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Dossier : 2020-1117(IT)I

ENTRE :

COCO QI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 28 et 29 février 2024 et le 28 mars 2024, à Toronto (Ontario)

Devant : l’honorable juge Ronald MacPhee


Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocats de l’intimé :

Me Niloofar Sharif

Me Leonard Elias

 

JUGEMENT

ATTENDU QUE la Cour a, en ce jour, rendu les motifs de son jugement, ci-joints.

PAR CONSÉQUENT, LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

L’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2015, 2016 et 2017 est rejeté, avec dépens adjugés à l’intimé, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de juin 2024.

« R. MacPhee »

Le juge MacPhee


Dossier : 2020-1119(IT)G

ENTRE :

COCO QI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 28 et 29 février 2024 et le 28 mars 2024, à Toronto (Ontario)

Devant : l’honorable juge Ronald MacPhee


Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocats de l’intimé :

Me Niloofar Sharif

Me Leonard Elias

 

JUGEMENT

ATTENDU QUE la Cour a, en ce jour, rendu les motifs de son jugement, ci-joints.

PAR CONSÉQUENT, LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

L’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2015, 2016 et 2017 est rejeté, avec dépens adjugés à l’intimé, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de juin 2024.

« R. MacPhee »

Le juge MacPhee


Dossier : 2020-384(IT)I

ENTRE :

2467769 CANADA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 28 et 29 février 2024 et le 28 mars 2024, à Toronto (Ontario)

Devant : l’honorable juge Ronald MacPhee


Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocats de l’intimé :

Me Niloofar Sharif

Me Leonard Elias

 

JUGEMENT

ATTENDU QUE la Cour a, en ce jour, rendu les motifs de son jugement, ci-joints.

PAR CONSÉQUENT, LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

L’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies en application de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les périodes de déclaration terminées le 30 avril 2016, le 30 avril 2017 et le 30 avril 2018 est rejeté, avec dépens adjugés à l’intimé, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de juin 2024.

« R. MacPhee »

Le juge MacPhee


Dossier : 2020-385(GST)I

ENTRE :

2467769 CANADA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 28 et 29 février 2024 et le 28 mars 2024, à Toronto (Ontario)

Devant : l’honorable juge Ronald MacPhee


Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

 

Avocats de l’intimé :

Me Niloofar Sharif

Me Leonard Elias

 

 

JUGEMENT

ATTENDU QUE la Cour a, en ce jour, rendu les motifs de son jugement, ci-joints.

PAR CONSÉQUENT, LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

L’appel interjeté à l’encontre des nouvelles cotisations établies en application de la Loi sur la taxe d’accise pour les périodes de déclaration terminées le 30 avril 2016, le 30 avril 2017 et le 30 avril 2018 est rejeté, avec dépens adjugés à l’intimé, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de juin 2024.

« R. MacPhee »

Le juge MacPhee


Référence : 2024 CCI 86

Date : 20240612

Dossier : 2020-1117(IT)I

ENTRE :

COCO QI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2020-1119(IT)G

ET ENTRE :

COCO QI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2020-384(IT)I

ET ENTRE :

2467769 CANADA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Dossier : 2020-385(GST)I

ET ENTRE :

2467769 CANADA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS COMMUNS DU JUGEMENT

Le juge MacPhee

I. INTRODUCTION

[1] Les présents appels concernent Osaka Sushi (« Osaka »), un restaurant de sushis situé à North York, en Ontario. 2467769 Ontario Inc. était la société appelante qui exploitait Osaka. L’autre appelante dans le présent appel, Coco Qi (« Mme Qi »), est l’unique actionnaire de 2467769 Ontario Inc.

[2] Après la vérification d’Osaka par l’ARC, le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’obligation fiscale de 2467769 Ontario Inc. et de Mme Qi pour y inclure le revenu d’entreprise non déclaré ou les avantages non déclarés conférés à un actionnaire, s’il y a lieu. Une nouvelle cotisation pour la TPS/TVH non versée a été établie à l’encontre de 2467769 Ontario Inc. Le ministre a également imposé des pénalités en vertu des paragraphes 163(2) et 163(3) (seulement pour 2467769 Ontario Inc.) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la « LIR »); et de l’article 285 et du paragraphe 285.01(2) (seulement pour 2467769 Ontario Inc.) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15 (la « LTA »).

[3] La conclusion générale tirée de la vérification est qu’Osaka n’a pas déclaré un pourcentage de ses ventes au comptant de chaque année. Le ministre a déterminé qu’Osaka avait utilisé un dispositif quelconque pour supprimer les ventes au comptant dans ses livres et registres. Le ministre a conclu en outre que c’est Mme Qi qui avait reçu les ventes au comptant non déclarées en tant qu’avantage conféré à un actionnaire.

[4] Les questions soulevées dans les présents appels sont les suivantes :

A. si 2467769 Ontario Inc. a omis de déclarer un revenu provenant de l’exploitation d’Osaka s’élevant à 221 953,40 $, à 262 200,83 $ et à 22 689,91 $ pour les années d’imposition terminées le 30 avril 2016, le 30 avril 2017 et le 30 avril 2018, respectivement;

B. si Mme Qi a reçu des avantages non déclarés de 2467769 Ontario Inc. s’élevant à 167 204,90 $, à 283 387,08 $ et à 116 985,38 $ pour les années d’imposition 2015, 2016 et 2017, respectivement, et a donc fait l’objet d’une cotisation établie à juste titre en vertu du paragraphe 15(1) de la LIR;

C. si 2467769 Ontario Inc. a omis de percevoir et de verser la taxe sur les produits et services et la taxe de vente harmonisée sur le revenu non déclaré s’élevant à 28 853,94 $, à 35 476,11 $ et à 2 949,69 $ pour les périodes de déclaration terminées le 30 avril 2016, le 30 avril 2017 et le 30 avril 2018, respectivement;

D. si le ministre avait le droit d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante pour l’année d’imposition 2015 au-delà de la période normale de nouvelle cotisation;

E. si Mme Qi et 2467769 Ontario Inc. sont passibles de pénalités pour faute lourde en vertu du paragraphe 163(2) de la LIR et de l’article 285 (uniquement pour 2467769 Ontario Inc.) de la LTA;

F. si 2467769 Ontario Inc. est passible de pénalités pour suppression électronique des ventes au cours de la période de déclaration terminée le 30 avril 2018 en vertu du paragraphe 163.3(2) de la LIR et du paragraphe 285.01(2) de la LTA;

G. si Mme Qi a droit aux crédits pour TPS/TVH à l’égard des périodes en cause conformément à la partie IX de la LTA. Mme Qi semble avoir contesté ce dernier point par erreur. Aucune preuve ni aucun argument n’ont été présentés à ce sujet par l’une ou l’autre des parties. Par conséquent, cet élément de l’appel sera rejeté sans autre mention;

H. si la Cour a compétence pour établir l’admissibilité de Mme Qi à la prestation Trillium de l’Ontario (la « PTO »). Aucune preuve ni aucun argument n’ont été présentés sur cette question par l’une ou l’autre des parties. La Cour de l’impôt n’a pas compétence sur cette question en vertu de l’article 103.2 de la Loi de 2007 sur les impôts de l’Ontario, L.O. 2007, chap. 11, annexe A, (la « Loi sur les impôts de l’Ontario »). Par conséquent, cet élément de l’appel sera rejeté sans autre mention.

II. FAITS

[5] Bien que les nouvelles cotisations concernent les montants assez élevés indiqués aux paragraphes qui précèdent, 2467769 Ontario Inc. a choisi de procéder selon les règles informelles.

[6] Mme Qi s’est représentée elle-même et a représenté la société. Bien que Mme Qi ait clairement indiqué dans son témoignage que, à son avis, les nouvelles cotisations étaient erronées et qu’Osaka n’avait tout simplement pas le succès présumé par le ministre dans ses conclusions, elle n’a produit aucune preuve relative aux questions particulières relevées dans les actes de procédure.

[7] Mme Qi a constitué 2467769 Ontario Inc. le 25 mai 2015. À l’été 2015, 247769 Ontario Inc. a acheté Osaka, un restaurant japonais situé à North York.

[8] Osaka était un restaurant de sushis à service complet et un buffet qui servait des boissons alcoolisées et non alcoolisées, en plus de proposer des plats à emporter et des livraisons au moyen d’applications tierces, comme Uber Eats, Just Eats et Skip the Dishes.

[9] En 2015, 2016 et 2017, Osaka a subi quelques changements sous la direction de Mme Qi, qui était la nouvelle gestionnaire sur place. Mme Qi avait travaillé auparavant comme serveuse et aide de cuisine dans un restaurant et connaissait bien le fonctionnement des restaurants.

[10] En 2015, 2016 et 2017, Osaka a effectué de nombreuses promotions, axées sur un rabais lors d’un paiement au comptant, pour attirer de nouveaux clients.

[11] Le revenu personnel déclaré par Mme Qi pour les années d’imposition 2015, 2016 et 2017 s’établissait comme suit :

Année d’imposition

2015

2016

2017

Revenu déclaré de Mme Qi

10 630 $ 9 333 $ 29 900 $

Réservé: 10 630 $ 	9 333 $ 	29 900 $

10 630 $ 9 333 $ 29 900 $

 

[12] En 2015, 2016 et 2017, Mme Qi a payé une hypothèque, des impôts fonciers et divers frais personnels.

[13] Trois témoins ont été appelés à témoigner au procès. Mme Qi a témoigné en son nom et pour le compte de 2467769 Ontario Inc. et deux employés de l’ARC ont également témoigné. Il s’agit de Mme Melissa Singh (« Mme Singh »), vérificatrice de l’impôt sur le revenu à l’ARC, et de Mme Laura Craig (« Mme Craig »), spécialiste en vérification par ordinateur à l’ARC, qui ont toutes deux travaillé sur la vérification.

[14] Devant la Cour, Mme Craig et Mme Singh ont passé en revue les différentes étapes de la vérification d’Osaka et de Mme Qi, les renseignements qu’elles ont obtenus et les conclusions qu’elles en ont tirées. J’ai trouvé leur témoignage fort exhaustif et instructif. Elles ont également procédé à une corroboration, comme le calcul de la valeur nette de Mme Qi, afin d’étayer leurs conclusions.

(1) Système de PDV

[15] Osaka a procédé à l’enregistrement électronique des ventes au moyen d’un système de points de vente et logiciel appelé QuickPos (le « système de PDV »). Le système de PDV fait le suivi et enregistre les ventes et d’autres données. Les caisses enregistreuses étaient fermées à la fin de la journée et un ruban de caisse enregistreuse était produit chaque jour. Le système de PDV fait le suivi de toutes les ventes saisies dans le système à une date donnée en créant un identifiant de transaction unique.

[16] Très peu d’éléments de preuve ont été produits sur ce point, mais il semble que la plupart des membres du personnel avaient accès au système de PDV et pouvaient opérer les terminaux de PDV, entrer des commandes et imprimer des factures.

(2) Le processus de vérification en général

[17] Je ne saurais faire mieux pour décrire les étapes de la vérification que de reproduire la description fournie dans les observations écrites de l’intimé, qui reflètent fidèlement la preuve, essentiellement incontestée, présentée au procès. Bon nombre de ces mêmes faits figurent dans le paragraphe relatif aux hypothèses dans la réponse de l’intimé. Dans ma décision, j’ai donc reproduit en grande partie la description de la vérification et les conclusions tirées des observations écrites de l’intimé, de même que les hypothèses formulées par le ministre. J’ai fait quelques ajouts relatifs aux éléments de preuve présentés lors du procès.

[18] Mme Singh et Mme Craig (« les vérificatrices ») ont visité Osaka à quelques reprises, individuellement et ensemble, afin d’obtenir des copies des livres et registres d’Osaka et d’observer ses activités quotidiennes.

[19] Ils ont reçu des copies des livres et registres d’Osaka et des données de points de vente, telles qu’elles ont été présentées par Mme Qi.

[20] Lors des journées d’observation sur place, les vérificatrices ont relevé le nombre d’employés présents dans le restaurant.

[21] Elles ont aussi consigné toutes les transactions effectuées au restaurant ces jours-là. Mme Singh a calculé le pourcentage de ventes au comptant d’Osaka pendant les journées d’observation.

[22] Elles ont établi qu’il n’était pas possible de se fier aux livres et registres d’Osaka pour vérifier son revenu déclaré. Elles sont parvenues à cette décision sur la base suivante :

  • a)les données de points de vente obtenues auprès d’Osaka comportaient des anomalies susceptibles de provenir de l’utilisation d’un logiciel de suppression des ventes pour effacer un pourcentage des ventes au comptant;

  • b)l’ARC n’a pas été en mesure de faire concorder le nombre d’employés d’Osaka présents dans le restaurant avec les salaires déclarés par le restaurant;

  • c)le comptable d’Osaka n’a pas eu accès aux documents d’origine. L’appelante a créé une feuille de calcul Excel qu’elle a partagée avec son comptable afin qu’il produise la déclaration de revenus.

[23] Par conséquent, l’ARC a eu recours à l’analyse des offres au comptant pour déterminer le revenu d’Osaka pour chacune des années en cause.

[24] Une analyse des offres au comptant est une méthode de vérification indirecte qui présume que le ratio entre les ventes au comptant et autres qu’au comptant d’une entreprise reste constant. Ainsi, si on peut établir ce ratio et le montant réel des ventes qui ne sont pas au comptant, il est alors possible de calculer le montant réel des ventes au comptant.

[25] Après la réalisation d’une analyse des offres au comptant sur les recettes d’Osaka, l’ARC a déterminé que l’entreprise n’avait pas déclaré l’ensemble de son revenu au cours des années d’imposition en cause. L’ARC a aussi conclu qu’Osaka avait attribué son revenu non déclaré à son unique actionnaire, Mme Qi.

[26] En termes simples, dans ses déclarations transmises au ministre pour les périodes terminées les 30 avril 2016, 2017 et 2018, 6 % des ventes enregistrées par Osaka étaient des ventes au comptant. Le ministre a établi que le pourcentage exact des ventes au comptant correspondait à 24 % de toutes les ventes réalisées pendant la période.

(3) Manque de fiabilité des livres et registres d’Osaka Sushi

[27] Comme il a été indiqué précédemment, Osaka utilisait un système de point de vente appelé QuickPOS pour l’enregistrement électronique de ses ventes. Le système de PDV fait le suivi de toutes les ventes saisies dans le système à une date donnée en créant un identifiant de transaction unique.

[28] Le 10 mai 2018, les vérificatrices ont fait une visite inopinée au restaurant.

[29] Elles ont choisi le 10 mai comme date représentative de l’année d’imposition d’Osaka et de sa période de déclaration annuelle pour la TPS/TVH terminée le 30 avril. Les vérificatrices souhaitaient commencer la vérification à une date rapprochée de la fin de l’année financière de 2467769 Ontario Inc. et de la fin de sa période de déclaration pour la TPS/TVH, afin de préserver les données de points de vente d’une éventuelle manipulation.

[30] Lors de sa visite initiale, Mme Craig a copié, du serveur d’Osaka vers son ordinateur, les données du système de PDV du restaurant pour les transactions effectuées entre le 1er juillet 2015 et le 9 mai 2018, puis elle a copié les données d’origine du système de PDV depuis l’ordinateur du restaurant. C’est ce qu’on appelle les « données d’origine du système de PDV ».

[31] Le 17 mai 2018, Mme Craig a copié les rapports de clôture des données de points de vente sur son ordinateur, avant de copier les données sur sa clé USB. Seuls les rapports de clôture depuis le 1er février 2016 étaient accessibles.

[32] Le 7 septembre 2018, Mme Craig a recueilli les données du système de PDV d’Osaka pour les transactions réalisées entre le 1er juillet 2015 et le 6 septembre 2018. C’est ce qu’on appelle les « données actualisées du système de PDV ».

[33] Mme Craig a analysé les bases de données des points de vente et déterminé si les données pouvaient servir à calculer le revenu réel d’Osaka.

(4) TXNID

[34] Le système de PDV comporte généralement un certain nombre de bases de données ou de fichiers relationnels qui enregistrent l’information relative aux ventes d’un restaurant. Cette information peut inclure : 1) le prix d’une transaction; 2) le mode de paiement; 3) un profil de client; 4) toute commande spéciale (comme « sans sel ajouté »); 5) toute transaction annulée; 6) toute transaction avec partage de la facture; 7) les commandes qui sont combinées; et 8) toute transaction avec changement touchant la table des clients.

[35] Le système de PDV attribue un identifiant de transaction unique (« TXNID ») à chaque transaction (y compris les transactions ouvertes, fermées, annulées et sans vente) selon un algorithme séquentiel +1 (par exemple 1, 2, 3…). Chaque TXNID est unique et ne peut pas être répété.

[36] Mme Craig a analysé les données du système de PDV d’Osaka et a établi que 1) Osaka utilisait ces données pour remplir ses déclarations de revenus et que 2) les données n’étaient pas fiables.

[37] Mme Craig a constaté d’importantes anomalies dans les données relatives aux ventes des PDV et a conclu qu’elles avaient probablement été manipulées. En fonction du type d’analyse, une anomalie peut inclure :

  • a)un écart dans les TXNID;

  • b)une transaction au TXNID attribué de façon irrégulière;

  • c)des incohérences entre les rapports de clôture et les données de points de vente;

  • d)une hausse notable des ventes au comptant après le début de la vérification, alors qu’aucune hausse importante n’a été relevée dans les autres tendances de vente;

  • e)l’impression d’un grand lot de rapports d’audit avant la vérification.

(5) Écarts et TXNID mal attribués

[38] Lorsque les TXNID ont été triés par date, les TXNID dans les données du système de PDV n’étaient pas séquentiels. Par exemple :

I. Le TXNID « 10109 » a été attribué le 29 novembre 2015;

II. Le TXNID « 10110 » a été attribué le 30 janvier 2016;

III. Le TXNID « 10814 » a été attribué le 11 février 2016;

IV. Le TXNID « 101815 » a été attribué le 13 décembre 2015.

[39] Aucun TXNID n’a été attribué entre le 30 novembre 2015 et le 12 décembre 2015. Mme Qi a déclaré que c’est en raison d’une panne de son Internet survenue pendant la période. Dans son témoignage, Mme Craig a indiqué que le système n’utilisait pas Internet, de sorte que la panne d’Internet de Mme Qi n’aurait pas causé une telle anomalie.

(6) Incohérences entre les rapports de clôture et les données de points de vente

[40] Par endroits dans les données d’origine du système de PDV, les données dans le rapport de clôture pour une date particulière ne concordaient pas avec les données relatives aux ventes des PDV pour la même date. Plus particulièrement, les ventes dans les rapports de clôture étaient plus nombreuses que dans les données relatives aux ventes des PDV.

[41] Osaka imprimait périodiquement des lots de rapports de clôture.

(7) Irrégularité des registres de dépôts bancaires

[42] Osaka n’a pas tenu de registres adéquats sur l’affectation du produit tiré de ses ventes.

[43] Les ventes d’Osaka étaient réglées au comptant, par carte de débit ou par carte de crédit (les ventes par carte de débit et par carte de crédit sont ci-après collectivement désignées les « ventes autres qu’au comptant »).

[44] Toutes les ventes autres qu’au comptant, telles qu’elles ont été enregistrées dans le système de PDV, étaient directement déposées sur le compte d’affaires d’Osaka.

[45] Les liquidités générées par les ventes étaient déposées dans les caisses respectives. À la fin de chaque journée, Mme Qi ou un de ses employés fermait la caisse enregistreuse et comptait l’argent des ventes au comptant avant de le placer dans un coffre au restaurant.

[46] Ensuite, Mme Qi comptait le total des ventes au comptant et utilisait l’argent pour payer les pourboires quotidiens et la rémunération de ses employés ou pour payer les fournitures d’Osaka. Il n’y avait pas de registre des pourboires en argent déposés dans le coffre.

[47] Ensuite, le reste de l’argent et les factures d’achat pour les dépenses payées en argent étaient déposés dans un coffre-fort situé au restaurant. La somme d’argent dans le coffre pouvait, en de rares occasions, dépasser 20 000 $ ou 30 000 $. À ce moment-là, Mme Qi déposait une partie de l’argent à la banque, car elle ne se sentait pas en sécurité à l’idée de conserver une somme si élevée au restaurant.

[48] Cependant, lorsqu’on lui a demandé pendant le contre-interrogatoire d’identifier des cas de dépôts en argent dans les relevés bancaires de 2467769 Ontario Inc., Mme Qi n’a pu signaler qu’un seul dépôt d’argent pour les années dont la Cour est saisie.

[49] À titre de gestionnaire sur place, Mme Qi avait un accès illimité à la caisse. L’ARC a déterminé qu’elle utilisait cet argent pour payer ses dépenses personnelles.

[50] Aux fins de la déclaration de revenus d’Osaka et de sa déclaration personnelle, Mme Qi a fourni une version manipulée des livres et registres d’Osaka à Turner Moore LLP, comptables agréés.

[51] L’ARC a donc conclu qu’il n’était pas possible de vérifier l’exactitude des ventes déclarées au moyen des livres et registres d’Osaka.

[52] À la lumière de ses jours et mois d’observation, Mme Craig a déterminé quel pourcentage des ventes d’Osaka constituait des ventes au comptant (le « pourcentage au comptant »).

[53] Le pourcentage au comptant calculé par Mme Craig était nettement supérieur à la moyenne tirée des livres et registres d’Osaka pendant la période de vérification.

[54] Mme Craig a établi qu’il y a eu une forte augmentation des ventes au comptant dans les données du système de PDV entre le 1er juin 2017 et le 6 septembre 2018, tandis que les ventes réglées par d’autres modes de paiement, comme le débit ou le crédit, n’ont pas connu une hausse marquée.

[55] Selon la théorie du ministre, les ventes au comptant ont augmenté pendant cette période, parce que 2467769 Ontario Inc. n’avait pas encore eu l’occasion d’appliquer le logiciel de suppression pour diminuer les ventes dans les livres et registres.

[56] Les vérificatrices ont observé qu’avant le 1er juin 2017, la moyenne mensuelle des ventes au comptant s’élevait à 6 %, d’après les données du système de PDV, tandis qu’entre le 1er juin 2017 et le 6 septembre 2018, la moyenne mensuelle des ventes au comptant allait de 24 % à 26 % selon les données du système de PDV.

[57] Selon leur analyse des autres ventes et dans l’hypothèse où les ventes au comptant restent à un pourcentage constant des autres ventes, le ministre a calculé que les ventes au comptant d’Osaka représentaient 24 % de l’ensemble des ventes pour chacune des années en question.

[58] En vue de calculer la TVH/TPS qu’Osaka a omis de déclarer, le revenu non déclaré a été ajouté aux ventes d’Osaka, qui sont indiquées comme revenu dans ses déclarations de TPS/TVH, de manière proportionnelle au pourcentage des ventes établi pour cette période de déclaration.

[59] Ce nombre correspond au pourcentage des ventes au comptant qui a été calculé par Mme Singh pendant les jours d’observation et son examen des rubans collectés.

[60] Les éléments de preuve ont été produits par l’ARC afin de corroborer leurs conclusions. Ce sont des étapes de vérification supplémentaires ne faisant pas partie des nouvelles cotisations. Elles ont plutôt été effectuées pour dissiper l’incertitude sur le caractère raisonnable des analyses des offres au comptant.

[61] C’est principalement le calcul de la valeur nette relative à Mme Qi, qui a permis, dans les grandes lignes, d’étayer la cotisation.

III. POSITION DES PARTIES

(i) L’appelante

[62] La preuve de Mme Qi était très limitée. Bien qu’elle ait témoigné, son témoignage a porté sur le fait que le système de PDV était exact et qu’à sa connaissance, il n’avait jamais été modifié. De plus, lorsqu’on lui a demandé si les ventes au comptant étaient sous-estimées, elle a affirmé que ce n’était pas le cas.

[63] Mme Qi a également indiqué dans son témoignage qu’elle avait bénéficié de prêts de sa famille. Elle a utilisé ces fonds pour financer son mode de vie malgré un revenu insuffisant. Aucune précision ni information n’a été fournie quant à l’identité de la personne qui a accordé les fonds, à la date à laquelle ils ont été fournis et au montant de ces prêts.

[64] Pour ce qui est des transactions de vente manquantes entre le 30 novembre et le 12 décembre 2015, Mme Qi a déclaré que ces données étaient manquantes parce que son Internet ne fonctionnait pas. Elle n’a offert aucune corroboration à ce sujet.

(ii) Thèse de l’intimé sur différentes questions

(a) Ventes non déclarées

[65] Selon l’intimé, les registres du système de PDV d’Osaka ont été manipulés pour supprimer les ventes au comptant au cours des années dont la Cour est saisie.

[66] L’intimé soutient que, lorsque les faits laissent croire à une manipulation des données de PDV, le ministre a le droit d’établir une nouvelle cotisation à l’égard du contribuable au moyen d’une méthode arbitraire en vertu du paragraphe 152(7) de la LIR.

[67] L’intimé fait valoir que la nouvelle cotisation de 2467769 Ontario Inc. établie en fonction de l’analyse des offres au comptant est la méthode appropriée. L’ARC a également procédé à d’autres analyses pour confirmer que sa méthode de vérification avait permis d’obtenir un chiffre d’affaires raisonnable.

[68] En conséquence de cette sous-déclaration du revenu, la TPS/TVH versée était insuffisante de l’ordre de 28 853,94 $, de 35 476,11 $ et de 2 949,69 $ pour les périodes de déclaration terminées le 30 avril 2016, le 30 avril 2017 et le 30 avril 2018, respectivement.

(b) Avantages conférés à l’actionnaire

[69] Les avantages conférés à Mme Qi ont fait l’objet d’une nouvelle cotisation fondée sur la nouvelle cotisation de 2467769 Ontario Inc. La thèse de l’intimé est que, compte tenu du revenu non déclaré d’Osaka, de l’absence de dépôt d’argent à la banque par le restaurant, de l’absence d’explication sur l’affectation de ces fonds et du calcul de la valeur nette pour Mme Qi, il convient d’en déduire que Mme Qi s’est approprié les fonds provenant des ventes au comptant.

(c) Pénalités

[70] L’intimé soutient que la manipulation des données de points de vente a été effectuée sur instruction de Mme Qi afin d’effacer des ventes au comptant. Ainsi, les déclarations de revenus de 2467769 Ontario Inc. produites pour 2016, 2017 et 2018 contenaient de faux énoncés sous forme de ventes minorées. De plus, Mme Qi a sciemment déclaré en moins son revenu dans ses déclarations pour les années d’imposition 2015, 2016 et 2017. Par conséquent, il était approprié d’imposer des pénalités à Mme Qi et à 2467769 Ontario Inc. en vertu de la LIR et de la LTA.

[71] De plus, l’intimé a fait valoir qu’il existe une preuve suffisante pour étayer la conclusion voulant qu’un logiciel de suppression électronique des ventes ait servi à effacer les ventes au comptant dans les registres d’Osaka. Des pénalités supplémentaires ont donc été imposées à juste titre à cet égard.

IV. ANALYSE

A. Revenu non déclaré de 2467769 Ontario Inc. et TPS/TVH non versée

[72] En vertu du paragraphe 152(7) de la LIR, le ministre n’est pas lié par les déclarations ou renseignements fournis par un contribuable ou de sa part et il peut fixer l’impôt au moyen d’une méthode appropriée dans les circonstances. Le paragraphe 152(8) de la LIR prévoit que ces cotisations sont réputées être valides. Il incombe donc au contribuable de réfuter les hypothèses du ministre en présentant une preuve prima facie. Une fois que ses hypothèses ont été « démolies », c’est au ministre qu’il incombe alors de réfuter la preuve prima facie présentée par le contribuable et de démontrer le bien-fondé de ses hypothèses[1].

[73] Comme l’a déclaré le juge Bocock[2] de notre Cour, il n’existe pas de meilleure de formulation, sur la question du fardeau de la preuve concernant des cotisations arbitraires, que celle du président Thorson de la Cour de l’Échiquier dans l’arrêt Dezura v. MNR [1948] Ex. CR 10 :

[traduction]


Une cotisation vise à déterminer le revenu imposable d’un contribuable et la dette fiscale de ce dernier, conformément aux dispositions de la Loi. Si le contribuable ne produit pas de déclaration ou fournit des renseignements inexacts dans sa déclaration ou autrement, il n’a aucun motif valable de se plaindre du fait que le ministre a établi le montant d’impôt qu’il doit payer, pourvu qu’il ait le droit d’interjeter appel de cette cotisation et qu’il ait la possibilité de démontrer que la somme établie par le ministre est erronée en fait. […] Habituellement, le contribuable connaît mieux que quiconque le montant de son revenu imposable et il devrait être en mesure de le démontrer à la satisfaction de la Cour. […] En revanche, s’il ne s’acquitte pas du fardeau de démontrer que la somme établie par le ministre est erronée, il ne peut se plaindre du maintien de cette somme.

[74] Dans l’affaire Bousfield c. Le Roi[3], la Cour canadienne de l’impôt a expliqué en détail comment un contribuable peut réfuter l’hypothèse du ministre dans un cas comme celui-ci :

« Lorsque le ministre détermine le revenu ou les recettes d’un contribuable à l’aide d’une technique de cotisation subsidiaire, le contribuable peut obtenir gain de cause :

a) en démontrant que son revenu ou ses recettes peuvent être calculés avec plus de précision à l’aide de ses propres documents comptables;

b) en acceptant le caractère adéquat de la technique de cotisation subsidiaire utilisée par le ministre, mais en contestant des composantes du calcul, afin de réduire le revenu ou les recettes;

c) si l’année en question est frappée de prescription, en démontrant que la technique de cotisation subsidiaire utilisée par le ministre est fondamentalement erronée;

d) en présentant une autre technique de cotisation subsidiaire qui calcule avec plus de précision le revenu ou les recettes du contribuable;

e) en acceptant le caractère adéquat de la technique de cotisation subsidiaire utilisée par le ministre, mais en démontrant que le revenu ou les recettes calculés au moyen de cette technique provenaient d’une source non imposable. »

[75] Ainsi, Mme Qi aurait pu ébranler les nouvelles cotisations du ministre au moyen d’une des options précitées. Bien qu’elle ait présenté des données financières qu’elle avait elle-même préparées, ces documents n’étaient pas corroborés. Je n’admets pas ces documents comme un reflet fidèle des activités d’Osaka.

[76] Comme il est indiqué plus haut, le ministre ne s’est pas contenté de s’appuyer sur les hypothèses formulées. Deux employées de l’ARC ayant connaissance de la vérification et des conclusions formulées ont été appelées pour fournir des explications : (i) les raisons de la vérification d’Osaka, (ii) les différentes étapes de la vérification, et (iii) les conclusions tirées. Compte tenu de cet élément de preuve non contredit, je retiens que 2467760 Ontario Inc. a utilisé un logiciel pour supprimer les ventes au comptant (les motifs de ma conclusion relative à l’utilisation d’un logiciel de suppression sont précisés plus loin dans la décision) et pour déclarer en moins le revenu global dans ses déclarations de revenus des sociétés. Les ventes au comptant représentaient 24 % de la totalité des ventes d’Osaka, et non 6 % comme il était indiqué dans les déclarations.

[77] Je conclus donc que la cotisation établie pour 2467769 Ontario Inc. en vertu de la LIR est juste. Les hypothèses formulées sont maintenues. Je reconnais que 2467769 Ontario Inc. a omis de déclarer le revenu provenant de l’exploitation d’Osaka s’élevant à 221 953,40 $, à 262 200,83 $ et à 22 689,91 $ pour les années d’imposition terminées le 30 avril 2016, le 30 avril 2017 et le 30 avril 2018, respectivement.

[78] Comme j’ai estimé que le redressement pour 2467769 Ontario Inc. était juste, j’estime aussi que 2467769 Ontario Inc. a omis de percevoir et de verser la taxe sur les produits et services et la taxe de vente harmonisée sur les ventes non déclarées s’élevant à 28 853,94 $, à 35 476,11 $ et à 2 949,69 $ pour les périodes de déclaration terminées le 30 avril 2016, le 30 avril 2017 et le 30 avril 2018. La période de déclaration visée par la vérification de la TPS/TVH correspond à la période de déclaration visée par la vérification fondée sur la LIR. Tous les rajustements apportés à la déclaration de TPS/TVH ont découlé des rajustements lors de la vérification fondée sur la LIR.

B. Année d’imposition frappée de prescription pour Mme Qi

[79] Pour ce qui est de l’année d’imposition 2015, l’année était frappée de prescription au moment de la nouvelle cotisation de Mme Qi. Mme Qi a fait l’objet d’une nouvelle cotisation en raison d’un avantage conféré à l’actionnaire de 167 204,90 $ en 2015.

[80] En l’espèce, il incombe à l’intimé de démontrer l’existence de recettes et de revenu non déclarés par Mme Qi. Ce faisant, le ministre doit établir que Mme Qi a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant ses déclarations, ce qui justifiait les nouvelles cotisations établies après la période normale de nouvelle cotisation, comme il est prévu au sous-alinéa 152(4)a)(i) de la LIR.

[81] Dans ce cas particulier, si je devais conclure que la technique de cotisation subsidiaire utilisée par le ministre était fondamentalement erronée en 2015, alors l’intimé ne se serait pas acquitté de son fardeau. Je ne suis pas arrivé à un tel constat.

[82] Pour l’année d’imposition 2015, Mme Qi a déclaré un revenu personnel de 10 620 $. Elle n’a pas présenté de preuve pour expliquer comment elle pouvait vivre avec un si faible revenu, tout en payant son hypothèque, son impôt foncier et ses nombreuses autres dépenses courantes. Au cours de l’instruction, Mme Qi a déclaré qu’en 2015, 2016 et 2017, elle avait reçu des prêts de sa famille et de ses amis. Toutefois, l’élément de preuve était vague et entièrement dépourvu de détails. Cet élément de preuve n’a fait que confirmer à mes yeux l’existence d’un revenu non déclaré par Mme Qi en 2015, mais sans fournir d’explication crédible quant à sa source.

[83] De plus, le ministre a présenté des éléments de preuve fiables qui montraient que 2467769 Ontario Inc. a sous-déclaré son revenu en 2015.

[84] Mme Qi est l’unique actionnaire de 2467769 Ontario Inc. La preuve a révélé, comme je l’admets plus haut, qu’elle avait fourni des données sur les ventes altérées au comptable de 2467769 Ontario Inc. pour produire ses déclarations au cours de toutes les années dont la Cour est saisie et qu’elle avait utilisé les ventes au comptant minorées à son propre avantage. En 2015, elle savait que son revenu était minoré dans ses déclarations de revenus. J’admets par conséquent que Mme Qi a volontairement fait une présentation erronée en déclarant en moins son revenu dans sa déclaration pour 2015. J’estime que le ministre s’est acquitté du fardeau lui incombant de rendre légitime la réouverture de l’année d’imposition 2015 pour établir une nouvelle cotisation à l’égard de Mme Qi[4].

C. Mme Qi s’est appropriée les recettes et le revenu non déclarés de la société

[85] Les hypothèses du ministre sont les suivantes :

(i) La société a accordé des avantages à l’appelante en sa qualité d’actionnaire de la société pour un montant total qui n’est pas inférieur au revenu non déclaré et à la TPS/TVH perçue mais non déclarée par la société qui ont été attribués;
(ii) L’appelante a reçu des avantages d’un montant qui n’est pas inférieur au revenu non déclaré et à la TPS/TVH perçue mais non déclarée par la société qui ont été attribués;
(iii) L’appelante a omis d’inclure les avantages conférés aux actionnaires dans le calcul de son revenu pour les années concernées.

[86] Comme il est indiqué, le ministre a également procédé à un calcul de la valeur nette de l’appelante, non pas dans le cadre d’une conclusion relative à la nouvelle cotisation, mais plutôt pour corroborer les hypothèses précitées.

[87] Le résultat global du calcul de la valeur nette était conforme à la nouvelle cotisation. En réponse, comme il a déjà été indiqué, Mme Qi a témoigné de vive voix qu’elle avait reçu de l’argent de sa famille et de ses amis au cours des années visées par la vérification. Aucune autre précision ni preuve n’a été fournie.

[88] Le revenu non déclaré ne s’étant pas rendu jusqu’à 2467769 Ontario Inc., on peut supposer que c’est la partie en situation de contrôle de 2467769 Ontario Inc. qui l’a reçu, soit Mme Qi.

[89] Mme Qi n’a pas contesté les hypothèses du ministre. L’appelante n’a présenté aucun élément de preuve (à l’exception de l’élément mentionné au paragraphe 75 de la présente décision) pour démontrer que le revenu non déclaré faisant l’objet de la cotisation était inexact ou qu’elle n’avait pas reçu le revenu tiré des ventes au comptant en cause. Ainsi, la Cour ne dispose d’aucun fondement factuel pour conclure que les hypothèses du ministre sont erronées. La cotisation établie à l’égard des avantages conférés aux actionnaires doit être maintenue.

[90] De plus, même sans tenir compte des hypothèses, l’intimé a produit des éléments de preuve convaincants pour chacune des années d’imposition 2015, 2016 et 2017 au cours de laquelle Mme Qi avait un revenu non déclaré faisant l’objet d’une cotisation. Ces éléments de preuve comprennent le calcul de la valeur nette, les importantes ventes au comptant non déclarées ainsi que l’absence de dépôt d’argent dans le compte bancaire de la société. Dans ces circonstances, en l’absence de preuve contradictoire de la part de Mme Qi, il est raisonnable de conclure qu’elle s’est approprié les ventes au comptant pour son propre bénéfice. Je dois donc rejeter l’appel de Mme Qi portant sur le revenu non déclaré pour les années d’imposition 2015, 2016 et 2017.

D. Pénalités

[91] En vertu du paragraphe 163(2) de la LIR, un contribuable est passible d’une pénalité s’il a sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration de revenus (le même critère s’applique en vertu de l’article 285 de la LTA). Il incombe à l’intimé d’établir que les conditions prévues au paragraphe 163(2) de la LIR et à l’article 285 de la LTA sont remplies.

[92] L’intimé s’appuie sur l’arrêt Lacroix[5]de la Cour d’appel fédérale, dans lequel la Cour définit le processus relatif à l’imposition de pénalités pour faute lourde quant aux techniques de cotisation subsidiaires :

29. « […] En l’instance, le ministre constate un revenu non déclaré qu’il demande au contribuable de justifier. Celui-ci fournit une explication que ni le ministre ni la Cour canadienne de l’impôt ne jugent crédible. Il n’y a donc pas d’hypothèse viable et raisonnable qui pourrait porter le décideur à accorder le bénéfice du doute au contribuable. La seule hypothèse offerte est jugée non crédible.

30. Les faits en preuve, dans un tel cas, sont que la déclaration de revenu du contribuable fait une présentation erronée des faits et que la seule explication offerte par le contribuable est jugée non crédible. Évidemment, il doit y avoir une autre explication pour ce revenu. Il faut donc conclure que le contribuable a une source de revenu qu’il n’a pas déclarée, qu’il est au courant de cette source et qu’il refuse de la divulguer puisque les explications qu’il a offertes n’ont pas été jugées crédibles. En de telles circonstances, la conclusion que la fausse déclaration de revenu a été produite sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde me semble inéluctable. Cela justifie non seulement l’imposition d’une pénalité mais aussi l’établissement de la nouvelle cotisation hors de la période statutaire. »

[93] Bien que cette analyse soit utile et applicable, si je m’appuie sur l’arrêt Lacroix, je dois aussi tenir compte de la récente décision de la Cour d’appel fédérale dans Deyab[6], dans laquelle le juge Webb a déclaré au paragraphe 65 :

65. […] Le simple fait de constater qu’un montant non déclaré est imposable ne conduit pas inévitablement à la conclusion qu’une pénalité pour faute lourde est justifiée. Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a effectivement assimilé le critère permettant de déterminer si une pénalité pour faute lourde doit être imposée au critère permettant de déterminer si les sommes sont imposables. […]

66. Le droit d’établir une nouvelle cotisation pour une année frappée de prescription et le droit d’imposer une pénalité pour faute lourde sont tous deux fondés sur le fait qu’un contribuable touche des revenus non déclarés pour une année d’imposition donnée. Une fois qu’il a été établi qu’un contribuable a touché des revenus non déclarés, les circonstances liées à l’omission de déclarer les revenus doivent être examinées pour déterminer si cette omission était attribuable à la négligence, à l’inattention, à l’omission volontaire ou à la fraude (pour établir une nouvelle cotisation pour une année frappée de prescription) ou à une faute lourde (pour justifier l’imposition d’une pénalité pour faute lourde).

[…]

73. Dans l’arrêt Lacroix, au paragraphe 28, la Cour a cité un passage de la décision du juge Bowman intitulée Farm Business Consultants Inc. c. Sa Majesté la Reine, [1994] 2 C.T.C. 2450, 95 D.T.C. 200 :

27 Une cour doit faire preuve d’une prudence extrême lorsqu’elle sanctionne l’imposition de pénalités prévues au paragraphe 163(2). Une conduite qui légitime l’établissement d’une nouvelle cotisation à l’égard d’une année frappée de prescription ne justifie pas d’office l’imposition d’une pénalité, et l’imposition systématique de pénalités, par le ministre, est une pratique qui est à déconseiller... Par ailleurs, quand une pénalité est imposée en vertu du paragraphe 163(2) même si une norme de preuve civile est exigée, lorsque la conduite d’un contribuable cadre avec deux hypothèses viables et raisonnables, l’une qui justifie la pénalité et l’autre pas, il convient d’accorder le bénéfice du doute au contribuable, et de supprimer la pénalité...

[94] En gardant ces affaires à l’esprit, sans oublier l’analyse comprise dans l’affaire Wood c. La Reine, 2020 CCI 87, j’estime que les pénalités pour faute lourde ont été imposées à juste titre.

[95] Le rôle actif qu’a joué Mme Qi dans la sous-déclaration des ventes d’Osaka fait partie des facteurs dont j’ai tenu compte pour confirmer l’imposition des pénalités. Elle a notamment fourni au comptable de 2467769 Ontario Inc. des renseignements inexacts sur les ventes. J’ai également conclu qu’elle s’est approprié les ventes au comptant déclarées en moins d’Osaka, pour son propre bénéfice, mais sans jamais déclarer ces montants dans ses déclarations de revenus. Pour ce motif, j’estime que la pénalité prévue au paragraphe 163(2) a été imposée à juste titre à l’encontre de Mme Qi.

[96] Je m’appuie également sur le fait qu’il existe une preuve de la manipulation de données, qui s’est traduit par une suppression de ventes au comptant d’Osaka. Mme Qi, qui exerçait un plein contrôle sur le système de PDV et qui est certainement la personne responsable de cette manipulation, l’a fait en sa qualité d’actionnaire unique de 2467769 Ontario Inc. Cette manipulation a entraîné la suppression de revenu ainsi que la production de déclarations T2 minorées et de versements de TPS/TVH inexacts par 2467769 Ontario Inc. Dans ces conditions, je maintiens les pénalités imposées à 2467769 Ontario Inc. en vertu du paragraphe 163(2) de la LIR et de l’article 285 de la LTA.

E. Pénalités « zapper »

[97] 2467769 Ontario Inc. s’est vu imposer des pénalités en vertu du paragraphe 163.2(2) de la LIR et de l’article 285.01 de la LTA pour l’utilisation d’un dispositif de suppression électronique des ventes. L’imposition de pénalités en application de la LIR et de la LTA a pour effet de doubler la pénalité, qui passe de 5 000 $ à 10 000 $. La LIR et la LTA emploient toutes deux essentiellement le même libellé :

163.3 Pénalité — utilisation

(2) Toute personne qui utilise un appareil de suppression électronique des ventes ou un appareil ou un logiciel semblable relativement à des registres qui doivent être tenus par une personne quelconque en vertu de l’article 230 ou qui, sciemment ou par négligence, inattention ou omission volontaire, participe, consent ou acquiesce à l’utilisation d’un tel appareil ou logiciel est passible de la pénalité suivante :

a) sauf si l’alinéa b) s’applique, 5 000 $;

b) 50 000 $ si la personne agit ainsi après que le ministre a établi une cotisation concernant une pénalité payable par elle en vertu du présent article ou de l’article 285.01 de la Loi sur la taxe d’accise.

[98] Il incombe à l’intimé de justifier cette pénalité. Une fois de plus, c’est la norme de preuve civile, la balance des probabilités, qui s’applique. De plus, un contribuable passible de pénalités ne peut se prévaloir d’un moyen de défense, conformément aux paragraphes 285.01(6) de la LTA et 163.3(7) de la LIR.

[99] Il n’y a pas de précédent jurisprudentiel applicable à la question[7].

[100] Lorsqu’on a demandé de quelle façon l’intimé entendait démontrer qu’un dispositif de suppression des ventes avait été utilisé, cela a donné lieu à l’échange suivant avec l’intimé :

LE JUGE : Vous l’avez fait. Je… je me demande seulement si ce logiciel fantôme ou ces autres méthodes de manipulation des données laissent une sorte d’empreinte digitale qui permet de voir que cela s’est produit?

R Je dirais que les anomalies décelées dans l’analyse des identifiants des transactions sont précisément une empreinte digitale[8].

[101] Les anomalies du système, dont l’intimé a tiré de nombreux éléments de preuve, s’établissent comme suit :

  • a)un écart dans les TXNID;

  • b)une transaction au TXNID attribué de façon irrégulière;

  • c)des incohérences entre les rapports de clôture et les données de points de vente;

  • d)une hausse notable des ventes au comptant après le début de la vérification, alors qu’aucune hausse importante n’a été relevée dans les autres tendances de vente;

  • e)l’impression d’un grand lot de rapports d’audit avant la vérification.

  • f)l’absence de transactions entre le 30 novembre et le 12 décembre 2015.

[102] À mes yeux, les exemples les plus pertinents sont les TXNID non séquentiels et les données de vente manquantes pour les transactions réalisées entre le 30 novembre et le 12 décembre 2015. Les autres exemples fournis par l’intimé viennent aussi appuyer l’utilisation d’un logiciel de suppression.

[103] L’appelante n’a fourni aucune réponse pour contester ou expliquer ces anomalies.

[104] J’estime donc que l’intimé a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que la société appelante, 2467769 Ontario Inc., a sciemment ou par négligence, inattention ou omission volontaire, participé, consenti ou acquiescé à l’utilisation d’un appareil de suppression électronique des ventes.

V. CONCLUSION

[105] Pour tous les motifs exposés

A. l’appel interjeté par 2467769 Ontario Inc. à l’encontre de la nouvelle cotisation établie à l’égard de son omission de déclarer le revenu provenant de l’exploitation d’Osaka s’élevant à 221 953,40 $, à 262 200,83 $ et à 22 689,91 $ pour les années d’imposition terminées le 30 avril 2016, le 30 avril 2017 et le 30 avril 2018, est rejeté;

B. l’appel interjeté par Mme Qi à l’encontre de la cotisation établie à l’égard des avantages non déclarés qu’elle a reçus de 2467769 Ontario Inc. s’élevant à 167 204,90 $, à 283 387,08 $ et à 116 985,38 $ pour les années d’imposition 2015, 2016 et 2017, respectivement, est rejeté. Elle a donc fait l’objet d’une cotisation établie à juste titre en vertu du paragraphe 15(1) de la LIR;

C. l’appel interjeté par 2467769 Ontario Inc. à l’encontre de la nouvelle cotisation établie à l’égard de son omission de percevoir et de verser la taxe sur les produits et services et la taxe de vente harmonisée sur le revenu non déclaré s’élevant à 28 853,94 $, à 35 476,11 $ et à 2 949,69 $ pour les périodes de déclaration terminées le 30 avril 2016, le 30 avril 2017 et le 30 avril 2018 est rejeté;

D. le ministre avait le droit d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de Mme Qi pour l’année d’imposition 2015 au-delà de la période normale de nouvelle cotisation;

E. Mme Qi et 2467769 Ontario Inc. sont passibles de pénalités pour faute lourde en vertu du paragraphe 163(2) de la LIR et de l’article 285 (uniquement pour 2467769 Ontario Inc.) de la LTA;

F. 2467769 Ontario Inc. est passible de pénalités pour suppression électronique des ventes au cours de la période de déclaration terminée le 30 avril 2018 en vertu du paragraphe 163.3(2) de la LIR et du paragraphe 285.01(2) de la LTA;

G. l’appel interjeté par Mme Qi à l’égard de son droit aux crédits pour TPS/TVH pour les périodes en cause conformément à la partie IX de la LTA est rejeté;

H. notre Cour n’a pas compétence sur la question de l’admissibilité de Mme Qi à la prestation Trillium de l’Ontario aux termes de l’article 103.2 de la Loi de 2007 sur les impôts de l’Ontario, L.O. 2007, chap. 11, annexe A, (la « Loi sur les impôts de l’Ontario »);
un mémoire des dépens est adjugé à l’intimé relativement au procès et aux nombreux débours engagés.

I. Les parties disposent de 30 jours pour s’entendre sur les dépens. S’il n’est pas possible d’en arriver à une entente, l’intimé aura jusqu’au 30 juillet 2024 pour présenter des observations sur les dépens. L’appelante pourra déposer ses observations en réponse au plus tard le 30 août 2024.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de juin 2024.

« R. MacPhee »

Le juge MacPhee

 


RÉFÉRENCE :

2024 CCI 86

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2020-1117(IT)I, 2020-1119(IT)G, 2020-384(IT)I, 2020-385(GST)I

INTITULÉ :

COCO QI c. SA MAJESTÉ LE ROI; COCO QI c. SA MAJESTÉ LE ROI; 2467769 ONTARIO INC. c. SA MAJESTÉ LE ROI; 2467769 ONTARIO INC. c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 28 et 29 février 2024 et le 28 mars 2024

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Ronald MacPhee

DATE DU JUGEMENT :

Le 12 juin 2024

COMPARUTIONS :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocats de l’intimé :

Me Niloofar Sharif

Me Leonard Elias

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

 

 

Cabinet :

 

Pour l’intimé :

Shalene Curtis-Micallef
Sous-procureure générale du Canada
Ottawa, Canada

 



[1] Guibord c. Canada, 2011 CAF 344.

[2] Lin c. La Reine, 2020 CCI 26, par. 109.

[3] Bousfield c. Le Roi, 2022 CCI 169, par. 21.

[4] Voir Lacroix c. Canada, 2008 CAF 241, par. 30, pour des faits similaires.

[5] Voir Lacroix c. Canada, 2008 CAF 241, par. 29-30.

[6] Deyab c. Canada, 2020 CAF 222.

[7] 9134-2485 Québec Inc. c. La Reine, comprend une analyse utile.

[8] Transcription, 29 février 2024, p. 65 et 66.

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