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Date : 20080104

Dossier : T-1462-07

Référence : 2008 CF 5

Ottawa (Ontario), le 4 janvier 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BARNES

 

ENTRE :

WENMIN ZHU

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

TRANSCRIPTION DES MOTIFS DU JUGEMENT ET DU JUGEMENT

            Que la version révisée ci-jointe de la transcription des motifs du jugement que j’ai prononcés à l’audience, tenue à Vancouver, en Colombie-Britannique, le 18 décembre 2007, soit déposée conformément à l’article 51 de la Loi sur les Cours fédérales.


 

JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE que l’appel est rejeté.

 

 

 

« R. L. Barnes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

                                     VANCOUVER (C.-B.)

                                     Le 18 décembre 2007

 

T-1462-07

ENTRE :

 

              WENMIN ZHU,

 

                                      DEMANDEUR;

ET :

 

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION,

 

                                      DÉFENDEUR.

 

 

 

M. W. ZHU,                        Comparaissant en personne;

 

Me H. AHARON,               Pour le défendeur.


MOTIFS DU JUGEMENT

MONSIEUR LE JUGE BARNES (oralement) :

              Voici les motifs du jugement rendu oralement à Vancouver le 18 décembre 2007 dans l’affaire de Wenmin Zhu c. le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. M. Wenmin Zhu interjette appel d’une décision du Bureau de la citoyenneté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, Lois révisées du Canada de 1985, ch. 29.

              La Cour est saisie d’une question mixte de droit et de fait. Je dois déterminer si le Bureau de la citoyenneté a compris le critère juridique applicable lorsqu’il s’agit de déterminer la résidence et a convenablement examiné les preuves à la lumière de ce critère.

              Il ressort clairement de la jurisprudence qu’il faut accorder un certain degré de déférence à l’égard du Bureau de la citoyenneté dans l’examen de ce genre de question. Le juge de la citoyenneté a eu l’avantage d’interroger M. Zhu à propos de son lieu de résidence et des documents sur lesquels il se fondait pour prouver sa résidence au Canada. À cet égard, le Bureau de la citoyenneté a eu un avantage sur moi en ce qui a trait à la capacité d’apprécier la crédibilité dans une telle procédure.

              Par conséquent, j’adopterai la norme de contrôle judiciaire appliquée par ma collègue, la juge Tremblay-Lamer, dans l’affaire Canada c. Fu, ou Fu, F-U, 2004 A.C.F. no 88, au paragraphe 7 de son analyse, où elle écrit que :

« En l’espèce, lorsque la Cour doit vérifier que le juge de la citoyenneté a appliqué l’un des critères admis de résidence aux faits, cela soulève, à mon avis, une question mixte de droit et de fait […]. Compte tenu du fait qu’il faille accorder un certain degré de déférence à l’égard des connaissances et de l’expérience particulières du juge de la citoyenneté, je conclurais que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter. »

              Je suis convaincu que le juge de la citoyenneté a compris le critère permettant de déterminer le lieu de résidence. Il a d’abord examiné si M. Zhu avait prouvé avoir été effectivement présent au Canada pendant la période minimale exigée de 1 095 jours. Il a ensuite examiné les preuves qui auraient pu prouver que M. Zhu avait centralisé son mode d’existence au Canada même s’il n’avait pas été effectivement présent pendant les 1 095 jours. Je ne suis pas d’avis que le juge de la citoyenneté a commis une erreur en abordant les critères juridiques de cette façon. Il n’a pas confondu les deux critères. Il les a bien distingués l’un de l’autre.

              Le juge de la citoyenneté a conclu que les preuves de M. Zhu étaient insuffisantes pour chacun des deux critères appliqués. En ce qui a trait à ces sujets, à ces questions, la décision du juge de la citoyenneté est la suivante :

             [traduction]

« Le demandeur prétend que, mis à part deux voyages en Chine, il a vécu à Burnaby pendant toute la durée de la période de résidence pertinente. Il prétend ne pas avoir occupé d’emploi, ni avoir été en affaires au Canada. Il ne possède pas d’appartement, de maison ou même de voiture. Il prétend avoir travaillé sur "son propre programme de logiciel"; cette tâche qui l’a tenu occupé pendant cinq ans n’aurait toutefois produit aucun résultat. Toute sa famille vit en Chine, exception faite d’une soeur qui vit aux États-Unis.

     Il n’a pas été en mesure de produire le moindre document prouvant une résidence active afin d’appuyer ses prétentions de résidence au Canada. Il est ingénieur informaticien et prétend avoir vécu à Burnaby pendant toutes ces années. Pourtant, il n’avait jamais entendu parler de l’Université Simon Fraser de Burnaby. Cette université ne jouit peut-être pas d’une renommée internationale, mais elle est à n’en pas douter reconnue au Canada. Il va sans dire que n’importe quelle personne ayant fait des études universitaires et résidant à Burnaby depuis cinq ans serait capable de la reconnaître.

     On ne peut pas tenir pour acquis que le demandeur a résidé pendant 1 200 jours au Canada comme il le prétend; cela doit être appuyé par quelque preuve documentaire établissant une résidence active. Pendant l’entrevue, on a donné au demandeur une nouvelle occasion de soumettre des documents tels que des attestations d’emploi, des dossiers scolaires, des certificats médicaux obtenus dans une clinique sans rendez‑vous ou auprès d’un médecin, des photocopies de pages de son ancien passeport (couvrant la période de résidence pertinente), etc. Le demandeur n’a soumis que quelques documents très sélectifs qui établissent une résidence passive, comme des relevés bancaires, des relevés émis par Revenu Canada et quelques "reçus de loyer".

   Il ne fait aucun doute dans mon esprit que le demandeur a fait nombre de déclarations trompeuses et contradictoires. Il n’a pas été en mesure de fonder ses prétentions de résidence au Canada en donnant des preuves de résidence active. Il est assurément très loin de remplir l’exigence voulant qu’on ait été effectivement présent au Canada pendant 1 095 jours. »

              J’ai examiné les preuves sur lesquelles M. Zhu s’est fondé pour prouver sa résidence au Canada devant le Bureau de la citoyenneté. Elles sont incontestablement insuffisantes. Une personne ayant vécu au Canada un certain nombre d’années ne devrait pas avoir de difficulté à produire des preuves démontrant de façon concluante qu’elle y a effectivement résidé.  M. Zhu aurait pu obtenir des affidavits de ses amis et voisins, de ses propriétaires, des reçus pour l’achat de biens et de services, des relevés téléphoniques attestant qu’il avait effectué des appels à partir du Canada, l’ensemble des quittances de loyer émises pendant toute la période en question, y compris des baux le cas échéant, des factures de services publics, des photographies, des documents attestant qu’il a communiqué avec des organismes gouvernementaux, des lettres envoyées par des membres de sa famille, des amis, le gouvernement, d’autres compagnies, des employeurs, etc., et adressées à ses lieux de résidence au Canada, peut-être appuyées par des affidavits.

              On lui a donné l’occasion d’obtenir ce genre de documents; à cet égard, le Bureau de la citoyenneté a objectivement qualifié ses efforts de sélectifs. Il était également raisonnable que le Bureau de la citoyenneté déclare que la plupart de ces documents n’établissent qu’une résidence passive. Il est facile de conserver une résidence nominale au Canada tout en s’absentant fréquemment. La préoccupation évidente vient ici du fait qu’il est possible que M. Zhu ait résidé aux États-Unis et non au Canada pendant une grande partie de la période pertinente. Il est certain que ses relevés bancaires font état de fréquents dépôts en monnaie américaine. Le dossier atteste également que le demandeur a déjà occupé un emploi aux États‑Unis.

              Je n’accepte pas l’argument de M. Zhu voulant que les documents de voyage sur lesquels il se fonde constituent des preuves irréfutables de résidence au Canada. Il n’est pas rare que des résidents permanents puissent détenir plus d’un titre de voyage. On peut exiger d’autres preuves en plus des titres de voyage, particulièrement dans un cas comme celui en l’espèce, où l’on sait que M. Zhu a déjà falsifié son passeport.

              Je rejette également l’argument de M. Zhu selon lequel la demande de documents visant à prouver sa présence effective constitue une atteinte à sa vie privée. Cet argument montre manifestement qu’il a mal compris le fardeau qui lui incombait en matière de preuve. Il relevait de sa responsabilité de prouver le fait de sa résidence et le fait qu’on s’attende à ce qu’il produise ce genre de preuve ne constitue pas une atteinte à sa vie privée. En refusant de produire les documents requis, il courait le risque que sa demande de citoyenneté soit refusée, ce qui a été le cas.

              Cet argument est aussi en contradiction avec les preuves que M. Zhu s’est efforcé de produire dans le présent appel. Il a soumis des déclarations de résidence, des relevés bancaires et des pages de passeport qu’il n’avait pas présentés au Bureau de la citoyenneté. S’il croyait que ces documents allaient l’aider à faire valoir sa cause devant moi, il aurait dû comprendre que cela aurait également pu être utile au Bureau de la citoyenneté.

              Je n’accepte pas l’explication de M. Zhu voulant qu’on ne lui ait pas demandé de donner ce genre de preuves et qu’il n’ait pas pensé à les produire devant le Bureau de la citoyenneté. On lui a clairement demandé de produire des baux de logement et des relevés bancaires ainsi que la page de son ancien passeport sur laquelle se trouvait son visa américain. Il a produit certains relevés bancaires, quelques preuves de résidence ainsi que quelques pages de son ancien passeport. Il a maintenant ajouté au dossier du tribunal la page manquante sur laquelle se trouve son visa américain.

              M. Zhu a ajouté ces preuves au dossier dont je dispose, mais il savait de toute évidence qu’une telle information était pertinente et importante. Ses efforts visant à produire un dossier complet devant le Bureau de la citoyenneté ont été manifestement insuffisants. J’ajouterai que les raisons que M. Zhu a données pour expliquer le fait de ne produire que maintenant les pages manquantes de son passeport ne sont pas convaincantes. Je ne comprends toujours pas pourquoi il a choisi de ne pas divulguer une telle information.

              M. Zhu a formulé des allégations générales d’injustice et de parti pris, mais je ne peux voir aucune preuve substantielle étayant ces affirmations. Je conviens avec l’avocat du défendeur que les motifs ont été clairement énoncés. M. Zhu a été traité équitablement et on lui a amplement donné l’occasion de faire valoir sa cause de façon convaincante, mais il n’y est pas parvenu. Il est possible qu’il soit en désaccord avec les conclusions que le Bureau de la citoyenneté a tirées quant à l’étendue de sa connaissance du milieu, mais c’était une conclusion raisonnable. Il est inhabituel qu’une personne ayant vécu dans la région pendant plusieurs années ignore jusqu’à l’existence de l’Université Simon Fraser.

              Je conviens avec M. Zhu qu’il a présenté certaines preuves de résidence active devant le Bureau de la citoyenneté, mais il s’agissait de preuves assurément très minces, et je ne crois pas que le fait que le Bureau de la citoyenneté n’a pas reconnu la valeur de ces preuves ait pesé sur la décision qui a été rendue. Autrement dit, je pense que l’issue aurait été exactement la même.

              Dans cette décision, rien ne laisse entendre que le fait que M. Zhu se soit déjà vu refuser la citoyenneté ait influencé de quelque manière que ce soit l’issue de sa seconde demande. Quoi qu’il en soit, le Bureau de la citoyenneté ne commet pas d’erreur en évaluant la crédibilité d’un candidat à la lumière de ses précédentes tentatives de l’induire en erreur.

              Pour conclure, je statue que la décision du Bureau de la citoyenneté était raisonnable à tous égards et qu’elle ne devrait pas être annulée en appel.

              M. Zhu, il ne tient qu’à vous de soumettre une autre demande de citoyenneté, mais en le faisant, vous seriez bien avisé de présenter davantage de preuves que vous ne l’avez fait dans le cadre de vos deux premières demandes. En fait, je vous recommande de consulter un avocat en droit de l’immigration afin de déterminer le genre de preuve qui pourrait vous aider à démontrer que vous étiez présent au Canada pendant la période de temps requise.

              Il se peut très bien que vous ayez résidé au pays pendant cette période de temps, mais les preuves que j’ai vues n’aident pas vraiment à attester ce fait. Il s’agit d’une question qui vous touche visiblement, qui revêt pour vous une importance considérable. Je peux le dire d’après la façon dont vous m’avez présenté votre cause aujourd’hui. Vous vous êtes exprimé clairement, vous avez présenté votre point de vue énergiquement. Je n’ai malheureusement pas pu accueillir vos arguments, mais compte tenu de l’importance que l’obtention de la citoyenneté canadienne revêt à vos yeux, sur le plan personnel, vous devez envisager cela très sérieusement. Cherchez à obtenir de bons conseils juridiques, dépensez ce qu’il faut, faites bien les choses. Si vous résidez au pays de façon permanente, il ne vous sera pas difficile de le démontrer en soumettant des preuves exhaustives, et c’est alors qu’on vous accordera la citoyenneté canadienne; je pense que c’est quelque chose que nous vous souhaitons tous.

              Pour ces motifs, la présente demande est rejetée. Je tiens à vous remercier tous les deux, Monsieur Zhu et Madame Aharon, pour la façon remarquable dont vous m’avez présenté vos arguments, tant à l’écrit qu’oralement. Cela m’a été très utile.

              M. Zhu, pour quelqu’un qui n’a aucune expérience du droit et que peu d’expérience des tribunaux, vous avez accompli un travail assez remarquable dans la structuration de votre argumentation. Vous avez fait du bon travail en exposant vos arguments, et je pense que si vous – je suis désolé, je pense que si vous consacrez la même énergie à présenter une nouvelle demande de citoyenneté, vous réussirez probablement. 

M. ZHU :      Pas question. J’ai honte de ce pays. C’est juste nier les faits.

(LA PROCÉDURE A PRIS FIN À 12 H 55)

             

 

JE CERTIFIE PAR LA PRÉSENTE QUE CE QUI PRÉCÈDE constitue la transcription fidèle et exacte, faite au mieux de mes compétences, des propos tenus à l’audience.

 

 

 

_____________________________________

B. Moss,       Sténographe judiciaire

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                T-1462-07

 

INTITULÉ :               Wenmin Zhu

                                                            c.

                                                            LE Ministre de la CitoyennetÉ et de l’Immigration

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 décembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :      Le juge Barnes

 

DATE :                       Le 4 janvier 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wenmin Zhu

En son propre nom

250-561-7899

 

   POUR LE DEMANDEUR

Hilla Aharon

(Ministère de la Justice)

604-775-6022

 

  POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Wenmin Zhu

 

  POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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