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Date : 20080521

Dossier : IMM‑4834‑07

Référence : 2008 CF 631

Ottawa (Ontario), le 21 mai 2008

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

Entre :

CONSTANTINE CHOTO

demandeur

et

 

le ministre de la citoyenneté

et de l’immigration

défendeur

 

motifs du jugement et jugement

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Le demandeur, un citoyen du Zimbabwe, a présenté une demande d’asile fondée sur des opinions politiques imputées et le risque pour les rapatriés de l’étranger. La demande a été rejetée et il s’agit du contrôle judiciaire du rejet de cette demande d’asile.

 

II.         LE contexte

[2]               Le demandeur a allégué que sa famille était persécutée par la ZANU‑PF depuis 1983, lorsque son grand‑père (un agent de la police coloniale) a été tué parce qu’il aurait été un dissident anti‑Mugabe. Son oncle (un journaliste au franc parler) a été arrêté, détenu et torturé en 1999. Il a par la suite quitté le pays et demandé l’asile aux États‑Unis. (Une des sœurs du demandeur a également réussi à demander l’asile aux États‑Unis en 2007, alors qu’une autre se serait enfuie au Botswana.)

 

[3]               Le demandeur a déclaré qu’il avait échappé de peu à une attaque de la milice de jeunes de la ZANU‑PF contre son école en décembre 1999. Il a également allégué qu’un groupe de jeunes de la ZANU‑PF s’est présenté au foyer familial en mars 2005 et a proféré des menaces contre les membres de la famille parce qu’ils n’étaient pas inscrits comme membres du parti de la ZANU‑PF et qu’ainsi on croyait qu’ils appuyaient l’opposition.

 

[4]               En mai 2005, le gouvernement a rasé un quartier complet. Parmi les foyers détruits, selon les allégations du demandeur, se trouvait celui de sa famille, ce qui a entraîné la dispersion de ses membres.

 

[5]               En 2001, le demandeur s’est rendu aux États‑Unis à l’Université de South Maine pour étudier la biologie et la chimie, grâce à une bourse d’excellence.

 

[6]               Le 27 mai 2006, il a été arrêté à Minneapolis parce qu’il était soupçonné d’utiliser une carte de crédit volée (à l’audience, il a témoigné qu’il partageait la carte avec son cousin qui serait maintenant au Royaume‑Uni). Il était apparemment peu coopératif avec les policiers et a été arrêté et accusé d’entrave (pendant l’altercation, les policiers ont utilisé du « mace » pour le maîtriser).

 

[7]               Selon son ancien avocat aux États‑Unis, il s’est fait offrir un plaidoyer négocié, qu’il a refusé.

 

[8]               Un procès avec jury (il n’est pas clair si celui‑ci portait uniquement sur l’accusation d’entrave) était prévu pour le 29 août 2006, mais le demandeur ne s’est pas présenté au tribunal et un mandat d’arrêt demeure en vigueur.

 

[9]               Le demandeur est arrivé au Canada le 29 juin 2006 et a présenté sa demande d’asile à la frontière, où il a été interviewé par un agent de l’ASFC, qui lui a posé des questions à propos des accusations criminelles aux États‑Unis (qui ont été décrites comme des accusations de faux et de voies de fait).

 

[10]           Le demandeur a déclaré que l’accusation de voies de fait avait été modifiée en une accusation d’entrave et que l’accusation de faux avait été abandonnée. Cette déclaration a eu lieu après que l’agent eut examiné le formulaire de demande d’asile avec le demandeur, qui avait répondu « non » à la question de savoir s’il avait déjà été arrêté ou détenu par la police dans quelque pays que ce soit.

 

[11]           La Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté la demande d’asile du demandeur en raison de son omission de témoigner de façon franche, de l’absence de preuve crédible concernant les allégations de persécution et de l’absence d’un fondement objectif de craindre de retourner au Zimbabwe.

 

[12]           La SPR a examiné la preuve et le témoignage à l’égard des accusations criminelles aux États‑Unis et a conclu que le demandeur a tenté de présenter la situation de façon trompeuse aux responsables de l’immigration canadienne, ce qui a suscité des doutes dans l’esprit de la SPR à propos du mobile pour lequel le demandeur cherchait à être protégé au Canada.

 

[13]           Quant aux autres aspects de la demande d’asile du demandeur, la SPR a conclu qu’il n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve crédibles ou dignes de foi pour étayer sa demande. À titre d’exemple, le demandeur s’est appuyé sur la demande d’asile de sa sœur qui a été accueillie, mais n’a présenté aucun dossier pour étayer sa pertinence, plus particulièrement parce qu’il y avait un aspect d’agression sexuelle dans le cas de sa sœur. En outre, l’allégation du demandeur selon laquelle il avait été attaqué en 1999 par la milice de jeunes de la ZANU‑PF n’était pas crédible parce que la milice n’existait pas avant 2001. La SPR avait de bonnes raisons pour ne pas accepter tous les faits concernant sa crainte subjective d’être persécuté.

 

[14]           En ce qui a trait à sa crainte en tant que Zimbabwéen rapatrié, la SPR a conclu que puisque le demandeur avait avoué que ni lui ni sa famille ne faisaient de la politique ni n’appuyaient l’opposition ou le MDC, le demandeur n’attirerait pas l’attention des autorités ni ne serait exposé à une possibilité sérieuse d’être persécuté.

 

[15]           En ce qui a trait à l’allégation de la possibilité d’être détenu ou interrogé pour avoir été « déloyal », la SPR a conclu qu’il pouvait justifier son absence du Zimbabwe par ses études aux États‑Unis.

 

III.       ANALYSE

[16]           Compte tenu de la précision sur la norme de contrôle exprimée dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la norme applicable en l’espèce est la norme de la raisonnabilité, notamment puisque les conclusions dans cette affaire sont fondées sur la crédibilité. La décision en l’espèce, reposant en partie sur l’observation, la cohérence et la preuve documentaire (ou l’absence de celle‑ci), mérite une certaine retenue tant qu’il existe un lien approprié et raisonnable avec les conclusions de fait qui la sous‑tendent.

 

[17]           Compte tenu des problèmes que pose le témoignage du demandeur, la conclusion de la SPR quant à la crédibilité ne devrait pas être touchée. La SPR a réalisé une analyse approfondie du témoignage du demandeur et a fourni des motifs solides expliquant pourquoi il était insatisfaisant.

 

[18]           En ce qui concerne les conclusions de la SPR à propos de la crainte objective, c’est‑à‑dire celle à laquelle feraient face tous les rapatriés dans la même situation que celle du demandeur, je conclus premièrement que la SPR a bel et bien effectué une analyse fondée sur l’article 97. À l’instar de mon jugement dans Balakumar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 20, la façon dont une analyse fondée sur l’article 97 est effectuée n’est pas très importante. Il importe cependant qu’elle soit effectuée et qu’elle paraisse l’avoir été de manière satisfaisante. La SPR a examiné les questions liées à l’article 97 dans le cas du demandeur.

 

[19]           La preuve du risque pour les rapatriés se trouve dans le rapport de 2007 sur le Zimbabwe du Home Office du Royaume‑Uni et concerne les Zimbabwéens rejetés par le Royaume‑Uni avec qui le gouvernement Mugabe a eu une relation « tendue », en fait, une relation ouvertement hostile de la part de M. Mugabe.

 

[20]           Le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve selon lequel les rapatriés des États‑Unis ou du Canada, à titre de rapatriés, étaient traités de la même façon. Ajoutons à cela la nature non politique du demandeur et de sa famille, et la décision de la SPR est raisonnable en ce qu’elle appartient à une gamme de conclusions raisonnables.

 

[21]           Enfin, la Cour a examiné la décision dans son ensemble et, même en tenant compte de la conclusion plutôt douteuse selon laquelle le demandeur pourrait ne pas être tout à fait franc à propos de la raison de son absence (études aux États‑Unis seulement), la décision est raisonnable et ne doit pas être infirmée.

 

IV.       CONCLUSION

[22]           Par conséquent, le présent contrôle judiciaire sera rejeté. Je suis d’accord avec les avocats qu’il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT

La cour statue que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


Cour fédérale

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

 

Dossier :                                        IMM‑4834‑07

 

Intitulé :                                       CONSTANTINE CHOTO

 

                                                            et

 

                                                            le ministre de la citoyenneté

                                                            et de l’immigration

 

 

 

Lieu de l’audience :                 Toronto (Ontario)

 

DATE de l’audience :               le 7 mai 2008

 

Motifs du jugement

Et jugement :                              le juge Phelan

 

DATE des motifs :                      le 21 mai 2008

 

 

 

Comparutions :

 

Raoul Boulakia

 

Pour le demandeur

Bernard Assan

 

Pour le défendeur

 

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Raoul Boulakia

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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