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Date : 20040316

 

Dossier : T-1748-02

 

Référence : 2004 CF 398

 

Ottawa (Ontario), le 16 mars 2004

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL

 

 

ENTRE :

 

                                                         HESHEL TEITELBAUM

 

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

 

 

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

                                                                                                                                           défendeur

 

 

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Cette demande se rapporte à la décision par laquelle le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (le CRSNG) a refusé, le 22 mars 2002, une subvention de recherche à la suite d'une demande que le professeur Heshel Teitelbaum avait présentée au mois d'octobre 2001. Cette décision a été confirmée le 13 septembre 2002 à la suite d'un appel interjeté par le demandeur selon la procédure d'appel du CRSNG.

 


[2]               Le CRSNG a pour mission de promouvoir et de soutenir la recherche dans le domaine des sciences naturelles et du génie en distribuant des subventions et des bourses d'études parmi plusieurs centaines de candidats sur une base régulière. Les subventions sont uniquement accordées selon le mérite tel qu'il est déterminé par les pairs de chaque candidat.

 

[3]               Le demandeur a demandé une subvention de recherche pour l'année de financement 2002‑2003. Le comité de sélection des subventions 26 (chimie analytique et physique) (le CSS 26) a apprécié la demande avec l'aide de trois examinateurs de l'extérieur et d'un sous‑comité composé de trois examinateurs internes chargés de lui présenter leurs évaluations et recommandations. Après avoir examiné les opinions des examinateurs de l'extérieur, les examinateurs internes ont recommandé à l'ensemble du CSS 26 de rejeter la demande de subvention. Le demandeur a eu recours à la procédure d'appel du CRSNG pour faire réexaminer cette décision. Le conseiller de l'extérieur a recommandé que la décision du CSS 26 soit maintenue et le chef d'équipe a souscrit à cet avis.

 

[4]               Le demandeur conteste tant la décision du CSS 26 en date du 22 mars 2002 (la décision du comité) que la décision rendue en appel par le chef d'équipe le 13 septembre 2002 (la décision rendue en appel).


HISTORIQUE

Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie

 

[5]               Le CRSNG est un organisme autonome du gouvernement fédéral, financé directement par le Parlement; il fait rapport au Parlement par l'entremise du ministre de l'Industrie. Depuis sa création, en 1978, en vertu de la Loi sur le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, L.R.C. 1985, ch. N‑21 (la Loi), le CRSNG a pour mandat :

[D]e promouvoir et de soutenir la recherche dans le domaine des sciences naturelles et du génie, à l'exclusion des sciences de la santé; [...] de conseiller le ministre, en matière de recherche, sur les questions que celui‑ci a soumises à son examen.

 

[6]               Le CRSNG est le principal organisme subventionnaire au Canada. Il distribue chaque année des subventions s'élevant à plus de 650 millions de dollars pour soutenir la recherche universitaire et la formation de scientifiques et d'ingénieurs. Il est extrêmement important pour les professeurs universitaires que leurs recherches reçoivent l'appui d'organismes tels que le CRSNG. D'autres organismes et ministères des gouvernements fédéral et provinciaux financent également la recherche; il en va de même pour les universités, des particuliers, des fondations et des sociétés.

 

La procédure d'octroi de subventions

 


[7]               Le CRSNG accorde presque toutes ses subventions sur trois ou quatre ans. Par conséquent, ses fonds, dans une proportion de 70 à 75 p. 100, pour chaque exercice sont déjà engagés avant qu'il examine des demandes de renouvellement ou de nouvelles subventions de recherche. La demande pour les renouvellements ou les nouvelles subventions de recherche excède de beaucoup les fonds disponibles. Habituellement, les fonds disponibles ne représentent que 50 p. 100 de toutes les subventions demandées. Compte tenu de ces contraintes, et pour s'acquitter de son mandat, le CRSNG a élaboré une procédure de répartition des sommes disponibles parmi les diverses disciplines relevant de son mandat et une procédure d'évaluation des demandes qu'il reçoit.

 

[8]               Chaque année, le CRSNG publie un Manuel d'évaluation par les pairs décrivant la procédure et les critères d'évaluation qu'il emploie en appréciant les propositions de subventions de recherche soumises au cours de l'année. Ce document fait référence à d'autres sources détaillées d'information, en particulier le Guide des programmes destiné aux professeurs sur le site Web du CRSNG.

 

La procédure d'octroi des subventions – Les comités de sélection des subventions

 

[9]               Le comité de sélection des subventions (le CSS) est au cœur de la procédure d'évaluation et d'octroi des subventions. À l'heure actuelle, vingt‑cinq comités de sélection des subventions représentent les diverses disciplines relevant du mandat du CRSNG. Entre autres choses, ces comités examinent les propositions de subventions de recherche soumises dans leur discipline et soumettent leurs recommandations au président du CRSNG pour approbation. Le CSS 26 (chimie analytique et physique) est l'un des deux comités de sélection des subventions qui examinent les propositions de subvention dans le domaine de la chimie.

 

[10]           Le CRSNG a élaboré des Lignes directrices sur la composition des comités de sélection. Ces lignes directrices mettent l'accent sur la nécessité d'avoir une expertise diversifiée dans les domaines de recherche relevant de chaque CSS et sur la nécessité, pour chaque membre du CSS, de faire preuve d'un bon jugement et d'avoir des connaissances étendues. Chaque CSS est composé d'experts dans la discipline pertinente. Le président du CSS est l'un des membres du comité. Chaque membre du CSS agit bénévolement pour une période de trois ans, un tiers des membres du comité étant normalement remplacés chaque année. Le CRSNG n'emploie aucun de ces membres.

 

[11]           Le directeur intérimaire, Sciences physiques et mathématiques (M. Serge Villemure à l'heure actuelle) et les agents de programme relevant de lui supervisent la procédure de concours de subventions et fournissent également des services de secrétariat et des services de soutien administratif aux CSS relevant du directeur intérimaire, y compris le CSS 26. Ces agents conseillent également les CSS au sujet des politiques, des lignes directrices et des procédures du CRSNG en vue d'assurer l'uniformité et l'équité, mais ils ne sont pas membres des CSS et n'exercent aucun droit de vote dans leurs délibérations.

 


[12]           Chaque année, le CRSNG répartit entre les CSS les fonds disponibles pour les subventions de recherche. Les fonds distribués à chaque CSS comprennent alors le « budget » de fonctionnement de chaque CSS lorsqu'il recommande de nouvelles subventions au CRSNG. Habituellement, ce budget ne représente que 50 p. 100 du montant total demandé par les candidats. Les CSS fonctionnent selon un cycle budgétaire de 3 à 4 ans. Par conséquent, leurs fonds pour chaque exercice sont déjà engagés, dans une proportion de 70 à 75 p. 100, avant que le CRSNG examine les demandes de renouvellement des subventions de recherche. Les subventions sont destinées à appuyer diverses dépenses telles qu'elles sont énoncées dans une proposition, comme la rétribution des étudiants de cycle supérieur, le matériel de laboratoire, les frais d'exploitation et d'entretien, le matériel et les fournitures, les voyages, et les frais de publication.

 

[13]           Le CRSNG exige que les candidats potentiels soumettent un formulaire intitulé « Avis d'intention de présenter une demande de subvention de recherche » (l'avis d'intention) pendant l'été qui précède l'année pour laquelle ils veulent recevoir une subvention. L'avis d'intention informe le CRSNG de l'intention du chercheur de demander une subvention de recherche, résume la recherche proposée et désigne jusqu'à cinq experts qui, selon le candidat, sont qualifiés pour agir comme examinateurs de l'extérieur à l'égard de la demande. Cela permet au CRSNG de commencer à planifier la procédure d'examen avant la réception de la demande. Sur réception de l'avis d'intention, le CRSNG transmet l'avis au président du CSS responsable de l'appréciation des propositions de subvention dans cette discipline ainsi que tous les autres avis d'intention dans le même domaine.

 


[14]           Le président choisit ensuite deux ou trois membres du CSS (trois membres dans le cas du CSS 26) dont l'expertise se rapproche le plus de celle qui est en cause dans le projet pour agir comme examinateurs internes de la proposition. Ces examinateurs internes doivent être libres de tout conflit d'intérêts (conformément à la politique du CRSNG) et doivent être en mesure de lire la demande dans la langue officielle dans laquelle elle est soumise.

 

[15]           Le premier examinateur interne choisit au moins quatre examinateurs de l'extérieur pour examiner la proposition de subvention et faire des commentaires écrits à son sujet. Les examinateurs de l'extérieur sont choisis à l'aide de diverses sources, notamment les listes fournies par le candidat, la base de données du CRSNG ainsi que les connaissances personnelles et l'expérience de l'examinateur interne. Les critères les plus importants lorsqu'il s'agit de choisir un examinateur de l'extérieur sont le fait qu'il connaît le domaine en cause dans lequel le candidat désire effectuer sa recherche, sa disponibilité et l'absence de tout conflit d'intérêts réel ou perçu avec le candidat. Le CRSNG communique ensuite avec les trois premiers examinateurs de l'extérieur et garde les autres noms en réserve au cas où l'un des examinateurs l'informerait qu'il n'est pas capable de s'acquitter de ses fonctions.

 


[16]           Les examinateurs de l'extérieur ne sont pas rémunérés pour examiner les propositions de subvention et faire des commentaires à ce sujet et ils ne participent pas – que ce soit en assistant aux discussions ou en votant – aux délibérations du CSS qui examine la demande de subvention à l'égard de laquelle ils soumettent leurs commentaires. L'examinateur de l'extérieur n'a pas le droit de « voter » au sujet de la question de savoir si la demande doit être appuyée; il a uniquement le pouvoir de faire des recommandations. En fait, en s'acquittant de ses fonctions lorsqu'il s'agit de faire des recommandations au CRSNG aux fins du financement, au vu de tous les documents et renseignements dont il dispose, le CSS est libre d'accepter ou de rejeter les recommandations des examinateurs de l'extérieur au sujet d'une demande.

 

[17]           Lorsqu'un candidat soumet un formulaire de « Demande de subvention de recherche », le CRSNG distribue cette demande à l'ensemble du CSS et aux examinateurs de l'extérieur. Les examinateurs internes et les examinateurs de l'extérieur reçoivent également des échantillons de contributions fournis par le candidat. De plus, les examinateurs de l'extérieur reçoivent des instructions sur les critères d'évaluation, y compris ceux qui se rapportent à l'évaluation par les pairs. Ces instructions sont tirées du Manuel d'évaluation par les pairs pour l'année en cause.

 

[18]           Après avoir reçu la demande de subvention et les échantillons de contributions, les examinateurs de l'extérieur préparent des rapports écrits dans lesquels ils expriment leurs opinions au sujet de la faisabilité de la proposition et des avantages que comporte le genre de recherche proposée et soumettent ces rapports au CRSNG. Le CRSNG envoie ensuite les rapports à tous les membres du CSS.

 

[19]           Les examinateurs internes examinent également en détail les propositions de subvention et les échantillons de contributions qui leur sont assignés, ainsi que les rapports des examinateurs de l'extérieur, mais ils ne sont pas tenus de soumettre un rapport officiel à l'ensemble du CSS. Toutefois, ils préparent et soumettent des recommandations préliminaires de financement indiquant le montant qu'ils alloueraient à chaque proposition qui leur est assignée aux fins d'un examen.


 

[20]           Au mois de février suivant de chaque année, le CSS se réunit pendant plusieurs jours pour discuter des demandes reçues et pour voter sur chaque proposition compte tenu des contraintes d'un budget restreint. Les personnes affectées ou tous les membres du CSS lisent chaque proposition, mais les examinateurs internes présentent la proposition au CSS lorsque la proposition de subvention est soumise pour examen avec le niveau recommandé de financement. En tant que membres du CSS, les examinateurs internes votent sur la demande. Des membres du personnel du CRSNG assistent à ces réunions pour s'assurer que les politiques sont respectées et pour noter les principaux points soulevés par les membres du CSS et les recommandations du CSS. Dans cette communauté scientifique exclusive étroitement liée, les opinions exprimées sont souvent fermes et elles sont vigoureusement énoncées.

 

[21]           En évaluant chaque proposition de subvention et en préparant ses recommandations, chaque CSS est censé tenir compte des éléments suivants :

(i) l'excellence du chercheur en sciences et en génie;

(ii) le mérite de la recherche proposée;

(iii) le besoin de fonds; et

(iv) la contribution du chercheur à la formation de personnel hautement qualifié.

 


[22]           À la suite de la réunion, le CSS soumet ses recommandations au CRSNG pour que le président l'approuve. Il peut être recommandé que la demande de financement soit approuvée en entier, ou que seul un financement partiel soit approuvé ou, de fait, qu'aucun financement ne soit accordé. Une fois que le président a approuvé les recommandations, les représentants du CRSNG préparent des lettres informant chaque candidat de la décision. Lorsque le CSS recommande qu'un candidat n'obtienne pas de subvention, il prépare à l'intention du candidat des « commentaires » dans lesquels il explique le fondement de la recommandation et tente d'exposer les points sur lesquels la demande pourrait être améliorée.

 

Le processus d'appel du CRSNG

 

[23]           L'article 10.5 du Manuel d'évaluation par les pairs du CRSNG pour l'année 2001 dit que les demandeurs peuvent en appeler de la décision du CRSNG. La nature de l'appel y est décrite comme suit :

Un appel officiel d'une décision relative à une demande de subvention du CRSNG doit être fondé sur une preuve probante d'erreur ou de discrimination dans l'évaluation. La procédure d'appel vise à assurer que le candidat a été traité équitablement et conformément au contexte d'un concours dont les fonds sont limités. Le CRSNG s'efforce de traiter équitablement les demandes et de fournir une évaluation juste répondant aux critères de sélection. Il juge chaque cas selon ses mérites.

 

[24]           Les principes suivants s'appliquent aux appels :

a)     le candidat doit interjeter appel dans les deux mois suivant la réception de la lettre de décision;

b)    il incombe au candidat de fournir une preuve probante d'erreur ou de discrimination;


c)     les différences d'opinion entre les examinateurs de l'extérieur et les CSS ne constituent pas nécessairement un motif d'appel;

d)    aucun nouveau document ou renseignement (p. ex., articles publiés après la date limite; maladie ou autres circonstances atténuantes qui auraient dû être mentionnés sur le formulaire 100) ne sont pris en considération; et

e)     le niveau ou la durée d'une subvention, ou les deux, peuvent faire l'objet d'une modification (augmentation ou diminution) à la suite d'un appel.

 

[25]           Lors de l'appel, le chef d'équipe ou un représentant du CRSNG examine la recommandation du CSS concerné avec l'aide du personnel et d'un conseiller de l'extérieur, qui est un chercheur chevronné de la communauté des chercheurs ayant de l'expérience dans le domaine de l'évaluation par les pairs. Le conseiller de l'extérieur ne doit pas avoir participé à l'évaluation initiale de la demande en tant que membre du CSS ou à titre d'examinateur de l'extérieur.

 

[26]           Les lignes directrices qui s'appliquent à la sélection des examinateurs de l'extérieur sont essentiellement celles qui sont utilisées pour la sélection des conseillers de l'extérieur, sauf que le conseiller de l'extérieur n'a pas nécessairement à avoir une expertise directe dans le domaine précis du candidat; il doit cependant posséder des connaissances étendues du système d'évaluation par les pairs du CRSNG. De plus, le conseiller de l'extérieur doit déclarer tout conflit d'intérêts existant au départ ou prenant subséquemment naissance, pour que le CRSNG puisse désigner un remplaçant. L'identité du conseiller de l'extérieur n'est pas révélée au CSS ou au candidat appelant.


 

[27]           Le rôle du conseiller de l'extérieur consiste à déterminer si le candidat a démontré qu'une injustice a été commise pendant l'examen de la demande de subvention. Sur réception de l'appel, les représentants du CRSNG envoient des renseignements de base se rapportant à la demande particulière et des statistiques concernant le concours à l'égard duquel la demande a été présentée au conseiller de l'extérieur, qui analyse l'appel en tenant compte des arguments de l'appelant, des critères d'examen et des lignes directrices du CRSNG, des commentaires du CSS et de tout précédent qui peut être pertinent, et soumet une recommandation écrite au CRSNG.

 

[28]           Sur réception de la recommandation écrite du conseiller de l'extérieur et des documents du personnel, le chef d'équipe ou son représentant examine l'appel et la recommandation du conseiller de l'extérieur et prend une décision.

 

Le demandeur

 

[29]           Le professeur Heshel Teitelbaum est professeur à l'université d'Ottawa depuis 1978. Il a été professeur adjoint de 1978 à 1985, et depuis 1995, il est professeur titulaire. Il a été professeur invité dans deux universités étrangères lorsqu'il a pris des congés sabbatiques de l'université d'Ottawa : en tant que professeur Lady Davis de chimie physique à l'université juive de Jérusalem du mois d'octobre 1992 au mois de février 1993 et au ETH, à Zurich, en Suisse, du mois d'août 1984 au mois de juillet 1985.


 

[30]           Le professeur Teitelbaum est un expert reconnu à l'échelle internationale dans le domaine de la cinétique chimique. La cinétique est l'une des sciences physiques les plus exigeantes sur le plan intellectuel. Le professeur Teitelbaum a axé ses efforts sur la mise au point de modèles complexes permettant de comprendre le processus d'une combustion à haute énergie. Il s'intéresse également aux réactions oscillatoires, un autre domaine fort stimulant.

 

[31]           Au cours des sept dernières années, le professeur Teitelbaum a publié les documents suivants :

i)          trois articles dans des revues examinées par des pairs;

ii)         un article soumis pour publication dans une revue examinée par des pairs;

iii)         un chapitre de livre;

iv)        deux exposés lors des travaux d'un congrès à comité de lecture;

v)         deux exposés présentés lors de congrès dont les travaux ne sont pas publiés.

 

[32]           De 1994 à l'an 2000, le professeur Teitelbaum a supervisé le travail de sept étudiants :

i)          trois étudiants qui en étaient à leur quatrième année d'études de premier cycle, de 1995 à 1999;

ii)         un étudiant qui effectuait une maîtrise en sciences;

iii)         un étudiant de doctorat de 1994 à 1998;

iv)        un stagiaire postdoctoral en 1999; et


v)         un attaché de recherche de 1997 à l'an 2000.

 

L'importance du financement du CRSNG pour le demandeur

 

[33]           Pour des disciplines telles que celle à laquelle le demandeur a consacré sa carrière, la cinétique chimique, les chercheurs et les scientifiques comptent presque exclusivement sur le financement du CRSNG afin de poursuivre leurs recherches, et ce, parce que ces disciplines tendent à recevoir peu de fonds, si ce n'est aucuns fonds, de l'industrie, étant donné que l'innovation résultant de ces sciences n'aura pas d'applications commerciales immédiates. Le CRSNG lui‑même reconnaît également que, pour certains chercheurs, c'est la seule source de financement.

 

[34]           Les conséquences du défaut d'obtention de financement de la part du CRSNG ont donc été importantes pour le demandeur, qui mentionne les conséquences suivantes :

i)          il ne peut pas effectuer de recherches expérimentales, ce qui lui a fait perdre son droit à un laboratoire à l'université d'Ottawa. Ses appareils de laboratoire ont été démontés et mis en entreposage. Il estime qu'il en coûterait environ 50 000 $ pour réassembler le laboratoire;


ii)         il ne peut pas embaucher d'étudiants, ce qui a une incidence sur les demandes futures de financement, étant donné que la capacité de contribuer à la formation de personnel hautement qualifié est un critère crucial aux fins de l'octroi des fonds de recherche. En l'absence d'étudiants, sa capacité de mener des recherches et de faire rapport sur ces recherches est restreinte;

iii)         l'absence de financement influera sur sa participation aux conférences, ce qui lui fera perdre des occasions de partager et d'échanger des expériences avec des collègues en matière de recherche ainsi que des occasions de présenter ses recherches et théories;

iv)        il a moins eu l'occasion de collaborer à des projets de recherche avec des collègues. Lors de son congé sabbatique, en 2002, le demandeur a financé de sa poche des efforts de collaboration au Portugal;

v)         il a limité la portée de ses recherches à des sujets théoriques, étant donné qu'il ne peut plus poursuivre les aspects expérimentaux de son travail compte tenu de la perte de son laboratoire;

vi)        les aspects théoriques de son travail en souffriront également étant donné que, s'il n'est pas en mesure d'effectuer du travail expérimental, il ne peut pas mettre ses théories à l'épreuve;

vii)        il sera stigmatisé, car ses pairs croiront que ses recherches ne méritent pas d'être financées;

viii)       il risque de perdre sa qualité de membre de la Faculté des études supérieures et postdoctorales et de l'Institut de recherches d'Ottawa‑Carleton, qualité qui lui est reconnue à condition qu'il obtienne des subventions évaluées par les pairs;


ix)        il fera face à une augmentation de sa charge d'enseignement, allant bien au‑delà de ce qui est la norme pour ses collègues, étant donné que le doyen des sciences croira que s'il ne dispose pas de fonds pour former des étudiants de cycle supérieur, il devrait consacrer plus de temps à enseigner à des étudiants de premier cycle; et

x)         l'effet cumulatif de toutes les conséquences susmentionnées est que le demandeur aura de plus en plus de difficulté à satisfaire aux principaux critères d'obtention de financement de la part du CRSNG.

 

[35]           Le demandeur a obtenu des fonds du CRSNG entre 1978 et l'année de financement 2000‑2001, cette année‑là, le financement lui a été refusé. Il s'est également vu refuser des fonds pour les années de financement 2001‑2002 et 2002‑2003.

 

La demande de subvention du demandeur

 

[36]           Le 15 août 2001, le demandeur a soumis un formulaire d'avis d'intention au CRSNG. Le 26 octobre 2001, il a soumis un formulaire de demande de subvention de recherche. D'une façon générale, le demandeur se proposait d'effectuer des travaux sur la [traduction] « cinétique chimique détaillée vibrationnelle » mettant en cause le transfert d'énergie moléculaire, l'énergie vibrationnelle, les lois de vitesse, la cinétique, la combustion, l'hydrogène, l'oxygène et les phénomènes hors de l'équilibre. Il a demandé une subvention s'élevant en tout à 340 000 $ qui devait s'échelonner sur quatre ans.

 

[37]           Pour l'exercice 2002-2003, le CSS 26 a reçu 110 demandes de subvention, y compris celle du demandeur. La valeur totale de toutes les subventions demandées était de 7,9 millions de dollars. Cette somme excédait le montant alloué au CSS 26 à ces fins d'un montant de 3,1 millions de dollars. Sur les 110 demandes de subventions de recherche reçues par le CRSNG dans le domaine dont le CSS 26 était responsable, 94 subventions ont été accordées.

 

[38]           Le CRSNG a transmis l'avis d'intention du demandeur au président et aux examinateurs internes du CSS 26 et a transmis la demande à l'ensemble du CSS 26. Le 21 novembre 2001, le CRSNG a produit un sommaire des antécédents du demandeur en matière de subventions et l'a remis aux examinateurs internes et au CSS conformément à la pratique habituelle pour toutes les demandes étudiées par les CSS.

 

[39]           Conformément à la pratique du CRSNG et aux régimes d'évaluation par les pairs qui étaient en vigueur, les examinateurs de l'extérieur ont fait part de leurs commentaires, à condition que leur identité ne soit pas divulguée au demandeur ou au public. Le demandeur ne remet pas en question la bonne foi des examinateurs de l'extérieur. Trois examinateurs de l'extérieur ont examiné la proposition du demandeur et ont soumis leurs commentaires écrits.

 

[40]           Voici un sommaire des rapports des trois examinateurs de l'extérieur qui ont été obtenus pour la proposition du demandeur :


1)         les trois examinateurs ont organisé leurs commentaires autour des quatre critères de base : l'excellence du chercheur en sciences et en génie; le mérite de la recherche proposée; le besoin de fonds; et la contribution du chercheur à la formation de personnel hautement qualifié;

2)         l'élément « besoin de fonds » n'a pas été expressément examiné. La discussion a plutôt porté sur les trois autres facteurs;

3)         deux examinateurs (K et L) étaient en faveur du financement. Le troisième examinateur (M) s'est prononcé à l'encontre;

4)         il importe de noter ce qui suit au sujet des commentaires de K :

a) K déclarait que son domaine d'expertise ne faisait que [traduction] « se rapprocher quelque peu » du domaine d'expertise visé par la proposition;

b) K a coté la proposition du demandeur comme [traduction] « acceptable » par rapport à d'autres propositions à l'égard desquelles il avait agi comme examinateur au cours des dernières années;

c) K croyait que les résultats du demandeur avaient été modestes au cours des quelques années antérieures (en notant qu'il avait reçu un faible financement);

d) tout en reconnaissant l'expertise du demandeur ainsi que la valeur inhérente de sa proposition, la question réelle, aux yeux de K, était de savoir s'il y avait une infrastructure suffisante pour appuyer le projet en ce qui concerne des personnes qualifiées et de l'appareillage moderne dans le milieu où le projet devait être réalisé;


e) K croyait qu'il était impossible de trouver des personnes qualifiées et de l'appareillage moderne;

f) malgré cette réserve, K croyait que le demandeur devait avoir la possibilité de prouver qu'il se trompait;

g) K croyait qu'une seule des trois expériences proposées devait être appuyée;

h) K croyait que le projet devait être mené à bonne fin en trois ans (plutôt qu'en quatre ans comme le demandeur se proposait de le faire).

5)         il importe de noter ce qui suit au sujet des commentaires de L :

a) L avait coté sa capacité d'évaluer la demande comme étant [traduction] « élevée »;

b) L a coté la proposition du demandeur comme [traduction] « excellente » par rapport à d'autres propositions à l'égard desquelles il avait agi comme examinateur au cours des dernières années;

c) L a reconnu l'excellente réputation dont jouissait le demandeur dans son domaine sur le plan international;

d) L croyait que la recherche était importante et que les résultats auraient de l'importance pour sa communauté spécialisée;

e) L croyait que le demandeur avait réussi à demeurer productif et que c'était [traduction] « étonnant », puisqu'il s'était vu refuser un financement aux fins de la recherche lors des concours antérieurs;


f) L croyait que le refus antérieur était [traduction] « tout à fait inéquitable et erroné »; et

g) L a donc demandé au comité [traduction] « de remédier à la situation ».

6)         il importe de noter ce qui suit au sujet des commentaires de M :

a) M a coté son expertise comme étant [traduction] « fort rapprochée » de celle en cause dans la proposition;

b) M a coté la proposition du demandeur comme [traduction] « acceptable » par rapport à d'autres propositions à l'égard desquelles il avait agi comme examinateur au cours des dernières années;

c) M croyait que la productivité et la contribution du demandeur à la formation semblaient au mieux limitées;

d) M croyait que l'enseignement donné par le demandeur et sa supervision des étudiants laissaient à désirer;

e) M croyait que, même si une partie du travail du demandeur présentait un certain intérêt pour un petit nombre de chercheurs, d'autres travaux (expérimentaux) avaient et auraient une incidence minimale;

f) M croyait que les travaux récents du demandeur ne permettaient pas de croire qu'il pourrait effectuer les expériences plus complexes qu'il se proposait de faire;

g) M croyait que les travaux proposés en tant que tels auraient certaines incidences lorsqu'il s'agissait de comprendre la cinétique de la combustion, mais que ces incidences seraient mineures, et que la méthodologie théorique semblait fort simple;


h) M croyait que les expériences proposées étaient complexes et que les résultats seraient difficiles à interpréter ([traduction] « et les mesures cinétiques en résultant ne rimeraient essentiellement à rien »);

i) M croyait que certaines expériences proposées auraient une valeur restreinte; et

j) M croyait que [traduction] « [d]ans l'ensemble, compte tenu de la faible productivité, de la mauvaise formation et de l'incidence restreinte de la recherche proposée, [il] ne [pouvait] pas recommander le financement de la proposition ».

 

[41]           Au mois de février 2002, le CSS 26 s'est réuni pour discuter de toutes les demandes de nouvelles subventions qui lui avaient été assignées. Lorsque le CSS 26 a évalué la demande de subvention du demandeur, il a tenu compte des documents suivants :

a) la demande de subvention présentée par le demandeur le 26 octobre 2001;

b) l'énoncé des antécédents du demandeur en matière de subventions;

c) trois feuilles de calcul montrant les recommandations préliminaires que les examinateurs internes avaient faites au sujet du financement;

d) les rapports écrits des trois examinateurs de l'extérieur;

e) des échantillons des contributions du demandeur sur le plan de la recherche tels qu'il les avait soumis avec sa demande de financement; et

f) les commentaires remis au demandeur au sujet de la demande relative à l'année 2001.

 

[42]           Les feuilles de calcul ont servi de guide de discussion au cours de la présentation au CSS 26 réuni en séance plénière. Ces feuilles de calcul montraient que, compte tenu des évaluations des autres demandes de subvention, un seul examinateur interne proposait de faire droit à la demande de subvention du demandeur, et uniquement pour une somme de 20 000 $. Or, la demande s'élevait en tout à un montant de 340 000 $ sur une période de quatre ans. Après avoir discuté de la demande et des opinions exprimées par les examinateurs internes et par les examinateurs de l'extérieur, le CSS 26 a voté sur la proposition du demandeur et a décidé de ne pas recommander son approbation.

 

[43]           Le président du CRSNG a par la suite accepté la recommandation du CSS 26 et, par une lettre en date du 22 mars 2002, il a informé le demandeur de la décision. Le CRSNG a envoyé au demandeur, au mois d'avril 2002, un commentaire du CSS 26 avec de brefs motifs à l'appui de sa recommandation. Les commentaires se lisent comme suit :

[traduction] Le comité et les examinateurs de l'extérieur ont reconnu les contributions du candidat dans le domaine de la cinétique chimique en phase gazeuse. Toutefois, le comité souscrit aux motifs détaillés énumérés par l'un des examinateurs de l'extérieur, indiquant que les expériences proposées ont fort peu de chances de réussir. Compte tenu de ce fait, de l'innovation restreinte exprimée dans la proposition et des incidences probablement faibles des travaux proposés pour la communauté scientifique, le comité a cru bon de ne pas recommander le financement de cette proposition.

 

 

Documents du CRSNG communiqués au demandeur

 


[44]           À l'exception du document décrivant les antécédents du demandeur en matière de subventions, des feuilles de calcul préparées par les examinateurs internes faisant état de leurs allocations préliminaires ou du [traduction] « mini‑budget » et des parties des rapports des examinateurs de l'extérieur et d'autres documents identifiant les examinateurs internes et les examinateurs de l'extérieur, le CRSNG a par la suite communiqué au demandeur tous les documents qui avaient été soumis au CSS 26 au sujet de la demande de subvention.

 

 

Demande d'examen du demandeur

 

[45]           Le 6 mai 2002, l'avocat du demandeur a écrit au CRSNG pour s'opposer à la décision du comité et pour demander l'examen de sa demande. L'avocat a formulé des critiques fort détaillées au sujet du refus du CSS 26 de recommander l'octroi d'une subvention. Le 17 mai 2002, le directeur intérimaire, Sciences physiques et mathématiques, a écrit au demandeur et à son avocat pour expliquer le processus d'appel du CRSNG et pour les informer que le CRSNG ne pouvait pas examiner les observations et les demandes d'un tiers au sujet d'une demande de subvention à moins que le demandeur n'accorde son autorisation. Peu de temps après, l'avocat du demandeur a remis le consentement et les instructions nécessaires.

 


[46]           Par une lettre en date du 3 juillet 2002, M. Roger Proulx, adjoint de programme, Subventions de recherche, au CRSNG, a envoyé à un conseiller de l'extérieur les documents d'appel du demandeur. Au cours d'une conversation téléphonique avec le chef d'équipe à la fin du mois de juillet 2002, le conseiller de l'extérieur a indiqué qu'après avoir examiné les documents, le fondement de la recommandation du CSS le satisfaisait. Toutefois, le conseiller de l'extérieur a également demandé au CSS 26 de fournir des [traduction] « commentaires » plus détaillés à l'appui de la recommandation qu'il avait faite au sujet de la demande. Après avoir parlé au conseiller de l'extérieur par téléphone, le chef d'équipe a demandé à Mme Catherine Podeszfinski, une employée du CRSNG qui était affectée au dossier, d'obtenir des renseignements supplémentaires pour le conseiller de l'extérieur. Par suite de cette demande, Mme Podeszfinski a envoyé un courriel à quatre membres du CSS 26 le 30 juillet 2002 pour demander d'autres informations.

 

[47]           Le 13 août 2002, Mme Podeszfinski a reçu un projet de [traduction] « commentaire détaillé du CSS » d'un des quatre membres du CSS 26. Le même jour, elle a envoyé par courriel le projet en question aux trois autres personnes avec qui elle avait communiqué le 30 juillet. Les trois membres du CSS 26 ont répondu au moyen de courriels distincts plus tard ce jour‑là. Le 16 août 2002, Mme Podeszfinski a envoyé le [traduction] « commentaire détaillé du CSS » des quatre membres du CSS 26 au conseiller de l'extérieur.

 

[48]           Le 10 septembre 2002 ou vers cette date, le conseiller de l'extérieur a soumis une analyse de l'appel. Dans l'intervalle, le personnel du CRSNG et le chef d'équipe ont résumé et analysé l'appel.

 


[49]           Le conseiller de l'extérieur a signalé que les examinateurs de l'extérieur ne voient pas la situation dans son ensemble comparativement aux examinateurs internes et à l'ensemble des CSS et qu'en formulant leurs recommandations, ils se montrent donc souvent plus favorables que les CSS, dont les recommandations sont faites dans le contexte d'un concours dont les fonds sont limités. Le conseiller de l'extérieur croyait également que, même si le CSS 26 avait une tâche difficile lorsqu'il s'agissait d'évaluer un si grand nombre de demandes en si peu de temps, un énoncé plus détaillé des motifs de refus de la subvention aurait pu être envoyé d'une façon utile au demandeur et il a conclu que la recommandation soumise par le CSS 26 devait être maintenue.

 

[50]           En traitant l'appel interjeté par le demandeur, le chef d'équipe a examiné la recommandation du conseiller de l'extérieur, les documents sur lesquels la recommandation était fondée et les documents préparés par le personnel du CRSNG compte tenu des critères reconnus et du processus d'appel du CRSNG.

 

[51]           En se fondant sur cet examen, le chef d'équipe a souscrit à la recommandation du conseiller de l'extérieur. Il a conclu [traduction] qu'« il n'existait aucune preuve probante d'iniquité dans l'évaluation de la demande ». Par conséquent, par une lettre en date du 13 septembre 2002, le chef d'équipe, pour le compte du CRSNG, a informé le demandeur par l'entremise de son avocat qu'aucune preuve incontestable d'erreur ou d'injustice n'avait été démontrée. Il a également fourni à l'avocat du demandeur une copie du rapport du conseiller de l'extérieur.  

 

POINTS LITIGIEUX

 

[52]           Le demandeur soulève les questions ci‑après énoncées :


 

Le CRSNG a‑t‑il exercé son pouvoir discrétionnaire d'une façon inappropriée en refusant d'accorder au demandeur une subvention de recherche pour l'année de financement 2002‑2003?

 

Le CRSNG a-t-il dénié au demandeur l'équité procédurale en refusant de lui accorder une subvention de recherche et dans la façon dont il a mené l'appel de la décision initiale?

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

 

[53]           Le pouvoir du CRSNG d'accorder des subventions de recherche est conféré à celui‑ci par la Loi sur le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie, L.R.C. 1985, ch. N‑21. Le mandat du CRSNG est énoncé à l'article 4 de la Loi :


4. (1) Le Conseil a pour mission :

 

a) de promouvoir et de soutenir la recherche dans le domaine des sciences naturelles et du génie, à l’exclusion des sciences de la santé;

 

b) de conseiller le ministre, en matière de recherche, sur les questions que celui-ci a soumises à son examen.

 

 

 

4. (1) The functions of the Council are to

 

(a) promote and assist research in the natural sciences and engineering, other than the health sciences; and

 

 

(b) advise the Minister in respect of such matters relating to such research as the Minister may refer to the Council for its consideration.

 

 

 

 


 

[54]           La Loi confère au CRSNG un large pouvoir discrétionnaire dans l'exercice de son mandat :

 



(2) Dans l’exécution de sa mission, le Conseil peut :

 

a) utiliser, dans le cadre de la présente loi, les crédits qui lui sont affectés par le Parlement et les recettes provenant de ses activités;

 

 

b) à son appréciation, publier, vendre et diffuser par tout autre moyen des données scientifiques, techniques ou d’érudition relatives à ses travaux.

 

 

 

(2) The Council, in carrying out its functions under subsection (1), may 

 

(a) expend, for the purposes of this Act, any money appropriated by Parliament for the work of the Council or received by the Council through the conduct of its operations; and

 

(b) publish and sell or otherwise distribute such scholarly, scientific and technical information relating to the work of the Council as the Council considers necessary.

 

 

 

 


 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

 

 

[55]           Les questions que le demandeur a soulevées suscitent immédiatement la question complexe de la norme de contrôle à appliquer en l'espèce. Le demandeur définit les questions d'une façon fort générale, mais cela ne fait que compliquer les choses parce qu'il soulève également des questions accessoires. De plus, la demande elle‑même vise le contrôle judiciaire de [traduction] « la décision du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (le CRSNG) en date du 13 septembre 2002, communiquée au demandeur le 14 septembre 2002, dans laquelle le CRSNG a rejeté l'appel interjeté par le demandeur de la décision par laquelle le comité de sélection des subventions no 26 (le CSS 26) avait rejeté la demande que le demandeur avait présentée en vue d'obtenir une subvention de recherche pour le motif que le CRSNG a agi en violation de la loi en rejetant la demande que le demandeur avait présentée en vue d'obtenir une subvention de recherche et pour le motif que le demandeur s'est vu dénier l'équité procédurale ».

 

[56]           Par conséquent, même si le demandeur cherche à contester la décision qui a été rendue dans le cadre de la procédure d'appel du CRSNG, il cherche à le faire pour le motif que la décision du comité allait à l'encontre du droit.


 

[57]           En fait, dans ses arguments écrits et oraux, le demandeur met les deux décisions ensemble et veut clairement que la Cour examine les deux décisions, même s'il déclare dans sa demande qu'il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue dans le cadre de la procédure d'appel du CRSNG.

 


[58]           En tentant de répondre aux préoccupations du demandeur, j'ai examiné le dossier concernant les deux décisions et j'ai tenu compte des questions que le demandeur soulève à leur égard. Toutefois, strictement parlant, je considère la présente demande comme une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue dans le cadre de la procédure d'appel du CRSNG seulement et je ne considère pas ce qui est dit au sujet de la décision du comité comme nécessairement pertinent en ce qui concerne les questions réelles ici en cause sauf pour ce qui est de l'historique de l'affaire et du contexte. Pour les motifs qui sont ci‑dessous énoncés, la Cour adopte un point de vue fort différent de celui du demandeur en ce qui concerne la procédure d'appel du CRSNG. Le demandeur est d'avis que la procédure d'appel du CRSNG comporte un nouvel examen de sa demande de subvention, et c'est pourquoi il a présenté une preuve et des arguments qui, strictement parlant, se rapportent à la décision antérieure du comité. Toutefois, la Cour est d'avis que la procédure d'appel du CRSNG a une portée beaucoup plus restreinte et qu'elle ne comporte pas un nouvel examen de la demande de subvention du demandeur, mais qu'il s'agit plutôt de déterminer s'il existe « une preuve probante d'erreur ou de discrimination dans l'évaluation » et de s'assurer que le demandeur a « été traité équitablement et conformément au contexte d'un concours dont les fonds sont limités ». Il faut donc examiner la décision du comité et la procédure d'examen pour déterminer s'il y a une preuve d'erreur ou de discrimination dont on a fait abstraction ou que l'on a traitée d'une façon erronée dans le cadre de la procédure d'appel du CRSNG; toutefois, c'est la décision rendue en appel qui fait l'objet de l'examen.

 

[59]           En contestant les deux décisions, le demandeur soulève une vaste gamme de questions, y compris l'omission d'appliquer les critères pertinents, l'omission de tenir compte de la preuve pertinente, l'omission de suivre les lignes directrices, la partialité à l'endroit d'une école de pensée, l'omission de donner des motifs et la partialité administrative.

 

[60]           Quant aux questions de partialité, j'ai pris la position selon laquelle toute crainte raisonnable de partialité constituerait un motif d'invalidation des décisions pour cause d'absence d'équité procédurale. Cependant, je ne puis constater aucune preuve de partialité. Pour les motifs qui deviendront clairs lorsque je traiterai de chacun des motifs particuliers soulevés par le demandeur, je n'estime pas nécessaire à ce stade de me lancer dans une analyse complexe de la norme de contrôle applicable, et ce, parce que, même si j'applique à la plupart des questions la norme de la décision correcte, justifiant un degré moindre de retenue, je ne puis constater aucune faute dans les décisions. Et en ce qui concerne la question de la suffisance des motifs, je crois que les attentes légitimes du demandeur sont régies par le Manuel d'évaluation par les pairs et que les motifs en l'espèce ne donnent pas lieu à une erreur susceptible de révision s'il est tenu compte de ce manuel.

 


Arguments du demandeur

 

Les critères pertinents

 

[61]           Le demandeur soutient que même si un organisme administratif possède un large pouvoir discrétionnaire en vue de s'acquitter de son mandat, ce pouvoir est toujours assujetti à des restrictions. Il affirme que les lignes directrices constituent un outil important lorsque les tribunaux judiciaires déterminent si un pouvoir discrétionnaire a été exercé d'une façon appropriée, en particulier lorsque les lignes directrices représentent les valeurs et critères que les décideurs doivent appliquer dans l'exercice de ce pouvoir. Le demandeur indique qu'en l'espèce, les lignes directrices du CRSNG telles qu'elles sont énoncées dans le Manuel d'évaluation par les pairs établissent quatre critères cruciaux applicables à l'évaluation des demandes de subvention. Les lignes directrices précisent que « [l]es critères s'appliquent à chaque demande ». Il s'agit des critères ci‑après énoncés :

i)          l'excellence du chercheur en sciences et en génie;

ii)         le mérite de la proposition;

iii)         les contributions du chercheur à la formation de personnel hautement qualifié; et

iv)        le besoin de fonds.

 


[62]           Le demandeur déclare qu'il est noté ailleurs, dans le Manuel d'évaluation par les pairs du CRSNG, qu'il est important d'appliquer les quatre critères. On encourage les examinateurs internes à utiliser un formulaire d'évaluation afin de faire en sorte que chaque critère soit apprécié dans le cadre de l'examen (article 6.11.1).

 

[63]           Le demandeur affirme que le CSS 26 n'a pas tenu compte de tous les critères pertinents lorsqu'il a traité sa demande de subvention. Il soutient que le directeur intérimaire, Sciences physiques et mathématiques, M. Villemure, a reconnu la chose dans son Analyse de l'appel en date du 30 juillet 2002, lorsqu'il a fait remarquer que [traduction] « [l]e commentaire du CSS aurait dû traiter des quatre critères ». Cette omission est également révélée dans la décision initiale du comité, et renforcée dans la réponse détaillée donnée au demandeur à la suite de son appel. Le demandeur allègue que les deux documents révèlent que le CSS 26 n'a pas prêté attention à chaque critère ou n'a pas tenu compte de chaque critère et qu'en fait il a omis de les examiner.

 

[64]           Le demandeur prend la position selon laquelle l'omission d'examiner ou d'apprécier un critère pertinent constitue une erreur de droit et qu'il est possible de trouver une analogie utile dans des décisions où un comité d'appel de la Commission de la fonction publique examinait la décision prise par un jury de sélection pour un poste à la fonction publique (voir Boucher c. Canada (Procureur général) (2000), 252 N.R. 186, A.C.F. no 711 (1re inst.), au paragraphe 8 et Brookman c. Canada (Procureur général) (2000), 184 F.T.R. 47, A.C.F. no 711 (1re inst.) au paragraphe 23).

 


i)          Excellence du chercheur en sciences et en génie

 

[65]           Le demandeur affirme qu'une évaluation appropriée de l'excellence d'un chercheur en sciences et en génie devrait porter sur la contribution réelle que celui‑ci fait dans le domaine. Un certain nombre de facteurs sont énumérés dans le Manuel d'évaluation par les pairs du CRSNG aux fins de l'évaluation de la contribution d'un chercheur. Ces facteurs sont notamment les connaissances, l'expertise et l'expérience, les contributions à d'autres domaines de recherche et l'incidence, et l'importance des contributions pour d'autres chercheurs et utilisateurs finaux.

 

[66]           Selon le demandeur, les publications en tant que telles ne permettent pas d'évaluer l'excellence du chercheur, mais c'est plutôt la contribution de celui‑ci telle qu'elle est mise en évidence ou reflétée dans ces publications qui entre en ligne de compte. Le demandeur affirme que le CSS 26 a mis l'accent sur la quantité de ses publications plutôt que sur leur qualité, et que le comité a même commis des erreurs en examinant les résultats obtenus sur le plan de la quantité.

 

ii)        Mérite de la demande

 


[67]           Le demandeur déclare qu'en déterminant le mérite de sa demande, le CSS 26 n'a pas soupesé la preuve qui lui avait été présentée. Il affirme que le dossier révèle que le CSS 26 a accordé beaucoup trop d'importance à l'évaluation de sa recherche par l'examinateur de l'extérieur M, à l'exclusion des évaluations effectuées par les deux autres examinateurs. Le demandeur soutient que le CRSNG a reconnu l'importance excessive accordée à cette évaluation et que c'est le principal point sur lequel le CRSNG a demandé au CSS 26 de se pencher dans sa réponse détaillée. La chose a également été soulignée par le conseiller de l'extérieur et Mme Podeszfinski en a fait part aux membres du CSS qui ont préparé la réponse détaillée. Mme Podeszfinski a fait remarquer que le [traduction] « commentaire [lui] donn[ait] l'impression que l'un des examinateurs avait trop influencé le CSS et ne correspond[ait] pas à l'évaluation indépendante effectuée par le comité ».

 

[68]           Aux dires du demandeur, même s'il est tenu compte de cette deuxième possibilité de justifier sa décision au moyen de la réponse détaillée, le CSS 26 n'a néanmoins pas été en mesure de se distancer des commentaires de l'examinateur de l'extérieur M. Même si le demandeur a signalé des lacunes précises dans l'analyse effectuée par l'examinateur de l'extérieur M, révélant que celui‑ci ne comprenait pas la science sous‑tendant la proposition, il n'est pas fait mention de ces erreurs dans la réponse détaillée.

 

[69]           Enfin, le demandeur affirme que le CSS 26 a omis de tenir compte d'un certain nombre de pièges que les CSS devraient éviter, selon le CRSNG, lorsqu'ils font leurs recommandations. Ces pièges sont décrits dans le Manuel d'évaluation par les pairs et font partie du critère relatif au mérite. En l'espèce, la partialité à l'endroit d'une « école de pensée », qui résulte d'inférences défavorables fondées sur la taille ou la réputation de l'université d'un candidat, est particulièrement importante.

 

[70]           Le demandeur soutient que la partialité à l'endroit d'une école de pensée était évidente dans l'évaluation de l'examinateur de l'extérieur M, qui a comparé son travail au [traduction] « domaine fort encombré des agrégats van der Waals » et aux travaux des experts en cinétique chimique. Rien n'indique dans le dossier que le CSS 26 se soit arrêté à cette source de partialité, ou qu'il y ait été sensible. Selon le demandeur, le dossier révèle la partialité du CSS 26 lui‑même puisque l'un de ses membres a demandé si [traduction] « [l'on voulait] encourager le PHQ à entreprendre ce genre de recherche ». Le dossier révèle également que le CSS 26 se préoccupait de l'environnement dans lequel l'enseignement était donné à l'université d'Ottawa, ce qui permettait de présumer une autre source de partialité fondée sur la réputation de l'université.

 

iii)       Besoin de fonds

 


[71]           Selon le demandeur, le besoin de fonds est une question fondamentale que les CSS doivent examiner en évaluant les demandes de subvention. Il est affirmé que le CSS 26 n'a pas tenu compte de ce critère important dans ce cas‑ci, même s'il savait que le demandeur n'avait pas obtenu de subvention au cours des deux années de financement antérieures, et même si ce dernier avait remis un budget détaillé montrant qu'il avait besoin de fonds. Le demandeur a également fait savoir au CSS 26 que la pénurie de fonds avait influé sur sa capacité de former des étudiants. La question du besoin de fonds a également été notée par l'un des examinateurs internes et par un examinateur de l'extérieur. Le demandeur affirme que le CSS 26 ne s'est pas arrêté à la question, comme le montrent les motifs que le comité a rendus le 22 mars 2002 et la réponse détaillée qu'il a donnée à la suite de l'appel qu'il avait interjeté de la décision du CRSNG.

 

iv)        Contribution à la formation de personnel hautement qualifié

 

[72]           Selon le demandeur, le Manuel d'évaluation par les pairs exige que la contribution d'un chercheur à la formation soit évaluée du point de vue de la qualité et des incidences plutôt qu'en fonction du nombre de personnes supervisées. Le demandeur affirme que le CSS 26 n'a pas examiné la qualité et les incidences de ses contributions à la formation de personnel hautement qualifié (le PHQ) et a plutôt mis l'accent sur le critère non pertinent du nombre de personnes formées. L'utilisation de subventions de recherche comme moyen de former le PHQ comporte de sérieuses limitations, et le CRSNG tient expressément compte de ces limitations en maintenant des réserves de fonds distinctes à cette fin.

 

L'obligation de donner des motifs

 

[73]           Selon le demandeur, le fait qu'il est important de donner des motifs à l'appui de la décision et l'objet visé par les motifs ont été énoncés comme suit :

i)          encourager une meilleure prise de décision en faisant en sorte que les questions et le raisonnement soient énoncés en toutes lettres et qu'il y soit mûrement réfléchi;

ii)         permettre aux parties d'exercer leurs droits d'appel d'une façon utile;


iii)         rendre les décideurs publiquement comptables de leurs décisions;

iv)        permettre à la cour d'appel ou à la cour de révision de déterminer si le décideur a commis une erreur;

v)         permettre à la cour de révision de s'informer de la nature et des répercussions des décisions rendues par un organisme spécialisé de décision afin de déterminer s'il faut faire preuve de retenue envers cet organisme; et

vi)        guider les autres et fournir une norme permettant de mesurer les activités futures des personnes touchées par la décision.

Sur ce point, le demandeur attire l'attention de la Cour sur l'arrêt VIA Rail Canada Inc. c. Office national des transports, [2001] 2 C.F. 25, A.C.F. no 1865 (C.A.), aux paragraphes 16 à 19 et 33 et sur Writing Effective Tribunal Decisions and Reasons (discours‑programme prononcé lors de la Conférence annuelle sur l'Advanced Administrative Law and Practice, Toronto, 7 octobre 2002, pages 3, 5 et 7, juge d'appel Evans).

 

[74]           Aux dires du demandeur, l'omission de donner des motifs adéquats constitue une erreur de droit puisque la cour de révision ne sera pas en mesure de déterminer si le décideur a examiné les questions ou s'il a utilisé les principes pertinents.

 


[75]           Le demandeur souligne que la tâche de rédiger des motifs, lorsque le CRSNG prend une décision défavorable en matière de financement, est assignée aux examinateurs internes. Il déclare que le CRSNG met l'accent sur le fait que, lorsqu'une subvention est refusée, il est important de donner des motifs afin d'aider le candidat à améliorer ses demandes de financement futures. Il souligne également que le Manuel d'évaluation par les pairs met l'accent sur les points suivants :

Comme les occasions seront rares pendant la semaine de concours de préparer des commentaires critiques et constructifs, les examinateurs internes devraient préparer avant le concours les commentaires préliminaires aux candidats s'ils prévoient qu'ils seront nécessaires.

 

[...]

 

Les commentaires constructifs sont très importants pour les candidats car ils leur permettent d'améliorer leurs demandes ou programmes de recherche futurs. On encourage les CSS à formuler des commentaires spécifiques et constructifs qui ont pour but d'aider les candidats. [...]

 

[76]           Aux dires du demandeur, le CSS 26 n'a pas donné de motifs adéquats. Dans l'Analyse de l'appel qu'il a préparée le 30 juillet 2002, M. Villemure a fait les remarques suivantes :

[traduction] Le commentaire du CSS aurait dû traiter des quatre critères et aurait dû être plus constructif pour le candidat. Malheureusement, les CSS ne disposent pas de beaucoup de temps pour rédiger leurs commentaires et, habituellement, ils font uniquement mention du facteur qui les a amenés à formuler leur recommandation. Dans ce cas‑ci, même si cela est fort malheureux, on ne saurait pour autant annuler la décision.

 

 


[77]           Le demandeur affirme que les examinateurs internes n'ont pas fourni de projets de motifs avant la période du concours au mois de février 2001, comme le préconise le Manuel d'évaluation par les pairs. En outre, aucune feuille de notation n'était disponible pour un examen dans le dossier que le CRSNG a remis, de sorte qu'il faut présumer que ces feuilles n'ont pas été remplies. Les feuilles de notation auraient eu une grande valeur et auraient permis d'avoir une idée de la façon dont les quatre critères ont été appliqués et soupesés et s'ils l'ont été. Le CRSNG maintient qu'il n'a pas connaissance de la chose et qu'aucun document n'a été recensé. Aux dires du demandeur, ces lacunes du dossier devraient être interprétées à l'encontre du décideur et peuvent constituer des motifs indépendants justifiant l'annulation de la décision (Parveen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 168 F.T.R. 103, A.C.F. no 660, au paragraphe 9 (1re inst.)).

 

[78]           Le demandeur conclut que la charge de travail du décideur, le manque de temps ou les contraintes budgétaires ne peuvent pas excuser son omission de donner des motifs adéquats. Il affirme que, de toute façon, ces motifs ne seraient pas valables dans ce cas‑ci puisque seul un petit nombre de candidats se sont vu refuser le financement (16 sur 110).

 

Le processus d'appel

 

[79]           Selon le processus d'appel du CRSNG prescrit par le Manuel d'évaluation par les pairs, le conseiller de l'extérieur examine les arguments de l'appelant, les critères d'évaluation et les lignes directrices du CRSNG, les commentaires du CSS et les précédents. Si le conseiller de l'extérieur conclut qu'il faut obtenir des renseignements additionnels du CSS, le personnel du CRSNG les obtient. En demandant des renseignements additionnels, le conseiller de l'extérieur doit indiquer les questions précises à examiner et les renseignements supplémentaires devraient porter sur ces questions. Après avoir reçu les renseignements supplémentaires, le conseiller de l'extérieur fait une recommandation au chef d'équipe.

 


[80]           Aux dires du demandeur, le dossier révèle que le conseiller de l'extérieur et le CRSNG n'ont pas suivi la procédure établie aux fins du traitement des appels. D'où une procédure viciée à un point tel que le demandeur s'est vu refuser tout droit d'appel utile. Même s'il a reconnu les lacunes de la décision et des motifs du comité et même s'il a demandé des renseignements supplémentaires au CSS 26, le conseiller de l'extérieur a formulé sa recommandation de confirmer le refus initial avant même d'avoir terminé son examen, lors d'une conversation téléphonique avec M. Villemure vers la fin du mois de juillet 2002.

 

[81]           Le demandeur déclare qu'en l'espèce, une deuxième défectuosité majeure, dans la procédure d'appel du CRSNG, se rapportait à l'absence de questions précises dont le CSS 26 devait traiter. La seule directive donnée au CSS 26 l'a été par Mme Podeszfinski, qui a proposé les points à aborder dans la réponse que donnerait le CSS 26 afin d'expliquer le fondement de sa décision.

 


[82]           Le demandeur note finalement que le CSS 26 et le conseiller ne se sont pas arrêtés aux objections qu'il avait soulevées en ce qui concerne la compréhension de la science par l'examinateur de l'extérieur M, ce qui a amené celui‑ci à tirer de nombreuses conclusions erronées. Seules les questions procédurales ont été abordées. Le demandeur affirme qu'il importe en particulier de noter l'omission de traiter de la « partialité à l'endroit d'une école de pensée » possible dans l'évaluation effectuée par l'examinateur de l'extérieur M, soit un point expressément soulevé dans l'opposition et dont il est question dans le Manuel d'évaluation par les pairs. Cela est d'autant plus déplorable que le conseiller de l'extérieur a recommandé de confirmer le refus d'accorder la subvention avant même d'avoir reçu les renseignements supplémentaires demandés. Aux dires du demandeur, la recommandation était donc dénuée de fondement. De fait, dans son rapport, le conseiller de l'extérieur déclare à tort avoir formulé la recommandation après avoir examiné la réponse détaillée. Le demandeur note que M. Villemure a déclaré qu'à la fin du mois de juillet 2002, le conseiller de l'extérieur avait déjà décidé de confirmer la décision du comité. Le demandeur affirme que cela équivaut à rendre une décision avant d'avoir examiné toute la preuve, ce qui peut par ailleurs être considéré comme une forme de partialité ou comme un manque d'ouverture d'esprit (Xu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 172 F.T.R. 294, A.C.F. no 1184, au paragraphe 8).

 

[83]           Aux dires du demandeur, le rapport du conseiller de l'extérieur ne comporte absolument aucun commentaire sur la substance de l'appel ni aucune évaluation indépendante de la substance de l'appel. Il affirme que le rapport ne renferme presque pas de commentaires au sujet de la réponse détaillée et qu'il ne révèle aucune évaluation indépendante de la part du conseiller de l'extérieur.

 

[84]           Le demandeur conclut que le processus d'appel du CRSNG a été utilisé comme moyen de corriger les lacunes de la décision initiale et des motifs du comité, plutôt que de constituer une possibilité légitime d'examiner de nouveau sa demande et de déterminer les erreurs qui avaient été commises.

 


Crainte raisonnable de partialité

 

[85]           Aux dires du demandeur, l'examinateur de l'extérieur M a fait preuve d'une partialité personnelle ainsi que d'une « partialité à l'endroit d'une école de pensée ».

 

[86]         Selon le demandeur, il existe une autre source de partialité par suite du chevauchement des fonctions exercées par le personnel du CRSNG. En effet, M. Villemure a participé aux délibérations que le CSS 26 a tenues au sujet de la demande. Monsieur Villemure a examiné les décisions prises par le CSS 26 au sujet du financement avant que le président du CRSNG ait décidé s'il allait accepter la recommandation et il a contribué à ces décisions dans la mesure où il a approuvé le montant qui était recommandé par les CSS dont il était responsable. Il a en fait été le décideur dans l'appel que le demandeur a interjeté de la décision du comité. Monsieur Villemure a également participé à la sélection des présidents et des membres du CSS 26. Enfin, il a pris part aux discussions relatives aux politiques tenues par les cadres de direction du CRSNG et il a communiqué les résultats de ces discussions aux membres du CSS qu'il supervisait. Certaines des fonctions se chevauchant sont peut‑être prescrites par le Manuel d'évaluation par les pairs, mais la législation ne sanctionne pas ce degré de chevauchement. Le demandeur affirme que, dans la mesure où la législation peut autoriser pareil chevauchement, cela constituerait un manquement à l'obligation d'équité exigée par la Déclaration canadienne des droits.

 


ANALYSE

 

Exercice illégitime du pouvoir discrétionnaire

 

[87]           J'ai examiné les assertions du demandeur par rapport à ce que le dossier révèle au sujet de la procédure réellement suivie par le CRSNG en l'espèce et je ne puis souscrire à la position du demandeur, à savoir que le CSS 26 n'a pas tenu compte des critères pertinents et qu'il a commis une erreur susceptible de révision en arrivant à sa décision. Il serait tout au plus possible de dire que le « commentaire » que le CRSNG a remis au demandeur à la suite du rejet de la demande de subvention ne constitue pas une explication particulièrement complète de la façon dont le comité est arrivé à sa décision et des motifs de refus. Le commentaire qui a été remis au demandeur se lit comme suit :

[traduction] Le comité et les examinateurs de l'extérieur ont reconnu les contributions du candidat dans le domaine de la cinétique chimique en phase gazeuse. Toutefois, le comité souscrit aux motifs détaillés énumérés par l'un des examinateurs de l'extérieur, indiquant que les expériences proposées ont fort peu de chances de réussir. Compte tenu de ce fait, de l'innovation restreinte exprimée dans la proposition et des incidences probablement faibles des travaux proposés pour la communauté scientifique, le comité a cru bon de ne pas recommander le financement de cette proposition.

 

 

 


[88]           Le fait que [traduction] « le comité souscrit aux motifs détaillés énumérés par l'un des examinateurs de l'extérieur, indiquant que les expériences proposées ont fort peu de chances de réussir » ne peut pas être considéré comme une indication que le CSS 26 a omis de s'arrêter aux critères d'évaluation pertinents, qu'il n'a pas évalué l'excellence d'une façon appropriée, qu'il a accordé une attention excessive à l'évaluation de l'examinateur de l'extérieur M ou qu'il a fait preuve d'une partialité à l'endroit d'une école de pensée. Le commentaire qui est remis aux candidats n'est pas censé être une explication détaillée de la façon dont le comité a pris sa décision.

 

[89]           Le fait que des préoccupations ont par la suite été exprimées au sujet de la suffisance du commentaire remis au demandeur et de ce que cela pourrait donner à entendre au sujet des incidences de l'évaluation défavorable ne veut pas dire que le CSS 26 et le CRSNG ne se sont pas bien acquittés de leur tâche dans ce cas‑ci.

 

[90]           De toute évidence, le rejet de la demande de subvention a déçu le demandeur, mais celui‑ci demande maintenant à la Cour de trouver dans le commentaire qui lui a été remis des inférences défavorables qui ne sont pas étayées par le dossier dans son ensemble.

 

[91]           La préoccupation manifestée dans la preuve au sujet de la décision du comité ne se rapporte pas au fait que la décision serait erronée ou qu'elle n'était pas conforme aux lignes directrices, mais elle se rapporte plutôt à l'exactitude et à la suffisance du commentaire remis au demandeur. Dans le cadre du processus d'octroi, on cherche à donner aux candidats non retenus l'information dont ils ont besoin pour se préparer lorsqu'ils présentent d'autres demandes de subvention dans l'avenir. Cependant, une rétroaction inadéquate et le fait que des préoccupations sont exprimées au sujet de la suffisance du commentaire que le demandeur a reçu ne constituent pas une preuve des diverses allégations faites par le demandeur.


 

[92]           Le demandeur cite l'arrêt Baker, précité, à l'appui de la thèse selon laquelle, lorsque la capacité d'une personne d'exercer sa profession est en jeu, il faut satisfaire à une norme rigoureuse d'équité procédurale. Le demandeur n'est pas empêché d'enseigner, mais le refus de lui accorder une subvention de recherche nuit à un aspect important de son travail de scientifique. Le demandeur est empêché d'effectuer sa recherche, ou il est assujetti à des graves restrictions en ce qui concerne le genre de recherche qu'il peut mener et, en fait, il ne peut se livrer qu'à des travaux théoriques. Cela restreint énormément sa capacité d'exercer sa profession. Le demandeur affirme que, dans un contexte analogue, où la nécessité de respecter l'équité procédurale a depuis longtemps été reconnue, il est établi que le fait de ne pas bénéficier des privilèges accordés par un hôpital peut sérieusement restreindre la capacité d'un médecin d'exercer sa profession. En outre, l'intérêt public exige que l'on veille à ce que la recherche scientifique, y compris le genre de recherche effectuée par le demandeur, se poursuive.

 

[93]           Le demandeur affirme que l'obligation d'équité est fondée sur les valeurs fondamentales sous‑tendant la règle de droit. Étant donné que cette obligation a une importance fondamentale, on ne saurait invoquer, pour justifier l'omission d'agir d'une façon équitable, de lourdes charges de travail, le manque de temps ou les contraintes budgétaires.

 


[94]           Le demandeur affirme également qu'il s'attendait légitimement à ce que le CRSNG suive les procédures établies dans le Manuel d'évaluation par les pairs et que sa demande soit étudiée à la lumière de tous les critères établis par le CRSNG. Il affirme également s'attendre avec raison à ce que la procédure suivie soit équitable et à ce qu'on lui fournisse notamment des motifs appropriés, à ce qu'un droit d'appel lui soit accordé et à ce que le décideur soit impartial. Les attentes légitimes peuvent fonder une demande visant des protections procédurales plus étendues que celles auxquelles une personne peut normalement avoir droit (Baker, précité, paragraphe 26; Edison c. Canada (M.R.N.) (2001), 208 F.T.R. 58, 2001 CFPI 734, A.C.F. no 1064, paragraphes 24, 30 et 31).

 

[95]           Encore une fois, l'examen du dossier donne à entendre que c'est la suffisance des commentaires remis au demandeur qui sous‑tend la présente demande. Je ne puis trouver aucun élément de preuve convaincant d'une partialité personnelle ou d'une « partialité à l'endroit d'une école de pensée » de la part du CSS 26, des examinateurs de l'extérieur ou du personnel du CRSNG.

 


[96]           L'examinateur de l'extérieur M n'y va pas de main morte. Mais telle est sa tâche. Il cote la proposition du demandeur comme étant [traduction] « acceptable », mais il ne peut pas recommander le financement, et il explique pourquoi en des termes fort clairs. Il critique le travail du demandeur. Il est également fort proche de ce domaine d'expertise. Il se trompe peut‑être sur certains points. Cependant, il n'y a aucune partialité de la part de M ou, ce qui est encore plus important, de la part du CSS 26. Il est possible de ne pas souscrire à l'évaluation de M et le demandeur remet de toute évidence en question de nombreuses hypothèses et conclusions de M. Toutefois, c'est le CSS 26 qui a pris la décision et non M et je ne suis pas convaincu que les objections soulevées par le demandeur au sujet du rapport de M puissent donner lieu à une erreur susceptible de révision de la part du CSS 26 qui, dans le commentaire qu'il a remis au demandeur, met l'accent sur le peu de chance de succès des expériences proposées, sur l'innovation restreinte et sur les faibles incidences pour la communauté scientifique. Il est possible de ne pas souscrire à ces conclusions, mais cela ne veut pas pour autant dire qu'une erreur susceptible de révision a été commise.

 

[97]           Dans son commentaire au demandeur, le CSS dit qu'il [traduction] « souscrit aux motifs détaillés énumérés par l'un des examinateurs de l'extérieur, indiquant que les expériences proposées ont fort peu de chances de réussir ». Mais cela ne veut absolument pas dire que le CSS est d'accord avec tout ce que dit l'examinateur de l'extérieur M ou qu'il considère l'évaluation de M comme concluante.

 

[98]           L'examinateur de l'extérieur K, que le demandeur n'accuse pas de partialité, avait ceci à dire :

[traduction] Considérées ensemble, ces trois expériences amélioreraient énormément notre compréhension de la cinétique détaillée (et non simplement de la cinétique) qui est la cause de la réaction à la suite du chauffage par ondes de choc et par conséquent (étant donné le système à l'étude ) de la combustion.

 

La question à laquelle le CRSNG fait face n'est donc pas de savoir si la proposition a du mérite, mais si, compte tenu des ressources humaines et matérielles, le professeur Teitelbaum est en mesure d'accomplir ce qu'il se propose de faire. Je suis convaincu qu'il possède les compétences, la vision et l'ambition nécessaires. Malheureusement, je ne suis pas convaincu qu'il soit possible de trouver des personnes qualifiées et de l'appareillage moderne dans le milieu où le professeur Teitelbaum doit travailler.

 


[99]           Le domaine d'expertise de K ne faisait que [traduction] « se rapprocher quelque peu » du domaine du demandeur et, comme M, K a uniquement coté la proposition comme étant [traduction] « acceptable ». Les conclusions de K peuvent difficilement être considérées comme une approbation retentissante de la proposition. K ne croit pas que le demandeur puisse accomplir ce qu'il se propose de faire, mais propose qu'on lui donne l'occasion de le faire. Cela pouvait difficilement inspirer confiance dans la proposition du demandeur puisque le CSS est chargé de répartir sur la base du mérite des ressources restreintes pour la recherche scientifique.

 

[100]       L'examinateur de l'extérieur L, qui exprime l'impression la plus favorable, manque plutôt d'objectivité à mon avis dans certaines parties de son évaluation. Ainsi, la remarque suivante donne à entendre qu'il défend d'une façon spéciale la proposition du demandeur au lieu d'évaluer la proposition elle‑même :

[traduction] Il est étonnant que M. Teitelbaum ait pu continuer à être productif malgré la décision d'un comité du CRSNG de ne pas lui accorder de subvention lors d'un concours antérieur. Cette décision était tout à fait inéquitable et erronée. Je demanderais aux membres actuels du comité de remédier à la situation.

 

[101]       Cela ne peut pas avoir aidé le demandeur; pourtant, il ne formule aucune critique ou ne dit pas que le CSS a fait preuve de partialité à son encontre par suite de cette remarque.

 


[102]       Encore une fois, en disant que le CRSNG n'a pas suivi les procédures énoncées dans le Manuel d'évaluation par les pairs et n'a pas tenu compte de tous les critères, le demandeur demande à la Cour de faire des inférences défavorables à partir du rapport d'un examinateur de l'extérieur et du commentaire qui lui a été envoyé, soit des inférences que ces documents n'étayent pas. Nous n'avons pas à notre disposition les délibérations détaillées que le CSS 26 a tenues et aucune preuve que la Cour puisse accepter ne vient appuyer les assertions du demandeur sur ce point. Le demandeur semble supposer que la décision défavorable du CSS 26 constitue en soi une preuve de partialité ou d'iniquité procédurale à cause de son excellente réputation dans ce domaine. Cependant, c'était la troisième fois que le demandeur s'était vu refuser une subvention du CRSNG.

 

L'obligation de donner des motifs et la procédure d'appel

 

[103]       À mon avis, le demandeur conçoit également d'une façon erronée la nature de la procédure d'appel qui devait être suivie et qui a été suivie dans ce cas‑ci. Le paragraphe 10.5 du Manuel d'évaluation par les pairs pour l'année 2001 montre clairement que les motifs d'appel ne sont pas restreints, même s'ils se rapportent généralement à des questions « de procédure » ou à des questions « scientifiques ». Cependant, le Manuel d'évaluation par les pairs montre également clairement ce qui suit :

Un appel officiel d'une décision relative à une demande de subvention du CRSNG doit être fondé sur une preuve probante d'erreur ou de discrimination dans l'évaluation. La procédure d'appel vise à assurer que le candidat a été traité équitablement et conformément au contexte d'un concours dont les fonds sont limités.

 

[104]       Le Manuel d'évaluation par les pairs établit également qu'« il incombe au candidat de démontrer qu'une injustice a eu lieu » et précise que « les différences d'opinion parmi les examinateurs de l'extérieur et les comités de sélection ne constituent pas nécessairement des motifs d'appel ».

 


[105]       Les objectifs de la procédure d'appel du CRSNG qui a été suivie en l'espèce ne consistaient pas à réexaminer à nouveau la proposition du demandeur, mais à assurer qu'il n'y avait pas de preuve incontestable d'erreur ou de discrimination dans l'évaluation effectuée par le CSS 26. Dans la lettre d'appel que ses avocats ont préparée, le demandeur se plaint essentiellement de ce qui suit :

[traduction] Le professeur Teitelbaum interjette appel pour le motif que le CSS 26 a mal compris les documents mis à sa disposition ou n'en a pas tenu compte, et qu'il a donc en fait commis des erreurs manifestes et dominantes en arrivant à sa décision au sujet de la demande.

 

Le comité s'est exclusivement fondé, d'une façon déraisonnable, sur l'opinion d'un seul examinateur de l'extérieur, dont l'hostilité à l'endroit du professeur Teitelbaum ressort manifestement de son rapport, et le comité n'a pas tenu compte de l'opinion des deux autres examinateurs de l'extérieur auxquels on avait fait appel et dont l'évaluation des compétences du professeur Teitelbaum à titre de chercheur et du mérite de sa proposition était tout à fait favorable.

 

Le fait que le comité s'est fondé sur le rapport défavorable à l'exclusion des deux autres rapports est manifestement inéquitable, et on pourrait même soutenir que cela se rapproche d'un abus. À cette iniquité vient s'ajouter le fait que le comité ne semble pas avoir fait d'efforts pour étayer les positions de l'examinateur hostile et que, dans ses motifs, il n'a pas expliqué pourquoi il retenait l'évaluation de l'examinateur hostile plutôt que celle des deux autres examinateurs auxquels il avait fait appel.

 

Le professeur Teitelbaum demande que la demande soit réexaminée et qu'il soit tenu compte comme il se doit de tous les documents soumis au comité et, en particulier, des rapports de tous les examinateurs.

 

[106]       À l'appendice A de la lettre de son avocat, le demandeur lui‑même formulait des [traduction] « Commentaires concernant les préoccupations exprimées par l'examinateur hostile au sujet de la faisabilité du programme de recherche ». L'avocat du demandeur a pris la position selon laquelle, compte tenu du [traduction] « préjugé évident » de M, [traduction] l'« examen hostile aurait dû être écarté en entier en tant qu'évaluation objective de la proposition du professeur Teitelbaum ». Pour les mêmes raisons, à savoir un préjugé évident, il faudrait également exclure à mon avis l'évaluation favorable, lorsque l'examinateur déclare que le fait que le demandeur n'avait pas obtenu de subventions par le passé était [traduction] « tout à fait inéquitable et erroné » et qu'il prie les membres actuels du CSS de [traduction] « remédier à la situation ». Cependant, tel n'est pas le but visé par la procédure d'appel du CRSNG.


 

[107]       Dans les lettres d'appel, l'avocat du demandeur dit également qu'à part le rapport hostile, les [traduction] « deux autres rapports d'examinateurs demandés par le comité reconnaissaient sans réserve l'excellence du professeur Teitelbaum en tant que scientifique, l'importance de la recherche proposée et la faisabilité des expériences proposées ». Pourtant, l'auteur de l'un de ces rapports (K) cotait la proposition comme étant [traduction] « acceptable ou passable » seulement (soit la deuxième cotation la plus basse possible) et il concluait ce qui suit : [traduction] « Malheureusement, je ne suis pas convaincu qu'il soit possible de trouver des personnes qualifiées et de l'appareillage moderne dans le milieu où le professeur Teitelbaum doit travailler » et l'on pouvait donc se demander si [traduction] « compte tenu des ressources humaines et matérielles, le professeur Teitelbaum [était] en mesure d'accomplir ce qu'il se propos[ait] de faire ». K demandait ensuite que le demandeur ait la possibilité de démontrer qu'il se trompait.

 

[108]       La Cour conclut qu'il est fort difficile de considérer que ces remarques démontrent une attitude [traduction] « tout à fait favorable » aux expériences que le demandeur se proposait d'effectuer.

 


[109]       J'ai examiné le dossier tel qu'il se rapporte au rôle du conseiller de l'extérieur, du chef d'équipe et des divers membres du personnel en cause, et je ne puis trouver aucun motif convaincant me permettant de dire que la procédure d'appel suivie dans ce cas‑ci était viciée ou que les questions soulevées par le demandeur dans sa lettre d'appel n'ont pas été prises en considération. Il existe amplement de motifs à l'appui de la conclusion tirée dans l'analyse de l'appel :

[traduction] Il est recommandé de maintenir la décision initiale. Le CSS souscrivait au rapport défavorable, mais il serait erroné de conclure qu'il n'avait pas la capacité d'effectuer sa propre évaluation de la demande et qu'il s'est uniquement fondé sur le rapport défavorable préparé par l'examinateur. À vrai dire, le ton de ce rapport n'était pas convenable et le commentaire du CSS aurait dû être plus explicite, mais cela ne permet pas pour autant de modifier la décision.

 

[110]       Le rapport d'appel lui‑même confirme que le [traduction] « conseiller a examiné tous les documents pertinents aux fins de l'examen de l'appel; il souscrit à l'évaluation du CSS et conclut qu'il n'existe aucune preuve incontestable d'erreur ou de discrimination dans l'évaluation ».

 

[111]       À mon avis, la procédure d'appel du CRSNG portait sur les bonnes questions, les motifs invoqués par le demandeur ont été examinés, la procédure que le CSS 26 avait utilisée pour arriver à sa décision a été examinée, et il a été conclu avec raison qu'aucune erreur n'avait été commise et qu'il n'y avait pas discrimination.

 

[112]       Toutefois, il importe de souligner l’élément qui s’est dégagé de la procédure d'appel du CRSNG, à savoir la seule question réelle soulevée dans la présente demande. Dans le rapport d'appel, le point ci‑après énoncé est soulevé :

[traduction] Le message envoyé au candidat après la tenue du concours aurait pu être plus utile. Il importe de noter que les membres du comité doivent rédiger leurs commentaires, qui ont beaucoup d'importance pour les candidats, dans un contexte fort difficile, pendant que le concours est tenu au mois de février. Néanmoins, un commentaire plus détaillé aurait été beaucoup plus utile au candidat. C'est la raison pour laquelle, dans l'examen de cet appel, il a été jugé nécessaire de retourner devant le comité et de demander de meilleures explications au sujet de l'évaluation que celui‑ci a effectuée. Il est recommandé que le CRSNG continue à collaborer avec les comités pour veiller à ce que les messages envoyés aux candidats renferment plus de détails.


 

[113]       Le rapport d'appel sur ce point ne constitue pas, bien sûr, un avis juridique et contrairement à ce que le demandeur semble soutenir, je ne le considère pas comme une preuve incontestable d'erreur susceptible de révision. Cependant, il soulève ce qui, à mon avis, constitue l'unique motif réel que le demandeur peut invoquer dans la présente demande. Le demandeur méritait, mais n'a pas reçu, une meilleure rétroaction au sujet du rejet de sa demande de subvention, de façon à être mieux placé pour présenter une demande et à mieux situer ses travaux dans les concours futurs du CRSNG. Il s'agit donc de savoir si la rétroaction était insuffisante au point de constituer une erreur de droit susceptible de révision.

 

[114]       Il vaut ici la peine de citer encore une fois au complet le commentaire qui a été envoyé au demandeur :

[traduction] Le comité et les examinateurs de l'extérieur ont reconnu les contributions du candidat dans le domaine de la cinétique chimique en phase gazeuse. Toutefois, le comité souscrit aux motifs détaillés énumérés par l'un des examinateurs de l'extérieur, indiquant que les expériences proposées ont fort peu de chances de réussir. Compte tenu de ce fait, de l'innovation restreinte exprimée dans la proposition et des incidences probablement faibles des travaux proposés pour la communauté scientifique, le comité a cru bon de ne pas recommander le financement de cette proposition.

 


[115]       Le dossier donne à entendre que ce genre de message n'est pas inhabituel et qu'il est difficile de remettre des communications détaillées aux candidats non retenus à cause des exigences auxquelles les CSS sont assujettis lorsqu'ils évaluent et jugent le nombre de demandes de financement qui sont présentées chaque année au CRSNG. Rien ne montre qu'à cet égard, le demandeur ait été traité d'une façon différente des autres candidats qui se sont vu refuser des fonds pour l'année 2002‑2003. Au lieu de traiter de toute la gamme des critères que le Manuel d'évaluation par les pairs énumère et considère comme pertinents et importants, le message vise clairement à énoncer les points réellement cruciaux qui jouaient à l'encontre du candidat lorsque le CSS 26 est arrivé à sa décision finale. Il importe de se rappeler que lorsque cette décision a été prise, le demandeur était évalué par rapport à environ 109 autres candidats qui avaient présenté des demandes cette année‑là. Le demandeur participait à un concours dont les fonds sont limités.

 

[116]       Le demandeur a expliqué avec habileté les raisons pour lesquelles il est important de donner des motifs. Les commentaires faits par le CRSNG lui‑même et le Manuel d'évaluation par les pairs montrent clairement que l'on convient généralement que les commentaires utiles sont très importants dans le cadre de la procédure d'octroi de subventions.

 


[117]       Le demandeur dit que les motifs donnés dans ce cas‑ci étaient inadéquats à un point tel qu'ils constituaient une erreur de droit susceptible de révision. Je ne suis pas d'accord. Le demandeur confond les [traduction] « commentaires » tels qu'ils sont décrits dans le Manuel d'évaluation par les pairs et les motifs judiciaires ou les motifs administratifs à l'appui d'une décision. Le Manuel d'évaluation par les pairs dit que « [l]es commentaires constructifs sont très importants pour les candidats car ils leur permettent d'améliorer leurs demandes ou programmes de recherche futurs ». Il n'exige pas une décision expliquant aux candidats non retenus les considérations relatives à la preuve et les considérations d'ordre juridique qui sont entrées en ligne de compte dans la décision. Dans le contexte de ce régime d'octroi de subventions, où un CSS fait une recommandation à la suite d'une évaluation interne et externe détaillée, il serait difficile, compte tenu des contraintes de temps, d'élaborer une décision détaillée à l'intention de tous les candidats non retenus.

 

[118]       Dans l'arrêt Baker, précité, la Cour suprême du Canada a conclu qu'« il est maintenant approprié de reconnaître que, dans certaines circonstances, l'obligation d'équité procédurale requerra une explication écrite de la décision » [paragraphe 43]. Cette remarque donne à entendre que l'équité procédurale exige uniquement que des motifs soient donnés « dans certaines circonstances » et la Cour suprême se contente d'expliquer en outre que « dans des cas comme en l'espèce où la décision revêt une grande importance pour l'individu, dans des cas où il existe un droit d'appel prévu par la loi, ou dans d'autres circonstances, une forme quelconque de motifs écrits est requise » [paragraphe 43].

 

[119]       En l'espèce, aucun droit d'appel n'est prévu par la loi, et ce, bien que le CRSNG énonce une procédure d'appel dans son Manuel d'évaluation par les pairs. L'arrêt Baker, précité, ne montre pas clairement quelles pourraient être les « autres circonstances », mais il a été fait mention de [traduction] « la souplesse qui est nécessaire, comme on l'a souligné dans la décision MacDonald et Lametti, précitée, lorsque les tribunaux judiciaires évaluent les exigences de l'obligation d'équité en reconnaissant les réalités quotidiennes auxquelles font face les organismes administratifs et les nombreuses façons dont les valeurs sous‑tendant les principes d'équité procédurale peuvent être assurées ».

 

[120]       En décidant des motifs qui sont nécessaires dans ce cas‑ci, j'accorde énormément d'importance aux attentes raisonnables des candidats et aux obligations correspondantes des CSS découlant des remarques ci‑après énoncées figurant dans le Manuel d'évaluation par les pairs du CRSNG.

 

6.11.3  Préparation de projets de commentaires et présentation au CSS

Comme les occasions seront rares pendant la semaine de concours de préparer des commentaires critiques et constructifs, les examinateurs internes devraient préparer avant le concours les commentaires préliminaires aux candidats s'ils prévoient qu'ils seront nécessaires. On devrait discuter de ces commentaires en février lorsque les demandes sont examinées par le CSS et soigneusement les vérifier pour qu'ils reflètent les délibérations et le consensus du comité. La version définitive des commentaires fournis au CRSNG doit refléter les commentaires de l'ensemble du comité. Le rapport d'évaluation constitue un excellent outil de base en vue de fournir des commentaires critiques et utiles.

 

Les commentaires constructifs sont très importants pour les candidats car ils leur permettent d'améliorer leurs demandes ou programmes de recherche futurs. On encourage les CSS à formuler des commentaires spécifiques et constructifs qui ont pour but d'aider les candidats, notamment dans les situations suivantes :

 

Nouveaux candidats;

 

Toutes les demandes pour lesquelles aucun financement n'a été recommandé;

 

Cessation ou réduction importante (20 % ou plus) de l'appui financier (le CRSNG exige que des commentaires soient formulés dans ces cas précis);

 

Sérieuses préoccupations soulevées en ce qui concerne la productivité ou la proposition de recherche;

 

Candidats provenant des petites universités.

 

Les CSS doivent fournir des commentaires surtout sur les aspects de la proposition qui ont motivé la recommandation du comité. On doit soulever tant les points forts que les points faibles d'une proposition. Ces commentaires devraient également toucher à des points précis sur lesquels le CSS s'entend ou diverge particulièrement. On doit également traiter explicitement de tout écart apparent entre la recommandation du CSS et les rapports des examinateurs d'extérieur de façon à bien justifier l'évaluation du CSS.

 

Tous les commentaires doivent être conformes aux lignes directrices du CRSNG et être préparés dans un format qui permet de les transmettre aux candidats. Si possible, les commentaires devraient être rédigés dans la langue indiquée par le candidat.

 


Voici des exemples des problèmes déjà survenus en ce qui a trait aux commentaires préparés par les CSS :

 

Manque de clarté, c.‑à‑d., qu'on comprend mal le message que le CSS tente de transmettre;

 

Message trop général pour s'avérer utile, par exemple « le candidat n'a pas obtenu une aussi bonne évaluation que d'autres candidats dans le cadre du concours »;

 

Propos offensants ou dépréciatifs;

 

Messages portant sur l'admissibilité, par exemple « nous n'avons pas recommandé de financement parce que le candidat ne devrait pas être admissible ».

Nota : Ces décisions relèvent du CRSNG et non du CSS;

 

Messages allant à l'encontre des politiques du CRSNG, p. ex., le CSS n'a pas recommandé de financement parce que les travaux sont appliqués et ne conviennent pas à cette discipline, mais conviennent à une subvention stratégique ou relèvent des IRSC.

 

Messages présentant des contradictions entre les commentaires des examinateurs de l'extérieur et ceux du CSS sans fournir d'explications sur la décision du CSS.

 

Par le passé, un certain nombre de candidats ont logé des appels basés sur leur perception d'une partialité fondée sur le sexe ou l'âge dans les commentaires des CSS. Les membres de CSS doivent veiller à ne pas véhiculer de telles discriminations dans le processus d'évaluation, et à ne pas transmettre au candidat des messages impliquant la possibilité d'une telle partialité (voir la section 5.4.6).

 

 

 

[121]       Je considère ces instructions du Manuel d'évaluation par les pairs comme une reconnaissance par le CRSNG que l'évaluation par les pairs et la procédure de concours en vue de l'octroi de subventions sont destinées à encourager des « commentaires constructifs pour les candidats » conformément aux principes de base suivants :

1.         ils devraient être constructifs en ce sens qu'ils aident les chercheurs à améliorer leurs demandes ou programmes de recherche futurs;


2.         ils devraient être suffisamment précis pour aider les candidats de la façon susmentionnée à l'alinéa 1;

3.         ils devraient mettre l'accent sur les aspects d'une proposition qui sont importants lorsqu'il s'agit pour le comité d'arriver à une recommandation;

4.         ils devraient mentionner les points forts et les points faibles, même si cela n'est pas obligatoire;

5.         ils devraient traiter de toute divergence apparente entre les recommandations du CSS et les rapports des examinateurs de l'extérieur;

6.         ils devraient discuter des points précis des évaluations externes sur lesquels le CSS souscrit ou ne souscrit pas, mais uniquement s'ils entrent en ligne de compte dans la décision finale;

7.         ils devraient être conformes aux lignes directrices du CRSNG et se prêter à une transmission au candidat.

 

[122]       Le Manuel d'évaluation par les pairs n'exige pas la production ou la communication d'une décision de nature judiciaire ou administrative exhaustive. En remettant les commentaires au demandeur dans ce cas‑ci, le comité tentait de suivre les principes énumérés ci‑dessus. La lecture que j'ai faite des commentaires donne à entendre qu'ils ne s'éloignent pas suffisamment des objectifs énoncés pour constituer une erreur susceptible de révision; de toute façon, le Manuel d'évaluation par les pairs montre clairement que l'omission de fournir des commentaires adéquats ne constitue pas un motif permettant d'annuler la décision du comité.


 

[123]       À la suite de la décision du comité, diverses personnes ont fait des commentaires au sujet de l'insuffisance des commentaires remis au demandeur. On ne craignait pas que le demandeur n'eût pas été évalué de la façon appropriée, mais plutôt qu'il n'eût pas bénéficié de la rétroaction dont il avait besoin. Telle est également la conclusion tirée dans le rapport d'appel. En d'autres termes, la procédure d'appel du CRSNG fonctionnait bien, à mon avis, parce qu'elle identifiait correctement ce qui s'était passé dans le cas du demandeur.

 


[124]       Eu égard aux circonstances particulières du concours de subventions tenu par le CRSNG, on « encourage » les CSS à donner des motifs conformément au paragraphe 6.11.3 du Manuel d'évaluation par les pairs. Cependant, l'omission de donner des motifs adéquats à l'appui du refus ne vicie pas une décision qui a été prise d'une façon équitable, comme c'était le cas pour la décision prise par le CSS dans ce cas‑ci. La loi n'accordait au demandeur aucun droit d'appel qui devait être protégé au moyen de motifs plus détaillés dans ce cas‑ci. En soumettant sa demande, le demandeur s'est plié au système du CRSNG qui lui permettait d'utiliser la procédure d'appel du CRSNG telle qu'elle est décrite dans le Manuel d'évaluation par les pairs. Cette procédure d'appel servait de contrôle visant à assurer que le demandeur avait « été traité équitablement et conformément au contexte d'un concours dont les fonds sont limités ». S'il y avait eu une « preuve probante d'erreur ou de discrimination dans l'évaluation », on aurait pu recommander de modifier la décision du comité. Le système d'octroi de subvention administré par le CRSNG encourage également la production de commentaires constructifs conformément au paragraphe 6.11.3, en vue de permettre aux demandeurs « d'améliorer leurs demandes ou programmes de recherche futurs ».

 

[125]       Cependant, le Manuel d'évaluation par les pairs, qui énonce les obligations et droits respectifs pour le concours, ne donne nulle part à entendre que l'omission de faire des commentaires constructifs conformément au paragraphe 6.11.3 constitue une « erreur ou discrimination » dans la procédure d'octroi de subventions, laquelle autorise le demandeur à faire réexaminer la décision du CSS ou permet au chef d'équipe de proposer que des fonds soient alloués à un appelant tel que le demandeur. Dans les arguments qu'il a soumis à la Cour, le demandeur lui‑même affirme avec insistance qu'il importe de se fonder sur le Manuel d'évaluation par les pairs comme guide des attentes légitimes des parties.

 

[126]       En fait, il n'est pas exact de dire que le message adressé au demandeur constitue une tentative de donner des motifs à l'appui de la décision au sens du droit administratif. Le système envisagé au paragraphe 6.11.3 du Manuel d'évaluation par les pairs emploie le mot « commentaires » plutôt que le mot « motifs » et il le fait parce que ces commentaires ont un but défini, à savoir « permett[re] d'améliorer le[s] demandes ou programmes de recherche futurs ».

 

[127]       Selon ce système, auquel le demandeur s'est volontairement soumis, des commentaires doivent être fournis; cependant, l'insuffisance des commentaires ne constitue pas une « erreur » ou une forme de « discrimination » dans l'« évaluation », laquelle peut avec raison donner lieu à une modification de la décision du comité ou de la décision rendue en appel.


 

[128]       Le demandeur s'est plié à la procédure d'appel du CRSNG prévue par le Manuel d'évaluation par les pairs, et, à mon avis, il ne peut pas maintenant s'en prendre à la décision du comité qu'il a portée en appel. Il fallait considérer la décision du comité comme faisant partie de la présente demande parce qu'elle était à l'origine de la décision rendue en appel.

 

[129]       L'examen de la décision rendue en appel m'amène à conclure qu'aucune erreur susceptible de révision n'a été commise dans la procédure d'appel du CRSNG, dans le cadre de laquelle il a correctement été conclu qu'aucune erreur ou discrimination n'avait eu lieu dans [traduction] l'« évaluation » et qu'un « commentaire » plus détaillé aurait été « beaucoup plus utile au candidat ». À mon avis, cette conclusion était correcte et aucune erreur susceptible de révision n'a été commise. Même si je me trompe sur ce point, la présente demande soulève de nombreux autres problèmes qui empêchent la Cour d'accorder la réparation demandée.

 

Autres problèmes suscités par la présente demande

 


[130]       En premier lieu, c'est la décision rendue en appel conformément à la procédure d'appel du CRSNG qui est ici en cause. Les motifs d'appel du demandeur étaient fortement axés sur l'allégation selon laquelle [traduction] « le comité s'[était] exclusivement fondé, d'une façon déraisonnable, sur l'opinion d'un seul examinateur de l'extérieur [...] ». Cette allégation a fait l'objet d'une enquête et il a été conclu qu'elle était dénuée de fondement. Le demandeur ne peut pas maintenant, comme il tente de le faire dans la présente demande, soulever devant la Cour d'autres motifs qui n'ont pas été soulevés dans l'appel. En fait, étant donné que ses motifs d'appel ont été rejetés, le demandeur demande maintenant à la Cour d'examiner et d'annuler la décision du comité pour des motifs beaucoup plus généraux que ceux qu'il a soulevés en appel. Ainsi, dans son appel, le demandeur ne s'est pas plaint de l'insuffisance des motifs. En d'autres termes, il tente d'utiliser une demande de contrôle qui devrait en réalité être axée sur la décision rendue en appel comme moyen de faire examiner et annuler la décision du comité. À mon avis, on ne saurait maintenant procéder à un examen général de la décision du comité pour le motif qu'il existe une procédure d'appel interne (procédure dont le demandeur s'est prévalu) et qu'il s'agit d'une solution de rechange adéquate par rapport au contrôle judiciaire, compte tenu du mandat qui incombe au CRSNG et des règles de base que celui‑ci a établies aux fins de la gestion de la procédure d'octroi de subvention.

 

[131]       Le demandeur demande maintenant à la Cour d'envisager d'annuler la décision du comité de lui refuser une subvention, d'y substituer sa propre décision et de lui accorder les fonds qu'il cherchait à obtenir du CRSNG ou, subsidiairement, une ordonnance portant que le CRSNG doit prendre une nouvelle décision au sujet de sa demande conformément aux directives qu'elle donnera au sujet des modalités de prise de décision.

 

[132]       À mon avis, même si le demandeur avait réussi à convaincre la Cour de l'existence d'une erreur susceptible de révision, ni l'une ni l'autre de ces réparations n'aurait pu être accordée.

 

[133]       En premier lieu, la Cour n'est pas en mesure d'évaluer la demande de subvention du demandeur, en particulier en ce qui concerne son mérite par rapport aux demandes d'environ 94 autres candidats qui ont obtenu des subventions pour l'année 2002‑2003. Il importe de se rappeler que le demandeur s'est présenté à un concours qui comportait l'appréciation de renseignements scientifiques complexes et l'évaluation de sa proposition par rapport à toutes les autres propositions qui visaient l'obtention d'une réserve restreinte de fonds à un moment particulier. Or, la Cour ne pourrait maintenant rendre aucune décision de ce genre.

 

[134]       Quant à la prise d'une nouvelle décision à la suite de directives données par la Cour, la procédure de concours du CRSNG interdit la délivrance de pareille ordonnance. Il faudrait prendre une nouvelle décision et reprendre toute la procédure pour l'année 2002‑2003. De plus, si la Cour ordonnait l'examen de la demande présentée par le demandeur pour l'année 2001 par le CSS concerné actuel du CRSNG par rapport aux demandes présentées en 2003‑2004, cela ne constituerait pas une nouvelle décision relative au concours tenu en 2002‑2003 et serait de toute façon tout à fait inutile puisque le demandeur peut toujours présenter une demande au CRSNG pour l'année courante.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande est rejetée;

2.         Les dépens de la demande sont adjugés au défendeur.

 

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Richard Jacques, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                T-1748-02

 

INTITULÉ :                                                               Heshel Teitelbaum

c.

Procureur général du Canada

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                                         Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                                       le 3 décembre 2003

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                               le juge Russell

 

DATE DES MOTIFS :                                              le 16 mars 2004

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sebastian Spano                                                           pour le demandeur

 

Jeffrey Lester                                                                pour le défendeur

Sonia Barrette

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Engelmann et Gottheil                                                   pour le demandeur

Ottawa (Ontario)

 

Morris Rosenberg                                                         pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada                              

 

 

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