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Dossier : 2022-2125(IT)I

ENTRE :

KABIR CHEEMA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[traduction française officielle]

 

Appel entendu le 29 février 2024 à Calgary (Alberta) et observations écrites déposées les 4, 5, 16 et 19 avril 2024.

Devant : l’honorable juge Jean Marc Gagnon


Comparutions :

Représentant de l’appelant :

Me Kam Grewal

Avocate de l’intimé :

Me Yetunde Elizabeth Akinyinka

 

JUGEMENT

Conformément aux motifs du jugement ci-joints, l’appel de l’avis de nouvelle cotisation daté du 2 juillet 2021 pour l’année d’imposition 2016 est accueilli sans frais, et l’avis de nouvelle cotisation est déféré au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation sur la base que l’augmentation totale du revenu de l’appelant passera de 133 187,00 $ à 114 055,00 $, soit une réduction de 19 132,00 $. Cette réduction constitue le seul redressement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mai 2024.

« J. M. Gagnon »

Le juge Gagnon

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de juin 2024.

Diane Walsh

 

 


Référence : 2024 CCI 81

Date : 20240531

Dossier : 2022-2125(IT)I

ENTRE :

KABIR CHEEMA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

[traduction française officielle]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Gagnon

I. Introduction

[1] Il s’agit d’un appel interjeté par M. Kabir Cheema à la suite d’une nouvelle cotisation établie au moyen d’un avis daté du 2 juillet 2021, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), relativement à son année d’imposition 2016 (la nouvelle cotisation). Lorsqu’il a établi la nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant pour cette année au-delà de la période normale de nouvelle cotisation en vertu du paragraphe 152(4) de la Loi, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a augmenté le revenu de l’appelant à une somme totale de 133 187 $. L’inclusion compte deux sources : (1) un bénéfice imposé au compte du revenu de 72 968 $ réalisé à la disposition d’un bien immobilier sur la promenade Falconridge NE, à Calgary (Alberta) (le « bien ») et (2) à l’aide d’une technique de cotisation subsidiaire appelée analyse des dépôts bancaires (« ADB »), un revenu non déclaré de 60 219 $ (revenu non déclaré). Le ministre n’a imposé aucune pénalité pour faute lourde en vertu de l’article 163 de la Loi.

[2] L’appelant a interjeté appel sous le régime de la procédure informelle. Advenant une décision entièrement ou en partie favorable, l’appelant sera alors assujetti à la limite qui s’applique aux appels régis par la procédure informelle de plus de 25 000 $, et il sera redevable relativement à tout excédent.

[3] Au moment concerné, l’appelant était un agent immobilier dans la région de Calgary. Il avait commencé en 2016 jusqu’à son application, en 2018, auprès du Real Estate Council of Alberta, pour un retrait volontaire à vie de son adhésion sectorielle.

II. Questions en litige

[4] Le présent appel soulève deux questions en litige principales :

  1. Y a-t-il prescription interdisant au ministre d’établir de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant aux termes de l’alinéa 152(4)a)? La Cour doit décider si les appelants ont fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, dans leur déclaration de revenu de 2016.

  2. Dans ce cas, la nouvelle cotisation établie par le ministre à l’égard de l’appelant et l’inclusion du montant de 133 197 $ ou d’une partie de ce montant dans sa déclaration de revenu de 2016 relativement au bien et au revenu non déclaré sont-elles justifiées?

[5] Même si j’étudierai d’abord la première question, le règlement de la deuxième question est pertinent et essentiel au règlement de la première, notamment pour déterminer s’il y a eu présentation erronée des faits dans la déclaration de revenu de 2016 de l’appelant, soit la disposition alléguée totale non déclarée du bien et du revenu non déclaré. Par conséquent, j’examinerai les deux questions en litige concernant le revenu non déclaré, lorsque j’examinerai s’il y a eu présentation erronée des faits, et si c’est le cas, je me pencherai sur la question de savoir si cette présentation erronée équivaut à de la négligence, à de l’inattention ou à une omission volontaire. Chaque source sera traitée séparément.

III. Position des parties

[6] L’appelant soutient ne pas avoir gagné un revenu non déclaré de 133 187 $ en 2016, ni d’avoir réalisé un gain de 72 968 $ dans la vente du bien ou d’avoir omis d’inclure un revenu de 60 219 $ à son revenu.

[7] L’appelant ajoute qu’il n’a pas fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire et qu’il n’a pas commis de fraude. L’appelant est d’avis que des dépenses précises avaient réduit à zéro les gains sur la vente du bien. De plus, le fait de se reporter à plusieurs entrées bancaires d’un seul compte bancaire particulier alors que l’appelant exerce ses activités au moyen de divers comptes bancaires ne suffit pas à satisfaire le fardeau de l’intimé pour établir une nouvelle cotisation à l’égard du revenu non déclaré. La supposition et la conjoncture ne suffisent pas. Par conséquent, l’intimé ne peut établir une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2016 de l’appelant.

[8] Selon l’intimé, l’appelant a fait une fausse déclaration ou une présentation erronée des faits dans sa déclaration de revenu de 2016 lorsqu’il a admis avoir omis de déclarer la vente du bien parce qu’il croyait n’avoir réalisé aucun gain de la vente. Son défaut à expliquer les états de compte qui appuyaient le revenu non déclaré constituait également une fausse déclaration par l’appelant. L’intimé est également d’avis qu’il avait été établi que les présentations erronées des faits dans la déclaration de son revenu étaient attribuables à la négligence, l’inattention ou une omission volontaire. Le fardeau de l’intimé en vertu du sous-alinéa 154(4)a)(i) de la Loi n’est pas particulièrement lourd.

[9] À l’appui de la position de l’intimé relativement aux inclusions du bien et du revenu non déclaré, le paragraphe 7 de la réponse inclut les hypothèses de faits suivants auxquels s’est fié le ministre pour établir la nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant :

[traduction]

Concernant le bien :

i) au cours de l’année d’imposition 2016, l’appelant a participé à des opérations de disposition de biens immobiliers;

ii) l’appelant était propriétaire d’un bien situé au 1243, promenade Falconridge NE, à Calgary (Alberta) (le « bien »);

iii) l’appelant décrit le bien comme une maison de plain-pied de deux chambres à coucher et une salle de bain, avec garage double détaché;

iv) l’appelant a détenu le bien du 20 octobre 2016 au 21 novembre 2016, soit une période de 33 jours;

v) l’appelant n’a jamais inscrit le bien en location;

vi) l’appelant a vendu le bien en novembre 2016;

vii) l’appelant a réalisé un gain de 72 967,50 $ de la vente du bien, calculé comme suit :

Produit de disposition 290 231,00 $

Moins : Prix de base rajusté 215 416,00 $

Moins : Charges et dépenses 1 847,50 $

Gain réalisé à la disposition 72 967,50 $

viii) l’appelant n’a pas déclaré les bénéfices de 72 967,50 $ tirés de la vente du bien;

ix) le gain tiré de la vente du bien figurait au sommaire des résultats;

Concernant le revenu non déclaré :

x) au cours de l’année d’imposition 2016, l’appelant détenait un compte bancaire personnel de la BMO se terminant par 3507 (« 3507 »);

xi) 3507 était le compte bancaire principal de l’appelant;

xii) seul le revenu de l’appelant a été déposé dans 3507;

xiii) l’épouse de l’appelant avait son compte bancaire personnel dans lequel elle versait seulement son propre revenu;

xiv) aucun dépôt de revenu de l’épouse de l’appelant ou d’autres membres de la famille n’a été fait au 3507;

xv) dans l’année d’imposition 2016, l’appelant a déclaré un revenu total de 175 781 $, calculé comme suit :

Année 2016

Prestation universelle pour la garde d’enfants 720 $

Dividendes 2 106 $

Revenu de commission nette 172 955 $

Total du revenu déclaré 175 781 $;

xvi) dans l’année d’imposition 2016, l’appelant a gagné un revenu de 60 219 $ qu’il a omis de déclarer.

IV. L’analyse

A. Le droit

[10] Le paragraphe 152(3.1) de la Loi établit les périodes normales de nouvelle cotisation. On ne conteste pas que les nouvelles cotisations des appelants ont été établies après les périodes normales de cotisation; il n’y a donc pas lieu d’examiner les particularités de cette disposition.

[11] Le paragraphe 152(4) de la Loi est une disposition qui permet au ministre d’établir une nouvelle cotisation après la période normale de cotisation. La partie pertinente pour le présent appel est rédigée comme suit :

Cotisation et nouvelle cotisation

(4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

(ii) soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année;

[Non souligné dans l’original]

[12] Aucune fraude n’est alléguée par l’intimé. Et aucune renonciation n’a été présentée au ministre.

[13] Le délai légal de prescription a pour but de conférer une certaine certitude au régime fiscal. Dans la décision Tingley[1], la Cour de l’impôt mentionne la période normale de cotisation :

Si le délai de prescription existe, c’est justement pour que le ministre dispose d’un créneau pendant lequel il peut examiner les déclarations de revenu et établir une nouvelle cotisation et, en même temps, pour que le contribuable qui n’a pas fait de présentation erronée des faits puisse obtenir certaines certitudes sur le plan fiscal.

[14] Cet objectif de certitude dépend manifestement de la condition que le contribuable n’ait pas fait de présentation erronée. Le paragraphe 152(4) permet au ministre d’établir une nouvelle cotisation après l’expiration de la période normale de cotisation s’il y a eu présentation erronée des faits. Cette disposition a toutefois ses limites. Concernant les possibilités perdues de recouvrer des impôts, dans l’arrêt Regina Shoppers[2], la Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit :

Le seul fait qu’un contribuable puisse en fin de compte profiter de l’omission de l’administration fiscale d’établir adéquatement une nouvelle cotisation ne confère manifestement pas à celle-ci un pouvoir d’établir de nouvelles cotisations qui n’est pas prévu par la loi. Il n’existe aucune règle en equity ou en common law que l’administration fiscale puisse invoquer de quelque façon pour récupérer des sommes qu’elle a perdues du seul fait de sa propre négligence ou de son omission d’exercer les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi.

[15] Ainsi, si le ministre peut soutenir que les conditions de l’alinéa 152(4)a) de la Loi ont été remplies, il aura le pouvoir législatif de récupérer le revenu perdu. Dans la décision Jencik[3], le juge Bonner a énoncé clairement cette prémisse :

L’existence du droit du ministre d’établir de nouvelles cotisations pour les années 1994 à 1998 (les « années d’imposition frappées de prescription ») dépendait par conséquent d’une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou de la commission de quelque fraude par l’appelant, tel que le prévoit le sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi.

[16] Dans l’arrêt DiCosmo[4], la Cour d’appel fédérale a déclaré que la question de savoir si une cotisation est prescrite doit être expressément plaidée afin d’assurer l’équité et de permettre la présentation de tous les éléments de preuve à la Cour.

[17] En l’espèce, l’avis d’appel a soulevé la question de la nouvelle cotisation émise après la période normale de nouvelle cotisation. De plus, l’intimé estime avoir rempli les conditions prévues au paragraphe 152(4) de la Loi au-delà de la période normale de nouvelle cotisation. Par conséquent, la question de la prescription est justifiée devant la Cour, et sera traitée en ce qui concerne chacune des questions en litige qui font l’objet de l’appel.

[18] Dans l’arrêt Vine (Succession)[5], le juge Webb a décrit le fardeau du ministre pour appuyer une nouvelle cotisation au-delà de la période normale de nouvelle cotisation dans un processus à deux étapes, comme suit :

En l’espèce, il n’y a aucune allégation de fraude. Par conséquent, il incombe au ministre de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le contribuable ou la personne ayant produit la déclaration :

a) a fait une présentation erronée des faits;

b) qu’une telle présentation erronée est imputable à la négligence, à l’inattention ou à une omission volontaire.

[19] Le juge Webb a ajouté ce qui suit :

Comme dans toute affaire civile, s’il incombe à une personne de démontrer certains faits, la question à laquelle doit répondre le juge des faits est de savoir si, selon l’ensemble de la preuve admise pendant l’audience, cette personne a démontré, selon la prépondérance des probabilités, l’existence de tels faits. Il n’y a pas d’inversion du fardeau de la preuve.

[20] La présentation erronée des faits attribuable à la négligence, à l’inattention ou à l’omission volontaire requise en application du paragraphe 152(4) de la Loi doit avoir été faite au moment de produire la déclaration. Des faits ont été présentés erronément s’il se trouve un élément inexact dans la déclaration, du moins un élément qui est important pour les fins de la déclaration ainsi que de toute nouvelle cotisation ultérieure. Cela demeure une présentation erronée de fait même si le ministre pourrait relever ou relève effectivement l’erreur dans la déclaration en procédant à une analyse attentive des documents justificatifs. En règle générale, elle est établie lorsque le contribuable omet d’accorder une attention raisonnable dans l’observation de la Loi[6]. Le caractère autodéclaratif du système fiscal serait miné si les contribuables pouvaient remplir avec négligence les déclarations tout en fournissant dans les documents de travail des données de base exactes, en espérant que la ministre ne trouve pas l’erreur mais que, si cela arrivait dans les quatre années suivantes, la pire conséquence serait l’établissement d'une nouvelle cotisation exacte à ce moment-là[7]. Cette dernière position de la Cour d’appel fédérale est décisive dans le présent appel.

[21] Dans une situation frappée de prescription, et lorsqu’une technique de cotisation subsidiaire est utilisée, un contribuable peut obtenir une décision favorable en démontrant que la technique de cotisation subsidiaire employée par le ministre est fondamentalement erronée. La décision Bousfield[8] résume également les façons dont un contribuable peut contester une technique de cotisation subsidiaire :

a) en démontrant que son revenu ou ses recettes peuvent être calculés avec plus de précision à l’aide de ses propres documents comptables;

b) en acceptant le caractère adéquat de la technique de cotisation subsidiaire utilisée par le ministre, mais en contestant des composantes du calcul, afin de réduire le revenu ou les recettes;

c) si l’année en question est frappée de prescription, en démontrant que la technique de cotisation subsidiaire utilisée par le ministre est fondamentalement erronée;

d) en présentant une autre technique de cotisation subsidiaire qui calcule avec plus de précision le revenu ou les recettes du contribuable;

e) en acceptant le caractère adéquat de la technique de cotisation subsidiaire utilisée par le ministre, mais en démontrant que le revenu ou les recettes calculés au moyen de cette technique provenaient d’une source non imposable.

B. Le bien

[22] La preuve présentée à l’audience appuyait, selon la prépondérance des probabilités, que l’Appelant n’avait pas déclarée la disposition du bien lorsqu’il a produit sa déclaration de revenu de 2016, et l’explication et la preuve qu’il a données pour ne pas l’avoir fait, soit que ses dépenses avaient effacé tout gain possible, n’ont pas convaincu la Cour. La Cour est d’avis qu’une présentation erronée des faits a clairement été faite au moment de produire la déclaration de 2016, et ce, par négligence, ou du moins inattention ou omission volontaire conformément au paragraphe 152(4) de la Loi. Le ministre était donc autorisé à établir une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2016 de l’appelant.

[23] Deux particuliers ont témoigné à l’audience : le vérificateur de l’Agence du revenu du Canada (ARC) qui a signé le rapport de vérification pour l’année d’imposition 2016 de l’appelant, et l’appelant lui-même. Les deux ont été appelés par l’appelant et contre-interrogés par l’intimé.

[24] Un facteur important est que l’appelant, dans ses observations écrites, maintient qu’il devrait avoir droit au traitement au titre de gain en capital et que ce gain devrait être réduit à 12 467 $ (contrairement à la détermination de 72 967 $ par le ministre). Le gain de 12 467 $, qu’il soit au compte du revenu ou en capital, est le gain déterminé par le ministre, moins deux dépenses supplémentaires présentées en preuve par l’appelant à l’audience. D’abord, l’appelant a versé un montant de 40 500 $ en commission d’aiguillage à 1728778 Alberta Ltd. (exerçant alors ses activités sous le nom First Point Financial et dont l’appelant et son associé M. Maninder Walia détenaient chacun 50 % des actions), puis une deuxième commission d’aiguillage de 20 000 $ que l’appelant a versé à Mme Kanwaldeep Walia (l’épouse de M. Walia). Selon l’appelant, les deux commissions d’aiguillage versées se rapportaient à la vente du bien. L’appelant a renvoyé à plusieurs documents pour appuyer son droit aux déductions, notamment un document (la pièce A-5) qu’il a préparé pour appuyer les dépenses engagées dans la vente du bien, l’état des redressements et un état de fiducie préparé par l’avocat chargé de la vente, et plus précisément, un document d’une page (pièce A-6) présentée pour chaque entente à l’appui de l’existence de la commission d’aiguillage demandée et dont il est question dans le document. L’appelant a confirmé que ces documents d’entente n’ont pas été envoyés à l’ARC, car celle-ci ne les avait pas demandés.

[25] En outre, la Cour n’est pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que la preuve présentée à l’audience, y compris le témoignage de l’appelant, appuie la demande d’une dépense supplémentaire totale de 60 500 $ pour réduire le gain réalisé à la vente du bien. La valeur probante des documents énumérés au paragraphe 24 pour établir la nature des deux paiements versés et demandés à l’audience à titre de dépenses n’est pas suffisante. Les documents sont beaucoup trop ambigus, vagues, imprécis et d’un fonctionnement incertain quant à la véritable nature des paiements versés à la conclusion de la vente. Il existe une contradiction nette entre ce que les parties aux ententes peuvent avoir conclu et l’explication présentée par l’appelant à l’audience. De plus, l’un des deux documents est incomplet. Dans les deux cas, il semble que les parties cherchaient à obtenir deux résultats contraires, l’un le versement d’un paiement non imposable (un accord de prêt), l’autre le versement d’un paiement imposable (une commission d’aiguillage). Malheureusement, cette dualité entraîne l’effet contraire et crée de l’incertitude, car les deux ne sont pas possibles. Aucun autre témoin n’a témoigné pour donner un sens clair à ces ententes. Une seule chose est claire, les ententes supposément conclues par les parties ne sont pas claires. Et devant une telle ambiguïté, la Cour ne peut pas se fier au seul témoignage de l’appelant pour conclure que la seule et véritable intention était de verser des commissions.

[26] La Cour n’est pas disposée à examiner d’autres dépenses possibles relativement à la vente du bien. L’appelant n’a pas traité ou présenté convenablement ces autres dépenses possibles, et à l’égard du document qui pouvait appuyer chacune de ces dépenses, personne n’a démontré de valeur probante suffisante.

[27] Dans ce contexte, la Cour ne peut que refuser le traitement fiscal demandé par l’appelant. L’intimé s’est acquitté de son fardeau en vertu du paragraphe 152(4) de la Loi et le reste de la preuve présentée à l’audience ne justifie pas, selon la prépondérance des probabilités, un résultat différent. La Cour est convaincue que l’appelant a réalisé un gain non déclaré et que les dépenses demandées telles que présentées ne peuvent pas être admises, car la Cour n’est pas convaincue de leur valeur probante.

[28] Quant à savoir s’il s’agit d’un gain en capital ou au sommaire des résultats, l’absence de toute divulgation d’une telle disposition par l’appelant dans la déclaration de revenu de 2016 qu’il a produite oblige la Cour à se fier seulement à la preuve à l’audience pour déterminer si le traitement du sommaire des résultats devrait demeurer. Sur ce point, l’appelant n’a pas précisé sa pensée sauf pour maintenir qu’il souhaitait louer le bien. Malheureusement, les détails et les problèmes auxquels l’appelant a été confronté concernant la structure de financement, les circonstances menant à l’intérêt que l’appelant a manifesté pour le bien, son expérience comme agent immobilier à l’époque et ses connaissances du rôle possible d’Alberta Health Services (AHS), le règles sur la vente probante qui régissaient la vente du bien, les raisons pour lesquelles il n’a pas pu se rendre compte, avant la conclusion de la vente du bien, de l’état et des conditions du bien, ne convainquent pas la Cour que la détermination d’une vente soudaine est venue à l’esprit.

[29] En outre, la Cour n’est pas convaincue que l’intention réelle de l’appelant, lorsqu’il a manifesté son intérêt à l’achat du bien, était, pendant la période pertinente, strictement de louer celui-ci. Il est difficile de concevoir, l’aspect financier du projet, la découverte au moment d’entrée dans la maison, la rénovation rapide et immédiate au rez-de-chaussée et au sous-sol, alors que l’appelant aurait été saisi de découragement en raison de l’apparence des lieux et d’un voyage en Inde pour urgence familiale. La Cour a peine à croire que l’appelant ait été confronté à tant d’événements en si peu de temps au point où le seul choix consistait à vendre rapidement le bien et à réaliser un bénéfice d’environ 70 000 $, tout cela en un seul mois comme propriétaire. Il faut accorder plus de mérites aux motivations de l’appelant dans ce projet. Malheureusement, la Cour croit que la valeur probante du témoignage de l’appelant ne suffit pas à justifier une nouvelle qualification du gain réalisé à la vente du bien. La Cour se trouve devant un manque de preuves pour appuyer, selon la prépondérance des probabilités, la position de l’appelant pour demander une qualification différente du gain. Autrement dit, la preuve ne suffit pas à renverser la nouvelle cotisation.

C. Revenu non déclaré

[30] Malheureusement pour l’appelant, la même conclusion devrait s’appliquer en ce qui concerne le revenu non déclaré et les conditions du paragraphe 152(4) de la Loi. Une présentation erronée des faits a été clairement été faite au moment de produire la déclaration de 2016, et ce, par négligence, inattention ou omission volontaire conformément au paragraphe 152(4) de la Loi. Le ministre était donc autorisé à établir une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2016 de l’appelant.

[31] Avant que la Cour examine si l’intimé s’est acquitté du fardeau imposé par le paragraphe 152(4) de la Loi, il faut dire que le paragraphe 152(7) de la Loi autorise le ministre à établir une cotisation à l’égard d’un contribuable au moyen d’une technique de cotisation[9]. Le paragraphe ne détermine pas de technique particulière à utiliser[10]. De plus, la Cour n’a pas à être convaincue qu’il soit nécessaire pour le ministre d’employer une technique de cotisation subsidiaire. Le ministre peut avoir recours à une technique de cotisation subsidiaire à tout moment, peu importe l’état des registres du contribuable[11].

[32] De plus, dans la décision Lacroix[12], la Cour d’appel fédérale, saisie d’une situation de nouvelle cotisation établie après la période normale de nouvelle cotisation et dans laquelle la nouvelle cotisation s’appuyait sur une méthode de l’avoir net, a confirmé que l’intimé, pour s’acquitter du fardeau prévu au paragraphe 152(4) de la Loi, n’a pas à prouver la source du revenu détecté par l’application de la technique de cotisation subsidiaire utilisée par l’ARC. En outre, concernant le fardeau de la preuve prévu au sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi, la Cour d’appel fédérale ajoute ce qui suit :

[32] Qu’en est-il alors du fardeau du ministre? Comment s’en acquitte-t-il? Il se peut que dans certaines circonstances, le ministre soit en mesure de faire une preuve directe de l’état d’esprit du contribuable lorsque ce dernier a produit sa déclaration de revenu. Mais dans la grande majorité des cas, le ministre ne pourra que miner la crédibilité du contribuable, soit par des éléments de preuve qu’il apporte, soit en contre-interrogatoire du contribuable. Dans la mesure où la Cour canadienne de l’impôt est persuadée que le contribuable touche un revenu qu’il n’a pas déclaré et que l’explication offerte par le contribuable pour l’écart constaté entre son revenu déclaré et l’accroissement de son actif est non crédible, le ministre s’est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombe aux termes du sous-alinéa 152(4)a)(i) et du paragraphe 162(3).

[33] En l’espèce, le point central porte sur une liste de dépôts effectués par l’appelant en 2016 dans son compte bancaire principal à la Banque de Montréal (le compte BMO). L’ARC a mené sa vérification par ADB en se fiant uniquement au compte BMO, même si l’appelant avait d’autres comptes auprès de diverses institutions financières. L’appelant a été invité à expliquer une liste de dépôts au compte BMO. Advenant l’absence d’une explication ou d’une explication insatisfaisante, l’ARC considérait ces dépôts comme revenu non déclaré.

[34] Les observations de l’appelant relativement au revenu déclaré et à l’ADB de l’ARC mentionnent plusieurs points que la Cour souhaite aborder brièvement.

[35] Premièrement, l’appelant affirme que l’ARC n’a pas examiné tous ses comptes bancaires et que des exclusions des dépôts imposables ont été manquées. Sur ce point, l’appelant a été autorisé à présenter toute la preuve et les explications sur toutes les situations qu’il considère ou croit être pertinentes pour appuyer ses arguments. Cette présentation était à l’entière discrétion de l’appelant, et ce dernier ne peut pas se fier à la façon dont l’ARC a mené la vérification pour appuyer sa position. La Loi n’oblige pas l’ARC à agir d’une manière particulière lorsqu’elle mène une vérification. L’ARC a une certaine marge de manœuvre à cet égard, bien que ce ne sont pas toutes les conduites ne soient autorisées. Mais, en l’espèce, la situation était sous le contrôle de l’appelant.

[36] Deuxièmement, la présence de deux vérificateurs n’est pas en soi une raison pour appuyer la position de l’appelant. L’appelant connaissait la position de l’ARC et a eu des occasions de présenter ses explications, y compris devant la Cour lors d’une audience d’une journée complète. Il ne revient pas à la Cour, ni est-il possible pour l’appelant, d’instruire l’ARC sur la façon de mener une vérification.

[37] Enfin, et le point le plus pertinent des observations de l’appelant, est celui qui vise le renvoi à des chèques particuliers qui, selon l’appelant, doivent réduire le montant des dépôts non identifiés, et par conséquent, le montant du revenu non déclaré. L’appelant renvoie aux pièces A-2, A-3 et A-4.

[38] Il est difficile de comprendre le renvoi de l’appelant aux pièces A-3 et A-4 en l’espèce, car le revenu non déclaré s’appuie sur des transferts au compte BMO et l’appelant s’appuyait sur deux chèques de 1728778 Alberta Ltd. (pièce A-4) pour faire valoir des dépôts non imposables de la société. La difficulté réside dans le fait qu’aucun de ces chèques ne figure dans la liste des dépôts que l’appelant a été invité à expliquer à la pièce A-1 ([traduction] Explication des redressements finaux – 2016). De plus, les deux chèques provenant de la société n’ont pas été déposés dans le compte BMO, du moins pas directement, mais dans un compte de la Banque Scotia. Dans tous les cas, si ce n’est que pour cette raison et les discussions qui ont eu lieu à l’audience concernant les deux chèques, la Cour n’est pas d’avis que la situation de prêts des actionnaires soit particulièrement pertinente en l’espèce.

[39] Le renvoi de l’appelant à la pièce A-2 est différent. L’appelant pensait que des chèques particuliers énumérés à la pièce A-2 justifient une réduction des dépôts non identifiés énumérés dans l’explication des redressements finaux – 2016 de l’ARC à la pièce A-1 (page 3). Après avoir examiné attentivement les pièces A-1 et A-2, la Cour est d’avis que les circonstances appuient que tous les chèques à la pièce A-2 (à l’exception d’un chèque daté du 25 mai 2015) se trouvent dans la liste des dépôts non identifiés de la pièce A-1 (page 3). La majorité des 12 chèques inscrits à la pièce A-2 se trouvent individuellement à la page 3 de la pièce A-1, sauf les deux séquences où un seul dépôt est considéré avoir été effectué pour deux chèques. À la liste des dépôts non identifiés à la page 3 de la pièce A-1, le dépôt de 17 132 $ (daté du 11 février 2016) de la pièce A-1 est considéré être pour des chèques du montant de 14 132 $ et de 3 000 $ (datés du 9 et du 10 février 2016, respectivement) de la pièce A-2, et le dépôt de 4 225 $ (daté du 6 juin 2016) de la pièce A-1 est considéré être pour des chèques de 3 530 $ et de 695 $ (les deux datés du 3 juin 2016) de la pièce A-2.

[40] Dix chèques proviennent de l’appelant (transferts entre comptes) et deux proviennent d’un tiers. L’intimé est d’avis que les 10 chèques personnels ne constituent pas en soi une explication suffisante pour justifier leur élimination de la liste des dépôts non identifiés. La raison est que le même exercice effectué pour les dépôts au compte BMO doit être effectué avec le compte de l’appelant d’où le chèque est tiré. Sans ce double exercice, il serait trop évident pour se fier à de fausses explications. La Cour souscrit à la position de l’intimé à cet égard. Malheureusement, l’appelant n’a pas fourni une telle justification, et l’intimé ne peut en être tenu responsable.

[41] Cette preuve relative aux 10 chèques personnels est insuffisante, car elle n’explique pas la source des fonds qui provenaient initialement d’autres comptes bancaires personnels de l’appelant. La Cour n’est pas en mesure de vérifier la nature des fonds transférés au compte BMO. Rien n’empêche que ces fonds soient des commissions ou un revenu imposable. La Cour ne peut donc pas accepter, selon la prépondérance des probabilités, que ces fonds doivent être exclus de l’écart comme n’étant pas imposables sans preuve quant à la nature des fonds de source eux-mêmes.

[42] En ce qui concerne les autres chèques, l’intimé a reconnu qu’un d’eux devrait être admis et éliminé de la liste des dépôts non identifiés de la pièce A-1 (page 3). Il s’agit d’un chèque de 5 000 $.

[43] Quant au dernier chèque de 1842290 Alberta Ltd. pour 14 132 $, la situation a été abordée dans l’interrogatoire principal du vérificateur de l’ARC. Le vérificateur est revenu à sa position initiale que le chèque était inclus à la liste des dépôts non identifiés de la pièce A-1 (page 3) pour affirmer qu’il n’est l’était finalement pas. Et, puisqu’il ne l’était pas, il ne devrait pas non plus être appuyé. Dans le cas du chèque de 5 000 $, le vérificateur a confirmé qu’il se trouvait à la liste des dépôts non identifiés de la pièce A-1 (page 3) et qu’il pouvait donc en être retiré.

[44] Dans l’examen de la liste des dépôts non identifiés de la pièce A-1 (page 3) et de la pièce A-2, la Cour tire une conclusion différente. La Cour, comme il est expliqué au paragraphe 39 ci-dessus, croit qu’un dépôt de 17 132 $ le 11 février 2016 inclut en fait le chèque de 14 132 $. Étant donné que la Cour comprend, selon la position de l’intimé, que la seule raison pour ne pas exclure le chèque de 14 132 $ de 1842290 Alberta Ltd. de la liste des dépôts non identifiés de la pièce A-1 (page 3) est le fait que le chèque n’y avait pas été inscrit à l’origine, la Cour est portée à laisser à l’appelant le bénéfice du doute et à accepter qu’une somme supplémentaire de 14 132 $ doit retirée de la liste tout comme pour les 5 000 $ concédés par l’intimé.

V. Conclusion

[45] Compte tenu de ce qui précède, l’appel sera accueilli, sans frais, et la nouvelle cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation sur la base que le revenu non déclaré de l’appelant fera l’objet d’une réduction de 19 132,00 $, passant de 60 219,00 $ à 41 087,00 $. Cette réduction constitue le seul redressement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mai 2024.

« J. M. Gagnon »

Le juge Gagnon

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de juin 2024.

Diane Walsh

 


RÉFÉRENCE :

2024 CCI 81

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2022-2125(IT)I

INTITULÉ :

KABIR CHEEMA c. SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 février 2024, observations écrites déposées les 4, 5, 16 et 19 avril 2024.

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Jean Marc Gagnon

DATE DU JUGEMENT :

Le 31 mai 2024

COMPARUTIONS :

Représentant de l’appelant :

Me Kam Grewal

Avocate de l’intimé :

Me Yetunde Elizabeth Akinyinka

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

S.O.

Cabinet :

S.O.

Pour l’intimé :

Me Shalene Curtis-Micallef
Sous-procureure générale du Canada
Ottawa, Canada

 



[1] Tingley c. R., 1998 CanLII 31446 (CCI) (« Tingley »).

[2] Canada c. Regina Shoppers Mall Ltd., 1991 CanLII 13935 (CAF) (« Regina Shoppers »).

[3] Jencik c. La Reine, 2004 CCI 295 Jencik »).

[4] Dicosmo c. Canada, 2017 CAF 60 DiCosmo »).

[5] Vine (Succession) c. Canada, 2015 CAF 125 Vine (Succession) »).

[6] Voir les arrêts Vine (Succession) et John G. Nesbitt c. Canada, 1996 CanLII 11569 (CAF) Nesbitt »).

[7] Ibid.

[8] Bousfield c. Le Roi, 2022 CCI 169 (« Bousfield »).

[9] Voir l’arrêt Bousfield qui renvoie à l’arrêt Guibord c. La Reine, 2011 CAF 344 et Hsu c. La Reine, 2001 CAF 240 Hsu »).

[10] L’arrêt Bousfield renvoyant à l’arrêt Hsu (supra). Ramey c. La Reine (1993), 1993 CanLII 17094.

[11] L’arrêt Bousfield renvoyant aux décisions Berezuik c. La Reine, 2010 CCI 296; Francisco c. La Reine, 2003 CanLII 54814; Milkowski c. La Reine, 2007 CCI 680.

[12] Lacroix c. La Reine, 2008 CAF 241 Lacroix »).

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