]               Le demandeur a affirmé que des membres de la mafia mexicaine ou italienne et d’autres voulaient [traduction] « l’éliminer » et que l’Agence centrale de renseignements (la CIA) avait créé un [traduction] « profil psychique » sur lui. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR ou la Commission) a rejeté la demande d’asile du demandeur parce qu’elle a conclu qu’il n’était pas crédible.

 

[4]               L’examen des risques avant renvoi (l’ERAR) du demandeur fut aussi défavorable. Les risques allégués par le demandeur dans sa demande d’ERAR étaient, en substance, les mêmes que ceux qui avaient été évalués par la CISR. La plupart des documents fournis à l’agent d’ERAR étaient antérieurs à la décision de la CISR. Le reste des documents fournis par le demandeur ne démontraient pas de risque en cas de retour aux É.‑U.

 

[5]               Le demandeur n’a pas démontré l’existence d’une question sérieuse et, par conséquent, il ne se verra pas accorder de sursis à son expulsion.

 

II.         Résumé des faits

[6]               Le demandeur est un citoyen des É.‑U. Il est entré au Canada le 19 octobre 2005. Il a présenté une demande d’asile le 14 novembre 2005. Il avançait que des membres de la mafia mexicaine ou italienne et d’autres voulaient [traduction] « l’éliminer ». Ses adversaires auraient peur que le livre qu’il a écrit soit publié au moment opportun et expose ainsi au grand jour la corruption [traduction] « au gouvernement fédéral et ailleurs aux États‑Unis ». Il déclare que le gouvernement des États‑Unis a fait appel aux services d’un voyant contre lui et que tout cela trouve son origine dans un [traduction] « profile psychique » que la CIA a dressé de lui (Décision d’ERAR du 5 septembre 2008, page 1, jointe en tant que pièce « E » à l’affidavit de Cheryl Giles).

 

[7]               Le demandeur affirme qu’il n’a pas demandé l’asile aux autorités des États‑Unis parce qu’il croit que la police ne peut pas lui offrir de protection physique contre [traduction] « le mal et les périls du monde » (Décision d’ERAR du 5 septembre 2008).

 

[8]               Par une décision du 19 décembre 2006, la CISR a rejeté la demande d’asile du demandeur.

 

[9]               Le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire dans laquelle il demandait l’annulation de la décision de la CISR qui lui avait refusé le statut de réfugié au sens de la Convention et de personne à protéger.

 

[10]           Avant que la Cour statue sur la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la CISR, mais après la fin de la période de dépôt des actes de procédures, le demandeur a demandé une réparation interlocutoire : (i) une ordonnance lui permettant d’obtenir la transcription officielle de son audience devant la Commission; (ii) une ordonnance de prolongation du délai de l’affaire lui permettant d’engager un avocat (requête interlocutoire), (affidavit de Cheryl Giles).

 

[11]           Le 23 avril 2007, le juge Frederick Gibson a rejeté la requête interlocutoire du demandeur. Le 27 avril 2007, le juge Gibson a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire (affidavit de Cheryl Giles).

 

[12]           Le demandeur a alors déposé une requête visant le réexamen des deux ordonnances du juge Gibson (affidavit de Cheryl Giles).

 

[13]           La requête du demandeur visant le réexamen fut rejetée par une ordonnance du juge Gibson du 5 juin 2007 (affidavit de Cheryl Giles).

 

[14]           Ultérieurement, le demandeur a présenté une demande d’ERAR (affidavit de Cheryl Giles).

 

[15]           L’agent d’ERAR a rendu une décision défavorable à la demande du demandeur. L’agent d’ERAR a conclu ce qui suit :

(i)      les risques exposés par le demandeur dans sa demande d’ERAR sont, en substance, les mêmes que ceux qui avaient été présentés à la CISR et évalués par elle;

(ii)      il n’y avait qu’une infime possibilité que le demandeur soit soumis à la persécution s’il était renvoyé aux É.‑U;

(iii)     il n’y avait pas de motif substantiel de croire que le demandeur serait exposé à la torture; il n’y avait pas non plus de motif raisonnable de croire que le demandeur serait exposé à une menace à sa vie ou à un risque de traitement ou de peines cruels et inusités s’il était renvoyé aux É.‑U.

(Décision d’ERAR du 5 septembre 2008).

 

[16]           Le 15 octobre 2008, le demandeur a introduit une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision défavorable d’ERAR (affidavit de Cheryl Giles).

 

IV.       La question en litige

[17]           Le demandeur a‑t‑il satisfait au critère à trois volets pour l’octroi d’un sursis au renvoi?

 

V.        Analyse

            Les volets du critère d’obtention d’un sursis

[18]           Les voltes du critère d’obtention d’un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi sont les suivants :

(i)            la Cour a une question sérieuse à trancher;

(ii)          la partie qui demande le sursis serait exposée à un préjudice irréparable si le sursis ne lui était pas accordé;

(iii)         selon la prépondérance des inconvénients, la partie qui demande le sursis subirait un préjudice plus grand en raison du refus du sursis.

Les volets du critère tripartite sont cumulatifs; c’est‑à‑dire que le demandeur doit répondre aux trois volets du critère avant que la Cour puisse octroyer le sursis. Voir Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302, 11 A.C.W.S. (3d) 440 (C.A.F.); RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311; Oberlander c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 134, 121 A.C.W.S. (3d) 610.

 

[19]           L’octroi d’un sursis est une réparation qui sort de l’ordinaire pour laquelle le demandeur doit démontrer « des circonstances spéciales et décisives » justifiant « une intervention judiciaire exceptionnelle » Tavaga c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 15 Imm. L.R. (2d) 82, 28 A.C.W.S. (3d) 371 (C.F. 1re inst.); Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (1998), 232 N.R. 40, 82 C.P.R. (3d) 429 (C.A.F.).

 

[20]           Le demandeur n’a pas démontré qu’il répondait aux trois volets du critère.

 

La question sérieuse

[21]           Pour établir l’existence d’une question sérieuse, le demandeur doit convaincre la Cour que la demande sous‑jacente n’est ni futile ni vexatoire; voir Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110; Toth, précité; R.J.R.-MacDonald, précité, au paragraphe 44.

 

[22]           Pour établir l’existence d’une question sérieuse, le demandeur doit démontrer que les questions de la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente constituent au moins une cause défendable; voir Rahman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 103 A.C.W.S. (3d) 153, [2001] A.C.F. no 106 (QL), au paragraphe 15; Molnar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2001 CFPI 325, 104 A.C.W.S. (3d) 1104, au paragraphe 12.

 

La décision d’ERAR sous‑jacente est raisonnable

[23]           Il n’y a pas de question sérieuse dans la demande sous‑jacente. Le demandeur soulève simplement les mêmes points qu’il a soulevés dans ses requêtes présentées lors de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire du processus de décision de la CISR et dans la demande d’autorisation présentée à l’encontre de la décision même de la CISR. En ayant recours au processus d’ERAR (et maintenant au processus de requête d’urgence), le demandeur présente de nouveau les arguments qu’il a présentés dans les requêtes et les demandes qui ont été rejetées par la Cour à l’étape de la CISR (affidavit de Cheryl Giles).

 

[24]           Les observations du demandeur selon lesquelles l’agent d’ERAR a commis une erreur lorsqu’il n’a pas pris en compte la preuve présentée par le demandeur relativement à la violation de l’équité procédurale que le demandeur aurait subie au cours du processus à la CISR ont été entendues et tranchées dans des instances antérieures de la Cour.

 

[25]           En outre, les lettres que le demandeur  joint comme pièces A1 et A2 et les extraits de son mémoire des arguments joints à la pièce A3 ont été précédemment déposés par lui lors du processus de demande d’autorisation d’introduire une demande de contrôle judiciaire de la décision de la CISR et la Cour a déjà réglé ces points, comme je l’ai expliqué ci‑dessus (affidavit du demandeur, pages 8 à 16).

 

L’agent d’ERAR a pris en compte toute la preuve présentée

[26]           L’agent d’ERAR a fait une évaluation des risques approfondie, bien argumentée et révélatrice de son entière prise en compte des facteurs pertinents. Son évaluation prenait en compte de la demande d’ERAR, les longues observations présentées par le demandeur à l’appui de sa demande d’ERAR, la décision de la CISR et l’ensemble de la preuve documentaire telle qu’elle avait été présentée par le demandeur. L’agent d’ERAR a aussi pris en compte des documents provenant de sources externes comme la Freedom House, la Freedom in the World (2008), la FBI Academy – la Behavioural Science Unit, le Federal Bureau of Investigation, la American Civil Liberties Union – les Police Practices, et le portail Internet officiel du gouvernement des États‑Unis, la Law Enforcement and Corrections – les organisations qui y sont liées (décision d’ERAR du 5 septembre 2008).

 

[27]           L’agent d’ERAR a décidé à bon droit de ne pas prendre en compte les documents présentés par le demandeur qui étaient antérieurs à la décision de la CISR, puisque ces documents auraient pu être présentés à la CISR. Le demandeur n’a fourni aucune explication sur la raison pour laquelle il ne les a pas présentés au moment opportun (décision d’ERAR du 5 septembre 2008).

 

[28]           Il incombe au demandeur de : (i) fournir à l’agent d’ERAR les éléments de preuve survenus depuis le rejet de la demande d’asile et non pas les mêmes éléments de preuve qu’il avait présentés à la CISR, (ii) démontrer comment ces éléments de preuve répondent aux exigences de l’article 113 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR); (Kaybaki c. Canada (Solliciteur général du Canada), 2004 CF 32, 128 A.C.W.S. (3d) 784.

 

[29]           Les « nouveaux » éléments de preuve présentés par le demandeur étaient constitués de photocopies de ses factures Rogers, de documents de vérification de télécopie, de reçus et de copies de billets de réclamation de bagages. Le paragraphe 161(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), exige que le demandeur désigne, dans ses observations écrites, les éléments de preuve et qu’il indique dans quelle mesure ils s’appliquent dans son cas. L’agent d’ERAR a à bon droit conclu que ces documents n’étayaient pas la prétention du demandeur relative aux risques (décision d’ERAR du 5 septembre 2008).

 

[30]           L’agent d’ERAR a conclu que les risques auxquels le demandeur faisait référence dans sa demande d’ERAR étaient, en substance, les mêmes que ceux que la CISR avait entendus et évalués. L’agent a estimé que le traitement subi par le demandeur dans le passé ne justifiait pas, en soi, l’octroi de la protection; ce traitement n’était pas non plus révélateur d’un risque prospectif vu la preuve documentaire relative à la situation du pays aux É.‑U. et vu la situation personnelle du demandeur (décision d’ERAR du 5 septembre 2008).

 

[31]           L’agent d’ERAR a conclu qu’il était objectivement déraisonnable que le demandeur n’ait pas demandé la protection de l’État avant de quitter les É.‑U., et qu’il n’avait pas présenté de preuve claire et convaincante qu’il n’était pas en mesure de se prévaloir de la protection de son pays d’origine. La preuve documentaire démontre que la protection de l’État est accessible (décision d’ERAR du 5 septembre 2008).

 

[32]           La décision de l’agent d’ERAR est raisonnable. Il n’y a pas de preuve que l’agent d’ERAR ait agi de façon arbitraire, qu’il ait été de mauvaise foi ou qu’il ait tenu compte de facteurs extérieurs ou non pertinents; en outre, il n’y a pas de preuve que l’évaluation de la demande d’ERAR du demandeur ait été faite d’une façon contraire au droit ou à l’obligation d’équité procédurale.

 

[33]           L’agent d’ERAR a correctement évalué la demande du demandeur et il a décidé que, sur la base de la preuve dont il disposait, le demandeur ne répondait pas au critère légal pour l’application des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

[34]           La Cour n’a pas pour rôle de réévaluer de la preuve qui a été présentée à l’agent d’ERAR. L’agent d’ERAR n’a pas à agir comme cour d’appel d’une décision antérieure de la Commission. La procédure d’ERAR n’est ni un appel ni une demande de réexamen de la décision de la CISR. Le législateur a clairement eu l’intention de limiter la preuve qui doit être présentée dans le contexte même d’une telle procédure; voir Raza et al. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 385, 370 N.R. 344, aux paragraphes 12, 13 et 16; Quiroga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1306, 153 A.C.W.S. (3d) 192, au paragraphe 12.

 

[35]           Il était raisonnablement loisible à l’agent d’ERAR de décider comme il l’a fait, au vu du dossier, et il n’a pas omis d’éléments de preuve. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sous-jacente, présentée contre la décision de l’agent d’ERAR, ne soulève pas de question sérieuse; voir Figuardo c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 241, 129 A.C.W.S. (3d) 374, aux paragraphes 6 et 7; décision d’ERAR du 5 septembre 2008.

 

Le préjudice irréparable

[36]           Le demandeur doit démontrer que son renvoi entraîne une probabilité raisonnable de préjudice, avant qu’on puisse conclure que son renvoi entraînera un préjudice irréparable; voir Soriano c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 188 F.T.R. 18, 7 Imm. L.R. (3d) 181.

 

[37]           Le préjudice irréparable est plus substantiel et plus grave que les inconvénients personnels. Il sous-entend une grande probabilité d’un péril pour la vie, la liberté ou la sécurité d'un demandeur, ou d’une menace évidente de mauvais traitement dans le pays dans lequel le renvoi serait effectué; voir Mikhailov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 191 F.T.R. 1, 97 A.C.W.S. (3d) 727; Frankowski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 98 A.C.W.S. (3d) 641; [2000] A.C.F. n935 (QL).

 

[38]           La crainte subjective d’un demandeur de retourner dans son pays d’origine ne constitue pas un préjudice irréparable. Il faut démontrer objectivement qu’il y a risque de préjudice; voir Ram c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 64 A.C.W.S. (3d) 657, [1996] A.C.F. n883 (QL); Gogna c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1993), 68 F.T.R. 140, 42 A.C.W.S. (3d) 480 (C.F. 1re inst.).

 

[39]           Le demandeur n’a pas démontré que son renvoi aux É.‑U. lui causerait un préjudice irréparable. Le demandeur n’a pas démontré qu’il serait exposé à un risque grave pour sa vie, sa liberté ou sa sécurité en conséquence du renvoi.

 

La protection de l’État

[40]           La Cour suprême du Canada l’a confirmé, l’État est présumé être en mesure de protéger ses citoyens, et les demandeurs d’asile doivent prouver « d’une façon claire et convaincante » l’incapacité ou de la réticence de l’État d’assurer leur protection. En l’espèce, le demandeur ne l’a pas fait. En outre, s’il existe une preuve sur laquelle le tribunal peut se baser pour conclure que la protection de l’État est offerte à un demandeur, la Cour ne devrait pas intervenir; voir Paul c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 398, 310 F.T.R. 307, au paragraphe 18; Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689.

 

[41]           En l’espèce, le demandeur est un citoyen des É.‑U. La preuve documentaire révèle que les É.‑U. font de grands efforts pour protéger leurs citoyens. L’agent d’ERAR a raisonnablement conclu que la protection de l’État existe aux É.‑U. et qu’elle est offerte au demandeur (décision d’ERAR du 5 septembre 2008).

 

[42]           Le demandeur doit démontrer qu’il a demandé la protection de l’État. En l’espèce, le demandeur a déclaré qu’il n’a pas demandé la protection des autorités des É.‑U. parce qu’il croyait que la police ne pouvait pas lui fournir de protection physique contre [traduction] « le mal et les périls du monde ». Il a déclaré à l’agent d’ERAR que sa vie serait soumise à une menace s’il demandait la protection et s’il parlait ouvertement contre ses persécuteurs. Il n’y avait pas de preuve suffisante pour étayer cette affirmation et l’agent d’ERAR a conclu que le demandeur n’avait pas fourni une preuve claire et convaincante qu’il ne pouvait ou ne voulait pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. En outre, l’agent d’ERAR a conclu qu’il était objectivement déraisonnable que le demandeur n’ait pas demandé la protection de l’État avant de quitter les É.‑U. (décision d’ERAR du 5 septembre 2008).

 

[43]           De plus, l’agent d’ERAR a conclu que la situation du pays ne s’était pas détériorée aux É.‑U. depuis l’audition du demandeur devant la CISR (décision d’ERAR du 5 septembre 2008).

 

[44]           L’agent d’ERAR a conclu, de façon raisonnable, qu’il y avait moins qu’une simple possibilité que le demandeur fût soumis à de la persécution s’il était renvoyé aux É.‑U. et que le demandeur ne correspondait pas à la description de la personne donnée aux articles 96 et 97 de la LIPR. L’agent d’ERAR a donc rejeté à bon droit la demande du demandeur (décision d’ERAR du 5 septembre 2008); Règlement, au paragraphe 161(2).

 

La conclusion de la CISR sur le défaut de crédibilité

[45]           La CISR a décidé que la preuve du demandeur sur sa persécution n’était pas crédible et par conséquent, la conclusion de la CISR était raisonnable :

a)      le demandeur n’a pas présenté de preuve documentaire lors de l’audience pour étayer ses allégations;

b)      le demandeur n’a pas présenté de preuve qu’il avait signalé des incidents à la police ou à toute autre autorité;

c)      la CISR a conclu que le demandeur a attendu trois semaines après son arrivée au Canada pour demander l’asile;

(Décision de la CISR du 15 décembre 2006 à la page 6).

 

[46]           La Cour a décidé que lorsque la CISR juge que le récit d’un demandeur n’est pas crédible, ce récit ne peut pas servir de base à une allégation de préjudice irréparable dans le cadre d’une demande de sursis; voir Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2003 CF 931, 124 A.C.W.S. (3d) 1119, au paragraphe 8; Iwekaogwo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 782, 157 A.C.W.S. (3d) 392, au paragraphe 17.

 

[47]           Le risque du demandeur a déjà été évalué de nombreuses fois et chaque fois, il a été conclu que le demandeur ne serait pas exposé à un risque dans son pays d’origine. Ce prétendu risque, qui a déjà été raisonnablement évalué, ne répond pas au critère de préjudice irréparable; voir Golubyev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 394, 156 A.C.W.S. (3d) 1147, au paragraphe 13; Manohararaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 376, 147 A.C.W.S. (3d) 600.

 

[48]           En ce qui concerne les documents de la pièce A4 du dossier de requête en sursis du demandeur, il n’est pas certain si documents ont été présentés à l’agent d’ERAR. Quoi qu’il en soit, ces documents ne donnent pas de nouveaux renseignements établissant un danger ou un risque auquel le demandeur serait exposé.

 

[49]           Le demandeur n’a pas démontré l’existence d’un préjudice irréparable. Le demandeur dont la demande a été rejetée par la CISR a la charge de prouver que la situation du pays ou sa situation personnelle a changé depuis. Le demandeur n’a pas satisfait au critère pour ce qui est de la demande d’ERAR et, maintenant, il ne satisfait pas au critère de préjudice irréparable; voir Cupid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 176, 155 A.C.W.S. (3d) 396, au paragraphe 4.

 

[50]           Le préjudice irréparable doit être examiné eu égard au pays dans lequel le ministre envisage de renvoyer la personne. Aucun préjudice irréparable n’existe en l’espèce, le demandeur est renvoyé aux Etats-Unis; Radji c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2007 CF 100, 308 F.T.R. 175, aux paragraphes 41 et 42.

 

[51]           Il n’existe aucune disposition légale prévoyant l’octroi d’un sursis dans l’attente du contrôle d’une décision d’ERAR. Cela révèle que le législateur voulait que les demandeurs d’ERAR déboutés puissent être renvoyés avant qu’il soit statué sur leur demande de contrôle judiciaire. Cela est cohérent avec l’obligation du ministre d’exécuter les mesures de renvoi dès que les circonstances le permettent (Règlement, aux articles 231 et 232; Golubyev, précité).

 

La prépondérance des inconvénients

[52]           Lorsqu’elle décide de la prépondérance des inconvénients, la Cour doit déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice si le sursis était accordé ou refusé; Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan (MTS) Ltd., précité.

 

[53]           Il en va de l’intérêt public d’exécuter les mesures de renvoi de façon efficace rapide et équitable et de soutenir les efforts de ceux qui sont responsables de le faire. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que les intérêts d’une personne surpassent l’intérêt public; Aquila, précité; Kerrutt, précité; Dugonitsch, précité.

 

[54]           La LIPR exige que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile exécute les mesures de renvoi dès que les circonstances le permettent (LIPR, au paragraphe 48(2)).

 

[55]           La conclusion selon laquelle la prépondérance des inconvénients est en faveur du ministre est une base suffisante sur laquelle la Cour peut se fonder pour rejeter une requête en sursis comme je l’ai fait remarquer dans l’aperçu; voir Singh c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 1033, 151 A.C.W.S. (3d) 898.

 

[56]           En l’espèce, la prépondérance des inconvénients favorise le ministre. Le demandeur est maintenant prêt pour son renvoi et le ministre a l’obligation légale de s’assurer que le renvoi du demandeur est appliqué dès que les circonstances le permettent (LIPR au paragraphe 48(2)).

 

VI.       Conclusion

[57]           Le demandeur a échoué à chacun des trois volets du critère tripartite. Par conséquent, la requête en sursis du renvoi du demandeur sera rejetée.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la requête présentée par le demandeur pour obtenir le sursis à son renvoi est rejetée.

 

 

Opinion incidente

La Cour fait remarquer qu’il devrait exister une coopération entre les deux gouvernements, celui du Canada et celui des États‑Unis, pour l’assistance médicale de M. Ellero, afin qu’on s’assure qu’il soit soigné de la manière la plus appropriée, en reconnaissance du besoin qui existe d’un examen médical et/ou d’un traitement durant le processus de renvoi et immédiatement après son retour aux États‑Unis. Le demandeur a déclaré lors de l’audience que les questions médicales pouvaient être réglées aux États‑Unis aussi efficacement qu’au Canada. Toutefois, le demandeur craint qu’il n’y ait une période de carence de quarante‑cinq jours aux États‑Unis avant qu’il soit admissible à des soins de santé, s’il était renvoyé aux États‑Unis. Selon la jurisprudence, les questions médicales doivent être prises en considération relativement aux mesures de renvoi, afin que la prise en compte du bien‑être physique du demandeur, y compris dans le processus de transfert, en cas de besoin, soit assurée. Il est fait mention du traitement que le demandeur apparemment reçoit contre l’hypertension artérielle en plus de tous les autres qui peuvent être évalués et pour lesquels des médicaments et des traitements pourraient être nécessaires; ainsi, il est nécessaire que tout problème médical qui pourrait être de nature sérieuse soit traité dans un tel cas.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A.Trad.jur.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                               IMM-4523-08

 

INTITULÉ :                                             MICHAEL ELLERO

                                                              c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                 ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                       Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                      Le 11 décembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                    Le juge Shore

 

DATE DES MOTIFS :                            Le 10 décembre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Ellero

 

POUR LE DEMANDEUR

Sharon Johnston

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Ellero

Ottawa (Ontario)

 

LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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