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Date : 20070413

Dossier : IMM‑4022‑06

Référence : 2007 CF 387

Ottawa (Ontario), le 13 avril 2007

En présence de madame la juge Layden‑Stevenson

 

ENTRE :

MONIKA THIARA

 (aussi connue sous le nom de MONIKA SAHOTA)

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]        Mme Thiara veut rester au Canada pour jouer son rôle de parent à l’endroit de ses deux filles nées au Canada. Une agente d’immigration (l’agente) a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs d’ordre humanitaires pour justifier que soit accordée une dispense de l’exigence de présenter une demander de visa de l’extérieur du Canada conformément au paragraphe 11(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). Mme Thiara sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l’agente et elle soutient que si l’agente avait pris en compte certains instruments internationaux portant sur les droits de l’homme de la manière prescrite par la LIPR, le résultat aurait été différent.

 

[2]        Malgré les observations claires présentées par l’avocat de Mme Thiara, je ne suis pas convaincue que l’agente a commis une erreur comme la demanderesse le soutient. Je suis convaincue que la conclusion de l’agente était raisonnable et ne justifie pas que la Cour intervienne. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Le contexte

 

[3]        Mme Thiara est une citoyenne de l’Inde âgée de 30 ans. Elle a d’abord immigré au Canada à titre d’épouse parrainée en mars 1996. Elle prétend que son mariage à Jaswinder Singh Sahota a été arrangé lorsqu’elle avait dix-sept ans. Toutefois, l’homme qu’elle connaissait comme « M. Sahota » était en fait un demandeur d’asile nommé Rajinder Heer, qui avait volé l’identité de son ami et qui a épousé Mme Thiara dans le but d’obtenir le statut de résident permanent. Mme Thiara soutient qu’elle a constaté qu’elle avait été flouée par son nouvel époux [traduction] « qu’une fois qu’il était trop tard ». Bien qu’elle ait appris les mensonges de son époux, elle s’est résignée au fait qu’elle l’avait épousé et elle [traduction] « a essayé de se plier à ses volontés ».

 

[4]        M. Heer voulait que sa nouvelle épouse divorce de « M. Sahota » au Canada et par la suite qu’elle le « rencontre » et l’épouse (M. Heer) sous sa véritable identité. Le 11 décembre 1996, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a rejeté la requête en divorce présentée par Mme Thiara et a déclaré que le mariage célébré en Inde le 16 novembre 1994 n’avait pas été célébré entre Mme Thiara et M. Sahota. Le 7 octobre 1997, Mme Thiara a fait l’objet d’un rapport suivant l’alinéa 27(1)e) de l’ancienne Loi sur l’immigration et un mandat d’arrestation en vue d’une enquête d’immigration a été lancé à son endroit le 17 mars 1999. Plus tard au cours de l’année, Mme Thiara a épousé M. Heer et elle a présenté une demande en vue de le parrainer. Le 24 août 2001, suivant l’alinéa 27(1)e) de la Loi sur l’immigration, une mesure d’expulsion a été prise à l’endroit de Mme Thiara après qu’un arbitre eut conclu qu’elle avait obtenu le droit d’établissement sur la foi d’une fausse indication sur un fait important. À la suite de l’échec de son appel auprès de la Section d’appel de l’immigration (SAI) et du rejet de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire, Mme Thiara a été renvoyée du Canada le 18 janvier 2005.

 

[5]        Pendant qu’elle vivait au Canada, Mme Thiara et M. Heer ont eu trois enfants qui sont tous des citoyens canadiens. Leur fils vit en Inde avec ses grands-parents paternels et leurs deux filles vivent avec Mme Thiara. Mme Thiara et M. Heer se sont séparés en janvier 2005 et elle élève seule ses deux filles, âgées de six et neuf ans. Elle prétend que M. Heer vit encore illégalement au Canada et qu’il ne lui offre aucun moyen de subsistance.

 

[6]        Lorsqu’elle a été expulsée du Canada en janvier 2005, Mme Thiara est retournée chez ses parents en Inde. Environ un mois plus tard, ses filles l’ont rejointe. Dans son affidavit, elle déclare que, en tant que mère monoparentale, il était très difficile d’obtenir un emploi en Inde et qu’elle a été incapable de trouver du travail. Elle ne pouvait pas compter sur le soutien financier de sa famille qui avait peu de ressources. Elle n’a pas non plus réussi à obtenir du soutien de la famille de son époux. Lorsqu’elle a rendu visite aux membres de sa belle-famille à Bombay, ils ont refusé de les aider, elle et ses filles, et ils l’ont empêchée de voir son fils.

 

[7]        En avril 2005, Mme Thiara est revenue au Canada en présentant ses vieux documents d’immigration aux fonctionnaires à l’ambassade du Canada et en leur disant qu’elle n’avait pas une carte de résident permanent et qu’elle avait de la difficulté à rentrer au Canada. Elle a caché le fait qu’elle avait été expulsée et elle a réussi à obtenir un permis de retour pour résident permanent. Elle a laissé ses filles chez ses parents; elle avait l’intention de les faire revenir au Canada une fois qu’elle y serait établie de nouveau.

 

[8]        À son arrivée à l’aéroport de Vancouver, Mme Thiara a tenté de demander l’asile sous un faux nom. Bien qu’elle ait été repérée et détenue, on lui a permis de faire sa demande d’asile. Elle a fait revenir ses filles au Canada; elles sont arrivées en août 2005. Depuis qu’elle est revenue au Canada, Mme Thiara a obtenu un emploi et elle subvient à ses besoins et à ceux de ses enfants; de plus, elle envoie de l’argent à ses parents en Inde.

 

[9]        Le 14 mars 2006, la demande d’asile de Mme Thiara a été rejetée. En mai 2006, sa demande de contrôle judiciaire a été rejetée parce qu’elle n’a pas déposé de dossier de demande.

 

[10]      Avant l’expulsion de Mme Thiara en Inde en janvier 2005, Mme Thiara et M. Heer avaient présenté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. En avril 2006, l’avocat de Mme Thiara  a envoyé à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) une lettre indiquant que Mme Thiara ne vivait plus avec M. Heer et demandant qu’on lui accorde plus de temps pour déposer des observations. La prorogation de délai a été accordée. Environ un mois plus tard, l’avocat de Mme Thiara a présenté de nombreux renseignements et documents additionnels. L’avocat a expliqué que M. Heer et Mme Thiara s’étaient séparés et que la seule préoccupation de Mme Thiara était maintenant de veiller à [traduction] « l’intérêt supérieur de ses enfants ». L’avocat a fourni des rapports et des statistiques de l’UNESCO et d’autres ONG sur l’état de l’éducation, sur la pauvreté et sur les problèmes auxquels sont exposées les jeunes filles en Inde. L’avocat a incité l’agente à prendre particulièrement en compte les instruments internationaux suivants lors de son examen de la demande de Mme Thiara, à savoir : le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (ICESCR), la Déclaration universelle des droits de l’homme (UDHR), la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC), la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEAFDAW), et la Déclaration sur les principes sociaux et juridiques applicables à la protection et au bien-être des enfants, envisagés surtout sous l’angle des pratiques en matière d’adoption et de placement familial sur les plans national et international (DSLPPWC). Les extraits de ces instruments, auxquels il est fait référence dans les observations portant sur des motifs d’ordre humanitaire que Mme Thiara a présentées dans sa demande, sont joints aux présents motifs à l’« Annexe A ».

 

La décision

 

[11]      Le 29 juin 2006, l’agente d’immigration a rejeté la demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire que Mme Thiara avait présentée. L’agente a indiqué que la demande était fondée sur les facteurs suivants :

  • l’intérêt supérieur des enfants de Mme Thiara;
  • l’établissement de Mme Thiara au Canada;
  • le fait que Mme Thiara n’a pas de famille en Inde;
  • le fait que Mme Thiara est incapable de subvenir à ses besoins et aux besoins de ses enfants en Inde.

 

 

 

[12]      L’agente a en outre déclaré que [traduction] « dans l’examen de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire présentée par la demanderesse, j’ai pris en compte à titre de facteur défavorable ses antécédents d’immigration au Canada et ses rapports avec CIC ». À l’égard de son degré d’établissement, l’agente a indiqué que Mme Thiara avait vécu au Canada pendant plus de dix ans, avait occupé presque sans interruption depuis 1997 divers emplois et avait suivi des cours au Canada. L’agente a en outre indiqué que l’établissement de Mme Thiara au Canada résultait de ce qu’elle avait elle-même fait pour obtenir la résidence permanente au moyen de fausses déclarations.

 

[13]      Relativement à l’intérêt supérieur des enfants, l’agente a examiné les conséquences d’un retour en Inde pour les filles de Mme Thiara. Même si elle reconnaissait que les conditions du pays et le système éducatif public en Inde ne sont pas comparables à ceux du Canada, l’agente n’était pas convaincue que Mme Thiara avait démontré que ses filles n’auraient pas la possibilité de faire des études et d’avoir accès aux commodités de base en Inde. L’agente a en outre indiqué que ce serait Mme Thiara qui aurait à prendre la difficile décision d’amener ses filles en Inde ou de les laisser au Canada. L’agente a notamment déclaré ce qui suit :

                        [traduction]

Bien que je reconnaisse qu’il serait difficile pour la demanderesse et ses filles d’être séparées si la demanderesse choisissait de laisser ses filles au Canada, il s’agit néanmoins d’une possibilité dont elle dispose […].

 

Bien qu’il puisse être dans l’intérêt supérieur des enfants de la demanderesse qu’elle reste au Canada, je ne suis pas convaincue, après avoir examiné dans leur ensemble tous les renseignements applicables à la demanderesse, que ce facteur, bien qu’il soit important, l’emporte sur les facteurs négatifs applicables dans le dossier de la demanderesse.

 

 

[14]      Dans la conclusion de sa décision, l’agente d’immigration a déclaré ce qui suit :

 

 

                        [traduction]

Après avoir examiné tous les facteurs applicables dans le dossier de la demanderesse, ceux qui appuient une conclusion de l’existence de difficultés et ceux qui ne l’appuient pas, et après avoir apprécié ces facteurs en conséquence, j’ai décidé qu’il n’y avait pas en l’espèce suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pour justifier que soit accordée une dispense de l’exigence prévue au paragraphe 11(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et d’autres exigences prévues par les textes de loi en lien avec le fait de devenir résident du Canada.

 

 

Les points en litige

 

[15]      Mme Thiara soutient que l’agente d’immigration a commis deux erreurs, à savoir :

 

1.      L’agente d’immigration a commis une erreur en omettant d’examiner ou de mentionner de quelque façon les instruments internationaux portant sur les droits de l’homme qu’elle était tenue de prendre en compte. En particulier, l’agente, en prenant en compte l’intérêt supérieur des enfants, a omis d’interpréter et d’appliquer l’article 25 de la LIPR d’une manière qui soit conforme aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme invoqués dans les observations de l’avocat de Mme Thiara.

 

2.      L’agente d’immigration a commis une erreur en tirant des conclusions déraisonnables à l’égard de l’intérêt supérieur des enfants.

 

La norme de contrôle

 

[16]      Il n’est pas contesté que la norme de contrôle applicable aux décisions en matière de motifs d’ordre humanitaire est la décision raisonnable : arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (Baker). Une décision n’est déraisonnable que si les motifs énoncés ne contiennent aucun mode d’analyse pouvant raisonnablement conduire le décideur administratif à tirer la conclusion qu’il a tirée selon la preuve dont il disposait; si les motifs peuvent résister à un examen assez poussé, la cour qui procède au contrôle ne doit pas intervenir : Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] A.C.S. no 17, 2003 CSC 20 (Ryan).

 

L’analyse

 

L’omission d’avoir examiné ou mentionné les instruments internationaux

 

[17]      Dans ses observations écrites, Mme Thiara soutient que l’agente a commis une erreur de droit en omettant d’examiner ou de mentionner de quelque façon les instruments internationaux auxquels elle renvoie expressément dans ses observations portant sur les motifs d’ordre humanitaire. Bien qu’elle ait affirmé qu’il s’agissait de l’erreur la plus importante de l’agente, elle n’a fourni que peu d’explications à l’égard de son affirmation. Lors de l’audience, l’avocat a analysé plus en profondeur cette question. Par conséquent, je traiterai des points principaux contenus dans les observations faites de vive voix.

 

[18]      D’abord, je dois dire que je n’estime pas que l’omission de l’agente d’avoir mentionné expressément les noms des instruments internationaux soit une erreur de droit. Il est bien établi que l’agente, dans ses motifs, n’a pas à citer toute la preuve dont elle disposait. À moins que le contraire puisse être démontré, il est présumé qu’un décideur a soupesé et examiné toute la preuve : Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.F.) (QL); Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.). Le raisonnement sous-tendant cette proposition vise à faire en sorte que la forme ne l’emporte pas sur le fond.

 

[19]      À mon avis, la véritable question dans la présente affaire repose sur la question de savoir si la décision de l’agente révèle une omission d’avoir examiné et appliqué les principes contenus dans les instruments internationaux cités.

 

[20]      Dans ses observations, Mme Thiara met l’accent sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 3 R.C.F. 655, 262 D.L.R. (4th) 13 (C.A.F.) (De Guzman). Elle soutient que l’arrêt De Guzman fournit des [traduction] « indications importantes » à l’égard de l’application tant des instruments internationaux portant sur les droits de l’homme qui sont contraignants que de ceux qui ne le sont pas.

 

[21]      Dans l’arrêt De Guzman, la Cour d’appel a examiné la portée de l’alinéa 3(3)f) de la LIPR, lequel prévoit que le texte de loi doit être interprété et appliqué d’une manière conforme aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire. Mme Thiara souligne expressément les paragraphes 87 à 89 des motifs du jugement, dans lesquels ont été examinés tant les instruments internationaux contraignants que ceux qui ne le sont pas :

¶87      […] un instrument international portant sur les droits de l’homme qui est juridiquement contraignant et dont le Canada est signataire est déterminant quant à la façon d’interpréter et de mettre en œuvre la LIPR, en l’absence d’une intention législative contraire.

 

¶88      Cependant, l’alinéa 3(3)f) vise également les instruments non contraignants dont le Canada est signataire. Étant donné que les seuls instruments internationaux pertinents en l’espèce sont juridiquement contraignants pour le Canada, il n’est pas nécessaire de déterminer ici l’effet de l’alinéa 3(3)f) quant aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme qui ne sont pas contraignants.

 

¶89      Toutefois, eu égard aux considérations décrites ci‑dessus au sujet de ces instruments, je suis enclin à croire que le législateur voulait qu’ils soient utilisés comme facteurs persuasifs et contextuels pour l’interprétation et l’application de la LIPR, et non comme facteurs déterminants. Qui plus est, ces instruments non contraignants n’auront pas nécessairement tous la même force de persuasion. […]

 

 

[22]      Par conséquent, comme Mme Thiara le soutient, le droit international explique et clarifie ce qu’est l’« intérêt supérieur de l’enfant » (selon le libellé de l’article 25 de la LIPR). Les instruments internationaux contraignants comme l’ICESCR, la CRC et la CEAFDAW sont déterminants quant à la façon dont le critère de l’« intérêt supérieur de l’enfant » doit être interprété et appliqué. Des instruments internationaux non contraignants comme l’UDHR et la DSLPPWC doivent être utilisés comme « des facteurs convaincants et contextuels dans l’interprétation et l’application » du facteur de l’« intérêt supérieur de l’enfant ».

 

[23]      Selon Mme Thiara, les instruments internationaux cités dans ses observations portant sur les motifs d’ordre humanitaire sont à la base de quatre sujets généraux à examiner dans une analyse de l’« intérêt supérieur de l’enfant », à savoir : l’éducation, les responsabilités parentales, le comportement parental et la santé. Elle soutient que l’agente a omis de traiter, de quelque manière notable, de ces quatre sujets.

 

[24]      Premièrement, Mme Thiara conteste la conclusion de l’agente selon laquelle même si le système éducatif public en Inde n’est pas comparable à celui du Canada, l’agente n’était pas convaincue que ses filles n’auraient pas [traduction] « la possibilité de faire des études et d’avoir accès aux commodités de base en Inde ». Elle soutient que l’agente doit [traduction] « faire plus qu’une analyse de la question de savoir s’il existe une possibilité de faire études » étant donné que les instruments internationaux enjoignent aux États parties d’aller plus loin à cet égard. En particulier, elle souligne l’article 6 de la CRC qui énonce que « les États parties assurent dans toute la mesure possible la survie et le développement de l’enfant ». Elle renvoie de plus à l’article 29, dans lequel les États parties conviennent que l’éducation de l’enfant doit viser à favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes « dans toute la mesure de leurs potentialités ». Mme Thiara soutient en outre que la CEAFDAW charge les États parties à la Convention de prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes en ce qui concerne l’éducation (article 10). Bien qu’il soit un instrument non contraignant, l’UDHR précise que toute personne a droit à l’éducation et que les parents ont, « par priorité », le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants (article 26).

 

[25]      Deuxièmement, la demanderesse critique l’examen fait par l’agente quant à la possibilité qu’ont les enfants de rester au Canada alors qu’elle seule retournerait en Inde. Elle soutient que les instruments internationaux reconnaissent que l’intérêt supérieur des enfants veut que ceux-ci soient élevés par leur mère et que cela devrait se faire à l’endroit où elle peut subvenir à leurs besoins et voir à leur éducation. Elle souligne l’article 10 de l’ICESCR, qui reconnaît l’importance de protéger l’unité familiale. L’article 18 de la CRC prévoit que les États parties accordent « l’aide appropriée » aux parents dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever l’enfant. Mme Thiara renvoie de plus à la DSLPPWC, qui n’est pas un instrument contraignant, qui énonce à l’article 3 que « l’intérêt prioritaire de l’enfant est d’être élevé par ses parents naturels ».

 

[26]      Troisièmement, Mme Thiara soutient que l’agente [traduction] « a appliqué à l’encontre de l’intérêt supérieur des enfants [ses] agissements et problèmes d’immigration ». Elle affirme que les instruments internationaux enjoignent à l’agente de ne pas déconsidérer l’intérêt supérieur des enfants du fait du comportement des parents ou du fait d’un statut irrégulièrement obtenu. Mme Thiara renvoie à l’article 2 de la CRC qui prévoit que les États parties à la convention s’engagent à respecter les droits qui y sont énoncés et à les garantir à tout enfant, « indépendamment de toute considération […] [à l’égard] de l’enfant ou de ses parents [à l’égard] de leur origine nationale, ethnique ou sociale […] leur naissance ou de toute autre situation ». Elle renvoie en outre à l’article 10 de l’ICESCR qui énonce que des mesures spéciales de protection doivent être prises en faveur de tous les enfants, « sans discrimination aucune pour des raisons de filiation ou autres ».

 

[27]      Quatrièmement, elle soutient que l’agente n’a tiré aucune conclusion précise quant à l’état de santé que les enfants sont susceptibles d’avoir s’ils rejoignent leur mère en Inde. Elle soutient que [traduction] « dans l’ensemble ils auraient de meilleurs soins de santé au Canada ». Une fois de plus, Mme Thiara souligne l’article 6 de la CRC et renvoie à l’article 24 de la même convention, qui prévoit que les États Parties « reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible ».

 

[28]      En dépit des tentatives de Mme Thiara de me persuader du contraire, je ne suis pas convaincue que l’agente d’immigration a omis d’appliquer les principes contenus dans les instruments internationaux cités. À mon avis, contrairement à l’affirmation de Mme Thiara, l’omission de l’agente d’avoir mentionné les instruments dans sa décision n’appuie pas une inférence selon laquelle [traduction] « il n’a pas été tenu compte de cet ensemble de règles de droit ». Les motifs de l’agente d’immigration constituent une analyse complète et réfléchie des facteurs qui appuient une dispense et de ceux qui ne le font pas. Bien qu’elle n’ait pas expressément cité les instruments internationaux présentés (et débattus) par l’avocat, elle a effectivement traité de leur contenu, comme le reflète l’attention portée aux préoccupations soulevées dans les observations de Mme Thiara.

 

[29]      Les commentaires de la majorité dans l’arrêt Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] 2 C.F. 555, 222 D.L.R. (4th) 265 (C.A.F.) (Hawthorne) sont pertinents :

 

¶5        L’agente n’examine pas l’intérêt supérieur de l’enfant dans l’abstrait. Elle peut être réputée savoir que la vie au Canada peut offrir à un enfant un éventail de possibilités et que, règle générale, un enfant qui vit au Canada avec son parent se trouve dans une meilleure position qu’un enfant vivant au Canada sans son parent. À mon sens, l’examen de l’agente repose sur la prémisse – qu’elle n’a pas à exposer dans ses motifs – qu’elle constatera en bout de ligne, en l’absence de circonstances exceptionnelles, que le facteur de « l’intérêt supérieur de l’enfant » penchera en faveur du non-renvoi du parent. Outre cette prémisse que je qualifierais d’implicite, il faut se rappeler que l’agente est saisie d’un dossier particulier dans lequel un parent, un enfant ou les deux, comme en l’occurrence, allèguent des raisons précises quant à savoir pourquoi le non-renvoi du parent est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Il va de soi que l’agente doit examiner attentivement ces raisons précises.

 

¶ 6       Il est quelque peu superficiel de simplement exiger de l’agente qu’elle décide si l’intérêt supérieur de l’enfant milite en faveur du non-renvoi – c’est un fait qu’on arrivera à une telle conclusion, sauf dans de rares cas inhabituels. En pratique, l’agente est chargée de décider, selon les circonstances de chaque affaire, du degré vraisemblable de difficultés auquel le renvoi d’un parent exposera l’enfant et de pondérer ce degré de difficultés par rapport aux autres facteurs, y compris les considérations d’intérêt public, qui militent en faveur ou à l’encontre du renvoi du parent.

 

 

[30]      La principale difficulté quant aux observations Mme Thiara à l’égard de la première question (dont les observations ne tiennent pas compte) résulte du fait que l’agente d’immigration a conclu que l’intérêt supérieur des enfants milite en faveur de permettre à Mme Thiara de rester au Canada. Elle a tiré cette conclusion après avoir examiné soigneusement les observations de Mme Thiara, qui incluaient les instruments internationaux portant sur les droits de l’homme. Bien qu’elle ait reconnu ce facteur positif comme un facteur « important », l’agente a en fin de compte conclu que, dans le cas de la demanderesse, il ne l’emportait pas sur les autres facteurs négatifs, qui incluaient notamment les nombreux antécédents de fausses déclarations aux fonctionnaires de l’immigration. Mme Thiara conteste le poids que l’agente a accordé aux divers facteurs qu’elle a pris en compte pour prendre sa décision.

 

[31]      Essentiellement, la position de Mme Thiara est la suivante : si l’agente avait interprété l’intérêt supérieur des enfants d’une manière conforme aux instruments internationaux cités dans ses observations portant sur les motifs d’ordre humanitaire, elle aurait dû conclure que la situation de Mme Thiara justifiait une dispense de l’exigence contenue au paragraphe 11(1) de la LIPR. Cela m’amène au commentaire fait par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 4 C.F. 358 (C.A.F.) (Legault) :

¶12      […] La présence d’enfants […] n’appelle pas un certain résultat. Ce n’est pas parce que l’intérêt des enfants voudra qu’un parent qui se trouve illégalement au Canada puisse demeurer au Canada […] que le ministre devra exercer sa discrétion en faveur de ce parent. Le Parlement n’a pas voulu, à ce jour, que la présence d’enfants au Canada constitue en elle-même un empêchement à toute mesure de refoulement d’un parent se trouvant illégalement au pays […].

 

 

[32]      Bien que l’arrêt De Guzman ait été rendu après l’arrêt Legault, à mon avis, il n’a pas pour effet, pas plus qu’il avait pour but, d’écarter ce qui a été décidé dans l’arrêt Legault. En outre, il faut également tenir compte de l’arrêt Baker, dans lequel Mme la juge L’Heureux-Dubé a déclaré ce qui suit :

¶75      […] Cela ne veut pas dire que l’intérêt supérieur des enfants l’emportera toujours sur d’autres considérations, ni qu’il n’y aura pas d’autres raisons de rejeter une demande d’ordre humanitaire même en tenant compte de l’intérêt des enfants. […]

 

 

 

[33]      En fait, les arguments de Mme Thiara équivalent à une invitation à apprécier à nouveau la preuve. Il ne m’appartient pas de faire une telle appréciation. Je ne peux pas non plus substituer mon opinion à celle du décideur. L’« intérêt supérieur de l’enfant » est un facteur important qui doit être pris en compte et auquel on doit accorder un poids important. Cependant, ce n’est pas le seul facteur. Une fois que ce facteur a été bien établi et défini, il appartient à l’agent d’immigration d’établir le poids qui doit lui être accordé dans les circonstances (Legault).

 

Les conclusions déraisonnables à l’égard de l’intérêt supérieur des enfants

 

[34]      Mme Thiara soutient en outre que l’agente a tiré diverses conclusions déraisonnables à l’égard de l’intérêt supérieur des enfants. Elle mentionne les exemples suivants :

 

§         Il était déraisonnable pour l’agente d’émettre l’hypothèse selon laquelle les enfants auraient la possibilité de rester au Canada si Mme Thiara retourne en Inde. Il n’y avait aucun élément de preuve montrant que les membres de sa famille étaient intéressés à s’occuper de ses filles ou étaient en mesure de le faire.

§         Il était déraisonnable pour l’agente de simplement mentionner que la séparation de Mme Thiara de ses enfants serait [traduction] « difficile ». Il s’agissait d’une analyse insuffisante.

§          Il était déraisonnable pour l’agente de faire l’appréciation des problèmes auxquels les filles pourraient être exposées (qu’elles soient séparées de leur mère ou qu’elles vivent avec elle en Inde) en faisant référence à la conduite de Mme Thiara.

§         Il était déraisonnable pour l’agente de conclure que Mme Thiara serait exposée à des difficultés en Inde, puisqu’elle serait probablement sans soutien familial. La preuve présentée dans sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire indiquait qu’elle avait peu ou pas de soutien financier de la part de sa famille.

§         Il était déraisonnable pour l’agente de mettre sur le même plan la capacité de Mme Thiara de s’établir au Canada et sa capacité de s’établir en Inde.

§         Il était déraisonnable pour l’agente d’atténuer l’importance du fait que les autres membres de la famille immédiate de Mme Thiara avait choisi de venir au Canada alors qu’il n’y avait aucun élément de preuve portant sur les raisons pour lesquelles les parents et le frère de la demanderesse immigrent au Canada.

§         Il était déraisonnable pour l’agente d’affirmer que le système éducatif en Inde [traduction] « peut » ne pas être comparable à celui du Canada alors qu’il existe des éléments de preuve établissant clairement qu’il ne l’est pas.

 

[35]      L’examen à la loupe d’une décision n’est pas utile. La mise en garde dans la décision Miranda c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 63 F.T.R. 81 (1re inst.), vaut la peine d’être répétée. Dans cette décision, le juge Joyal a déclaré ce qui suit :

Je suis toutefois d’avis qu’aux fins d’un contrôle judiciaire, les décisions de la Commission doivent être prises dans leur ensemble. Certes, on pourrait les découper au bistouri, les regarder à la loupe ou encore, en disséquer certaines phrases pour en découvrir le sens. Mais je crois qu’en général, ces décisions doivent être analysées dans le contexte de la preuve elle-même. J’estime qu’il s’agit d’une manière efficace de déterminer si les conclusions tirées étaient raisonnables ou manifestement déraisonnables.

 

 

Bien que l’avertissement du juge Joyal ait été fait dans le contexte du contrôle d’une décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, il s’applique de la même façon dans le contexte d’une décision rendue par un agent d’immigration quant à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Voir également : Lesanu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 962 (C.A.F.), et Condo c. Canada (Procureur général) (2005), 67 W.C.B. (2d) 847 (C.A.F.), pour l’application de la thèse dans d’autres contextes.

 

[36]      Un examen à la loupe permettrait à n’en pas douter de tirer d’autres conclusions. Cependant, cela ne fait pas de la décision rendue par un agent d’immigration une décision déraisonnable. Il n’est pas justifié d’intervenir dans les cas où l’agent d’immigration pouvait raisonnablement tirer les conclusions qu’il a tirées.

 

[37]      Il n’y a aucun doute que, en tant que citoyens canadiens, les enfants de Mme Thiara peuvent de plein droit rester au Canada. L’agente d’immigration disposait d’éléments de preuve selon lesquels la sœur de Mme Thiara, qui vit au Canada, passait du temps avec les enfants. Il y avait également des éléments de preuve établissant que les parents et le frère de Mme Thiara étaient en voie d’immigrer au Canada. Lorsque Mme Thiara est revenue au Canada en 2005, elle a laissé ses enfants aux soins de ses parents en son absence. Par conséquent, il y avait un élément de preuve au soutien des commentaires faits par l’agente d’immigration quant à la possibilité que les enfants restent au Canada. Les commentaires à cet égard étaient raisonnables.

 

[38]      On peut dire la même chose quant aux conclusions de l’agente d’immigration à l’égard de la capacité de Mme Thiara de subvenir à ses besoins en Inde. À cet égard, l’agente a déclaré ce qui suit :

 

                        [traduction]

Je reconnais que le fait de tenter de s’établir à nouveau en Inde peut être une expérience stressante et difficile pour la demanderesse. Je remarque, cependant, qu’elle a réussi à s’installer et à s’établir à nouveau au Canada. Je reconnais que trouver un emploi en Inde comporterait des difficultés pour la demanderesse et exigerait un esprit d’initiative de sa part. La demanderesse a obtenu un diplôme en science médicale en Inde et elle a suivi des cours au Canada. Elle a travaillé au Canada et elle a subvenu elle-même à ses besoins. Il est raisonnable de s’attendre à ce que ses études, ses compétences transférables et son expérience de travail l’aident à obtenir un emploi en Inde.

 

 

L’agente, même si elle disposait de l’affidavit de Mme Thiara, lequel établissait qu’elle avait eu de la difficulté à obtenir un emploi au cours des quatre mois pendant lesquels elle avait vécu en Inde en 2005, devait également prendre en compte les dossiers d’études et d’emploi de Mme Thiara. L’agente pouvait raisonnablement conclure que les études de Mme Thiara, ses compétences transférables et son expérience de travail l’aideraient à trouver un emploi en Inde.

 

[39]      En outre, Mme Thiara interprète la question en litige de façon erronée lorsqu’elle exprime son désaccord quant aux conclusions de l’agente à l’égard de sa conduite et de la disponibilité d’un soutien familial. L’analyse effectuée par l’agente quant à l’intérêt supérieur des enfants ne mentionne pas et n’inclut pas la conduite de Mme Thiara envers les fonctionnaires canadiens de l’immigration. Plutôt, les fausses déclarations de Mme Thiara et ses antécédents négatifs avec CIC ont été soulevés au début de la décision à l’endroit où l’agente a mentionné qu’elle avait pris ce facteur négatif en compte dans son appréciation de l’ensemble des facteurs. Dans l’arrêt Legault, la Cour d’appel fédérale a déclaré explicitement que les agents d’immigration ont le droit de prendre en compte les agissements passés d’un demandeur lorsqu’ils évaluent des motifs d’ordre humanitaire :

¶29      À la question 7,

 

7.         Le fait pour un demandeur invoquant le paragraphe 114(2) de la Loi sur l’immigration de devoir répondre à un acte d’accusation portant sur des infractions graves commises dans un pays étranger est-il l’une des « autres considérations » ou « autres raisons » mentionnées au paragraphe 75 de l’arrêt Baker, supra, et pouvant l’emporter sur l’intérêt supérieur des enfants?

 

je répondrais que le ministre peut tenir compte des agissements passés et actuels de la personne qui demande la dispense. [Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[40]      Les commentaires de l’agente à l’égard des difficultés auxquelles serait exposée Mme Thiara en Inde, [traduction] « probablement sans soutien familial », n’ont pas été faits précisément en rapport avec la question du soutien financier. Mis dans leur contexte, je les interprète comme une allusion à la possibilité que les parents et le frère de la demanderesse puissent réussir à immigrer au Canada, laissant peut-être Mme Thiara sans le soutien qu’elle obtiendrait de leur part s’ils étaient en Inde. La conclusion n’est pas déraisonnable.

 

[41]      En résumé, je n’estime pas que l’omission de l’agente d’avoir mentionné expressément dans sa décision les instruments internationaux indique une omission concomitante d’avoir pris en compte les principes généraux contenus dans ces documents. L’analyse effectuée par l’agente à l’égard de l’intérêt supérieur des enfants était pertinente, censée et réfléchie, c’est-à-dire que l’agente était attentive aux questions soulevées dans la CRC, l’UDHR, et ainsi de suite. Des décisions antérieures faisant autorité établissent que, même s’il est important, le facteur de l’« intérêt supérieur de l’enfant » n’est pas le seul facteur qu’un agent doit prendre en compte et apprécier lorsqu’il prend une décision.

 

[42]      Le deuxième argument de Mme Thiara ne peut pas être accepté parce que l’agente pouvait raisonnablement tirer les conclusions qu’elle a tirées. Une décision n’a pas à être parfaite puisque le critère n’est pas la perfection. Plutôt, la décision doit pouvoir résister à un examen assez poussé. La décision en cause en l’espèce résiste effectivement à un tel examen et l’intervention de la Cour n’est pas justifiée.

 

[43]      La demanderesse sollicite la certification de la question suivante :

 

[traduction]

Le pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 25 de la LIPR satisfait-il à l’expression « disposition législative prévoyant clairement le contraire » mentionnée dans l’arrêt De Guzman?

 

 

Le défendeur soutient que la question ci-après énoncée reflète mieux l’argumentation à cet égard.

 

 

                        [traduction]

Dans quelle mesure l’alinéa 3(3)f) de la LIPR signifie-t-il qu’un agent qui exerce son pouvoir discrétionnaire prévu par l’article 25 de la Loi doit expressément prendre en compte les instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire?

 

[44]      Une question certifiée est une question grave de portée générale qui serait déterminante lors d’un appel. Par conséquent, il doit s’agir d’une question qui a été soulevée et qui a été tranchée.

 

[45]      La première question n’est pas une question appropriée à des fins de certification parce qu’il n’en est pas traité dans les présents motifs et qu’elle ne serait pas déterminante lors d’un appel. Bien que la deuxième question reflète plus précisément l’argumentation, elle manque de précision. De plus, on peut se demander si la question proposée est véritablement déterminante dans les présentes circonstances où une agente d’immigration a conclu que l’« intérêt supérieur des enfants » milite en faveur de la demanderesse.

 

[46]      Toutefois, les observations présentées lors de l’audience ont largement porté sur la question de l’obligation qu’auraient les agents d’immigration de mentionner et d’analyser les instruments internationaux portant sur les droits de l’homme qui sont en cause. Même si j’ai des doutes quant à savoir si la question proposée serait déterminante dans un appel dans la présente affaire, elle a été soulevée et il en a été traité dans les présents motifs. Par conséquent, je vais certifier une question légèrement reformulée afin de mieux refléter les observations et ma décision. Je vais certifier la question suivante :

                       

L’alinéa 3(3)f) de la LIPR exige-t-il qu’un agent d’immigration, lorsqu’il exerce le pouvoir discrétionnaire prévu par l’article 25 de la LIPR, mentionne expressément les instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire et en fasse l’analyse ou suffit-il que l’agent traite de la teneur de ces instruments?


 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. La question suivante est certifiée :

 

L’alinéa 3(3)f) de la LIPR exige-t-il qu’un agent d’immigration, lorsqu’il exerce le pouvoir discrétionnaire prévu par l’article 25 de la LIPR, mentionne expressément les instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire et en fasse l’analyse ou suffit-il que l’agent traite de la teneur de ces instruments?

 

 

« Carolyn Layden‑Stevenson »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

D. Laberge, LL.L.


 

ANNEXE « A »

 

aux Motifs de l’ordonnance datés du 13 avril 2007

dans

MONIKA THIARA

(aussi connue sous le nom de MONIKA SAHOTA)

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

IMM‑4022‑06

 

 

I           Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 993 R.T.N.U. 3

 

           

            Article 10

 

                        Les États parties au présent Pacte reconnaissent que :

 

1.      Une protection et une assistance aussi larges que possible doivent être accordées à la famille, qui est l’élément naturel et fondamental de la société, en particulier pour sa formation et aussi longtemps qu’elle a la responsabilité de l’entretien et de l’éducation d’enfants à charge. […]

 

3.      Des mesures spéciales de protection et d’assistance doivent être prises en faveur de tous les enfants et adolescents, sans discrimination aucune pour des raisons de filiation ou autres.

 

Article 11

 

1.      Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence. Les États parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit et ils reconnaissent à cet effet l’importance essentielle d’une coopération internationale librement consentie.

 

Article 13

 

1. Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à l’éducation. Ils conviennent que l’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ils conviennent en outre que l’éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux et encourager le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.

 

 

II          Déclaration universelle des droits de l’homme, Rés. A.G. 217 A (III), Doc. N.U. A/81

 

 

            Article 25

 

1.      Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.

 

2.      La maternité et l’enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants, qu’ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale.

 

Article 26

 

1.      Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire. L’enseignement technique et professionnel doit être généralisé; l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.

 

2.      L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.

 

3.      Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants.

 

 

III        Convention relative aux droits de l’enfant, R.T. Can. 1992 no 3

 

 

            (extraits du préambule)

 

Rappelant que, dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, les Nations Unies ont proclamé que l’enfance a droit à une aide et à une assistance spéciales,

Convaincus que la famille, unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres et en particulier des enfants, doit recevoir la protection et l’assistance dont elle a besoin pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans la communauté,

Reconnaissant que l’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension,

Considérant qu’il importe de préparer pleinement l’enfant à avoir une vie individuelle dans la société, et de l’élever dans l’esprit des idéaux proclamés dans la Charte des Nations Unies, et en particulier dans un esprit de paix, de dignité, de tolérance, de liberté, d’égalité et de solidarité,

 

 

Article 2

 

1.      Les États parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation.

 

2.      Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille.

 

Article 6

 

                        […]

 

2. Les États parties assurent dans toute la mesure possible la survie et le développement de l’enfant.

 

            Article 18

 

1. Les États parties s’emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et d’assurer son développement. La responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à ses représentants légaux. Ceux-ci doivent être guidés avant tout par l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

2. Pour garantir et promouvoir les droits énoncés dans la présente Convention, les États parties accordent l’aide appropriée aux parents et aux représentants légaux de l’enfant dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever l’enfant et assurent la mise en place d’institutions, d’établissements et de services chargés de veiller au bien-être des enfants.

 

            Article 20

 

1. Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l’État.

 

2. Les États parties prévoient pour cet enfant une protection de remplacement conforme à leur législation nationale.

 

            Article 24

 

1. Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s’efforcent de garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir accès à ces services.

 

            Article 28

 

1.      Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation, et en particulier, en vue d’assurer l’exercice de ce droit progressivement et sur la base de l’égalité des chances :

 

a) Ils rendent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous;

b) Ils encouragent l’organisation de différentes formes d’enseignement secondaire, tant général que professionnel, les rendent ouvertes et accessibles à tout enfant, et prennent des mesures appropriées, telles que l’instauration de la gratuité de l’enseignement et l’offre d’une aide financière en cas de besoin;

c) Ils assurent à tous l’accès à l’enseignement supérieur, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés;

d) Ils rendent ouvertes et accessibles à tout enfant l’information et l’orientation scolaires et professionnelles;

e) Ils prennent des mesures pour encourager la régularité de la fréquentation scolaire et la réduction des taux d’abandon scolaire.

 

            Article 29

 

                        1. Les États parties conviennent que l’éducation de l’enfant doit viser à :

           

a) Favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités;

 

d) Préparer l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et d’amitié entre tous les peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes d’origine autochtone;

 

 

IV        Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, R.T. Can. 1982 no 31

 

            Article 10

 

Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes afin de leur assurer des droits égaux à ceux des hommes en ce qui concerne l’éducation et, en particulier, pour assurer, sur la base de l’égalité de l’homme et de la femme :

 

a) Les mêmes conditions d’orientation professionnelle, d’accès aux études et d’obtention de diplômes dans les établissements d’enseignement de toutes catégories, dans les zones rurales comme dans les zones urbaines, cette égalité devant être assurée dans l’enseignement préscolaire, général, technique, professionnel et technique supérieur, ainsi que dans tout autre moyen de formation professionnelle;

 

b) L’accès aux mêmes programmes, aux mêmes examens, à un personnel enseignant possédant les qualifications de même ordre, à des locaux scolaires et à un équipement de même qualité;

 

c) L’élimination de toute conception stéréotypée des rôles de l’homme et de la femme à tous les niveaux et dans toutes les formes d’enseignement en encourageant l’éducation mixte et d’autres types d’éducation qui aideront à réaliser cet objectif et, en particulier, en révisant les livres et programmes scolaires et en adaptant les méthodes pédagogiques;

 

d) Les mêmes possibilités en ce qui concerne l’octroi des bourses et autres subventions pour les études;

 

e) Les mêmes possibilités d’accès aux programmes d’éducation permanents, y compris aux programmes d’alphabétisation pour adultes et d’alphabétisation fonctionnelle, en vue notamment de réduire au plus tôt tout écart d’instruction existant entre les hommes et les femmes;

 

f) La réduction des taux d’abandon féminin des études et l’organisation de programmes pour les filles et les femmes qui ont quitté l’école prématurément;

 

g) Les mêmes possibilités de participer activement aux sports et à l’éducation physique;

 

h) L’accès à des renseignements spécifiques d’ordre éducatif tendant à assurer la santé et le bien-être des familles, y compris l’information et des conseils relatifs à la planification de la famille.

 

 

V         Déclaration sur les principes sociaux et juridiques applicables à la protection et au bien-être des enfants, envisagés surtout sous l’angle des pratiques en matière d’adoption et de placement familial sur les plans national et international, Rés. A.G. 41/85, OFF. AG NU (1986)

 

            Article premier

 

                                    Chaque État devrait donner la priorité au bien-être de la famille et de l’enfant.

 

            Article 2

 

                                    Le bien-être de l’enfant dépend du bien-être de la famille.

 

            Article 3

 

                                    L’intérêt prioritaire de l’enfant est d’être élevé par ses parents naturels.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑4022‑06

 

INTITULÉ :                                       MONIKA THIARA

                                                            (aussi connue sous le nom de MONIKA SAHOTA)

                                                            c.

                                                            MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 28 FÉVRIER 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 13 AVRIL 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sean Hern

 

POUR LA DEMANDERESSE

Sandra Weafer

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sean Hern

Farris, Vaughn, Wills & Murphy

Victoria (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉDENDEUR

 

 

 

                                                                                   

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