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Dossier : 2017-1458(IT)G

ENTRE :

S. ROBERT CHAD,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Devant : l’honorable juge Don R. Sommerfeldt

 

ORDONNANCE RELATIVE AUX DÉPENS

Conformément aux motifs de l’ordonnance relative aux dépens ci-joints, des dépens de 7 000 $ sont adjugés à l’intimé pour la requête en radiation de l’appelant entendue les 27 et 28 janvier 2021.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mai 2023.

« Don R. Sommerfeldt »

Le juge Sommerfeldt

 


Référence : 2023 CCI 76

Date : 20230529

Dossier : 2017-1458(IT)G

ENTRE :

S. ROBERT CHAD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

MOTIFS DE L’ORDONNANCE RELATIVE AUX DÉPENS

Le juge Sommerfeldt

I. Introduction

[1] Les présents motifs concernent l’adjudication des dépens de la requête en radiation de l’appelant (la « requête ») que j’ai entendue les 27 et 28 janvier 2021 dans l’appel no 2017-1458(IT)G.

II. RÉSUMÉ DES FAITS

[2] Les 27 et 28 janvier 2021, j’ai entendu par vidéoconférence la requête de l’appelant, S. Robert Chad, en radiation d’un nombre important de passages (les « passages contestés ») de la deuxième réponse modifiée de l’intimé. Ces passages, qui étaient regroupés en cinq catégories, étaient nombreux et longs. Sauf pour deux passages que j’ai radiés pour d’autres motifs, j’ai rejeté la requête au motif que l’appelant ne pouvait pas la présenter en raison de l’article 8 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »), communément appelé la « règle de la nouvelle mesure ».

[3] Quant aux deux passages contestés qui n’étaient pas visés par la règle de la nouvelle mesure[1], je les ai radiés conformément aux motifs de l’ordonnance que j’ai rendus le 29 juillet 2021[2]. Même si j’ai rejeté la requête en raison de la règle de la nouvelle mesure, j’ai également examiné dans mes motifs les observations de fond des avocats des parties. J’y ai noté qu’à l’égard de certains des passages contestés, la requête aurait pu être rejetée pour d’autres motifs, tandis que le reste de la requête, qui portait sur d’autres passages contestés, aurait pu être accueilli, n’eût été la règle de la nouvelle mesure.

[4] Lorsque j’ai rejeté la requête, j’ai ordonné que l’appelant paie des dépens à l’intimé. J’ai également invité les parties à s’entendre sur les dépens et, à défaut d’y parvenir, à me présenter des observations écrites à ce sujet. Comme les parties ne se sont pas entendues, c’est ce qu’elles ont fait.

[5] L’intimé est d’avis que l’appelant devrait verser sur‑le‑champ et peu importe l’issue de la cause des dépens majorés de 7 210,37 $, soit 40 % de ses honoraires avocat-client. L’intimé avance que les dépens devraient excéder la somme prévue selon le tarif, soit 1 400 $, mais il reconnaît également que les circonstances de la requête ne justifient pas des dépens d’indemnisation complète. L’intimé a produit une preuve par affidavit[3], y compris des copies du relevé de compte que le ministère de la Justice conserve aux fins du recouvrement du coût des services juridiques fournis à l’Agence du revenu du Canada. Dans l’affidavit déposé pour l’intimé, Stephanie Bourgon a déclaré que les honoraires de l’intimé pour répondre à la requête étaient de 18 025,93 $[4]. L’intimé sollicite des dépens correspondant à 40 % de ces honoraires, soit 7 210,37 $.

[6] L’appelant soutient qu’il n’y a aucune raison pour que les dépens soient supérieurs à ceux du tarif. Il avance qu’en l’espèce, on devrait suivre la pratique normale ou habituelle, qui est, selon lui, que les dépens pour les questions interlocutoires suivent l’issue de la cause. L’appelant n’a fourni aucune jurisprudence ou doctrine pour confirmer l’existence de cette pratique.

III. PRINCIPES JURIDIQUES

A. Article 147 des Règles

[7] Le paragraphe 147(1) des Règles accorde implicitement à la Cour le pouvoir discrétionnaire de fixer les dépens. Il s’agit là d’un vaste pouvoir discrétionnaire[5].

[8] Le paragraphe 147(3) des Règles prévoit que, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 147(1), la Cour peut tenir compte des onze facteurs qui y sont énumérés. J’analyserai les facteurs qui s’appliquent en l’espèce ci-dessous.

B. Tarif B

[9] On a affirmé que le tarif B à l’annexe II des Règles s’applique par défaut à l’adjudication des dépens[6]. La Cour peut décider d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de s’écarter du tarif, mais elle doit le faire d’une manière non arbitraire, en se fondant sur les principes établis et après avoir tenu compte des facteurs pertinents de l’article 147 des Règles[7]. Lorsque la Cour est disposée à s’écarter du tarif pour fixer les dépens, son objectif ultime devrait être de rendre une ordonnance juste et raisonnable pour les parties qui reconnaît le succès de la partie ayant eu gain de cause[8].

[10] Au cours des dernières années, notre Cour a rendu des décisions établissant que, même en l’absence de circonstances inhabituelles ou exceptionnelles d’inconduite, la Cour n’est pas tenue de se conformer au tarif[9]. En d’autres termes, l’adjudication de dépens qui excèdent ceux du tarif n’exige pas des circonstances exceptionnelles, comme une inconduite ou un retard excessif[10]. Dans des décisions antérieures, notre Cour enseignait que le tarif ne devait être écarté que si des circonstances particulières le justifiaient[11]. La jurisprudence a toutefois évolué depuis ces décisions, notamment pour tenir davantage compte, lors de la fixation des dépens, du travail qu’exigent les litiges fiscaux[12].

[11] Dans la décision Univar, le juge Boyle, qui analysait le rôle du tarif dans la fixation des dépens, a précisé ce qui suit :

[49] [...] Le tarif défini dans les Règles de notre Cour ne constitue pas un point de départ : il s’agit uniquement d’une option par défaut en l’absence d’une décision fondée sur l’article 147 des Règles, ou d’une option qui s’offre en tout ou en partie au juge, si une décision fondée sur l’article 147 a été rendue. Notre tarif n’est pas le point de départ dans la fixation des dépens. Il s’agit de l’option par défaut si aucune décision n’a été rendue quant aux dépens, qui peut être utilisée, en tout ou en partie, pour fixer le montant des dépens. [...]

[50] La notion voulant qu’il doive exister un motif fondé sur un principe établi pour que je m’écarte du tarif m’apparaît comme un retour en arrière, à l’époque où le juge Bowman a rendu sa décision dans Continental Bank et où il était souvent enseigné que les dépens correspondant au tarif étaient appropriés à moins de circonstances exceptionnelles. Ainsi qu’il a été signalé précédemment dans les présents motifs et dans la jurisprudence précitée, notamment Velcro Canada Inc., Daishowa-Marubeni, Sommerer, Blackburn Radio Inc., Teeluksingh et Spruce Credit, cette observation était erronée compte tenu de la clarté du libellé de l’article 147 des Règles de notre Cour[13] [...]

C. Dépens des requêtes

[12] Dans le cas de requêtes ou d’autres procédures interlocutoires, la règle générale de common law veut que les dépens soient versés à la fin du litige[14]. Au Canada, certains ressorts ont suivi cette règle, alors que d’autres ont plutôt établi que les dépens d’une requête interlocutoire sont en général payables sans délai à la partie ayant eu gain de cause[15]. Le tribunal peut viser différents objectifs lorsqu’il ordonne que les dépens d’une requête interlocutoire soient payables sans délai. Il peut notamment viser la dissuasion des demandes interlocutoires frivoles ou sans fondement, le respect des règles et des ordonnances du tribunal, ou tout autre objectif qu’il juge par ailleurs approprié[16]. Dans la décision Axton v. Kent, la Cour divisionnaire de l’Ontario a indiqué [traduction] qu’« à l’égard de questions interlocutoires, l’imposition de dépens payables sans délai est une pratique avantageuse, à moins que les considérations de justice ne favorisent le contraire »[17].

[13] La partie pertinente du paragraphe 147(5) des Règles est ainsi libellée :

(5) Nonobstant toute autre disposition des présentes règles, la Cour peut, à sa discrétion :

a) adjuger ou refuser d’adjuger les dépens à l’égard d’une [...] partie de l’instance particulière;

b) adjuger l’ensemble [...] des dépens taxés jusqu’à et y compris une certaine étape de l’instance;

[...]

[14] Le juge Smith avait peut-être à l’esprit les dispositions ci-dessus lorsqu’il a précisé ce qui suit :

Comme le confirme l’article 147 des Règles, la Cour peut adjuger des dépens à tout moment de la procédure dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire[18].

Par conséquent, après avoir entendu et rejeté les requêtes de deux appelants, le juge Smith a fixé les dépens que chacun devait payer et il a ordonné que ces dépens soient « payables immédiatement »[19].

[15] Les décisions Giannakouras[20], Ruland Realty Limited[21] et Foroglou[22] sont d’autres exemples où notre Cour a ordonné que les dépens de requêtes soient payés sans délai.

IV. ANALYSE

A. Application des facteurs du paragraphe 147(3) des Règles

[16] J’examine ci‑dessous les facteurs énoncés au paragraphe 147(3) des Règles.

(1) Alinéa 147(3)a) : le résultat de la requête

[17] La Cour a rejeté la requête et l’intimé a eu entièrement gain de cause. Toutefois, il convient de noter que l’appelant a établi que, dans la deuxième réponse modifiée, il y avait plusieurs hypothèses de fait qui recelaient des conclusions de droit[23]. Néanmoins, en raison de la règle de la nouvelle mesure, je n’ai pas radié les alinéas de la deuxième réponse modifiée qui renfermaient des conclusions de droit.

(2) Alinéa 147(3)b) : les sommes en cause

[18] L’appel lui-même porte principalement sur le rejet par le ministre du Revenu national de la déduction d’une perte autre qu’en capital de 22 184 108,67 $ lors du calcul du revenu de l’appelant pour l’année 2011. À l’origine, l’appel portait également sur une perte en capital de 6 289 014,93 $ dont l’appelant avait tenu compte dans le calcul de son revenu pour 2011. Lors de l’audition de la requête les 27 et 28 janvier 2021, l’intimé a informé la Cour que le ministre avait décidé d’autoriser la déduction de la perte en capital.

[19] Dans sa requête, l’appelant sollicitait la radiation de nombreux passages de la deuxième réponse modifiée. Quant aux hypothèses de fait que l’intimé avance au paragraphe 15 – qui comporte 68 alinéas – de cette réponse, l’appelant demandait la radiation de tout ou partie de 16 de ces alinéas (ce qui représente environ le quart des alinéas énonçant des hypothèses de fait). De plus, l’appelant a demandé que les mots [traduction] « prétendu » et [traduction] « prétendument » soient radiés de 16 alinéas ou sous‑alinéas du paragraphe 15 et de 10 autres paragraphes de la deuxième réponse modifiée. En plus de demander la radiation de nombreuses hypothèses de fait, l’appelant a également cherché à faire radier en tout ou en partie six autres passages de la deuxième réponse modifiée.

(3) Alinéa 147(3)c) : l’importance des questions en litige

[20] Une partie importante de la requête visait la radiation de nombreuses hypothèses de fait formulées par le ministre, de même que des passages relatifs à l’argument du trompe-l’œil avancé par l’intimé. L’intimé affirme qu’il s’agit là d’un de ses principaux arguments. Par conséquent, l’intimé soutient que les questions examinées lors de l’audition de la requête étaient d’une grande importance[24].

[21] L’appelant fait remarquer à juste titre que, pour l’application de l’alinéa 147(3)c) des Règles, la question pertinente est l’importance des questions soulevées dans la requête, et non l’importance des questions en litige dans l’appel. Toutefois, l’appelant n’a présenté aucune observation concernant l’importance des questions examinées dans la requête. En l’absence d’observations précises de l’appelant à cet égard, je ne vais que noter que le fait qu’il ait déposé la requête montre qu’il attachait vraisemblablement de l’importance aux questions qui y étaient soulevées.

(4) Alinéa 147(3)d) : toute offre écrite de règlement

[22] Il n’y a pas eu d’offre écrite de règlement, bien que l’appelant ait demandé par courriel à l’intimé s’il était disposé à consentir à tout ou partie de la requête – ce que l’intimé a décliné, également par courriel.

[23] L’intimé a concédé l’argument de la perte en capital, comme il l’avait auparavant indiqué. Les parties ont finalement signé un consentement au règlement partiel de l’appel et le 17 mars 2021, la Cour a rendu un jugement partiel.

(5) Alinéa 147(3)e) : la charge de travail

[24] L’appelant a demandé la radiation de nombreux passages de la deuxième réponse modifiée de l’intimé. L’audition de la requête a nécessité un jour et demi. L’intimé a indiqué que, pour répondre à la requête, les avocats du ministère ont consacré un total de 72,14 heures[25].

[25] Quant au facteur de la charge de travail, l’appelant soutient que [traduction] « la charge de travail relative à la requête n’était pas substantielle et ne justifiait pas un investissement de temps important de la part de l’intimé »[26]. Je ne retiens pas l’argument de l’appelant à cet égard. En effet, j’ai moi-même dû consacrer de nombreuses heures à tenter d’établir le lien que l’appelant cherchait à faire entre plusieurs ordonnances interlocutoires rendues par le juge Favreau dans le présent appel et ses arguments au soutien de la radiation de passages de la deuxième réponse modifiée. À la lumière du temps que j’ai dû consacrer pour comprendre et trancher la requête, je comprends le nombre d’heures que les avocats de l’intimé ont consacrées à y répondre.

(6) Alinéa 147(3)f) : la complexité des questions en litige

[26] Les arguments de l’appelant à l’égard des passages contestés peuvent être regroupés en cinq catégories :

(a) des arguments de trompe-l’œil;

(b) des conclusions de droit entremêlées à des hypothèses de fait;

(c) un passage qui ferait abstraction d’une ordonnance judiciaire antérieure;

(d) des hypothèses erronées qui ont été rectifiées durant l’interrogatoire préalable;

(e) des arguments abandonnés.

[27] Les observations de l’appelant sur les allégations de trompe-l’œil exigeaient une analyse des aveux judiciaires et de la règle de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée. Pour comprendre la contestation de l’appelant à l’égard du paragraphe 5.1 et de l’alinéa 5.2(b) de la deuxième réponse modifiée, l’intimé a dû examiner plusieurs ordonnances rendues par le juge Favreau en 2020, puis analyser le lien allégué entre ces ordonnances et les arguments que l’appelant avançait au soutien de la radiation du paragraphe 5.1 et d’une partie de l’alinéa 5.2(b) de la deuxième réponse modifiée. J’ai dû faire de même. Compte tenu de la complexité à laquelle j’ai fait face durant cet exercice, je conviens avec l’intimé que la requête était [traduction] « d’un niveau raisonnable de complexité »[27].

[28] Les observations de l’appelant au sujet de la complexité sont les suivantes :

[traduction]

L’intimé a reconnu qu’« en majorité, la requête a été tranchée sur le fondement de la règle de la nouvelle mesure, dont l’application était facile à déterminer ». Cela étant, il n’y a pas de complexité justifiant l’adjudication de dépens majorés[28].

[29] Les mots [traduction] « cela étant » dans cet extrait peuvent être interprétés de deux façons. L’appelant voulait‑il simplement souligner que l’intimé avait affirmé que l’application de la règle de la nouvelle mesure était facile à déterminer ou voulait‑il en fait souscrire à cette affirmation? Je n’en suis pas certain. Au début de l’extrait ci-dessus, l’appelant indique d’abord que l’intimé [traduction] « a reconnu » – plutôt que « a soutenu » ou « a indiqué » – que l’application de la règle de la nouvelle mesure était facile à déterminer. Pour les besoins des présents motifs, on pourrait envisager qu’à l’instar de l’intimé, l’appelant reconnaissait que l’application de la règle de la nouvelle mesure était facile à déterminer. Toutefois, comme je ne suis pas certain que c’était là le sens que l’appelant voulait transmettre, je ne considère pas que, pour les besoins des présents motifs, l’appelant a concédé qu’il était facile de déterminer l’application de la règle de la nouvelle mesure.

[30] La seule observation de l’appelant au sujet de la complexité se rapporte à la règle de la nouvelle mesure. Il n’a présenté aucune observation quant à la complexité des questions soulevées par les cinq catégories de passages contestés que j’ai énumérées au paragraphe 26 ci-dessus.

(7) Alinéa 147(3)g) : la conduite des parties ayant une incidence sur la durée de l’instance

[31] Comme indiqué aux paragraphes 28 et 29 et à la note de bas de page 28 ci‑dessus, l’intimé affirme que la Cour a tranché la majorité des arguments de la requête sur le fondement de la règle de la nouvelle mesure, dont l’application était facile à déterminer. L’intimé prétend également que le déroulement de la requête s’est prolongé car l’appelant, afin de faire radier l’argument du trompe-l’œil, a tenté d’utiliser les efforts de l’intimé pour montrer que l’argument de l’appelant quant au secret professionnel de l’avocat n’était pas fondé.

[32] L’appelant soutient que la conduite des parties n’est pas en cause.

[33] De mon point de vue, en tant que juge saisi de la requête, la conduite des avocats de l’une ou l’autre des parties pendant l’audition de la requête ne m’a pas inquiété. En effet, les avocats se sont tous comportés de manière professionnelle et courtoise et, pendant l’audience, ils n’ont rien fait de nature à prolonger inutilement la durée de l’instance[29].

[34] Toutefois, comme je l’ai indiqué dans la note de bas de page 10 des motifs de la requête, l’appelant aurait dû, avant de présenter sa requête, solliciter l’autorisation de la Cour conformément à l’article 8 des Règles. On aurait ainsi pu soulever la règle de la nouvelle mesure dès le départ, et il n’aurait peut-être pas été nécessaire d’examiner les nombreuses autres questions soulevées lors de l’audition de la requête, telles qu’elles ont été formulées.

(8) Alinéa 147(3)h) : l’omission de faire des admissions

[35] Je n’ai pas eu connaissance que l’une ou l’autre des parties ait dénié, négligé ou refusé de faire une admission en lien avec la requête, lorsque cette admission aurait dû être faite.

(9) Alinéa 147(3)i) : étapes inappropriées, vexatoires, inutiles ou accomplies avec trop de circonspection

[36] À mon avis, la requête n’était ni vexatoire, ni présentée de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection.

[37] L’intimé soutient que l’appelant a, en quelque sorte, utilisé à mauvais escient l’ordonnance du juge Favreau en ce qui a trait aux efforts de l’intimé pour montrer que l’argument de l’appelant relatif au secret professionnel de l’avocat n’était pas fondé. Selon l’intimé, l’appelant s’est servi de cette ordonnance pour appuyer sa demande de radiation de certaines parties de la deuxième réponse modifiée relatives à l’argument du trompe‑l’œil. L’intimé soutient que cet aspect de la requête n’a servi qu’à prolonger inutilement la durée de l’instance.

[38] L’appelant avance que l’intimé n’a soutenu ni pendant l’audition de la requête, ni à aucune autre étape pertinente de l’instance, que la requête était inappropriée, vexatoire ou inutile ou qu’elle avait été présentée de manière négligente, par erreur ou avec trop de circonspection.

[39] À mon avis, l’appelant ne pouvait pas présenter sa requête sans solliciter au préalable l’autorisation de la Cour, comme le prévoit l’article 8 des Règles. Si cette autorisation avait été demandée, elle n’aurait probablement pas été accordée, ce qui signifie que la requête, pour l’essentiel, aurait probablement été inutile[30].

(10) Alinéa 147(3)i.1) : les dépenses relatives à un témoin expert

[40] Aucun témoin expert n’a témoigné lors de la requête. Par conséquent, ce facteur n’est pas pertinent.

(11) Alinéa 147(3)j) : toute autre question pouvant influer sur la détermination des dépens

[41] L’intimé soutient que la somme demandée au titre des dépens, soit 7 210,37 $, correspond à ce que l’appelant pouvait raisonnablement s’attendre à payer s’il n’avait pas gain de cause[31]. En revanche, l’appelant soutient que [traduction] « la somme réclamée par l’intimé est tout simplement déraisonnable pour la requête rejetée »[32].

[42] Les deux parties conviennent que, s’ils sont calculés conformément au tarif, les dépens s’élèveraient à 1 400 $.

[43] Le paragraphe 12 de l’affidavit indique que, pour la requête, les honoraires de l’intimé sont de 18 025,93 $. Il contient une ventilation partielle de leur calcul, laquelle montre l’exercice financier (du 1er avril 2020 au 31 mars 2021), les niveaux de classification (LP-2, LP-3 et LP-4) des avocats qui ont travaillé à la requête, leurs taux horaires respectifs et le nombre d’heures de travail des avocats selon leurs niveaux de classification. Le paragraphe 12 de l’affidavit ne précise pas les dates auxquelles des services juridiques précis ont été fournis; cependant, on a fourni une description de ces services ou les noms des avocats qui les ont donnés. En effet, la pièce « E » de l’affidavit a été annotée de façon à indiquer les inscriptions dans le registre des heures – y compris les noms des avocats, les heures de travail, les dates et les descriptions des services rendus – qui se rapportent au travail effectué à la requête. Les taux horaires facturés par les avocats du ministère ayant travaillé à la requête étaient faibles et raisonnables.

V. CONCLUSION

[44] Pour les motifs exposés ci-dessus, je suis d’avis que des dépens supérieurs à ceux fixés en application du tarif devraient être adjugés à l’intimé. Toutefois, l’appelant a montré que plusieurs hypothèses de fait de la deuxième réponse modifiée renfermaient des conclusions de droit. J’estime donc que les dépens réclamés par l’intimé, soit 7 210,37 $, devraient être légèrement réduits. Par conséquent, la Cour adjuge à l’intimé des dépens de 7 000 $, payables par l’appelant au plus tard le 31 juillet 2023.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mai 2023.

« Don R. Sommerfeldt »

Le juge Sommerfeldt


RÉFÉRENCE :

2023 CCI 76

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2017-1458(IT)G

INTITULÉ :

S. ROBERT CHAD et SA MAJESTÉ LE ROI

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge Don R. Sommerfeldt

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 29 mai 2023

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

(les 27 et 28 janvier 2021, c’est-à-dire au moment de l’audition de la requête) :

 

 

Noms :

MGuy Du Pont, Ad. E.

Me Dov Whitman

MJames D. Trougakos

 

Cabinet :

 

Davies Ward Phillips & Vineberg S.E.N.C.R.L., s.r.l.

 

Pour l’appelant :

(après un changement d’avocat le 15 novembre 2021) :

 

Noms :

 

MJustin Kutyan

Me Dov Whitman

Me Kelly Ng

 

Cabinet :

KPMG cabinet juridique s.r.l./S.E.N.C.R.L.

 

Pour l’intimé :

Me Charles Camirand

Me Shane Aikat

Me Grant Nash

Me Bryn Frape

au nom de

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1] Ces deux passages sont le paragraphe 5.1 et l’alinéa 5.2(b) de la deuxième réponse modifiée.

[2] Chad c. La Reine, 2021 CCI 45.

[3] Affidavit de Stephanie Bourgon (l’« affidavit ») déposé le 27 septembre 2021.

[4] Affidavit, au par. 12.

[5] Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, [2003] 3 R.C.S. 371, 2003 CSC 71, aux par. 19 et 22; R. c. Lau, 2004 CAF 10, au par. 5; Velcro Canada Inc. c. La Reine, 2012 CCI 273, au par. 8; Invesco Canada Ltée c. La Reine, 2015 CCI 92, au par. 5.

[6] CIBC World Markets Inc. v. The Queen, 2019 TCC 201, au par. 9.

[7] Lau, précité (note 5) au par. 5; R. c. Landry, 2010 CAF 135, aux par. 22 et 54; CIBC World Markets, précitée (note 6), au par. 10.

[8] Boucher v. Public Accountants Council for the Province of Ontario (2004), 71 R.J.O. (3e) 291 (C.A. Ont.), 2004 CanLII 14579, au par. 24; Velcro Canada, précitée (note 5), aux par. 6 et 8 à 10; CIBC World Markets, précitée (note 6), au par. 11.

[9] Ford du Canada Limitée c. La Reine, 2015 CCI 185, aux par. 7(4) et 25. Voir également les décisions mentionnées à la note de bas de page 7 de cette décision.

[10] Velcro Canada, précitée (note 5), aux par. 3 à 21; Spruce Credit Union c. La Reine, 2014 CCI 42, aux par. 6, 24 à 27 et 56; Repsol Canada Ltd. c. La Reine, 2015 CCI 154, au par. 12.

[11] Voir, par exemple, Continental Bank of Canada c. La Reine, [1994] A.C.I. no 863 (QL) (C.C.I.), au par. 10.

[12] Blackburn Radio Inc. c. La Reine, 2013 CCI 98, aux par. 14 et 15. Voir aussi Teelucksingh v. The Queen, 2011 TCC 253, au par. 2; Daishowa-Marubeni International Ltd. c. La Reine, 2013 CCI 275, au par. 4.

[13] Univar Holdco Canada ULC c. La Reine, 2020 CCI 15, aux par. 49 et 50. Les références d’un grand nombre des décisions mentionnées par le juge Boyle dans la citation ci‑dessus apparaissent dans d’autres notes de bas de page des présents motifs. Dans l’appel Sommerer, la décision sur les dépens a été rendue oralement le 14 juillet 2011 par le juge Campbell Miller. La transcription de cette décision se trouve dans le dossier de la Cour no 2007‑2583(IT)G.

[14] Mark M. Orkin et Robert G. Schipper, Orkin on the Law of Costs, 2e éd., Toronto, Thomson Reuters Canada Limited, 2021, vol. 1, au par. 4:3, aux p. 4-6 et 4-14.

[15] Ibid., au par. 4:3, aux p. 4-6 à 4-7.

[16] Ibid., au par. 4:3, aux p. 4-12 à 4-12.1.

[17] Axton v. Kent (1991), 2 R.J.O. (3e) 797 (C. div. Ont.), à la p. 800. Voir aussi Refco Alberta Inc. v. Nipsco Energy Services Inc., 2002 ABQB 480, au par. 44; Orkin, précité (note 14), au par. 4:3, p. 4-8.

[18] Keenan c. La Reine, 2019 CCI 259, au par. 51.

[19] Ibid., au par. 54.

[20] Giannakouras c. La Reine, 2005 CCI 225, au par. 41.

[21] Ruland Realty Limited c. La Reine, 2005 CCI 690, au par. 17.

[22] Foroglou c. La Reine, 2020 CCI 117, au par. 41.

[23] Chad, précitée (note 2), aux par. 40 à 43.

[24] Observations écrites de l’intimé sur les dépens (les « observations de l’intimé ») déposées le 27 septembre 2021, à la p. 2.

[25] Affidavit, au par. 12; observations de l’intimé, précitées (note 24), à la p. 3.

[26] Observations écrites de l’appelant sur les dépens (les « observations de l’appelant ») du 26 octobre 2021, à la p. 1.

[27] Observations de l’intimé, précitées (note 24), à la p. 3.

[28] Observations de l’appelant, précitées (note 26), à la p. 2. La phrase que cite l’appelant est tirée de la p. 3 des observations de l’intimé et elle se rapporte aux facteurs énoncés aux alinéas 147(3)g), h) et i) des Règles.

[29] Comme je l’ai indiqué dans mes motifs concernant la requête de l’intimé du 2 septembre 2021 visant à obtenir l’autorisation de modifier la deuxième réponse modifiée (2022 CCI 18), je craignais que, quelques mois après l’audition de la requête les 27 et 28 janvier 2021, l’intimé soit revenu sur une déclaration faite à la Cour lors de la deuxième journée de l’audience. Toutefois, il ne s’agit pas là d’une circonstance pertinente à la présente décision relative aux dépens.

[30] Comme je l’ai mentionné plus haut, même si la règle de la nouvelle mesure avait été appliquée plus tôt, cela n’aurait pas empêché que la requête soit présentée à l’égard du paragraphe 5.1 et de l’alinéa 5.2(b) de la deuxième réponse modifiée.

[31] Observations de l’intimé, précitées (note 24), à la p. 3.

[32] Observations de l’appelant, précitées (note 26), à la p. 2.

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