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Date : 20080124

Dossier : IMM-3449-07

Référence : 2008 CF 98

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 24 janvier 2008

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE JOHANNE GAUTHIER

 

 

ENTRE :

ROGELIO RODRIGUEZ CAPITAINE

NANCY PATRICIA PRATT NAJERA

FERNANDA ANDREA LORIA PRATT

SARA XIMENA RODRIGUEZ PRATT

 

demandeurs

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Rogelio Rodriguez Capitaine, son épouse, Nancy Patricia Pratt Najera, et leurs deux filles mineures, Fernanda and Sara, sont des ressortissants mexicains. Ils sollicitent le contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR), laquelle a rejeté leur demande présentée en vertu de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), parce que les demandeurs adultes « avaient l’obligation de demander la protection de l’État, et [elle a conclu] qu’il n’était pas objectivement raisonnable de leur part de ne pas avoir tenté de se prévaloir de cette protection, aussi bien pour eux que pour leurs enfants, et de ne pas s’être adressés aux autorités pour dénoncer les criminels qui menaçaient de les enlever et/ou de les tuer, surtout pour aider un autre criminel notoire, Martin Aguilar, à se venger ».

 

[2]               La crédibilité des demandeurs adultes n’est pas contestée en l’espèce. La SPR a expressément conclu que leur témoignage était crédible et digne de foi. Elle a convenu que M. Capitaine, un médecin, avait été l’objet de harcèlement, de menaces et d’un enlèvement orchestrés par le père d’un nouveau‑né qui était décédé après que M. Capitaine lui eut administré deux vaccins de routine dans une clinique rurale.

 

[3]               La SPR a également reconnu que les demandeurs avaient sérieusement tenté de trouver une possibilité de refuge intérieur lors de déménagements dans trois États distincts du Mexique, à savoir Durango, Veracruz et le Yucatan.

 

[4]               Les demandeurs ont admis d’emblée dans leurs Formulaires de renseignements personnels (les FRP) qu’ils n’avaient pas sollicité la protection de la police mexicaine, parce qu’ils croyaient tous les deux que cela ne leur assurerait aucune protection. Ils ont fourni diverses explications dans leurs FRP et lors de l’audience pour justifier leur position. Ils ont aussi invoqué de la preuve documentaire qui, selon eux, établit objectivement que leur croyance était bien fondée. Premièrement, en se basant sur l’apparence physique de ses ravisseurs, M. Capitaine avait le sentiment que des policiers ou d’anciens policiers avaient directement participé à son enlèvement. La preuve documentaire invoquée par les demandeurs donne à penser que, au Mexique, 70 p. 100 des enlèvements impliquent des policiers ou d’anciens policiers. Deuxièmement, les demandeurs avaient, dans le passé, sollicité en vain l’aide de la police au sujet de différentes affaires. Par exemple, ils ont été volés à trois reprises en 2002. À une occasion, la police a refusé de venir à leur appartement à leur demande, apparemment parce qu’ils n’avaient pas de mandat pour entrer. Les demandeurs ont vu dans cette réponse quelque peu surprenante (ils étaient les plaignants) une preuve d’un total désintérêt. Troisièmement, le père de Mme Pratt Najera, un homme d’affaires, avait été enlevé à deux reprises et était décédé des suites d’une crise cardiaque alors qu’il était entre les mains de ses ravisseurs lors du deuxième incident. On avait apparemment sollicité l’aide de la police, mais en vain.

 

[5]               Les demandeurs ont également fourni des éléments de preuve pour établir que leur manque de confiance dans la capacité de la police à les protéger est lié à une tendance plus générale, c’est‑à‑dire, à l’incapacité de l’État à offrir sa protection. À cet égard, ils ont produit une preuve documentaire indiquant que la majorité de la population n’avait aucune confiance dans les institutions de l’État chargées de l’application des lois (la police et les tribunaux) et qu’on avait estimé que seulement un crime sur quatre ou cinq était déclaré. Des crimes déclarés, selon des experts en matière de réforme, moins de 5 p. 100 font réellement l’objet d’une enquête et moins de 2 p. 100 se rendent au procès.

 

[6]               Les demandeurs ont aussi mis en avant de la preuve documentaire, concernant des personnes se trouvant dans une situation similaire, à titre de preuve de l’incapacité de l’État à les protéger d’un autre enlèvement et de la violence de la part de leur persécuteur.

[7]               Enfin, comme la SPR avait mentionné qu’elle s’appuyait sur ce qu’elle prétendait être la « décision à caractère persuasif » rendue en février 2006 dans le dossier TA4-18833, les demandeurs allèguent qu’ils ont établi, au moyen d’une preuve documentaire plus récente, l’insuffisance des institutions mexicaines chargées de l’application des lois (police, procureurs et tribunaux) à l’heure actuelle. Selon les demandeurs, leur preuve réfute les conclusions relatives à la protection de l’État au Mexique qui ont été tirées dans la « décision à caractère persuasif », laquelle fait référence aux mesures adoptées sous le mandat de l’ancien président Fox pour s’attaquer et remédier à la corruption, au trafic de stupéfiants et au crime organisé. Par exemple, selon la preuve documentaire présentée par les demandeurs, le président de la Cour suprême du Mexique aurait dit, en novembre 2006, que [traduction] « le système pénal mexicain est en crise. L’insécurité de la population et la vague de violence que connaît le pays remettent en question l’efficacité du procureur général, ainsi que des tribunaux judiciaires et administratifs. […] Interrogé au sujet du taux d’impunité de 90 p. 100 en matière criminelle, le président de la Cour a affirmé que "l’impunité découle des enquêtes mal effectuées par la police et le procureur général, du retard dans l’audition des affaires, de la capacité des criminels à échapper aux poursuites et, évidemment, de la corruption qui sévit dans le pays". »

 

[8]               Avant d’examiner en détail la décision de la SPR, il est important de déterminer les points soulevés par les demandeurs. Premièrement, ils affirment que la SPR a appliqué le mauvais critère juridique, plus particulièrement qu’elle a érigé en condition juridique préalable le fait qu’un demandeur doive effectivement s’être adressé à l’État pour demander sa protection pour que la SPR puisse tirer une conclusion selon laquelle il ne peut s’en prévaloir, et ce, sans examiner d’abord la question de savoir s’il était raisonnable, en l’espèce, que les demandeurs ne l’aient pas fait.

 

[9]               Deuxièmement, les demandeurs font valoir que la SPR n’a pas procédé à une analyse adéquate de la preuve dont elle disposait (en particulier concernant leurs expériences personnelles avec la police et celles des personnes se trouvant dans une situation similaire), ou n’a pas suffisamment motivé sa conclusion selon laquelle il était déraisonnable, dans le présent cas, que les demandeurs ne se soient pas réclamés de la protection de l’État avant de quitter leur pays. Ils soutiennent également que, hormis le fait qu’ils rendent la décision déraisonnable, de tels défauts équivalent à un manquement à l’équité procédurale.

 

[10]           Il n’y a pas de litige quant à la norme de contrôle applicable à l’ensemble de ces questions. S’il y a eu effectivement une erreur de droit (le défendeur s’oppose à ce que l’erreur alléguée soit ainsi qualifiée), la norme est la décision correcte. Toutefois, la conclusion de la SPR concernant l’existence de la protection de l’État, y compris la question de savoir s’il était déraisonnable que les demandeurs ne s’en soient pas prévalus, est une question mixte de fait et de droit assujettie à la norme de la décision raisonnable simpliciter (Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, au paragraphe 38). Si l’insuffisance des motifs équivaut à un manquement à l’équité procédurale, la Cour interviendra sans qu’il soit nécessaire de procéder à une analyse pragmatique et fonctionnelle (Sketchley c. Canada (Procureur général), [2005] A.C.F. no 2056, aux paragraphes 53 à 55).

 

[11]           En gardant à l’esprit ces questions, la Cour va maintenant examiner la décision même.

 

[12]           Contrairement à bon nombre de ses décisions sur la protection de l’État, la SPR, en l’espèce, analyse à peine la preuve qui appuie réellement ses conclusions. Au lieu de cela, ayant adopté le critère général appliqué dans la décision à caractère persuasif susmentionnée (dont le bien‑fondé n’est pas en cause), elle déclare au paragraphe 22 :

J’ai également tenu compte du fait que, selon la preuve documentaire qui avait été présentée au tribunal dans le cadre de cette décision à caractère persuasif, le trafic de drogue et la criminalité sont des problèmes clés auxquels le gouvernement du Mexique a décidé de s’attaquer avec force. Il est par conséquent rationnel de présumer que si le demandeur d’asile avait fait des efforts raisonnables en vue d’obtenir une protection contre ces trafiquants de drogue en particulier, il aurait été protégé de manière adéquate.

 

[13]           La Cour doit maintenant ouvrir une parenthèse et analyser plus en détail ce que représentait la décision à caractère persuasif. Elle traitait d’un demandeur qui aurait été exposé au risque d’être persécuté (on a conclu qu’il n’était pas crédible) pour avoir aidé la police lors d’une descente dans une opération antidrogue. Le demandeur faisait valoir qu’il avait réfuté la présomption relative à la protection de l’État, parce qu’il avait réellement sollicité la protection d’un agent de police local, lequel avait refusé de le croire (le policier pouvait être corrompu, selon la décision). Afin d’appuyer sa conclusion selon laquelle le demandeur n’avait pas réfuté la présomption, la SPR s’est concentrée, comme elle devait effectivement le faire, sur la documentation la plus pertinente à l’égard de la situation particulière dont elle était saisie. Par conséquent, elle a fait mention des efforts déployés par le gouvernement du Mexique pour s’attaquer au trafic de stupéfiants et à la criminalité par l’entremise de l’unité de la lutte contre les stupéfiants. Elle a également souligné le travail particulier du demandeur (il n’est pas clair si le demandeur travaillait réellement pour un autre service de sécurité) et le fait qu’il avait, dans le passé, coopéré avec la police dans la prévention des activités liées aux stupéfiants.

 

[14]           Hormis sa tentative alléguée de solliciter la protection d’un agent de police local, Rien dans la décision n’indique que le demandeur avait fourni d’autres éléments de preuve objectifs pour contrer la présomption relative à la protection de l’État. La situation était donc très semblable à celle en cause dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Kadenko (1996), 143 D.L.R. (4th) 532 (C.A.F.), dans laquelle la Cour d’appel fédérale devait trancher la question de savoir si la preuve d’une tentative avortée d’obtenir la protection était suffisante pour établir son inexistence. Dans sa décision, la SPR s’est appuyée sur l’arrêt Kadenko.

 

[15]           En l’espèce, ayant adopté l’hypothèse avancée par la SPR dans la décision à caractère persuasif (voir le paragraphe 12 ci‑dessus), le décideur cite, sans les commenter, plusieurs passages de la preuve documentaire invoquée par les demandeurs, y compris certains extraits de la décision du juge Luc Martineau dans l’affaire Avila c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 439, en particulier les paragraphes 31 à 33. Ces passages ont probablement été choisis pour indiquer que la SPR était au courant que, premièrement, la mesure dans laquelle un État tolère la corruption dans la structure politique ou judiciaire diminue d’autant son degré de démocratie et que, deuxièmement, elle devait analyser la preuve documentaire dont elle disposait par rapport à la situation particulière du demandeur principal, que la SPR décrit comme une « victime de criminalité » (paragraphe 23 de la décision).

[16]           Après avoir souligné l’argument des demandeurs, selon lequel « les documents objectifs […] relatifs au pays ainsi que la décision [Avila] avaient pour effet de réfuter la décision à caractère persuasif qu’avait rendue la [SPR] dans le dossier TA4‑18833 » et selon lequel ces documents établissent qu’ils ne pouvaient pas bénéficier de la protection de l’État, la SPR retourne à sa préoccupation principale qu’elle a précisée au début de sa décision, à savoir le défaut des demandeurs de se prévaloir de la protection de l’État avant de partir.

 

[17]           La SPR ne procède pas à une analyse des expériences personnelles que les demandeurs ont vécues avec la police ni de la preuve ayant trait aux personnes se trouvant dans une situation similaire, laquelle est décrite dans les documents objectifs relatifs au pays, concernant le fondement objectif du refus ou de la réticence des demandeurs à solliciter la protection. Elle fait plutôt remarquer que le décès du père de Mme Pratt Najera appuie la forte crainte subjective des demandeurs. Cela conduit aux principaux énoncés que les demandeurs contestent et qui sont, en fait, selon eux, les conclusions de la SPR :

[31]      J’ai toutefois tenu compte, dans le même ordre d’idées, de l’obligation qu’avaient le demandeur d’asile principal et son épouse de demander la protection de l’État, et ce, même s’ils craignaient subjectivement de réclamer la protection de la police et même s’ils croyaient que cette protection ne parviendrait pas à sauver leur vie. Les deux demandeurs d’asile adultes avaient des renseignements très détaillés qu’ils auraient pu remettre à la police de manière à ce que cette dernière effectue une enquête approfondie au sujet de M. Aguilar et des individus ayant un lien avec lui.

 

[32]      Par conséquent, même après avoir pris en compte les observations détaillées présentées par le conseil au sujet des documents objectifs actuels sur le Mexique et des sérieuses difficultés à obtenir une protection adéquate de l’État dans ce pays, et même après avoir examiné la décision de la Cour fédérale précitée, j’estime toujours que les demandeurs d’asile avaient malgré tout l’obligation de s’adresser aux représentants de l’État pour obtenir une protection. De plus, j’estime qu’il n’était pas objectivement raisonnable de leur part de ne pas avoir cherché à se prévaloir de la protection des autorités dans leur situation particulière, et ce, même si j’ai tenu compte de leurs craintes subjectives sincères face à ces criminels et à leur scepticisme quant à la capacité des autorités mexicaines à leur assurer une protection adéquate.

 

 

[18]           En lisant la décision dans son ensemble, il n’est pas clair si la SPR a réellement commis une erreur de droit plutôt qu’une erreur dans son application du droit aux faits de l’espèce.

 

[19]           Pour demander le statut de personne à protéger, les demandeurs avaient clairement le fardeau d’établir, selon la prépondérance de la preuve, qu’ils satisfaisaient aux exigences précisées à l’alinéa 97(1)b) de la Loi. Conformément au sous‑alinéa 97(1)b)(i), la personne ne doit pas pouvoir ou, de ce fait [la menace ou le risque], ne pas vouloir se réclamer de la protection de son pays d’origine.

 

[20]           Le Mexique constitue une démocratie pour laquelle une présomption de protection de l’État s’applique, même si sa place dans l’« éventail démocratique » doit être appréciée pour déterminer quelle preuve crédible et digne de foi sera suffisante pour écarter cette présomption (Hinzman, précité, au paragraphe 45; Carrillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] A.C.F. no 439, au paragraphe 19; Avila, précitée, au paragraphe 30; De Leon c. Canada, [2007] A.C.F. no 1684, au paragraphe 28).

 

[21]           Dans les démocraties développées comme les É.‑U. et Israël, il ressort clairement de l’arrêt Hinzman (aux paragraphes 46 et 57) que pour réfuter la présomption de la protection de l’État, cette preuve doit comprendre la preuve qu’un demandeur a épuisé tous les recours dont il disposait. Il est clair également que, sauf dans des circonstances exceptionnelles, il serait déraisonnable, dans de tels pays, de ne pas solliciter la protection de l’État avant de le faire au Canada.

 

[22]           La Cour ne croit pas que l’arrêt Hinzman signifie que cette conclusion s’applique à tous les pays, peu importe où il se trouve dans l’« éventail démocratique », ni qu’il décharge le décideur de son obligation d’apprécier la preuve présentée pour établir que, au Mexique par exemple, l’État n’est pas en mesure (bien qu’il le veuille) de protéger ses citoyens ou qu’il était raisonnable pour le demandeur de refuser de se prévaloir de cette protection. Il ressort de l’arrêt de la Cour suprême du Canada, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, aux paragraphes 48 à 50, que, sur le plan pratique, la preuve pertinente pour établir l’incapacité de l’État à protéger ses citoyens est la même que celle ayant trait à l’établissement d’un fondement objectif au refus (à la réticence) d’une personne de se prévaloir de la protection de son État. L’analyse à laquelle, en fait, il faut procéder est décrite au complet dans la décision Avila, précitée, aux paragraphes 26 à 31.

 

[23]           En l’espèce, ayant lu plusieurs fois la décision faisant l’objet du contrôle, la Cour est incapable de déterminer si la SPR mentionne à maintes reprises l’obligation des demandeurs de se prévaloir de la protection (i) parce qu’elle a déterminé que le Mexique était une démocratie développée, semblable aux États‑Unis et Israël, ou (ii) parce qu’elle croyait qu’une telle obligation doit s’appliquer également dans tous les cas, ou encore (iii) parce qu’il était déraisonnable, dans les circonstances particulières à l’espèce, de ne pas se prévaloir de la protection du Mexique.

[24]           Si la SPR pensait à l’option (i), selon la preuve mentionnée dans sa décision, elle n’a certainement pas fourni de raisonnement convaincant à l’appui de cette conclusion implicite.

 

[25]           Si elle croyait plutôt, comme l’ont fait valoir les demandeurs, qu’il s’agissait d’une condition juridique préalable applicable dans tous les cas, elle a commis une erreur de droit et la décision devrait être annulée.

 

[26]           Enfin, si la SPR, malgré la façon dont la décision se lit en réalité, a conclu comme elle l’a fait simplement parce qu’elle trouvait qu’il était déraisonnable que les demandeurs, dans leur situation particulière, n’aient pas sollicité la protection de l’État, cette dernière conclusion est sans fondement pour les motifs suivants :

a)         Rien n’indique que la SPR a procédé à un examen indépendant de la preuve documentaire à l’appui de cette conclusion, plutôt que de se fier entièrement à l’examen effectué dans la décision à caractère persuasif. Dans cette affaire, l’examen a été effectué en se concentrant sur des circonstances qui se distinguent nettement d’avec celles dont était saisi le décideur en l’espèce. L’enlèvement et le climat général de violence sont tout à fait différents du trafic de stupéfiants et des activités du crime organisé. La SPR n’explique pas pourquoi elle était en mesure de présumer, comme elle l’a fait, que l’on pouvait s’attendre à ce que l’unité de la lutte contre les stupéfiants, laquelle était directement concernée dans les faits relatifs à la décision à caractère persuasif, offre quelque protection que ce soit aux demandeurs. Les demandeurs n’avaient aucune connaissance personnelle des activités de leur persécuteur. Une infirmière avait seulement dit à M. Capitaine qu’il s’agissait d’un narcotrafiquant. La vendetta n’avait aucun rapport avec ses activités liées aux stupéfiants.

b)         L’énoncé qui se trouve au paragraphe 31, selon lequel la police « [aurait pu] effectue[r] une enquête approfondie », n’est pas étayé. Il s’agissait d’une conclusion importante si elle avait pour intention de distinguer le cas des demandeurs de la vaste majorité des cas d’enlèvement pour lesquels il n’y avait pas d’enquête, selon la preuve mentionnée dans la décision même.

c)         Enfin, l’emploi du mot « objectifs », uniquement en rapport avec les documents relatifs au pays, et la mention des expériences antérieures des demandeurs, dans le seul but d’établir une crainte subjective, soulèvent un sérieux doute quant à savoir si la SPR a apprécié la preuve au sujet de l’expérience personnelle des demandeurs aux fins d’établir si leur refus était objectivement raisonnable.

 

[27]           Vu ce qui précède, la Cour conclut que la décision ne résiste pas à un examen poussé et qu’elle est déraisonnable. La question de la protection de l’État est difficile et complexe, et la Cour ne tire pas cette conclusion à la légère. Encore une fois, Il est important d’insister sur le fait que, en l’espèce, les demandeurs ont un lourd fardeau, en particulier aux termes de l’article 97 de la Loi, et que ma décision ne devrait d’aucune façon être interprétée comme une opinion de la Cour sur la question de savoir s’ils se sont acquittés de ce fardeau.

 

[28]           Les deux parties conviennent que, étant donné les circonstances particulières de la présente affaire, il n’y a aucune question de portée générale à certifier. En fait, l’affaire repose sur des faits qui lui sont propres. Toutefois, des éclaircissements supplémentaires quant au fardeau de preuve dont les demandeurs doivent s’acquitter au sujet de la question de la protection de l’État seront appréciés lorsque la Cour d’appel fédérale aura répondu à la question certifiée dans la décision Carrillo.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande est accueillie. La décision est annulée et la demande présentée par les demandeurs en vertu de l’article 97 doit être renvoyée à un autre tribunal pour nouvel examen complet.

 

 

« Johanne Gauthier »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-3449-07

 

INTITULÉ :                                                               ROGELIO RODRIGUEZ CAPITAINE ET AUTRES

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 22 JANVIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 24 JANVIER 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Shane Molyneaux                                                         POUR LES DEMANDEURS

 

Banafsheh Sokhansanj                                                  POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Elgin, Cannon & Associates                                          POUR LES DEMANDEURS 

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

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