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Date :  20080122

Dossier :  IMM-3012-07

Référence :  2008 CF 72

Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2008

En présence de Monsieur le juge Beaudry 

 

ENTRE :

YANIQUE DURAND DUROSEAU

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGATION DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la Loi), à la suite d’une décision d’une agente d’immigration (agente), rendue le 14 juin 2007. L’agente a refusé de délivrer à la demanderesse un permis de travail à titre d’aide familiale résidente.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[2]               La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

a)      L’agente a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en concluant que la demanderesse ne peut obtenir un permis en vertu de l’article 200(3)(e)(i) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement)?

b)      L’agente a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en déterminant que le contrat de travail conclu entre la demanderesse et Mme Darius était un contrat de convenance, et non un véritable contrat de travail?

 

[3]               Pour les raisons qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

CONTEXTE FACTUEL

[4]               La demanderesse est citoyenne d’Haïti. Lors de son arrivée au Canada en septembre 2006, elle possède un visa de visiteur au Canada pour la période du 11 août 2006 au 19 septembre 2008.

 

[5]               D'après le contrat type pour le Programme des aides familiaux résidants, la demanderesse et madame Darius vivent ensemble depuis au moins le 6 octobre 2006 à la même adresse. D'ailleurs, un contrat est signé entre ces deux personnes à la même date.

 

[6]               La demanderesse fait sa demande pour un permis de travail à titre d’aide familiale résidente qu’en mars 2007. 

 

[7]               Elle est convoquée à une entrevue avec l’agente le 14 juin 2007. Elle admet qu’elle prend soins des enfants de madame Darius lorsque cette dernière travaille.

 

DÉCISION CONTESTÉE

[8]               L’agente refuse de lui délivrer un permis de travail pour deux raisons :

a)      En premier lieu, elle se réfère à l'interdiction de la délivrance d'un permis de travail en vertu de l'article 200(3)(e)(i) aux personnes qui ont exercé un emploi au Canada sans permis de travail dans les derniers six mois. L’agente considère que la demanderesse exerçait un tel travail depuis son arrivée au Canada en aidant madame Darius avec ses enfants. Les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (« STIDI ») indiquent ce qui suit :

I ASKED THE APPLICANT WHETHER SHE LOOKED AFTER HER FRIEND’S CHILDREN.  THE APPLICANT ADMITTED TO HAVING LOOKED AFTER THE CHILDREN. SHE PROCEEDED TO TELL ME THAT SHE WAS NEVER PAID FOR HER WORK.  THE PI STATED THAT THEY HAD AN “AGREEMENT”.

 

b)      En deuxième lieu, l’agente conclut que la demanderesse ne satisfait pas aux exigences de l’article 112 du Règlement car le contrat de travail n’est pas de bonne foi et constitue une offre de convenance visant à faciliter pour la demanderesse l’acquisition d’un statut au Canada. Les notes STIDI mentionnent ceci :

APPLICANT HAS BEEN OFFERED A JOB AS A LIVE IN CAREGIVER FOR HER FRIEND MARTHA DARIUS.  THE PI HAS KNOWN THE EMPLOYER SINCE THEY WERE BOTH LIVING IN HAITI.

 

[…]

 

DURING THE INTERVIEW THE APPLICANT WAS NOT FORTHCOMING WITH INFORMATION PERTAINING TO HER TIME THAT SHE HAS SPENT IN CANADA.

 

[…]

 

NO SUPPORTING DOCUMENTS WERE SUBMITTED TO SUBSTANTIATE PI’S STATEMENT.

 

 

DISPOSITIONS PERTINENTES

[9]               Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.

2. «travail» Activité qui donne lieu au paiement d’un salaire ou d’une commission, ou qui est en concurrence directe avec les activités des citoyens canadiens ou des résidents permanents sur le marché du travail au Canada.

 

112. Le permis de travail ne peut être délivré à l’étranger qui cherche à entrer au Canada au titre de la catégorie des aides familiaux que si l’étranger se conforme aux exigences suivantes :

 

a) il a fait une demande de permis de travail à titre d’aide familial avant d’entrer au Canada;

 

b) il a terminé avec succès des études d’un niveau équivalent à des études secondaires terminées avec succès au Canada;

 

c) il a la formation ou l’expérience ci-après dans un domaine ou une catégorie d’emploi lié au travail pour lequel le permis de travail est demandé :

 

(i) une formation à temps plein de six mois en salle de classe, terminée avec succès,

 

(ii) une année d’emploi rémunéré à temps plein — dont au moins six mois d’emploi continu auprès d’un même employeur — dans ce domaine ou cette catégorie d’emploi au cours des trois années précédant la date de présentation de la demande de permis de travail;

 

d) il peut parler, lire et écouter l’anglais ou le français suffisamment pour communiquer de façon efficace dans une situation non supervisée;

 

e) il a conclu un contrat d’emploi avec son futur employeur.

 

200. (3) Le permis de travail ne peut être délivré à l’étranger dans les cas suivants :

 

e) il a poursuivi des études ou exercé un emploi au Canada sans autorisation ou permis ou a enfreint les conditions de l’autorisation ou du permis qui lui a été délivré, sauf dans les cas suivants :

(i) une période de six mois s’est écoulée depuis les faits reprochés,

2. "work" means an activity for which wages are paid or commission is earned, or that is in direct competition with the activities of Canadian citizens or permanent residents in the Canadian labour market.

 

112. A work permit shall not be issued to a foreign national who seeks to enter Canada as a live-in caregiver unless they

 

 

 

 

(a) applied for a work permit as a live-in caregiver before entering Canada;

 

 

(b) have successfully completed a course of study that is equivalent to the successful completion of secondary school in Canada;

 

(c) have the following training or experience, in a field or occupation related to the employment for which the work permit is sought, namely,

 

 

(i) successful completion of six months of full-time training in a classroom setting, or

 

(ii) completion of one year of full-time paid employment, including at least six months of continuous employment with one employer, in such a field or occupation within the three years immediately before the day on which they submit an application for a work permit;

 

(d) have the ability to speak, read and listen to English or French at a level sufficient to communicate effectively in an unsupervised setting; and

 

 

(e) have an employment contract with their future employer.

 

200. (3) An officer shall not issue a work permit to a foreign national if

 

(e) the foreign national has engaged in unauthorized study or work in Canada or has failed to comply with a condition of a previous permit or authorization unless

 

(i) a period of six months has elapsed since the cessation of the unauthorized work or study or failure to comply with a condition,

 

ANALYSE

Norme de contrôle

[10]         Je suis d’avis que la norme de contrôle applicable est celle de la norme raisonnable simpliciter (Jhattu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 1058 (QL), 2005 CF 853,  paragraphe 12). D'ailleurs, les parties sont d'accord avec cette norme.

 

Travail préalable à la délivrance d’un permis

[11]           L’agente a déterminé que l’aide apportée à madame Darius par la demanderesse constitue un travail. Cette dernière soumet qu’il est impossible de démontrer selon les notes de STIDI qu'elle a exercé un travail au Canada.  Elle s’objecte à l’allégation du défendeur contenu dans l’affidavit de l’agente « qu’elle prenait soin des enfants de madame Darius quand elle travaillait, et qu’en retour elle était logée et nourrie par madame Darius ».

 

[12]           Seules les raisons contenues dans la lettre datée le 14 juin 2007 ainsi que dans les notes STIDI peuvent constituer les motifs de la décision. Bien que l’affidavit puisse apporter certaines précisions au niveau des faits, les motifs additionnels qui pourraient être insérés dans ce document ne peuvent servir à expliquer la décision.

 

[13]           Malgré ce qui précède, je suis d’avis qu’il était raisonnable pour l’agente de conclure que la demanderesse travaillait sans permis. D’après la lettre du 14 juin et les notes STIDI, il est évident que l’agente a tiré une inférence à partir de l’information obtenue lors de l’entrevue :

DURING THE INTERVIEW THE APPLICANT WAS NOT FORTHCOMING WITH INFORMATION PERTAINING TO HER TIME THAT SHE HAS SPENT IN CANADA.

 

[…]

 

I ASKED THE APPLICANT WHETHER SHE LOOKED AFTER HER FRIEND’S CHILDREN.  THE APPLICANT ADMITTED TO HAVING LOOKED AFTER THE CHILDREN. SHE PROCEEDED TO TELL ME THAT SHE WAS NEVER PAID FOR HER WORK.  THE PI STATED THAT THEY HAD AN “AGREEMENT”.

 

 

[14]           Il était loisible à l’agente d’inférer que la demanderesse avait reçu une compensation en contrepartie de son aide.

 

[15]           La définition de « travail » prévue au Règlement ne requiert pas qu’il y ait eu compensation pour qu’une activité soit considérée comme un travail.  L’activité doit simplement être « en concurrence directe avec les activités des citoyens canadiens ou des résidents permanents sur le marché du travail au Canada ». Quant à moi, la garde des enfants satisfait à la définition de travail.

 

[16]           Pour ces motifs, je suis d’avis que l’agente n’a pas commis d’erreur susceptible de révision.

 

 

 

Le contrat n’était pas conclu de bonne foi

[17]           L’agente a conclu que l’offre d’emploi n’était pas faite de bonne foi mais plutôt par convenance. Compte tenu des circonstances ici, cette conclusion n'est pas déraisonnable. Dans  Vairea c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. no 1563 (QL), 2006 FC 1238, au paragraphe 17, le juge Martineau s'est exprimé ainsi pour accepter qu'un agent refuse un permis de travail :

À mon avis, l’agente des visas pouvait fonder son refus de délivrer un permis de travail simplement sur les préoccupations qu’elle avait au sujet du caractère véritable de l’offre faite par Southern Renovation. […]

 

 

[18]           Selon la demanderesse, l’agente a commis une erreur révisable en soulevant l'existence d'une amitié entre elle et son employeur.

 

[19]           À mon avis, l’amitié entre la demanderesse et l’employeur n’est qu’un fait parmi tant d'autre justifiant l’agente de se questionner sur le caractère véritable du contrat.  Le fait que la demanderesse vivait chez madame Darius avant de faire sa demande ainsi que la longueur du délai pour la déposer et le fait que la demanderesse exerçait des activités de gardienne d'enfants sont suffisants pour appuyer la décision de l'agente.

 

[20]           L’agente a fondé sa décision sur des considérations pertinentes, étayées par la preuve. 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. 

 

« Michel Beaudry »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3012-07

 

INTITULÉ :                                       YANIQUE DURAND DUROSEAU ET

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                           L’IMMIGRATION DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 21 janvier 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      le 22 janvier 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :                       

 

Alain Tayeye                                                                POUR LE DEMANDEUR

 

 

Alexandre Kaufman                                                      POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Alain Tayeye                                                                POUR DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

 

John Sims, c.r.                                                              POUR LA DÉFENDERESSE 

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

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