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Dossier : 2019-2451(IT)I

ENTRE :

WADE KENNETH MASON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 28 avril 2022, à Victoria (Colombie-Britannique)

Devant : L’honorable juge Dominique Lafleur


Comparutions :

Représentant de l’appelant :

Arthur William Mason

Avocat de l’intimée :

Me Mark Shearer

 

JUGEMENT

Selon les motifs du jugement ci-joints, l’appel interjeté à l’égard de la nouvelle cotisation établie au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») pour l’année d’imposition 2017 est accueilli, sans dépens. La nouvelle cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour réexamen et nouvelle cotisation au motif que, aux termes de l’alinéa 8(1)h.1) de la LIR, M. Mason est en droit de déduire un montant supplémentaire de 2 131 $ en frais afférents à un véhicule à moteur dans le calcul de son revenu d’emploi pour l’année d’imposition 2017.

Signé à Montréal (Québec), ce 21e jour de juin 2022.

« Dominique Lafleur »

La juge Lafleur


Référence : 2022 CCI 65

Date : 20220621

Dossier : 2019-2451(IT)I


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

I. CONTEXTE

[1] Le présent appel est interjeté à l’encontre d’une nouvelle cotisation établie en application de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la « LIR ») à l’égard de l’année d’imposition 2017 de M. Mason. Au moment de produire sa déclaration de revenus pour l’année 2017, M. Mason, qui est employé comme contremaître de chantier par l’entreprise Wetherell Contracting Ltd. (« Wetherell »), a réclamé dans le calcul de son revenu d’emploi une déduction pour frais afférents à un véhicule à moteur totalisant 9 853 $, ce qui représente 90 % des frais totaux de 10 948 $ qu’il a engagés cette année-là pour l’utilisation de son véhicule personnel, un camion Ford F350 (le « camion »).

[2] Le ministre du Revenu national (le « ministre ») n’a accepté qu’une déduction de 7 175 $ pour les frais afférents à un véhicule à moteur. Le ministre a refusé d’accorder la portion de 2 678 $ relative aux frais afférents à un véhicule à moteur, soit la portion des frais encourus par M. Mason lors de ses déplacements de son domicile aux divers chantiers de construction de Wetherell et vice versa, au motif qu’il s’agissait de frais personnels qui n’étaient pas déductibles aux termes de l’alinéa 8(1)h.1) de la LIR.

[3] Au début du procès, l’intimée a reconnu des frais afférents à un véhicule à moteur supplémentaires de 489 $. En outre, comme il est indiqué dans l’avis d’opposition et tel qu’il a été confirmé lors de l’audience, M. Mason a réduit sa demande totale à 9 306 $, ce qui représente 85 % de l’ensemble des frais afférents à un véhicule à moteur qu’il a engagés en 2017. Le montant total relatif aux frais afférents à un véhicule à moteur qui est encore en litige dans le présent appel s’élève donc à 1 642 $.

[4] À l’audience, seul M. Mason a témoigné. J’estime que son témoignage était fiable et crédible, et qu’il était un témoin très franc.

II. QUESTION EN LITIGE

[5] La seule question en litige dans le présent appel est de savoir si les frais afférents à un véhicule à moteur totalisant 1 642 $ engagés par M. Mason pour ses allers-retours entre son domicile et les différents chantiers de son employeur sont déductibles en application de l’alinéa 8(1)h.1) de la LIR.

III. PRINCIPES APPLICABLES AUX TERMES DE LA LOI

[6] L’alinéa 8(1)h.1) de la LIR est rédigé comme suit :

8(1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

[...]

Frais afférents à un véhicule à moteur

h.1) dans le cas où le contribuable, au cours de l’année,

(i) a été habituellement tenu d’exercer les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur ou à différents endroits,

(ii) a été tenu, aux termes de son contrat d’emploi, d’acquitter les frais afférents à un véhicule à moteur qu’il a engagés dans l’accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi,

les sommes qu’il a dépensées au cours de l’année au titre des frais afférents à un véhicule à moteur pour se déplacer dans l’exercice des fonctions de son emploi, sauf s’il a, selon le cas :

(iii) reçu une allocation pour frais afférents à un véhicule à moteur qui, par l’effet de l’alinéa 6(1)b) n’est pas incluse dans le calcul de son revenu pour l’année,

(iv) demandé une déduction pour l’année en application de l’alinéa 8(1)f).

[7] La règle générale définie par la LIR est que les frais encourus pour se déplacer du domicile de l’employé à son lieu de travail et pour en revenir constituent des frais personnels. Ces frais ne sont pas déductibles aux termes de l’alinéa 8(1)h.1) de la LIR, car ils ne sont pas engagés dans l’exercice des fonctions de l’employé (Hogg v. Canada, 2002 CAF 177 [Hogg], par. 9; Smith c. Canada, 2019 CAF 173, par. 41; et Daniels c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 125 [Daniels], par. 7).

[8] Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale, l’expression « frais afférents à un véhicule à moteur pour se déplacer dans l’exercice des fonctions de son emploi » exige nécessairement que ces frais soient engagés par le contribuable dans l’accomplissement des fonctions de sa charge (Hogg, par. 13). Il faut distinguer l’employé qui engage des frais de déplacement pour se rendre au travail, qui ne sont pas déductibles, de l’employé qui engage des frais de déplacement dans l’accomplissement des fonctions de sa charge, qui, eux, sont déductibles (Hogg, par. 11).

[9] Au fil des ans, la jurisprudence a reconnu des exceptions à la règle générale, par exemple lorsque les résidences des contribuables constituent leur lieu de travail selon l’exigence de l’employeur.

[10] Dans la décision Campbell v. The Queen, 2003 CCI 160 [Campbell], la Cour a conclu que, tant les bureaux à domicile des employés que ceux se trouvant sur les lieux de travail de leur employeur étaient des lieux de travail habituels et que les employés devaient se déplacer entre les deux lieux de travail dans l’exercice de leurs fonctions. La décision Campbell n’aborde pas la question de la déduction des frais afférents à un véhicule à moteur en application de l’alinéa 8(1)h.1) de la LIR, mais examine plutôt si des indemnités de déplacement étaient exonérées d’impôt aux termes de l’alinéa 6(1)b) de la LIR étant donné qu’elles avaient été reçues par les employés en contrepartie de leurs déplacements dans le cadre de leurs fonctions. Les motifs de la décision Campbell ont été repris dans le jugement Toutov v. The Queen, 2006 CCI 187, dans le contexte d’une déduction pour frais afférents à un véhicule à moteur.

[11] La Cour d’appel fédérale a établi une distinction entre la décision Campbell et l’arrêt Daniels, mais cite cette première décision en l’approuvant (Daniels, par. 9).

[12] De plus, dans l’arrêt Hoedel v R (1986), 86 DTC 6535 (CAF) [Hoedel], un policier, qui était responsable d’un chien policier, devait ramener le chien à son domicile et l’emmener avec lui lorsqu’il faisait ses courses personnelles, comme faire l’épicerie, dans le but de le socialiser. La preuve a démontré que le non-respect de ces instructions aurait pu se solder par des évaluations de rendement défavorables. La Cour d’appel fédérale a conclu que les déplacements entre le poste de police et la résidence du policier ainsi que les déplacements nécessaires, notamment chez le vétérinaire, étaient obligatoires dans l’exercice de ses fonctions. Par conséquent, les frais afférents à ces déplacements étaient déductibles. La Cour a néanmoins conclu que les déplacements pour les courses personnelles n’étaient pas déductibles.

IV. THÈSE DES PARTIES

[13] M. Mason soutient que les frais afférents à un véhicule à moteur qu’il a engagés dans le cadre de ses allers-retours entre sa résidence et les divers chantiers de Wetherell sont déductibles aux termes de l’alinéa 8(1)h.1) de la LIR, car son employeur lui demandait d’apporter les outils, l’équipement et les matériaux de l’employeur chez lui le soir aux fins d’entretien et de sécurité, et de les rapporter sur les divers chantiers le lendemain. De ce fait, M. Mason allègue que ces déplacements sont effectués dans le cadre de son emploi et ne sont pas de nature personnelle.

[14] L’intimée allègue que les frais afférents à un véhicule à moteur engagés par M. Mason pour ses allers-retours entre sa résidence et les divers chantiers de Wetherell ne sont pas déductibles aux termes de l’alinéa 8(1)(h.1) de la LIR puisque M. Mason a fait ces déplacements simplement pour se rendre au travail, comme n’importe quel autre employé, et que ces déplacements n’étaient pas effectués dans le cadre de ses fonctions.

V. DISCUSSION

[15] La seule question en litige en l’espèce est de savoir si les frais afférents à un véhicule à moteur totalisant 1 642 $ engagés par M. Mason pour se rendre de son domicile aux différents chantiers de son employeur et en revenir sont déductibles en application de l’alinéa 8(1)h.1) de la LIR. Deux des conditions énoncées dans l’alinéa 8(1)h.1) de la LIR sont en litige. Je dois, par conséquent, trancher les questions suivantes : M. Mason était-il habituellement tenu d’exercer ses fonctions à l’extérieur des chantiers de son employeur ou à des endroits différents? Les frais de déplacement ont-ils été engagés dans le cadre de l’emploi de M. Mason? Les autres conditions à respecter pour qu’une déduction des frais afférents à un véhicule à moteur soit accordée dans le calcul du revenu d’emploi ne sont pas en litige dans le présent appel.

[16] Pour les motifs qui suivent, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, M. Mason était habituellement tenu d’exercer ses fonctions d’emploi dans différents lieux, à savoir dans le garage de sa résidence, où il réparait, entretenait et entreposait les outils et l’équipement de son employeur, et où il entreposait également des matériaux de ce dernier, de même qu’aux divers chantiers de Wetherell, où il supervisait son équipe et construisait des maisons.

[17] Je conclus également que, selon la prépondérance des probabilités, les frais afférents à un véhicule à moteur engagés par M. Mason pour ses allers-retours entre sa résidence et les divers chantiers de son employeur sont des frais qu’il a engagés pour se déplacer dans le cadre de son emploi à Wetherell.

[18] Par conséquent, je conclus que les frais afférents à un véhicule à moteur totalisant 1 642 $ engagés par M. Mason dans ses allers-retours entre sa résidence et les divers chantiers sont déductibles aux termes de l’alinéa 8(1)h.1) de la LIR.

Exercer des fonctions d’employés dans différents lieux

[19] Wetherell est une entreprise du secteur de la construction qui construit généralement des maisons et des maisons en rangée. À titre de contremaître pour Wetherell, M. Mason supervisait une équipe de 17 personnes. En 2017, Wetherell a réalisé environ 50 projets, sur de nombreux chantiers de construction.

[20] Je retiens le témoignage de M. Mason selon lequel l’entretien des outils était une part importante de ses fonctions de contremaître, car chaque matin, son équipe devait disposer des outils et de l’équipement adéquats pour effectuer son travail. Je conclus également qu’une partie des tâches liées à l’emploi de M. Mason consistait à s’assurer que les travailleurs se trouvaient chaque matin de travail au chantier désigné et qu’ils étaient prêts à travailler avec des outils, de l’équipement et des matériaux en bon état de fonctionnement.

[21] La preuve a démontré que, dans le cadre des fonctions de M. Mason, Wetherell lui demandait de transporter chez lui tous les soirs ses outils ainsi que de l’équipement et des matériaux afin de les entreposer en lieu sûr dans son garage (qui se trouvait dans sa résidence), de réparer les outils et l’équipement en mauvais état et de les rapporter le lendemain matin sur les chantiers de Wetherell pour le travail. La preuve indique également que M. Mason utilisait un endroit désigné dans son garage pour entreposer et réparer les outils ainsi que pour entreposer l’équipement et les matériaux de Wetherell. M. Mason conservait également ses outils à main et sa ceinture à outils dans son garage. Il apportait sa ceinture à outil tous les jours au travail, mais pas ses outils à main personnels.

[22] Généralement, chaque matin de travail, M. Mason se rendait à son garage, chargeait les outils, l’équipement et les matériaux de son employeur dans son camion et déterminait les chantiers où lui et son équipe devaient travailler ce jour-là. M. Mason conduisait ensuite son camion jusqu’au chantier assigné et s’assurait que son équipe était organisée et prête pour le travail. Il devait parfois transporter certains membres de son équipe, des outils et de l’équipement à un autre chantier pendant la journée. Selon le jour, M. Mason devait parfois se rendre dans un magasin de bois d’œuvre pour acheter des matériaux. À l’occasion, il devait tirer une remorque appartenant à Wetherell ou transporter une génératrice et des échafauds devant être utilisés sur le chantier.

[23] À la fin de chaque jour de travail, Wetherell demandait à M. Mason de charger tous les outils, l’équipement et les matériaux de l’entreprise dans son camion et de les transporter du chantier jusque chez lui, dans son garage. M. Mason déchargeait alors les outils, l’équipement et les matériaux à l’emplacement désigné dans son garage, nettoyait les outils et l’équipement et réparait ceux-ci au besoin. Puisque les outils se brisaient souvent au cours d’une journée de travail, la preuve démontre que M. Mason devait régulièrement les réparer le soir, dans son garage.

[24] M. Mason a également témoigné que les vols d’outils, d’équipement et de matériaux sur les chantiers constituaient un risque réel et que le fait de les rapporter dans son garage afin de les entreposer en lieu sûr pour la nuit était la solution choisie par son employeur pour éviter de tels vols.

[25] L’intimée a prié la Cour d’établir une distinction avec la décision Campbell, au motif que M. Mason n’exerçait pas la majorité de ses fonctions liées à l’emploi dans son garage. Pour les motifs qui suivent, je ne souscris pas à la thèse de l’intimée.

[26] La décision Campbell aborde un scénario factuel très semblable à celui de M. Mason. Les motifs de cette décision devraient donc s’appliquer au présent appel. Dans la décision Campbell, la Cour a conclu que les employés avaient deux lieux de travail : un dans leur bureau à domicile et un second au bureau de leur employeur. Il ressort des faits de cette décision que les employés travaillaient essentiellement à partir de leur bureau à domicile et se rendaient moins fréquemment au bureau de leur employeur. La Cour a conclu sans l’ombre d’un doute que les deux lieux étaient des lieux de travail « habituels » (par. 10). De ce fait, la Cour a tranché que les déplacements des employés entre leur domicile et le lieu de travail de leur employeur faisaient partie de leurs fonctions (par. 14).

[27] Je conclus que les tâches de M. Mason relatives à la réparation, au nettoyage et à l’entreposage des outils, de l’équipement et des matériaux dans son garage étaient requises dans le cadre de son emploi et qu’il était « habituellement tenu d’accomplir les fonctions de son emploi [...] à différents endroits » (sous-alinéa 8(1)h.1)i) de la LIR). Ce sous-alinéa n’exige pas que la majorité des fonctions de l’emploi soient effectuées à différents endroits, mais que l’employé soit habituellement tenu d’accomplir les fonctions de son emploi à différents endroits.

[28] Le dictionnaire Oxford English Dictionary définit ainsi le terme [traduction] « habituellement » (en ligne : <https://www.oed.com/>) :

[traduction]

1. Conforme à une règle ou à une coutume ou pratique établie; conformément à une méthode établie; pratique ou événement courant. Désuet.

2. Dans le cours ordinaire ou habituel des événements ou de l’état des choses; dans la plupart des cas; communément.

3. De façon ordinaire ou normale.

4. D’un niveau normal; dans la portée habituelle.

[29] Un particulier sera donc considéré comme exerçant habituellement les fonctions de son emploi dans des endroits différents aux fins du sous-alinéa 8(1)h.1)i) de la LIR s’il exerce les fonctions de son emploi dans des endroits différents dans le cours habituel ou normal des événements ou de l’état des choses. M. Mason s’inscrit exactement dans cette définition.

[30] La preuve a démontré que, dans le cours habituel d’une journée, M. Mason devait exercer ses fonctions d’emploi dans son garage ainsi qu’aux différents chantiers de construction de Wetherell. Il devait habituellement entreposer les outils, l’équipement et les matériaux de son employeur dans son garage afin d’éviter les vols, en plus d’entretenir et de réparer les outils et l’équipement de son employeur à cet endroit. En outre, il devait habituellement transporter ces outils, cet équipement et ces matériaux le lendemain sur les chantiers, afin que son équipe soit en mesure de travailler adéquatement.

[31] Même s’il est possible que M. Mason ait travaillé la majorité de sa journée de travail aux différents chantiers de construction de Wetherell, cela n’enlève rien au fait que son garage était un endroit où il exerçait des fonctions d’emploi demandées par son employeur. Aucun élément de preuve n’a été présenté à la Cour démontrant que M. Mason entreposait, réparait et entretenait les outils, l’équipement et les matériaux à un autre endroit que dans son garage. Pour cet ensemble de tâches, son garage était son lieu habituel d’emploi.

[32] Le formulaire T‑2200, produit en preuve en tant que pièce A‑1 (le « formulaire T2200 »), énonce qu’une partie des exigences relatives à l’emploi de M. Mason implique que celui-ci doit rapporter des outils, de l’équipement et des matériaux de Wetherell chez lui afin de les entreposer pour la nuit dans son garage. Il y est énoncé que Wetherell a demandé à M. Mason de payer les frais afférents au transport des outils et de l’équipement de Wetherell à son domicile afin d’assurer leur entreposage en lieu sûr. On y retrouve également que le contrat d’emploi de M. Mason stipule qu’il doit utiliser son garage à cette fin.

[33] Ainsi, le formulaire T2200 indique que Wetherell a choisi de demander à M. Mason d’exécuter ces fonctions dans son garage. Le garage de M. Mason a effectivement été désigné par Wetherell comme un lieu de travail où celui-ci doit effectuer une partie de ses fonctions dans le cadre de son emploi à Wetherell.

[34] Il n’y a rien en l’espèce qui indique que M. Mason a choisi de son propre gré d’effectuer ses fonctions d’emploi nécessaires chez lui, dans son garage. Il n’y a aucun élément de preuve démontrant que M. Mason aurait pu choisir d’effectuer ces fonctions nécessaires dans un endroit autre que son garage.

Frais engagés pour les déplacements dans le cadre de son emploi

[35] L’intimée soutient que les allers-retours de M. Mason entre sa résidence et les chantiers de Wetherell n’étaient pas effectués dans le cadre de ses fonctions d’emploi et prie la Cour de distinguer les faits entourant la cause de M. Mason de ceux retrouvés dans l’arrêt Hoedel. L’intimée fait valoir que la principale conclusion de l’arrêt Hoedel était que le contribuable subirait des évaluations défavorables dans le cadre de son emploi s’il ne se conformait pas à l’exigence de ramener son chien avec lui à son domicile. L’intimée affirme qu’aucun élément de preuve n’a été présenté à la Cour indiquant que M. Mason subirait des évaluations défavorables s’il ne se conformait pas à l’exigence de rapporter les outils, l’équipement et les matériaux de Wetherell chez lui, et affirme donc que l’arrêt Hoedel ne s’applique pas à la situation de M. Mason.

[36] Pour les motifs qui suivent, je ne souscris pas à la thèse de l’intimée.

[37] À mon avis, la preuve présentée lors de l’audience démontre que la situation de M. Mason constitue une exception à la règle générale selon laquelle les frais encourus pour les déplacements entre le domicile d’un employé et son lieu de travail sont des frais personnels qui ne sont pas déductibles. La situation de M. Mason est semblable à l’exception décrite dans la décision Campbell et est analogue à la situation examinée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hoedel.

[38] Je suis d’avis que les coûts engagés par M. Mason pour ses allers-retours entre sa résidence et les divers chantiers de construction de Wetherell constituent des frais de déplacement qu’il a engagés dans le cadre des fonctions de son emploi. La journée de travail de M. Mason ne se terminait pas lorsqu’il quittait les chantiers de construction de Wetherell pour retourner chez lui. Elle se poursuivait dans l’endroit désigné de son garage et ne se terminait que lorsque les outils et l’équipement de Wetherell étaient réparés et que les outils, l’équipement et les matériaux étaient entreposés en lieu sûr pour la nuit. La journée de travail de M. Mason ne commençait pas lorsqu’il arrivait sur les chantiers de construction de Wetherell. Elle commençait lorsqu’il chargeait les outils, l’équipement et les matériaux de Wetherell dans son camion et les transportait aux chantiers désignés afin que son équipe puisse les utiliser.

[39] Le formulaire T2200 indique clairement que le contrat d’emploi de M. Mason stipule qu’il doit rapporter les outils, l’équipement et les matériaux chez lui tous les soirs, et qu’il doit engager les frais nécessaires pour s’acquitter de ces fonctions. Le formulaire T2200 démontre que M. Mason était tenu d’engager ces dépenses afférentes au déplacement dans l’exercice de ses fonctions d’emploi.

[40] En outre, même si je ne dispose pas d’élément de preuve démontrant que M. Mason aurait subi des conséquences négatives s’il ne s’était pas conformé pas à ces fonctions, je peux inférer qu’il existe une possibilité raisonnable selon laquelle M. Mason aurait pu subir des conséquences négatives s’il ne s’y était pas conformé. Certainement, M. Mason aurait subi des conséquences négatives s’il avait laissé les outils, l’équipement et les matériaux sur un chantier et que ceux-ci avaient été volés, ou que son équipe devait régulièrement travailler avec des outils brisés, voire sans aucun outil.

VI. CONCLUSION

[41] Pour les motifs qui précèdent, l’appel est accueilli, sans dépens.

[42] Aux fins du calcul de son revenu d’emploi pour 2017, aux termes de l’alinéa 8(1)h.1) de la LIR, M. Mason est en droit de déduire des frais afférents à un véhicule à moteur supplémentaires totalisant 2 131 $, ce qui comprend :

  • (i)un montant de 489 $, conformément à ce qui a été concédé par l’intimée au début du procès;

  • (ii)un montant de 1 642 $, compte tenu de ma conclusion selon laquelle, selon la prépondérance des probabilités, M. Mason était habituellement tenu d’exercer ses fonctions d’emploi dans des endroits différents et que les frais engagés par M. Mason dans le cadre de ses allers-retours entre sa résidence et les divers chantiers de Wetherell sont des frais qu’il a engagés pour ses déplacements dans le cadre de son emploi pour son employeur.

Signé à Montréal (Québec), ce 21e jour de juin 2022.

« Dominique Lafleur »

La juge Lafleur


RÉFÉRENCE :

2022 CCI 65

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2019-2451(IT)I

INTITULÉ :

WADE KENNETH MASON et
SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Victoria (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 avril 2022

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Dominique Lafleur

DATE DU JUGEMENT :

Le 21 juin 2022

COMPARUTIONS :

Représentant de l’appelant :

Arthur William Mason

Avocat de l’intimée :

Me Mark Shearer

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour :

Nom :

[En blanc / Blank]

Cabinet :

[En blanc / Blank]

Pour l’intimée :

François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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