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Dossier : 2013-227(GST)I

 

ENTRE :

 

THREE-W CANADA INTERNATIONAL CORPORATION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 16 septembre 2013, à Toronto (Ontario)

 

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Sean Hu

 

Avocat de l’intimée :

Me Darren Prevost

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

L’appel de la cotisation établie au titre de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 19 décembre 2011, pour la période de déclaration allant du 1er janvier au 31 décembre 2010, est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 20e jour de septembre 2013.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour d’octobre 2013.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


 

 

Référence : 2013 CCI 295

Date : 20130920

Dossier : 2013-227(GST)I

 

ENTRE :

 

THREE-W CANADA INTERNATIONAL CORPORATION,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Boyle

 

[1]             Three-W Canada International Corporation (« Three-W ») est une société canadienne détenue en propriété exclusive par Ningqun (Jason) Wang (« Jason Wang »), qui réside à London, en Ontario. Jason Wang est l’administrateur de Three-W et son fils Tony Wang (« Tony ») travaille aussi pour Three‑W.

 

[2]             L’entreprise de Three-W consiste à recruter des étudiants étrangers à l’extérieur du pays pour des écoles privées au Canada et aux États‑Unis. La société a fait l’objet d’une cotisation parce qu’elle n’a pas perçu ni versé la taxe sur les produits et services ou la taxe de vente harmonisée sur les services qu’elle a fournis à des écoles canadiennes.

 

[3]             Three-W tient un bureau dans la maison de Jason Wang à London, en Ontario. Il tient lieu de siège social de la société et Jason Wang l’utilise pour vaquer aux affaires de Three-W lorsqu’il n’est pas à l’extérieur du pays. Three-W ne rencontre pas de représentants d’école ni d’étudiants dans ce bureau. À partir du bureau de London, en Ontario, M. Jason Wang envoie des courriels aux écoles canadiennes, ainsi qu’aux partenaires commerciaux et aux agents d’affaires de Three-W.

 

[4]             Jason Wang trouve des écoles clientes au Canada et aux États-Unis et entretient ses relations avec elles. Il rencontre en personne les représentants des écoles canadiennes sur leur campus. Il signe des ententes écrites pour le compte de Three‑W avec les écoles canadiennes lorsqu’il est au Canada. Tony et lui rencontrent aussi parfois des étudiants à leur école canadienne, par exemple quand il y a des problèmes relativement à l’adaptation culturelle, au comportement, au plagiat, à l’école en général, au placement dans des familles hôtes ou au renouvellement de visas. Les écoles canadiennes parlent directement avec M. Jason Wang pour les problèmes liés aux étudiants.

 

[5]             Bien qu’il y ait un plus grand nombre de réunions lorsqu’une nouvelle école devient une cliente de l’entreprise, il y a plus ou moins une réunion par année à l’école.

 

[6]             Parfois, Three-W prend des mesures pour que Jason ou Tony Wang rencontre les étudiants étrangers à l’aéroport, à leur arrivée au Canada. J’accepte le témoignage du témoin d’une l’école, selon lequel M. Jason Wang de Three-W avait en fait aidé l’école pour des questions de visas selon les besoins, à tout le moins lorsqu’un renouvellement était nécessaire.

 

[7]             Toutes les écoles canadiennes sont devenues des clientes de l’entreprise en faisant affaire avec M. Jason Wang dans leurs propres locaux. Les écoles canadiennes signent des ententes écrites avec Three-W pour la désigner comme agente chargée de recruter des étudiants de la Chine et de certains autres pays. Three‑W tire la totalité de son revenu des commissions qui lui sont versées par les écoles pour chacun des étudiants.

 

[8]             Les partenaires commerciaux de Three-W en Chine mettent des locaux à la disposition de Three-W en fonction de ses besoins. Les locaux considérés comme le bureau de Three-W à Beijing font partie du bureau de l’un de ses partenaires commerciaux, lequel bureau est loué par ce partenaire commercial et occupé par du personnel de celui-ci; il n’est pas loué par Three-W et le personnel ne lui appartient pas. Selon la preuve, les partenaires commerciaux de Three-W étaient divers sous-traitants de Three-W qui travaillaient pour elle moyennant une partie des commissions que les écoles versaient à Three-W, et qui exploitaient également le reste de leur entreprise indépendamment de celle de Three-W. La liste de Jason Wang faisant état des partenaires commerciaux de Three-W comprenait un très grand nombre de consultants en immigration, de conseillers pédagogiques, d’agences de voyages et d’établissements d’enseignement, et comportait des entités liées au gouvernement (je présume que ces entités n’étaient pas des coentrepreneurs et qu’elles ne recevaient pas non plus une partie des commissions). Ces organisations œuvraient aussi dans le domaine du placement d’étudiants ou étaient de bonnes sources pour ce qui est de l’indication d’étudiants pouvant être placés. La preuve ne me convainc pas que, dans la mesure où Three-W avait des locaux en Chine qui étaient mis à sa disposition, tous les services qu’elle fournissait étaient fournis à partir de cet endroit.

 

[9]             Three-W dresse des factures pour les écoles canadiennes que M. Jason Wang envoie à partir du bureau à London, en Ontario. Si celui‑ci est en voyage, la même facture est envoyée par courriel; l’adresse de London figure sur la facture, et il est demandé que le paiement soit envoyé au bureau de London.

 

[10]        Les écoles envoyaient leurs chèques de commissions par la poste au bureau de London ou faisaient un dépôt direct dans le compte bancaire canadien de Three‑W. La société payait ses sous-agents en Chine qui recrutaient des étudiants pour elle ou qui l’aidaient à en recruter à partir du même compte bancaire canadien.

 

[11]        Bien que la contribuable soutienne qu’une grande partie, voire même la majorité, de ses activités génératrices de revenus avaient lieu en Chine, la preuve montre clairement qu’elle fournissait une partie de ses services de recrutement d’étudiants au Canada. Il en est ainsi, même si l’on tient compte du fait que, bien que l’établissement des factures et la réception des paiements puissent faire partie intégrante de l’exploitation d’une entreprise au Canada, ces activités ne font pas nécessairement partie des activités relatives à la prestation des services vendus aux écoles canadiennes, soit le recrutement d’étudiants. Le fait de rencontrer les étudiants au Canada et de rencontrer les écoles au Canada dans le cadre de contrats de recrutement d’étudiants continus à renouveler, lesquels contrats prévoient le versement d’une commission pour chaque semestre pendant lequel l’étudiant continu de fréquenter l’école, constitue en fait une partie très importante de la prestation des services, étant donné que ce sont les écoles canadiennes qui sont les clients de Three-W et qu’aucune commission n’est versée si l’étudiant ne revient pas à l’école le semestre suivant pour quelque raison que ce soit. L’appel doit donc être rejeté. Three‑W exploite une entreprise de prestation de services dont les services comprennent les activités canadiennes de prestation de services aux écoles et aux étudiants au Canada.

 

[12]        Je ne puis accepter l’argument de la contribuable selon lequel le seul service pour lequel Three-W était payée était le recrutement d’étudiants et celle‑ci avait droit à ses commissions une fois les étudiants inscrits, peu importe ce qui se passait par la suite. La contribuable soutient entre autres que, lorsqu’elle s’occupait par la suite de ses écoles clientes et de ses étudiants placés au Canada, elle fournissait un service distinct qui consistait à s’assurer que ses clients sont satisfaits et contents. L’avocat de l’intimée a expliqué qu’il s’agissait de [traduction] « service après‑service », soit une variation du terme service après‑vente. La décision souvent citée de la Cour O.A. Brown LTD. c. Canada, [1995] A.C.I. n678, traite de la question de savoir dans quelles circonstances il y a une fourniture unique dans le cadre de laquelle des services multiples sont fournis et dans quelles circonstances il y a des fournitures séparées (aux paragraphes 21 et 29[1]). Les services suivant l’inscription initiale fournis par Three‑W aux écoles et aux étudiants au Canada font partie intégrante de la fourniture globale des services de recrutement d’étudiants qu’elle fournit pour un prix unique. Ces services ne peuvent pas être considérés comme des fournitures distinctes lorsqu’ils font partie intégrante de la fourniture globale.

 

[13]        Les services ne sont pas rendus en totalité à l’extérieur du Canada pour l’application de l’alinéa 142(1)g) de la Loi sur la taxe d’accise. L’appel est rejeté.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 20e jour de septembre 2013.

 

 

« Patrick Boyle »

Juge Boyle

Traduction certifiée conforme

ce 21e jour d’octobre 2013.

 

Marie-Christine Gervais, traductrice


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 295

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2011-227(GST)I

 

INTITULÉ :                                      THREE-W CANADA INTERNATIONAL

                                                          CORPORATION c. S.M.R.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 septembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 20 septembre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Sean Hu

Avocat de l’intimée :

Me Darren Prevost

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :                     

 

                          Nom :                    

 

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

 



[1] Paragraphe 21 : En tranchant cette question, il est d’abord nécessaire de décider ce qui a été fourni en contrepartie du paiement. Il faut alors se demander si la fourniture globale est composée d’une seule fourniture ou de plus d’une fourniture. Le critère qui ressort de la jurisprudence anglaise est de savoir si, au fond et en réalité, la présumée fourniture séparée fait partie intégrante ou est un élément constitutif de la fourniture globale. Il faut examiner la nature véritable de l’opération pour en déterminer les attributs fiscaux. Le critère a été énoncé par le Value Added Tax Tribunal de la façon suivante : [traduction] « À notre avis, lorsque les parties concluent une opération en vertu de la laquelle une partie remet une fourniture à l’autre, la taxe (le cas échéant) exigible à cet égard doit être déterminée par rapport au fond de l’opération, mais le fond de l’opération doit être déterminé par rapport au caractère réel des accords conclus entre les parties. » [Note de bas de page omise.]

Paragraphe 29 : L’appelante achète du bétail conformément aux instructions de ses clients. Elle fournit ensuite le bétail à chaque client comme il l’a commandé. En fournissant ce service, l’appelante engage des frais d’alimentation, d’inoculation, de transport et d’assurance. L’appelante cherche à se faire rembourser ces frais et exige des honoraires pour ce service. Il est difficile de considérer ces activités d’achat comme des fournitures distinctes, indépendantes de l’activité dans son ensemble. Elles ne forment un service utile que si elles sont considérées ensemble. Au fond et en réalité, la présumée fourniture séparée, soit un service d’achat, fait partie intégrante de la fourniture globale, à savoir la fourniture de bétail. Il n’est pas possible, en réalité, d’enlever de la fourniture globale les présumées fournitures séparées car celles-ci constituent en fait l’essence de cette fourniture. Les présumées fournitures séparées sont liées à la fourniture de bétail à un point tel qu’elles font partie intégrante de l’ensemble au complet. Les services sont rendus en vertu d’un seul contrat, pour une contrepartie unique, quoique la facture soit détaillée. L’appelante effectue une fourniture unique de bétail et la commission et les débours exigés font partie intégrante de la contrepartie y afférente. Ils n’équivalent pas à des fournitures séparées. C’est simplement une question de sens commun. Aucune TPS ne peut être perçue sur la commission exigée et sur les débours.

 

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