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Date : 20080214

Dossier : IMM-553-07

Référence : 2008 CF 191

Ottawa (Ontario), le 14 février 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

ELENA MARYLENE BOTEZATU

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               La demande d’asile de la demanderesse a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés (la SPR), qui a conclu qu’il n’y avait aucun fondement objectif à sa crainte qu’elle ne ferait pas l’objet d’un procès équitable en Roumanie, que le traitement qu’elle subirait en prison serait cruel et justifiait qu’elle soit protégée, et qu’elle ferait l’objet de représailles par son ancien employeur. La demanderesse conteste le critère juridique utilisé et le caractère raisonnable des conclusions tirées.

 

II.         CONTEXTE

[2]               Mme Botezatu, alors âgée de 61 ans, est une citoyenne roumaine. Elle a été partie à un scandale politique et juridique portant sur la vente de produits pétroliers et la vérification fiscale liée au prix de vente de ces produits.

 

[3]               Peu de temps après que la demanderesse eut quitté la Roumanie en avril 2002 afin de rendre visite à un ami aux États-Unis, les autorités roumaines lui ont délivré des assignations à comparaître et elle a été accusée [traduction] « [d’]abus de fonctions » et [traduction] « [d’]incitation à la falsification de documents ». Un mandat [traduction] « d’arrêt préventif » a aussi été délivré contre elle. La demanderesse a affirmé qu’elle avait été mise au courant de ces mesures légales pour la première fois en juillet 2002, lorsqu’elle était venue au Canada pour visiter un autre ami.

 

[4]               Depuis ce temps, la demanderesse conteste les procédures judiciaires roumaines à partir de l’étranger. Elle a présenté une demande d’asile au Canada en juin 2003, environ un an après avoir pris connaissance de ces procédures.

 

 

 

 

III.       ANALYSE

[5]               Les normes de contrôle applicables en l’espèce sont claires (voir les décisions Chaves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 193, et Resulaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 269). La norme de contrôle applicable au critère juridique est la décision correcte. Pour ce qui est des conclusions de fait, pour les besoins de la présente affaire, je vais appliquer la norme de la décision manifestement déraisonnable. Je le fais en gardant à l’esprit la mise en garde du juge Major dans l’arrêt Voice Construction Ltd. c. Construction & General Workers’ Union, Local 92, [2004] 1 R.C.S. 609, selon laquelle la norme de la décision manifestement déraisonnable ne doit être appliquée que rarement.

 

[6]               La demanderesse a tenté de formuler un argument voulant que, bien qu’elle ait énoncé le critère comme étant celui « d’une possibilité sérieuse de préjudice », la SPR ait confondu le critère avec celui de la « prépondérance des probabilités » dans tout le reste des motifs.

 

[7]               Ayant lu attentivement les motifs, je ne peux trouver une telle erreur. La SPR a simplement observé que le fardeau de prouver une « possibilité sérieuse » doit être établi selon la prépondérance des probabilités. Cet énoncé du droit est correct, bien que quelque peu maladroit.

 

[8]               Je considère plus troublant l’examen qu’a fait la SPR des conditions carcérales en Roumanie et sa conclusion selon laquelle la demanderesse ne serait pas exposée à la torture. En tant que juge des faits, la SPR a droit à une grande retenue à l’égard de ses constatations. En l’espèce, les rapports du Département d’État des États-Unis indiquent que les conditions carcérales ne répondent pas aux normes internationales. Le fait que la Roumanie était en train de se joindre à l’Union européenne, sous réserve de certaines conditions de réforme, pouvait être pertinent, mais ne l’a pas été jugé ainsi. Les conclusions de la SPR quant aux conditions matérielles et opérationnelles des prisons ne sont peut‑être pas manifestement déraisonnables en soi (quoiqu’elles ne résistent pas à un examen poussé), mais comme elles étaient liées à la possibilité de torture en prison, elles sont manifestement déraisonnables.

 

[9]               Pour ce qui est de la question de savoir si la demanderesse était exposée à une possibilité sérieuse de préjudice, la SPR n’a pas suffisamment tenu compte du fait que le coaccusé de la demanderesse dans le scandale avait été torturé, et n’a pas expliqué pourquoi le traitement d’une personne qui se trouve dans une situation semblable n’était pas un indice solide du risque auquel serait exposée la demanderesse.

 

[10]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la SPR est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour qu’il statue à nouveau sur celle-ci.

 

[11]           Pour ces motifs, la Cour est d’avis qu’aucune question de portée générale n’est soulevée. Aucune question ne sera certifiée.

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, que la décision de la SPR est annulée et que l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour qu’il statue à nouveau sur celle-ci.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Isabelle D’Souza, LL.B., M.A.Trad. jur.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-553-07

 

INTITULÉ :                                                               ELENA MARYLENE BOTEZATU

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                    ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 11 DÉCEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 14 FÉVRIER 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Barbara Jackman

 

       POUR LA DEMANDERESSE

Alexis Singer

 

              POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

     POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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