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Date : 20081017

Dossier : IMM-1199-08

Référence : 2008 CF 1176

Toronto (Ontario), le 17 octobre 2008

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

KABANGA TED KANDOLO

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Commission a rejeté la demande d’asile de M. Kandolo, concluant qu’il n’était pas un témoin crédible. Pour les motifs qui suivent, j’estime que la décision de la Commission est raisonnable et qu’il n’y a pas lieu de l’annuler.

 

Contexte

[2]               M. Kandolo, un citoyen de la République démocratique du Congo (la RDC) âgé de 22 ans, prétend être victime de persécution politique. Il est arrivé à Fort Erie, au Canada, le 30 mars 2006 en passant par les États-Unis. Dans l’exposé circonstancié produit à l’appui de sa demande, M. Kandolo soutient qu’il est un jeune militant de l’Union pour la démocratie et le progrès social (l’UDPS), et qu’il a été battu et arrêté à l’occasion d’une marche de protestation tenue le 8 juin 2005 à Lubumbashi pour contester l’annulation des élections nationales en RDC. Il prétend avoir été détenu et torturé au motif qu’il avait refusé de donner des renseignements, et soutient qu’il n’a été relâché conditionnellement après 30 jours de détention qu’à la suite de l’intervention de l’UDPS. On lui a enjoint de ne prendre part à aucun rassemblement ou manifestation.

 

[3]               Malgré les conditions de sa remise en liberté, il dit avoir été arrêté une deuxième fois le 10 mars 2006, à l’occasion d’un rassemblement organisé à Kinshasa pour contester l’interdiction, imposée par le gouvernement aux électeurs, de s’inscrire peu de temps avant les élections tenues à cette époque. La police militaire a mis fin brutalement au rassemblement, et M. Kandolo, ainsi que d’autres personnes, ont été arrêtés et emmenés à la prison de Bolowa. Il y a été reconnu comme un militant de Lubumbashi, et on l’a passé à tabac et détenu sans lui donner de nourriture pendant six jours. M. Kandolo et d’autres détenus sont parvenus à s’évader alors qu’ils se rendaient à un lieu de travail en ville.

 

[4]               Après son évasion, M. Kandolo dit avoir réussi à entrer en contact avec son pasteur, qui l’a hébergé et protégé de la police militaire. Le pasteur a été en mesure de lui fournir un faux passeport et un billet d’avion vers les États-Unis, et il lui a donné pour instructions de se rendre au Canada.

 

[5]               La SPR a rejeté la demande d’asile de M. Kandolo, concluant qu’on ne lui avait présenté aucun élément de preuve crédible confirmant le bien-fondé de cette demande. Elle a relevé les problèmes suivants à l’égard de la preuve de M. Kandolo :

 

  • Lorsqu’il est arrivé au Canada et qu’il a été interrogé par les agents d’immigration, M. Kandolo a dit qu’il était membre de l’UDPS, mais il n’a pas pu expliquer ce que signifiait l’acronyme UDPS. La SPR a accepté l’explication qu’il a donnée à l’audience, selon laquelle il avait mal compris les questions des agents d’immigration, mais elle a estimé que son ignorance initiale du sens de cet acronyme jetait un sérieux doute quant à la crédibilité de sa demande d’asile.

 

  • M. Kandolo n’a pas expliqué de façon satisfaisante plusieurs irrégularités dans la preuve concernant ses prétendues arrestations, ce qui jette un doute quant à savoir s’il a été bel et bien arrêté. M. Kandolo avait signalé au départ, lors de son entrée au Canada et dans son exposé circonstancié (qui avait déjà été modifié une fois avant l’audience avec l’aide de son conseil), une seule arrestation, mais il a parlé à l’audience d’une deuxième arrestation.

 

  • Pour ce qui est de sa première détention alléguée, M. Kandolo n’était pas en mesure de dire si les autres détenus étaient des prisonniers politiques ou des prisonniers de droit commun, et il ne se rappelait pas de la date exacte de sa mise en liberté. La SPR trouvait étrange qu’une personne passe un mois avec d’autres détenus sans connaître quoi que ce soit à leur sujet.

 

  • M. Kandolo a dit avoir reçu de 8 à 10 coups de fouet par jour pendant un mois pendant sa première période de détention, mais il a admis n’avoir aucune cicatrice. La seule explication que M. Kandolo a donnée à cet égard est que sa peau ne laissait pas paraître de cicatrices.

 

  • Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait participé à une marche de protestation moins d’un an après sa mise en liberté et risqué ainsi d’être arrêté de nouveau, M. Kandolo a pu seulement répondre que c’était par amour pour son pays. Il était en mesure de décrire la structure de l’UDPS, mais il s’est montré vague concernant ses propres activités au sein de celle-ci. M. Kandolo ne connaissait pas les grands événements politiques qui ont eu lieu à ce moment-là.

 

  • À l’audience, M. Kandolo a admis que des Congolais vivant à Hamilton (Ontario) avaient rédigé son exposé circonstancié. Comme il n’a pas divulgué cette information plus tôt, la SPR doutait que l’exposé circonstancié décrive réellement les événements qu’il a vécus.

 

  • M. Kandolo a dit que sa carte de membre de l’UDPS lui avait été confisquée au moment de sa deuxième arrestation, mais il ne pouvait pas expliquer pour quelle raison il aurait eu en sa possession cette carte à une marche de protestation, vu la preuve objective montrant que les autorités prenaient pour cible les membres de l’UDPS. La SPR n’a pas cru son explication qu’il devait prouver son appartenance à l’UDPS pour participer à la marche.

 

  • Une lettre produite en preuve, émanant prétendument de l’UDPS, ne fait aucunement mention de la première arrestation, survenue en 2005, mais M. Kandolo a déclaré que l’UDPS l’avait aidé à obtenir sa mise en liberté. De plus, d’après la SPR, l’en-tête de la lettre paraissait avoir été peint à la main.

 

Questions en litige

 

[6]               M. Kandolo a soulevé plusieurs questions dans son mémoire. Se fondant en majeure partie sur Ullah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1918, il soutient que la SPR a commis une erreur en lui imposant [traduction] « une norme trop élevée quant à sa connaissance de la vie politique ». En outre, on soutient que les conclusions d’invraisemblance de la SPR sont [traduction] « manifestement déraisonnables » et fondées uniquement sur des suppositions, faisant remarquer que, dans Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776, la Cour a déclaré qu’il ne faut conclure à l’invraisemblance que dans les cas les plus évidents. Enfin, il est fait valoir que, quand la SPR a relevé une contradiction entre le témoignage de vive voix et le témoignage écrit donnés par M. Kandolo relativement à son évasion, on aurait dû le mettre en présence de cette contradiction, pour lui permettre de s’expliquer à cet égard.

 

[7]               Selon le défendeur, la SPR pouvait raisonnablement tirer, à la lumière du dossier, les conclusions auxquelles elle est arrivée concernant la crédibilité et la vraisemblance de la preuve, compte tenu notamment du manque de connaissance de M. Kandolo sur les détails de sa propre demande, ainsi que de son omission de faire état au point d’entrée d’événements importants. Quant à la prétendue obligation de porter à son attention la contradiction dans son témoignage concernant son évasion, le défendeur soutient que ce point particulier ne revêt aucune importance pour la décision elle-même, étant donné les doutes exprimés au sujet de la crédibilité. Et, citant Ayodele c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 1833, une décision où la Cour a statué que les contradictions présentes dans le témoignage du demandeur auraient été apparentes à la fois aux yeux du conseil du demandeur et à ceux de la Commission, le défendeur nie qu’une quelconque « obligation de mise en présence » incombait à la SPR.

 

Analyse

[8]               À mon avis, en prétendant que la SPR lui a imposé une norme trop élevée quant à sa connaissance de la vie politique, M. Kandolo se méprend sur le fondement des conclusions défavorables de la SPR en matière de crédibilité. Premièrement, il ressort clairement du dossier certifié que le manque de connaissance de la vie politique ne posait pas problème en soi, que ce soit à l’audience ou dans la décision. Les doutes de la SPR concernaient plutôt une absence de connaissances de base à propos des motifs de persécution invoqués par M. Kandolo. Celui-ci a pu décrire la structure de l’UDPS, mais la SPR a qualifié de « vague » son témoignage sur ses propres activités au sein de l’UDPS, exception faite de sa participation à un rassemblement. Après avoir examiné le dossier certifié, j’estime que la Commission a bien décrit les connaissances de M. Kandolo. Selon moi, la SPR pouvait à juste titre conclure qu’il est peu probable qu’une personne se présentant comme un militant politique ne soit pas en mesure d’exposer les croyances ou opinions politiques élémentaires du parti qu’il prétend appuyer.

 

[9]               Même si l’on applique la norme stricte énoncée dans Valtchev – à savoir qu’il faut conclure à l’invraisemblance seulement dans les cas les plus évidentsla décision de la SPR est fondée. La SPR n’a pas jugé intrinsèquement implausible le récit de M. Kandolo; elle a plutôt conclu que les différentes incohérences et omissions dans son témoignage étaient suffisamment graves et nombreuses pour miner sa crédibilité dans l’ensemble. Il était raisonnablement loisible à la SPR de tirer cette conclusion compte tenu de la preuve qui lui avait été présentée. Par exemple, la prétention qu’il a été fouetté tous les jours pendant une longue période n’est pas plausible. En outre, quoique possible, le fait d’avoir survécu à ce traitement sans montrer de cicatrices est à la limite de l’incrédulité. Dans la même veine, le récit de son évasion de prison est plausible, mais son témoignage sur la manière dont il s’est échappé a changé et est devenu beaucoup plus détaillé au fil du temps. Cela aussi permet de remettre sérieusement en question la crédibilité du demandeur. Bref, je ne vois rien de déraisonnable dans la décision qui justifierait l’intervention de la Cour.

 

[10]           Finalement, pour ce qui est de la prétendue obligation de mettre M. Kandolo en présence des contradictions entre son témoignage de vive voix et son témoignage écrit relatifs à son évasion, je suis d’accord avec le défendeur que la décision Ayodele est instructive à cet égard. Lorsque le témoignage du demandeur contient des contradictions évidentes et nombreuses, l’omission par la Commission de toutes les relever explicitement ne saurait justifier l’accueil de la demande de contrôle judiciaire, surtout dans le cas d’un demandeur représenté par un conseil tout au long de la procédure.

 

[11]           Pour tous les motifs énoncés ci-dessus, la présente demande est rejetée.

 

[12]           Ni l’un ni l’autre des avocats n’a proposé de question à certifier. À la lumière des faits se rapportant à la présente demande, aucune question n’est certifiée.

 


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.         la demande est rejetée;

2.         aucune question n’est certifiée.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1199-08

 

INTITULÉ :                                       KABANGA TED KANDOLO

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Zinn

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 17 octobre 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert Gertler

POUR LE DEMANDEUR

 

Jamie Todd

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert Gertler

Gertler and Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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