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Date : 20080801

Dossier : IMM-5054-07

 

Référence : 2008 CF 907

Ottawa (Ontario), le 1er août 2008

En présence de monsieur le juge Maurice E. Lagacé

 

 

ENTRE :

MOHAMMED REZA SEPID

(Alias MOHAMMED SEPID REZA)

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire déposée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.R.C. 2001, ch. 27 (la Loi), contre une décision d’un agent d’immigration (l’agent) qui a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur au motif qu’il était interdit de territoire en application du paragraphe 34(1) de la Loi.

 

 

I.              Les faits

 

[2]               Le demandeur est un Iranien qui est entré au Canada le 28 juillet 1994; il a déposé une demande d’asile fondée sur ses opinions politiques et sur son « appartenance à un groupe social ». Dans son entrevue au point d’entrée et dans sa demande d’asile, le demandeur a mentionné qu’il courait des risques en raison de son soutien à l’organisation appelée Mujahedeen‑e‑Khalq (la MEK) en Iran; cette organisation figure sur la liste des entités terroristes établie par le gouvernement du Canada. Le demandeur a aussi déposé une demande de résidence permanente.

 

[3]               Le 7 mai 2002, on a avisé le demandeur de se présenter à une entrevue d’interdiction de territoire pour répondre à la question portant sur le fait d’avoir été membre d’une organisation terroriste, relativement à la possibilité qu’il soit interdit de territoire en application de l’article 34 de la Loi. Lors de l’entrevue, le demandeur a déclaré qu’il n’était pas un membre, mais seulement un [traduction] « partisan » de la MEK, tout en reconnaissant qu’il avait apporté son soutien financier de même que ses services en communication et en distribution d’éléments de propagande pour la MEK.

 

[4]               Ultérieurement, le demandeur a présenté une demande en vue d’obtenir l’exception ministérielle prévue au paragraphe 34(2) de la Loi. Sa demande fut rejetée par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre) le 11 octobre 2007 et, par une décision du 13 novembre 2007, l’agent a rejeté la demande de résidence permanente au motif que le demandeur était interdit de territoire au Canada en application de l’article 34 de la Loi.

 

[5]               Le demandeur a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire des décisions à la fois du ministre et de l’agent. La demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision du ministre fut rejetée le 27 mai 2008; la seule question qui reste donc à la Cour de trancher est limitée au rejet de la demande de résidence permanente du demandeur par l’agent; ce rejet est fondé sur l’interdiction de territoire au Canada conformément au paragraphe 34(1) de la Loi.

 

 

II. La décision contestée

[6]               Dans sa décision, l’agent a examiné les questions de savoir si le demandeur était un membre de la MEK et si cette organisation avait des activités terroristes.

 

[7]               L’agent a examiné les éléments de preuve pour évaluer si oui ou non le demandeur était un membre de la MEK; ces éléments comprenaient : l’entrevue du demandeur au point d’entrée consignée dans les notes de l’agent au point d’entrée (les notes au point d’entrée), le formulaire de renseignements personnels du demandeur (FRP) et l’entrevue d’interdiction de territoire.

 

[8]               Les notes au point d’entrée ont révélé à l’agent qu’à son arrivée au Canada, le demandeur avait reconnu être un membre de la MEK depuis 1991. En outre, ces notes ont aussi révélé que les activités du demandeur au sein de la MEK consistaient à recevoir, reproduire et distribuer des cassettes vidéo, lesquelles encourageaient les gens à s’allier à la MEK.

 

[9]               L’agent a aussi pris note des parties pertinentes du FRP du demandeur pour conclure que sa demande d’asile était entièrement fondée sur ses opinions politiques et sur son appartenance à un groupe social connu comme étant la MEK.

 

[10]           De plus, en ce qui concerne l’entrevue d’interdiction de territoire, l’agent a noté que le demandeur avait reconnu, pendant l’entrevue, que ses activités au sein de la MEK consistaient à enregistrer des cassettes vidéo et à photocopier des tracts contenant des renseignements sur le programme politique et les objectifs de la MEK et à les distribuer. Cependant, l’agent a aussi retenu que le demandeur avait offert des contributions financières à la MEK et qu’il s’était engagé envers cette organisation à aller en Iraq pour être plus au fait des objectifs et de la politique de la MEK. L’agent a admis que le demandeur avait nié être un membre de la MEK, mais l’agent n’a pas été convaincu par cette déclaration.

 

[11]           Enfin, l’agent a conclu qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que le demandeur était [traduction] « un membre de la MEK en raison des faits suivants : il appartenait à l’organisation, il avait fait partie de la MEK de son plein gré de 1989 à 1994, il rendait publics la politique et les objectifs de l’organisation, […] il apportait sa contribution en temps et en argent ». Et puisque le statut de la MEK comme organisation terroriste n’était pas contesté, et à la lumière du refus de l’exception ministérielle à l’interdiction de territoire, l’agent a conclu que le demandeur était interdit de territoire conformément à l’alinéa 34(1)f) de la Loi, et il a rejeté sa demande de résidence permanente.

 

 

III. Les questions en litige

[12]           La présente demande soulève les questions suivantes :

a.       l’agent a‑t‑il commis une erreur lorsqu’il a interprété le terme « membre » de l’alinéa 34(1)f)?

b.      l’agent a‑t‑il commis une erreur de fait lorsqu’il a conclu que le demandeur était un membre de la MEK?

 

IV. La norme de contrôle

 

[13]           La norme de contrôle appropriée est la raisonnabilité; voir l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9. La question de l’appartenance est une conclusion de fait et ainsi, le demandeur est soumis à l’exigence de démontrer que cette conclusion a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont lagent disposait. La même norme de contrôle s’applique à l’interprétation donnée par l’agent au terme « membre » soulevée dans la première question; voir à ce sujet la décision Poshteh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. nº 381.

 

 

V. Analyse

a.      L’agent a‑t‑il commis une erreur lorsqu’il a interprété le terme « membre » de l’alinéa 34(1)f)?

 

[14]           Dans la présente affaire, l’agent a adopté une interprétation large du terme « membre » et il a examiné les facteurs pouvant mener à la conclusion de l’appartenance, tels que la durée de l’engagement au sein de l’organisation, la nature des obligations et des responsabilités du demandeur dans l’organisation et l’étendue de l’engagement du demandeur. L’interprétation donnée par l’agent au terme « membre » est parfaitement conforme à la jurisprudence et est donc raisonnable; voir l’arrêt Poshteh c. Canada (M.C.I.), 2005 CAF 85. La Cour ne trouve aucune raison d’intervenir dans la décision de l’agent à cet égard.

 

b. L’agent a‑t‑il commis une erreur de fait lorsqu’il a conclu que le demandeur était un membre de la MEK?

 

[15]           Le demandeur semble manifestement mécontent que l’agent n’ait pas admis son affirmation selon laquelle il était seulement un [traduction] « partisan de la MEK » et non pas un membre. La question est donc de savoir s’il y avait suffisamment de faits sur lesquels l’agent était raisonnablement en mesure de conclure qu’ils étaient la preuve que le demandeur était un membre plutôt qu’un simple [traduction] « partisan ».

 

[16]           L’agent a admis les propres éléments de preuve que le demandeur avait fournis sur son appartenance, au point d’entrée, et aussi les propres éléments de preuve du demandeur sur ses activités de soutien à la MEK.

 

[17]           Puisqu’il n’est pas contesté que la MEK est une organisation terroriste, il s’ensuit que la seule voie par laquelle le demandeur peut éviter l’interdiction de territoire édictée à l’article 34 de la Loi est de déclarer qu’il n’est pas un membre de cette organisation. Le simple fait de qualifier son engagement comme étant celui d’un  [traduction] « partisan » ou de tout autre terme que celui de « membre » n’empêche pas en soi l’application de l’article 34.

 

[18]           Dans la présente affaire, la demande d’asile du demandeur était fondée sur ses opinions politiques et sur son « appartenance à un groupe social » : la MEK, inscrite et reconnue comme organisation terroriste. Le demandeur a apporté son soutien financier et matériel à cette organisation pendant plusieurs années. La transcription de son entrevue au point d’entrée contient sa propre déclaration selon laquelle il était un membre de la MEK. Aussi, les parties pertinentes de son FRP résument ses activités au sein de la MEK en appui à sa demande de protection fondée sur son appartenance à ce groupe social particulier. Malgré la dénégation du demandeur, l’agent avait des éléments de preuve plus que suffisants pour conclure que le demandeur avait reconnu son appartenance dans le passé, et que les activités qu’il avait reconnu avoir montraient qu’il était plus qu’un simple [traduction] « partisan » comme il l’avait affirmé plus tard. Les éléments de preuve fournissent suffisamment de « motifs raisonnables » pour que l’agent soit convaincu, enfin, que le demandeur était de fait un membre de la MEK.

 

[19]           Le fait que l’agent n’a pas admis la qualification intéressée que le demandeur a faite de son engagement ne constitue pas une erreur de droit susceptible de contrôle. Dans son entrevue au point d’entrée et dans sa demande d’asile, le demandeur déclare clairement qu’il courait des risques en raison de son engagement au sein de la MEK en Iran. Après avoir examiné au complet les motifs de l’agent, la Cour conclut que l’agent a parfaitement compris l’importance et l’étendue de l’engagement du demandeur au sein de la MEK, comment cet engagement a commencé et aussi comment cet engagement a pris de l’envergure par la suite lors d’activités de plus en plus soutenues. On ne peut pas dire que l’agent n’a pas bien saisi le fait que le demandeur ait contesté l’exactitude des notes au point d’entrée relativement à son appartenance à la MEK.

 

[20]           En outre, comme je l’ai déclaré auparavant, les motifs de l’agent doivent être interprétés comme un tout, non pas comme le demandeur aimerait qu’ils le soient, mais eu égard à la façon dont le décideur a soupesé les éléments de preuve dont il disposait. Étant donné la conclusion tirée ci-dessus selon laquelle l’agent a mené une évaluation pleine et entière des faits, la Cour doit maintenant examiner la raisonnabilité de l’ensemble de la conclusion sur l’appartenance. Comme il a été déclaré dans l’arrêt Poshteh, précité, au paragraphe 36, « Dans un cas donné, il sera toujours possible de dire que même si plusieurs facteurs permettent de conclure qu'il y avait appartenance, d'autres autorisent une conclusion contraire. Ce sont là des aspects qu'il appartient à la Section de l'immigration, de par sa spécialisation, d'apprécier. » Il y avait des éléments de preuve très solides dans le dossier sur lesquels l’agent pouvait raisonnablement conclure que le demandeur était un membre de la MEK. La Cour ne trouve aucun motif d’intervenir dans la conclusion de l’agent sur cette question.

 

[21]           Après avoir examiné la décision contestée dans le contexte de l’ensemble du dossier, et la décision dans son ensemble, la Cour conclut que l’évaluation de l’agent entre complètement dans le domaine des issues possibles acceptables pouvant très bien se justifier au regard des faits et du droit. La Cour en conclut donc que la décision est non seulement raisonnable, mais qu’elle est aussi étayée par les affirmations du demandeur dans les notes de son entrevue au point d’entrée, dans son FRP et lors de l’entrevue d’interdiction de territoire.

 

[22]           Le demandeur n’est pas parvenu à démontrer que la décision contestée contenait une erreur qui justifierait l’intervention de la Cour. La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée. De plus, la Cour est d’accord avec les parties que la présente affaire ne soulève aucune question d’intérêt général à certifier; aucune question ne sera donc certifiée.

 

 

 


 

JUGEMENT

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS CI‑DESSUS, LA COUR rejette la demande.

 

 

« Maurice E. Lagacé »

Juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A.Trad.jur.

 

 

 


 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                               IMM-5054-07

 

INTITULÉ :                                              MOHAMMED REZA SEPID (alias MOHAMMED

                                                                   SEPID REZA) c. LE MINISTRE DE LA

                                                                   CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                        Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                      Le 15 juillet 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                     Le juge suppléant Lagacé

 

DATE DES MOTIFS :                             Le 1er août 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lorne Waldman

 

POUR LE DEMANDEUR

Rhonda Marquis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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