Requête entendue le 30 avril et le 14 septembre 2018,
à Vancouver (Colombie-Britannique)
Devant : L’honorable juge F.J. Pizzitelli
Comparutions :
Me Alexander Demner
Me Jennifer Flood
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Me Lisa Macdonell
Me Shannon Fenrich
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ORDONNANCE MODIFIÉE
La requête présentée par l’appelant pour que soient tranchées deux questions en application du paragraphe 58(1) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) est rejetée conformément aux motifs de l’ordonnance ci-joints. L’appelant paiera les dépens à l’intimée relativement à la présente requête, quelle que soit l’issue de la cause.
La présente ordonnance modifiée et les présents motifs de l’ordonnance modifiés remplacent l’ordonnance et les motifs de l’ordonnance datés du 25 septembre 2018.
Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 2e jour d’octobre 2018.
Traduction certifiée conforme
ce 5e jour d'août 2020.
François Brunet, réviseur
ENTRE :
THOMAS HUNT,
appelant,
et
SA MAJESTÉ LA REINE,
intimée.
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
MOTIFS MODIFIÉS DE L’ORDONNANCE
[1]
Notre Cour est saisie d’une requête en application du paragraphe 58(1) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) pour que soient tranchées les deux questions qui suivent conformément à l’ordonnance du juge Boyle datée du 17 juillet 2017 :
a) L’article 207.05 de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) est-il inconstitutionnel, car contraire de façon inadmissible au droit de légiférer en ce qui concerne « [l]a propriété et les droits civils » qui est accordé exclusivement aux provinces aux termes du paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867; ou
b) L’article 207.05 de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) est-il inconstitutionnel en raison d’une délégation incorrecte de l’élément d’établissement du taux d’imposition aux termes de celui-ci au ministre du Revenu national, donc contraire à l’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867?
[2]
Je discuterai chaque question séparément et en ordre inverse pour respecter l’ordre dans lequel les deux parties ont défendu leurs arguments relatifs à ces questions au cours de l’audience de deux jours qui a eu lieu à cet égard, après avoir donné la trame de fond factuelle et législative de la requête.
[3]
Il n'est pas controversé entre les parties que la Cour a compétence pour examiner la validité constitutionnelle d’une disposition de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») sur laquelle une cotisation est fondée et annuler les cotisations dans le cas où la disposition sous-jacente à l’imposition est jugée inconstitutionnelle conformément à la jurisprudence Horseman c. Canada, 2016 CAF 252, de la Cour d’appel fédérale.
[4]
La présente requête concerne de nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en ce qui concerne les années d’imposition 2010, 2011, 2012 et 2013 de l’appelant aux termes de l’article 207.05 de la Loi, à l’égard d’impôts s’élevant à 24 833 $, à 14 973 $, à 35 441 $ et à 49 158 $, respectivement, découlant de l’avantage qu’il a reçu aux termes de cette disposition relativement à son transfert des actions d’une société privée à son compte d’épargne libre d’impôt (« CELI ») décrit ci-dessous. La trame de fond factuelle est également exposée dans l’exposé conjoint des faits (« ECF ») et l’affidavit de l’appelant déposés à la Cour le 11 septembre 2017, auxquels il sera fait référence de temps à autre. En ce qui concerne les opérations qui ont donné lieu aux nouvelles cotisations, il y avait le transfert par l’appelant d’actions ordinaires du capital-actions d’une société privée qu’il a acquise à son CELI après que la société eût procédé à une restructuration sous forme de gel, à savoir une restructuration dans le cadre de laquelle des actions ordinaires existantes ont été échangées contre des actions privilégiées ayant la juste valeur marchande d’alors de telles actions ordinaires existantes après quoi de nouvelles actions ordinaires de valeur peu élevée ont été émises au nom de l’appelant et de tiers. Ces opérations sont exposées plus précisément dans les actes de procédure. L’appelant a effectué le transfert d’un total de 14 147 nouvelles actions ordinaires de la société à son CELI au cours des années 2009, 2010, 2011 et 2012 et, en 2013, il a vendu ses actions conformément à une convention d'actionnaires exigeant qu’il le fasse après son départ à la retraite à un prix de vente plus élevé reflétant la juste valeur marchande d’alors de 114 067,26 $ (8,063 $ par action).
[5]
En ce qui concerne le cadre légal, bien que je porterai mon attention sur les dispositions pertinentes plus en détail dans le cadre de mon analyse des questions en litige, je crois qu’il est important de me pencher sur les dispositions essentielles en cause à ce stade, à savoir l’article 207.05 et les dispositions connexes comme l’article 207.01, qui comprennent les définitions qui y sont applicables, l’article 207.06, qui pourrait être considéré une disposition d’allègement pour laquelle l’allègement est exercé à la discrétion du ministre aux fins de la présente introduction, ainsi que le régime général global du traitement par la Loi des CELI.
[6]
L’appelant a correctement décrit le régime législatif, initialement adopté par la Chambre des communes et le Sénat et entré en vigueur le 18 juin 2008 après avoir reçu la sanction royale, aux paragraphes 4 à 9 de ses observations qualifiant essentiellement ce régime de régime permettant au contribuable de cotiser jusqu’à 5 000 $ par année à une fiducie à partir de 2009 aux termes de l’article 146.2 de la Loi. Ces cotisations ne sont pas déductibles du revenu (contrairement aux cotisations à un REER, par exemple), mais le revenu gagné ou les gains en capital sont exonérés d’impôt aux termes de la partie I de la Loi, à moins que le CELI exerce des activités ou détienne des placements non admissibles. Les retraits des CELI ne sont pas compris à l’égard de l’impôt, logiquement puisque la cotisation initiale est imposée et puisque le revenu gagné dans le CELI est exonéré de l’impôt de la partie I.
[7]
Toutefois, la partie XI.01, également adoptée au même moment, au départ seulement applicable aux CELI, mais plus tard adoptée à l’égard des REER et d’autres régimes de revenus différés, appliquait de nouveaux impôts aux CELI et à leurs titulaires en raison de cotisations versées en trop, de cotisations par des non-résidents, de placements interdits et non admissibles détenus par le CELI et d’impôts sur des « avantages » de la nature de bénéfices découlant de l’utilisation de CELI, ce dernier point faisant l’objet du présent appel.
[8]
En résumé, il s’agit d’un régime qui comprend à la fois une exemption des impôts autrement payables sur le revenu gagné dans le régime et des impôts, certains à un taux très élevé, en fait 100 % en application de l’article 207.05 quant aux hausses annuelles de la valeur du régime, dans le cadre duquel un avantage est donné au titulaire ou par son intermédiaire, apparemment sur un abus ou une mauvaise utilisation du régime visé comme décrit dans les dispositions particulières de celui-ci. Ce régime prévoit également une disposition d’allègement à l’article 207.06 permettant au ministre d’offrir un allègement à l'impôt appliqué aux termes de l’article 207.05 au moyen d’une renonciation partielle ou totale ou de l’annulation de cet impôt.
[9]
Les dispositions pertinentes sont libellées comme suit :
Impôt à payer relativement à un avantage
207.05 (1) Un impôt est à payer en vertu de la présente partie pour une année civile si, au cours de l’année, un avantage relatif à un régime enregistré est accordé au particulier contrôlant du régime, à une fiducie régie par le régime ou à toute autre personne ayant un lien de dépendance avec le particulier contrôlant, ou est reçu ou à recevoir par ceux-ci.
Impôt à payer
(2) L’impôt à payer relativement à l’avantage correspond à celle des sommes suivantes qui est applicable :
a) s’agissant d’un bénéfice, sa juste valeur marchande;
b) s’agissant d’un prêt ou d’une dette, son montant;
c) s’agissant d’une somme découlant d’un dépouillement de régime enregistré, cette somme.
Assujettissement
(3) Chaque particulier contrôlant d’un régime enregistré relativement auquel l’impôt prévu au paragraphe (1) est établi est solidairement redevable de l’impôt. Toutefois, si l’avantage est accordé par l’émetteur ou le promoteur du régime ou par une personne avec laquelle il a un lien de dépendance, l’émetteur ou le promoteur, et non le particulier contrôlant, est redevable de l’impôt.
[...]
[10]
L'« avantage » est défini comme suit à l’article 207.01 :
avantage Est un avantage relatif à un régime enregistré :
a) tout bénéfice ou prêt, ou toute dette, qui est subordonné à l’existence du régime, à l’exception :
(i) de tout bénéfice provenant de la fourniture de services de gestion ou de placement relatifs au régime,
(ii) de tout prêt ou dette (y compris, dans le cas d’un compte d’épargne libre d’impôt, l’utilisation du compte à titre de garantie d’un prêt ou d’une dette) dont les modalités sont telles qu’elles auraient été acceptées par des personnes n’ayant entre elles aucun lien de dépendance,
(iii) de tout paiement effectué dans le cadre du régime en règlement de tout ou partie de la participation dans le régime d’un bénéficiaire ou particulier contrôlant du régime,
(iv) du paiement ou de l’attribution d’une somme au régime par l’émetteur ou le promoteur,
(iv.1) une somme versée sous le régime ou par l’effet de la Loi canadienne sur l’épargne-invalidité, de la Loi canadienne sur l’épargne-études ou d’un programme provincial désigné,
(v) de tout bénéfice provenant d’un programme d’encouragement qui — dans un contexte commercial ou financier normal où des parties n’ont entre elles aucun lien de dépendance et agissent librement, prudemment et en toute connaissance de cause — est offert à une vaste catégorie de personnes, s’il est raisonnable de conclure qu’aucun des objets principaux du programme ne consiste à permettre à une personne ou à une société de personnes de profiter de l’exemption d’impôt prévue par la partie I à l’égard d’une somme relative au régime;
b) tout bénéfice qui représente une hausse de la juste valeur marchande totale des biens détenus dans le cadre du régime qu’il est raisonnable de considérer, compte tenu des circonstances, comme étant attribuable, directement ou indirectement :
(i) soit à une opération ou à un événement, ou à une série d’opérations ou d’événements, qui, à la fois :
(A) ne se serait pas produit dans un contexte commercial ou financier normal où des parties sans lien de dépendance traitent librement, prudemment et en toute connaissance de cause,
(B) a pour objet principal notamment de permettre à une personne ou à une société de personnes de profiter de l’exemption d’impôt prévue à la partie I à l’égard d’une somme relative au régime,
(ii) soit à un paiement reçu au titre ou en règlement total ou partiel, selon le cas :
(A) d’un paiement pour des services fournis par le particulier contrôlant du régime ou par une personne avec laquelle il a un lien de dépendance,
(B) d’un paiement d’intérêts, de dividende, de loyer, de redevance ou de tout autre rendement sur placement, ou d’un paiement de produit de disposition, relatif à des biens (sauf ceux détenus dans le cadre du régime) détenus par le particulier contrôlant du régime ou par une personne avec laquelle il a un lien de dépendance,
(iii) soit à une opération de swap,
(iv) soit à un revenu de placement non admissible déterminé qui n’a pas été versé sur le régime au particulier contrôlant de celui-ci dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où ce particulier a reçu l’avis du ministre mentionné au paragraphe 207.06(4);
c) tout bénéfice qui représente un revenu (déterminé compte non tenu de l’alinéa 82(1)b)) ou un gain en capital qu’il est raisonnable d’attribuer, directement ou indirectement :
(i) soit à un placement interdit relativement au régime ou à tout autre régime enregistré du particulier contrôlant,
(ii) soit, dans le cas d’un régime enregistré qui n’est pas un CELI, à une somme reçue par le particulier contrôlant du régime, ou par une personne avec laquelle il a un lien de dépendance, au titre ou en paiement intégral ou partiel des services visés à la division (A) ou des sommes visées à la division (B), s’il est raisonnable de considérer, compte tenu des circonstances, que le paiement est effectué relativement à des biens détenus dans le cadre du régime ou qu’il n’aurait pas été effectué en l’absence de tels biens :
(A) d’un paiement pour des services fournis par le particulier contrôlant du régime ou par une personne avec laquelle il a un lien de dépendance,
(B) des intérêts, un dividende, un loyer, une redevance ou tout autre rendement sur placement, ou un produit de disposition,
(iii) soit à une cotisation excédentaire intentionnelle;
d) toute somme découlant d’un dépouillement de régime enregistré relatif au régime;
e) tout bénéfice visé par règlement. (advantage)
Renonciation de l’impôt à payer
207.06 (1) Le ministre peut renoncer à tout ou partie de l’impôt dont un particulier serait redevable par ailleurs en vertu de la présente partie par l’effet des articles 207.02 ou 207.03, ou l’annuler en tout ou en partie, si, à la fois :
a) le particulier convainc le ministre que l’obligation de payer l’impôt fait suite à une erreur raisonnable;
b) sont effectuées sans délai sur un compte d’épargne libre d’impôt dont le particulier est titulaire une ou plusieurs distributions dont le total est au moins égal au total des sommes suivantes :
(i) la somme sur laquelle le particulier serait par ailleurs redevable de l’impôt,
(ii) le revenu, y compris le gain en capital, qu’il est raisonnable d’attribuer, directement ou indirectement, à la somme visée au sous-alinéa (i).
Renonciation de l’impôt à payer
(2) Le ministre peut renoncer à tout ou partie de l’impôt dont une personne serait redevable par ailleurs en vertu de la présente partie par l’effet du paragraphe 207.04(1) ou de l’article 207.05, ou l’annuler en tout ou en partie, dans le cas où il est juste et équitable de le faire compte tenu des circonstances, y compris :
a) le fait que l’impôt fait suite à une erreur raisonnable;
b) la mesure dans laquelle l’opération ou la série d’opérations qui a donné lieu à l’impôt a également donné lieu à un autre impôt prévu par la présente loi;
c) la mesure dans laquelle des paiements ont été faits sur le régime enregistré de la personne.
(3) [Abrogé, 2013, ch. 40, art. 77]
Autres pouvoirs du ministre
(4) Le ministre peut aviser le particulier contrôlant d’un régime enregistré de l’obligation de celui-ci de faire en sorte que soit effectué sur le régime au profit du particulier, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la réception de l’avis, le paiement d’une somme au moins égale au montant du revenu de placement non admissible déterminé relativement au régime.
[11]
J’examinerai maintenant la question de savoir si l’article 207.05 est inconstitutionnel, tout d’abord, au regard de l’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 (la « Constitution ») et ensuite la question de savoir s’il porte atteinte au pouvoir provincial de légiférer en ce qui concerne « [l]a propriété et les droits civils » en vertu du paragraphe 92(13) de celle-ci.
A.
Question relative à l’article 53
[12]
L’article 53 de la Constitution se lit comme suit :
Bills pour lever des crédits et des impôts
53. Tout bill ayant pour but l’appropriation d’une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d’impôts, devra originer dans la Chambre des Communes.
[13]
Il n'est pas controversé entre les parties que l’article 53 prévoit que le législateur fédéral a la compétence exclusive d’imposer un impôt, consacrant le principe fondamental démocratique « qu’il n’y ait aucune taxation sans représentation », reconnu à plusieurs reprises par la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, notamment Première nation de Westbank c. British Columbia Hydro and Power Authority, [1999] 3 R.C.S. 134, au paragraphe 19, et 620 Connaught Ltd. c. Canada (Procureur général), [2008] 1 R.C.S. 131, 2008 CSC 7.
[14]
Il n'est pas non plus controverse entre les parties que la délégation du pouvoir d’imposition doit être prescrite clairement et expressément pour que soit respecté le principe selon lequel il ne peut y avoir de taxation sans représentation énoncé dans l’arrêt Ontario English Catholic Teachers’ Assn. c. Ontario (Procureur général), [2001] 1 R.C.S. 470, 2001 CSC 15 (« OECTA »), s’appuyant sur l’arrêt Succession Eurig (Re), [1998] 2 R.C.S. 565, et suivi dans l’arrêt Confédération des syndicats nationaux c Canada (Procureur général), [2008] 3 R.C.S. 511, 2008 CSC 68. La Cour suprême du Canada a énoncé ce principe aux paragraphes 74 et 77 de l’arrêt OECTA :
74. La délégation du pouvoir de taxation est constitutionnelle si elle est faite dans un langage explicite et non ambigu. Le principe directeur est que seule la législature peut imposer une nouvelle taxe ab initio. Mais si la législature autorise expressément et clairement un organisme ou un particulier délégataire à imposer une taxe, les exigences du principe « aucune taxation sans représentation » sont remplies. Dans une telle situation, l’autorité délégataire ne sert pas à imposer une taxe complètement nouvelle, mais uniquement à imposer une taxe qui a déjà été approuvée par la législature. [...]
[...]
77. Il est établi depuis longtemps en droit que le critère de la constitutionnalité d’une délégation du pouvoir de taxation est l’utilisation d’un libellé clair et non ambigu. [...]
[15]
Nonobstant ces principes de droit généraux énoncés par la Cour suprême, les parties défendent des points de vue opposés.
[16]
Selon la position de l’appelant, les articles 207.05 et 207.06 doivent être lus de concert rendant l’article 207.05 inconstitutionnel au motif que le législateur a implicitement ou indirectement délégué le pouvoir d’établir un taux d’imposition au ministre et ultimement à ses sous-délégués non élus en utilisant un texte incertain et ambigu ce qui dépasse de simples détails et mécanismes. En résumé, l’existence de la disposition d’allègement discrétionnaire de l’article 207.06 qui suit l’article 207.05 donne le pouvoir discrétionnaire au ministre d’établir un taux d’imposition se situant entre 0 et 100 % équivalent par conséquent à une délégation implicite du droit d’établir le taux d’imposition.
[17]
Pour prouver une telle position, l’appelant soutient que les principes d’interprétation des lois, les indications limitées à l’égard des « règles des avantages » et la façon dont l’article 207.05 est administré par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») vont dans le sens de sa thèse selon laquelle les dispositions des articles 207.05 et 207.06 sont des dispositions conjointes, c.-à-d. des dispositions qui ne peuvent être appliquées l'une sans l'autre, mais qui doivent être lues de concert, résultant implicitement en la délégation du pouvoir d’établir le taux d’imposition sur les avantages au ministre.
[18]
L’intimée soutient que les articles 207.05 et 207.06 sont indépendants et autonomes. L’un constitue une disposition imposant une obligation et l’autre une disposition d’allègement aux termes des règles d’interprétation des lois. Elle soutient aussi que l’intention du législateur de traiter l’article 207.05 comme règle anti-évitement conçue pour empêcher des opérations particulières considérées comme une mauvaise utilisation ou un abus de l’exemption du CELI est claire et non équivoque depuis le début et que la façon dont le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire de renonciation ou d’annulation de l’impôt prévu à l’article 207.05 ne constitue pas un motif d'inconstitutionnalité et que, par conséquent, il n’y a pas eu délégation expresse ou implicite d’un pouvoir d’imposition.
[19]
Avant de commencer mon analyse des positions pertinentes des parties, il convient d’observer que l’appelant ne remet pas en cause la validité constitutionnelle de l’article 207.06 pas plus qu’il ne le prétend dans le cadre de la présente requête. En fait, l’avocat de l’appelant a reconnu lors des débats que cet article est constitutionnel. Toutefois, il soutient que puisqu’il doit être lu de concert avec l’article 207.05, cela rend essentiellement l’article 207.05 inconstitutionnel en permettant au ministre d’effectivement établir le taux d’imposition.
[20]
Il n'est pas non plus controversé entre les parties que, conformément à la jurisprudence OECTA de la Cour suprême du Canada, que les trois éléments qui permettent de définir un impôt sont l’assiette fiscale, l’unité de temps et le taux d’imposition au paragraphe 73 dans lequel la cour a observé :
[...] Je partage l’avis de la Cour d’appel de l’Ontario qu’une taxe n’est pas imposée avant que le taux ne soit fixé. Avec l’assiette fiscale et l’unité de temps, le taux d’imposition est un élément qui permet de déterminer un impôt. En effet, si le taux est établi à zéro, il n’y a pas d’impôt. Voici ce que dit la Cour d’appel, à la p. 41 :
[traduction] ... un élément, ou une composante, de l’exercice du pouvoir de taxation consiste en l’établissement du montant, ou du taux, de la taxe, non seulement afin de permettre au contribuable de connaître l’étendue de son obligation, mais aussi pour permettre aux autorités fiscales de déterminer la quantité de recettes fiscales qu’elles peuvent s’attendre à prélever.
[21]
L’appelant concède que l’assiette fiscale et l’unité de temps sont des éléments qui ont été établis à l’article 207.05 par la définition d’un avantage et le déclenchement annuel du soi-disant impôt. L’appelant ne fait que soutenir que le taux d’imposition n’a pas été établi par le législateur, mais a été établi par le ministre exclusivement résultant en la délégation d’un pouvoir fiscal au ministre.
[22]
En toute franchise, je rejette la position de l’appelant et tous ses arguments.
[23]
Tout d’abord, l’appelant allègue que le principe d’interprétation des lois qui doit être appliqué est celui de l’approche textuelle, contextuelle et téléologique énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 CSC 54 (« Canada Trustco »), aux paragraphes 10 et 11 :
10 [...] L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.
[24]
L’appelant s’appuie sur ce qui précède pour essentiellement se rabattre sur sa position par défaut selon laquelle l’article 207.05 n’est pas autonome, mais fait partie d’un régime plus large (c.-à-d., les règles en matière d’avantages) et, par conséquent, d’autres dispositions de ce régime sont pertinentes quant à l’analyse de la constitutionnalité de l’article 207.05 comme il l’affirme au paragraphe 34 de ses observations. L’appelant se fonde sur le Renvoi relatif à la taxe sur les produits et services, [1992] 2 R.C.S. 445, soutenant qu’il enseigne que deux dispositions ou séries de dispositions peuvent être considérées de concert dans l’analyse constitutionnelle pour appuyer sa position. Cette affaire mettait en jeu toutefois une question de répartition des compétences entre les ordres de gouvernement fédéral et provincial. La Cour suprême du Canada s'est penchée sur les dispositions relatives au CTI et au recouvrement de la loi dans le cadre de l’analyse et a conclu que la loi était « véritablement » fiscale et que les dispositions de recouvrement n’étaient pas nécessairement accessoires au pouvoir fiscal du législateur nonobstant un empiétement sur la compétence provinciale à l’égard de la propriété et des droits civils. Ce principe n’a pas servi dans le cadre de l’analyse d’une décision concernant l’article 53 et, par conséquent, une distinction est de mise à ce stade.
[25]
En ce qui concerne l’appelant, la Cour suprême du Canada a bien précisé à plusieurs reprises suivant l’arrêt Canada Trustco, que l’étape de l’approche contextuelle et téléologique est seulement nécessaire lorsque le texte d’une disposition est susceptible de donner lieu à plus d’une interprétation, ce à quoi l’arrêt Canada Trustco précité fait référence. Dans l’arrêt Placer Dome Canada Ltd. c. Ontario (Ministre des Finances), [2006] 1 R.C.S. 715, 2006 CSC 20, le juge LeBel a observé au paragraphe 21 :
[...] Les contribuables ont le droit de s’en remettre au sens clair des dispositions fiscales pour organiser leurs affaires. Lorsqu’il est précis et non équivoque, le texte d’une loi joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation.
[26]
Et il ajoute, au paragraphe 23 :
Le degré de précision et de clarté du libellé d’une disposition fiscale influe donc sur la méthode d’interprétation. Lorsque le sens d’une telle disposition ou son application aux faits ne présente aucune ambiguïté, il suffit de l’appliquer. La mention de l’objet de la disposition [traduction] « ne peut pas servir à créer une exception tacite à ce qui est clairement prescrit » [...] Par conséquent, l’objet d’une loi peut servir non pas à mettre de côté le texte clair d’une disposition, mais à donner l’interprétation la plus plausible à une disposition ambigüe.
[27]
Le juge Iacobucci a clairement énoncé le principe selon lequel le juge ne doit s’écarter du sens ordinaire des mots et se livrer à une analyse contextuelle et téléologique que si le texte est ambigu dans des décisions de la Cour suprême du Canada, notamment Canderel Ltée c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 147, au paragraphe 41, Banque royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411, au paragraphe 112, et Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S 312, au paragraphe 328.
[28]
Je retiens la thèse de l’intimée portant que le texte des articles 207.05 et 207.06 est clair et que chaque article constitue une disposition distincte et autonome. La première disposition est une disposition détaillée établissant un taux d’imposition de 100 % sur les avantages qu’elle définit clairement à l’article 207.01 à l’égard d’opérations précises qu’elle voit clairement comme une mauvaise utilisation ou un abus du régime d’exemption fiscale du CELI, comprenant des exceptions détaillées et particulières. La deuxième disposition donne le pouvoir discrétionnaire au ministre de renoncer ou d’annuler tout ou partie de cet impôt de 100 %. L’article 207.05 ne mentionne aucunement un assujettissement à l’article 207.06 de sorte qu'on ne saurait inférer qu’ils doivent être lus de concert et l’article 207.06 prévoit clairement à la deuxième ligne que l’impôt de 100 % en entier a déjà fait l’objet d’une cotisation :
207.06 (2) Le ministre peut renoncer à tout ou partie de l’impôt dont une personne serait redevable par ailleurs en vertu de la présente partie par l’effet du paragraphe 207.04(1) ou de l’article 207.05, ou l’annuler [...]
[29]
Il ressort clairement du paragraphe 207.06(2) que le régime de renonciation ne prend naissance que lorsque l’impôt dont le contribuable est redevable a été établi. En l’absence de cette disposition, le taux d’imposition de 100 % des « avantages » ne pourrait pas être allégé.
[30]
Si l'on se penche sur ces dispositions elles-mêmes, l’article 207.05 est clairement une disposition qui impose une obligation de payer. Le paragraphe (1) impose l’obligation de payer l’impôt alors que le paragraphe (2) établit le montant de l’impôt payable. Le taux d’imposition est établi par le paragraphe 207.05(2) en ce qui concerne un « avantage » défini au paragraphe 207.01(1) comme étant 100 % du bénéfice ou 100 % du prêt ou de la dette assujetti. L’appelant lui-même déclare dans ses observations écrites que l’article 207.05 impose une obligation de payer un impôt égal à 100 % de l’augmentation de la juste valeur marchande des biens détenus relativement au CELI et que l’alinéa 207.05(2)a) établit le montant de l’impôt payable; l’argument selon lequel l’établissement du taux n’est pas suffisamment détaillé est donc mal fondé. Le texte de l’article 207.05 ne prévoit aucunement la délégation de l’établissement de ce taux que l’appelant reconnaît être de 100 %.
[31]
En examinant les détails de l’article 207.05, il est clair qu’un impôt est seulement payable si un avantage concerne un régime enregistré (en l’espèce, un CELI) et qu’il s’étend au titulaire du régime, à la fiducie régie par le régime ou aux personnes ayant un lien de dépendance avec le titulaire, des conditions essentiellement préalables au déclenchement de l’impôt.
[32]
La définition du mot « avantage » à l’article 207.01 est très détaillée et vise les opérations résultant en des avantages aux paragraphes a) à e). Au paragraphe a), l’avantage désigne tout bénéfice ou prêt, ou toute dette, qui est subordonné à l’existence du régime et cinq exceptions sont établies dont une exception relative à un prêt dont les modalités auraient été acceptées par des personnes n’ayant entre elles aucun lien de dépendance. Au paragraphe b), l’avantage désigne tout bénéfice qui représente une hausse de la juste valeur marchande totale des biens détenus dans le cadre du régime, mais il est exigé qu’il soit raisonnable de considérer, compte tenu des circonstances, que la hausse est attribuable à quatre types d’opérations ou séries d’opérations ou de paiements qui portent généralement sur des opérations de personnes n’ayant entre elles aucun lien de dépendance ou d’opérations qui donnent lieu à un transfert de la valeur dans un CELI comme moyen d’éviter de payer l’impôt. Le paragraphe c) comprend, notamment, un bénéfice qui représente un revenu ou des gains en capital qu’il est raisonnable d’attribuer, directement ou indirectement, à un placement interdit ou à une cotisation excédentaire intentionnelle selon leur définition et ainsi de suite, y compris le paragraphe e) qui comprend tout bénéfice visé par règlement, permettant au Cabinet d’essentiellement prescrire d’autres opérations abusives.
[33]
Il ressort clairement des dispositions générales, mais détaillées de l’article 207.05 que le législateur a déployé des efforts importants dans son appréciation des inclusions, des exceptions, des conditions préalables et des types d’opérations qu’il voulait viser et assujettir à ce lourd impôt au cours de plusieurs années de modifications comme décrit ci-dessous. On est loin de l’approche vague avancée par l’appelant.
[34]
D’autre part, l’article 207.06 fait uniquement référence à la renonciation ou à l’annulation de l’impôt créé par l’article 207.05, donne au ministre un large pouvoir discrétionnaire de renonciation ou d’annulation de tout ou de partie de celui-ci, mais exige que le ministre, dans son examen de toutes les circonstances, porte son attention sur trois circonstances particulières, y compris le fait que l’impôt fait suite à une erreur raisonnable, la mesure dans laquelle l’opération ou la série d’opérations qui a donné lieu à l’impôt a également donné lieu à un autre impôt aux termes de la Loi et la mesure dans laquelle des paiements ont été faits sur le régime enregistré de l'intéressé. À cet égard, je rejette la thèse de l’appelant portant que la prise en compte de ces trois circonstances n’est pas obligatoire. Selon cette disposition, le ministre doit tenir compte de ces circonstances, ce qui en rend l’examen obligatoire.
[35]
Dans ces dispositions, il est uniquement question d’une renonciation aux impôts redevables ou de leur annulation par application des articles 207.04 ou 207.05.
[36]
Par conséquent, il est clair pour moi que rien n’appuie la position de l’appelant selon laquelle ces deux articles doivent nécessairement former un tout et se lire de concert pour conclure que le sens ordinaire des termes équivaut à une délégation implicite d’un pouvoir d’imposition au ministre. Pour ce faire, il faudrait que je sollicite les textes, contrairement à la mise en garde du juge en chef Lamer dans l’arrêt R. c. McIntosh, [1995] 1 R.C.S. 686, dans lequel il observe que l’approche contextuelle de l’interprétation des lois « n’exige généralement pas des tribunaux qu’ils introduisent des termes dans une disposition législative » et que « [c]’est seulement lorsqu’”ils peuvent raisonnablement avoir” un sens particulier que ces termes peuvent être interprétés d’après leur contexte ». De la même façon, il est clair que le taux d’imposition de 100 % est fixé par le sens ordinaire de l’article 207.05 et la définition de l’avantage qui figure à l’article 207.01.
[37]
Il convient d’observer que la citation par l’appelant, à l’appui de sa position, de la jurisprudence précitée de la Cour suprême du Canada, Succession Eurig (Re) et Confédération des syndicats nationaux c. Canada (Procureur général), n'est pas de mise. A l'occasion de ces deux affaires, la Cour suprême a eu recours aux principes énoncés ci-dessus pour conclure que la qualification des frais d’homologation et des cotisations à l’assurance-emploi retenue par les législateurs dans ces affaires était incorrecte, concluant plutôt qu’il s’agissait de dispositions fiscales qui n’étaient pas autorisées par le législateur et qui ne pouvaient par conséquent pas être déléguées. La présente affaire ne soulève nulle question de nouvelle qualification. Il s'agit d’une imposition ab initio et, à part les principes généraux sur la nécessité d’avoir recours à un texte clair, les faits de cette jurisprudence appellent des distinctions. Toutefois, en ce qui concerne les principes relatifs aux textes clairs, je conclus qu’il n’y a clairement aucune délégation d’autorité dans le texte en question.
[38]
Il est également clair que les deux dispositions en question suivent des régimes d’appel et administratifs distincts. Dans le cas où le contribuable conteste l’existence d’un « avantage » qui est imposé aux termes de l’article 207.05, il peut interjeter appel de sa nouvelle cotisation auprès de la Cour. D’autre part, s’il n’est pas d’accord avec l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre ou l’omission d’exercer ce pouvoir discrétionnaire, il peut en interjeter appel auprès de la Cour fédérale, comme il l’a fait en l'occurrence, qui doit en effectuer le contrôle conformément à la norme du caractère raisonnable. En toute franchise, je me demande quelle cour aurait le droit d’entendre tout l’appel si je retenais la thèse de l’appelant selon laquelle ils font en fait partie intégrante de la même disposition.
[39]
Je ne peux également pas accorder de poids à l’argument de l’appelant selon lequel il est démontré que l’article 207.06 et l’article 207.05 doivent être lus de concert parce qu'ils se suivent. Comme on le constate à la lecture du paragraphe 207.06(2) cité juste au-dessus, l’article 207.06 s’applique aussi au paragraphe 207.04(1) qui prévoit le prélèvement annuel auprès d’un titulaire de CELI d’un impôt de 50 % sur la valeur d’un placement interdit ou non admissible qui y est détenu. Bien qu’ils soient rapprochés, ces articles ne se suivent pas et le fait que l’article 207.06 constitue une disposition d’allègement visant différents articles qui prévoient différents taux d’imposition va dans le sens de son caractère autonome en tant que véritable disposition d’allègement. En toute franchise, le placement des dispositions d’allègement à proximité des dispositions auxquelles elles ont pour but d’accorder un allègement est à la fois une façon plus efficace et plus transparente de porter de telles dispositions d’allègement à l’attention du contribuable, facilitant de ce fait sa capacité de demander un tel allègement. Rien n’indique comment on pourrait attribuer de mauvaises intentions ou des intentions cachées au ministre ayant fait cela.
[40]
De plus, le fait que le ministre puisse choisir de son propre chef d’accorder un allègement et de le refléter dans la même nouvelle cotisation s’il choisit de le faire, ou d’attendre que le contribuable interjette appel auprès de la Cour fédérale pour annuler l’impôt en application de l’article 207.06, ne se distingue en rien du ministre exerçant son pouvoir discrétionnaire de renoncer à des intérêts ou à des pénalités avant que le contribuable ne fasse une demande d’allègement, ou ultérieurement, aux termes du paragraphe 220(3.1) de la Loi. Chacune de ces dispositions permet au ministre d’ainsi agir, selon son propre pouvoir discrétionnaire, et, d’un point de vue pratique, il semble que le ministre ne doit pas être critiqué lorsqu’il exerce le pouvoir discrétionnaire qui lui a été accordé de la façon qu’il le juge efficace.
[41]
L’appelant cite une jurisprudence de la Cour suprême du Canada Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, à l’appui de la thèse selon laquelle les politiques administratives et l’interprétation d’une disposition par le ministre est un facteur dont il faut tenir compte dans l’interprétation d’une disposition législative et, au paragraphe 37, la Cour observe :
Les politiques et l’interprétation administratives ne sont pas déterminantes, mais elles ont une certaine valeur et, en cas de doute sur le sens de la législation, elles peuvent être un « facteur important » […].
[42]
J'abonde toutefois dans le sens de l’intimée sur ce qu’un tel principe n’est pas applicable dans une affaire comme en l'espèce : la signification de l’article 207.05 à titre de disposition fiscale est claire et la signification de l’article 207.06 à titre de mesure d’allègement est également claire. La signification de ces dispositions ne soulève aucune ambiguïté selon moi.
[43]
Comme je le discuterai sous peu, il n’est pas nécessaire de se tourner vers la pratique administrative de l’ARC afin de déterminer l’objectif de ces dispositions en tant que dispositions anti-évitement pour veiller à l’intégrité du régime de CELI. La présente affaire se distingue de l’affaire Saumur v City of Quebec, [1953] 2 R.C.S. 299. La Cour devait alors examiner la question de savoir si un règlement municipal exigeant l’approbation préalable écrite du chef de police avant la distribution de documents dans les rues relevait de la compétence provinciale ou excédait ses pouvoirs à l’égard de la liberté d’expression ou de religion; la Cour a examiné la façon dont le chef de police décidait si le contenu de la documentation distribuée dans les rues était inadmissible, à savoir en le lisant et en se faisant sa propre opinion sans directives pour établir s’il était inadmissible. La cour a conclu que le chef de police se servait du règlement comme instrument de censure.
[44]
En l’espèce, il n’est pas nécessaire d’examiner la conduite à l’égard de l’objectif des dispositions en question. Le texte de ces deux dispositions est clair et, comme il a été conclu précédemment, elles doivent être interprétées selon leur signification ordinaire, laquelle est également appuyée par la politique de la loi clairement énoncée que j’ai discutée plus haut. Je souhaite toutefois discuter l’argument de l’appelant selon lequel il ressort des actes administratifs de l’ARC que sa politique consistait à se définir elle-même d’autorité fiscale pour établir le taux de taxation applicable aux avantages reçus. L’appelant mentionne des conseils qui lui ont été donnés dans des lettres lui ayant été envoyées qui proposent, puis confirment subséquemment l’impôt de 100 %, mais qui font référence à la capacité du ministre de renoncer ou d’annuler tout ou partie de cet impôt et qui invitent la présentation d’observations à cet égard comme preuve que l’objectif était que ces dispositions soient lues de concert. De plus, l’appelant mentionne la lettre de décision d’un dénommé M. W., l’agent de l’ARC qui a décidé d’exercer le pouvoir discrétionnaire d’imposer l'obligation de payer un impôt au taux fédéral-provincial marginal combiné le plus élevé plutôt que 100 %, après que l’appelant eut interjeté appel auprès de la Cour fédérale et que cette cour ait ordonné au ministre de considérer l’exercice d’une telle discrétion. À l’annexe de cette lettre de décision réduisant le taux selon ce qui est mentionné précédemment, M. W. a affirmé ce qui suit :
[traduction]
[...] Dans d’autres cas, nous avons renoncé à une partie de l’impôt imputé sur un avantage. Plutôt que d’obliger à payer un impôt de 100 %, nous avons imposé l'obligation de payer au taux marginal supérieur du contribuable variant entre 39 % et 50 % fondée sur une année d’imposition tout dépendant de la province de résidence du contribuable. Cette option est envisagée dans tous les cas où l’impôt imputé sur un avantage a été établi sur des opérations abusives qui ont été conclues avant le 17 octobre 2009.
[...]
Notre recommandation a été faite (et continue de l’être) dans les cas où l’impôt imputé sur un avantage a été établi sur des opérations abusives qui ont été conclues avant le 17 octobre 2009.
[45]
Le fait que l’ARC mentionne sa capacité de renoncer ou d’annuler des pénalités et qu’elle invite à la présentation d’observations fait montre, à mon avis, d’un degré de courtoisie approprié au contribuable et d’une reconnaissance de transparence indiquant qu’elle a un tel pouvoir. Rien n’indique dans une telle lettre circulaire que le contribuable aura gain de cause ou non. Le ministre doit tout de même examiner toutes les circonstances, y compris les trois circonstances qu’il lui incombe d’examiner selon le paragraphe 207.06(2) décrites précédemment afin de remplir son obligation discrétionnaire.
[46]
En ce qui concerne la décision de M. W. dans cette affaire en faveur de l’appelant, bien que je comprenne que M. W. ait indiqué que [traduction] « [d]ans d’autres cas, nous avons renoncé à une partie de l’impôt imputé sur un avantage » et [traduction] « avons imposé une obligation de payer au taux marginal supérieur du contribuable » dans ces cas, il ne déclare pas qu’il s’agit de la politique de l’ARC et que cela est fait dans tous les cas. Tout au plus, il déclare que « [c]ette option est envisagée [non souligné dans l’original] dans tous les cas où l’impôt imputé sur un avantage a été établi sur les opérations abusives qui ont été conclues avant le 17 octobre 2009 ». Encore une fois, il souligne une option que l’ARC envisage dans le cas des opérations abusives qui ont été conclues avant cette date. Rien n’indique que l’ARC doit examiner cette option, l’effet qu’elle a ou n’a pas à l’égard des opérations abusives qui ont été conclues après cette date ou qu’elle s’est engagée à traiter tous les contribuables de la même façon. Cela est évident, en l'espèce, car le ministre n’a pas initialement exercé une telle discrétion, confirmant la nouvelle cotisation au taux de 100 %, et l’a seulement fait après que l’appelant eut interjeté appel auprès de la Cour fédérale.
[47]
L'examen de l’option se distingue de l’engagement de l’exercer dans toutes les circonstances. L’appelant n’a présenté aucune preuve à l’égard d’une politique fixe de l’ARC ou signalé un énoncé politique, une circulaire ou un bulletin appuyant son affirmation.
[48]
En toute franchise, même si l’ARC avait annoncé officiellement qu’elle avait adopté la pratique proposée à titre de politique, je n’arrive pas à comprendre pourquoi l’adoption d’une politique ou de lignes directrices sur l’exercice de ses pouvoirs discrétionnaires, à condition qu’elles ne limitent pas ces pouvoirs en contravention de la disposition, serait répréhensible. Je suis d’avis qu’informer le public d’une telle politique ou de telles lignes directrices ne ferait qu’aider le contribuable à présenter ses observations quant à un allègement. L’appelant s’appuie sur de simples conjectures quant à l’intention ou à l’état d’esprit du ministre à partir des inférences qu’elle tire de cette preuve limitée.
[49]
L’appelant admet lui-même ce qui suit au paragraphe 150 de ses observations, même si cela est fait dans le cadre de la discussion de l’autre question constitutionnelle relative au paragraphe 92(13) de la Constitution :
[traduction]
[...] Le fait que le ministre ait adopté cette pratique n’a pas d’incidence sur la qualification de l’article 207.05 discutée précédemment. La pratique du ministre n’est pas loi, [...]
[50]
Bien qu’il soutient que le ministre est la personne qui établit le taux, les incohérences de l’appelant et les inférences qu’il tire dans toutes ses observations sont souvent inconciliables.
[51]
L’appelant a admis que la Loi contient plusieurs occurrences où une disposition d’allègement suit une disposition d’imposition ou est rapprochée de celle-ci. Quelques exemples : le paragraphe 207.06(1) qui est une disposition de renonciation aux impôts payables à l’égard des cotisations excédentaires à un compte CELI (1 % par mois) en application de l’article 207.01 et à l’impôt payable à l’égard de la cotisation d’un non-résident à un compte CELI (1 % par mois) en application de l’article 207.03; le paragraphe 207.8(3) qui est une disposition de renonciation à l’impôt payable à l’égard des cotisations excédentaires à un régime de participation des employés aux bénéfices (à hauteur du taux marginal combiné le plus élevé dans la province des contribuables) ou même le paragraphe 207.06(2) en lui-même qui est aussi une disposition de renonciation à l’impôt payable à l’égard de placements interdits ou non admissibles dans un CELI (50 % de la valeur du bien en cause chaque année). L’appelant soutient toutefois que l’article 207.05 est différent, une exception plutôt que la règle ou la norme comme il l’a déclaré lors des débats, en raison du taux d’imposition de 100 % qu’il prescrit. Bien qu’il soit vrai que certaines de ces dispositions imposent un taux de 1 % par mois sur la valeur du montant en cause, que d’autres dispositions imposent un taux de 50 % ou le taux de taxation marginal le plus élevé de la province et que la disposition ici en cause impose un taux de 100 %, l’appelant n’a présenté aucun élément de preuve de l’inadmissibilité de ces taux plus élevés quant à la politique globale de notre Loi. Je tiens pour fait notoire et j’observe qu’il est bien connu que par le passé le taux marginal le plus élevé des impôts de la partie I a dépassé 90 % comme dans d’autres territoires, notamment le Royaume-Uni. Le taux d’imposition relève et relèvera toujours de l’exercice de la prérogative du législateur et il n’appartient pas à la Cour de remettre en question sa capacité d’établir le taux d’imposition qu’il désire. Les citoyens peuvent voter contre les gouvernements lorsqu’ils pensent qu’ils sont l’objet d’une surimposition injuste dans l’exercice de leurs droits démocratiques.
[52]
L’intimée soutient, correctement, que l’appelant, lors des débats, a contesté clairement le caractère équitable ou raisonnable de l’impôt imputé sur un avantage aux termes de l’article 207.05. Dans ses observations, plus particulièrement aux paragraphes 54 et 67, l’appelant a qualifié l’impôt de 100 % [traduction] d’« absurde », de [traduction] « contraire aux normes de justice ou au caractère raisonnable acceptés » et de [traduction] « lourde imposition » pour laquelle il suggère ensuite qu’il excède les objectifs de cette disposition. D’une part, l’appelant reconnaît implicitement l’objectif de la disposition comme un objectif anti-évitement pour prévenir la mauvaise utilisation ou l’abus du régime d’exemption fiscale du CELI, un concept qui peut parfois être vague selon lui, mais accuse ensuite le législateur d’aller trop loin pour remplir son objectif et conteste par conséquent l’efficacité sous-jacente de ces dispositions. En ce qui concerne l’appelant, peu importe que lui ou une autre personne considère l’impôt de 100 % sévère ou draconien, comme l'observe correctement l’intimée, de telles préoccupations ne constituent pas un fondement approprié pour contester la constitutionnalité d’une ou de plusieurs dispositions qui sont non ambigües. Il ne s’agit pas pour la Cour d’intervenir à l’égard de l’efficacité de la disposition. Comme le juge Charron a conclu dans l’arrêt Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défense nationale), [2011] 2 R.C.S. 306, 2011 CSC 25, au paragraphe 40 :
[…] La Cour ne peut faire fi des termes que le législateur a effectivement employés et récrire le texte de loi en fonction de sa propre opinion sur la façon dont l’objet de la loi pourrait être mieux favorisé.
[53]
Le fait que le législateur ait décidé d’appliquer différents taux d’imposition à différentes opérations ou à différents régimes, ou que les critères des dispositions de renonciation sont différents, ou même que certaines de ces dispositions anti-évitement donnent la possibilité au contribuable de corriger une erreur avant la fin de l’année alors que d’autres dispositions comme l’article 207.06 ne donnent pas cette latitude (bien qu’il ne fait aucun doute qu’il s’agirait d’une circonstance à prendre en compte dans l’exercice de la dispense ministérielle en application de celle-ci), ne constituent pas des fondements d’invalidité constitutionnelle. Le législateur a décidé qu’à l’égard d'avantages différents, il a adopté différentes séries de modalités et que le rôle de la Cour n’est pas de deviner la volonté ou le raisonnement du législateur en se fondant uniquement sur ces différences.
[54]
Finalement, bien que je conclus en effet que les dispositions sont non ambigües et qu’il n’est pas nécessaire d’entreprendre une analyse de l’objectif ou de l’intention de la législation en question, j’aimerais discuter l’affirmation de l’appelant selon laquelle il n’existe que des indications limitées à l’égard de l’intention de la législation contestée au paragraphe 81 de ses observations lorsqu’il énonce que [traduction] « [l]’objectif opaque qui sous-tend les règles en matière d’avantages appuient aussi la position de l’appelant selon laquelle le pouvoir d’imposition a été délégué au ministre ».
[55]
La position de l’appelant à laquelle il est fait référence ci-dessus s’explique mieux en citant les observations des paragraphes 64 et 65 :
[traduction]
64. En l’absence d’objectif clair et défini sous-tendant les règles en matière d’avantages, le législateur est encore moins impliqué dans l’établissement des conséquences fiscales appropriées. Le ministre a un plus grand pouvoir discrétionnaire et un cadre législatif encore moins solide pour le guider. Il a l’entière liberté d’établir le taux à l’égard de ce qu’il (ou ses délégués de l’ARC) entend, sans contrainte et avec seulement une direction limitée.
65. Autrement dit, le ministre ne met pas simplement en œuvre la volonté ou l’intention du Parlement dans l’établissement du taux d’imposition à l’égard d’une situation donnée. Sans élucidation explicite de l’objectif sous-tendant les règles en matière d’avantages, le ministre agit de son propre chef sans égard aux objectifs particuliers du Parlement (le cas échéant).
[56]
En fait, l’appelant a soutenu lors des débats que la première annonce véritable au public de l’objectif des dispositions a seulement eu lieu dans le cadre d’un plan d’action de juin 2011.
[57]
En toute franchise, je trouve que la position de l’appelant est totalement indéfendable vu la preuve de déclarations publiques au cours du processus législatif, y compris les modifications aux dispositions et leur prolongement à d’autres régimes enregistrés, ainsi que le fait que l’on comprend tout de suite l’objectif de la loi à la seule lecture de ses dispositions.
[58]
Comme il a été mentionné précédemment, le législateur a consacré de vastes efforts à la création des dispositions en question et des articles connexes définissant le mot « avantage » pour créer essentiellement une liste détaillée d’opérations ou de placements qui sont assimilés à des avantages comportant des exceptions précises, assujettis au impôt à un taux effectif de 100 %. Autrement dit, si vous faites ces gestes vous aurez à verser un impôt égal à 100 % de la hausse de valeur du régime. Si cette approche ne proclame pas qu’il s’agit d’un objectif anti-évitement pour protéger l’intégrité du régime de CELI qui n’impose pas la croissance du revenu au sein du régime, je ne sais pas ce qui le fait.
[59]
De plus, le projet de loi C-50, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 26 février 2008 et édictant des dispositions visant à maintenir le plan financier établi dans ce budget contenait la première version de l’article 207.05 créant l’impôt de 100 % imputé sur un avantage et il était par conséquent clair dès sa création qu’un élément anti-évitement était présent. Bien qu’il n’y avait pas de référence précise à l’impôt de 100 % imputé sur un avantage dans le plan budgétaire daté du 26 février 2008, il y avait un avertissement clair à l’égard d’une disposition anti-évitement future à la page 74 de celui-ci :
Afin de répondre à certaines préoccupations soulevées par le traitement fiscal spécial réservé à un CELI, le gouvernement propose dans le budget de 2008 que certaines limites soient imposées aux placements admissibles à un CELI.
[60]
Les budgets subséquents ont étoffé la définition du mot « avantage » et il existe de nombreux éléments de preuve démontrant des préoccupations continues à l’égard des opérations d’évitement de la création à maintenant comme l’attestent diverses notes techniques et annonces de mesures fiscales et divers communiqués de presse.
[61]
Les notes techniques datées de février 2009, en plus d’inclure certaines exceptions, comprenaient une opération ou un événement (ou une série d’opérations ou d’événements) qui ne reflétait pas les modalités commerciales et un objectif principal qui était de permettre à un titulaire ou à une autre partie de bénéficier du statut d’exonération fiscale d’un CELI et énonçaient ce qui suit :
Cette disposition sert à protéger contre les opérations conçues pour transférer artificiellement le revenu imposable du titulaire vers l’abri que constitue le CELI ou pour contourner les plafonds de cotisation au CELI. [Exactement ce dont on accuse l’appelant en l’espèce.]
[62]
Dans un communiqué de presse daté du 16 octobre 2009, intitulé « Le gouvernement du Canada propose des modifications techniques touchant le compte d’épargne libre d’impôt », le ministre évoquait les modifications proposées qui auraient notamment pour effet « d’interdire les opérations de transfert d’actifs entre un CELI et d’autres comptes » et déclarait :
Ces propositions feront en sorte que le CELI demeure, aujourd’hui et dans l’avenir, un outil viable et solide au service des Canadiens, et elles empêcheront le recours à des opérations abusives afin d’obtenir des avantages indus.
[63]
Par conséquent, les notes techniques du 28 septembre 2010 ont ajouté à la définition d’opérations particulières en matière d’avantage les « opérations de swap » et les cotisations versées en trop à la liste des opérations abusives.
[64]
Les notes techniques d’octobre 2011 ont annoncé d’autres modifications à la définition d’avantage étendant effectivement son application aux REER et aux FERR.
[65]
Le document intitulé Mesures fiscales : renseignements supplémentaires déposé à la Chambre des communes par le ministre le 22 mars 2017 proposait d’étendre les règles anti-évitement applicables aux régimes de CELI et aux autres régimes enregistrés donnant droit à une aide fiscale aux régimes enregistrés d’épargne-études et aux régimes enregistrés d’épargne-invalidité pour veiller « à ce que ces régimes ne confèrent pas d’avantages fiscaux excessifs non liés à leurs objectifs de base respectifs ». (Voir le recueil de jurisprudence de l’intimée, volume 3, onglet 43, à la page 17 (version en anglais).)
[66]
Le ministre a lui-même fait référence à l’objectif anti-évitement dans la décision de M. W., mentionnée précédemment, offrant l’allègement à l’appelant aux termes du paragraphe 207.06(2) précité :
Notre recommandation a été faite (et continue de l’être) dans les cas où l’impôt imputé sur un avantage a été établi sur des opérations abusives qui ont été conclues avant le 17 octobre 2009.
[67]
Comme l’a souligné l’intimée, même l’appelant a reconnu l’objectif anti-évitement des dispositions dans la correspondance entre son avocat et l’ARC datée du 16 juillet 2015 et citée comme pièce A de l’affidavit de Thomas Hunt, déposé à l’appui de la présente requête, dans laquelle il a affirmé ce qui suit dans son argument à l’égard d’une renonciation, à la page 4 :
[traduction]
[…] Je connais plusieurs autres cas de CELI que je qualifierais comme donnant ouverture à des avantages « flagrants », par exemple au moyen de prix intentionnellement erronés de titres échangés dans ou hors d’un CELI. […]
[68]
Dans ses observations aux paragraphes 137 à 145, l’appelant analyse le régime de CELI, y compris en mentionnant son objectif, en incluant des références aux notes techniques et aux communiqués de presse du ministre mentionnés précédemment et il reconnaît l’objectif de l’article 207.05, au paragraphe 144 :
[traduction]
144. Par conséquent, il semble que l’objectif que vise principalement l’article 207.05 est de maintenir l’intégrité du régime de CELI et de cibler les contribuables qui entreprennent des opérations « inappropriées ».
[69]
L’appelant ne semble pas avoir de difficulté à identifier l’objectif de la loi en déterminant le caractère véritable des dispositions, mais étrangement, il les trouve vagues à l’égard de ses allégations relatives à l’article 53.
[70]
L’objectif des dispositions attaquées est clair et ne fait que renforcer la signification ordinaire des dispositions comme il a été mentionné précédemment.
[71]
En conclusion, pour les motifs énoncés ci-dessus, je conclus que les dispositions de l’article 207.05 ne sont pas contraires à l’article 53 de la Constitution. Le texte clair des articles 207.05 et 207.06 n’appuie pas le point de vue de l’appelant selon lequel ils doivent être lus de concert pour résulter en ne délégation implicite du pouvoir d’établir le taux d’imposition. Ces dispositions sont claires, elles ont été correctement adoptées et promulguées par le législateur, ayant été modifiées et étendues au moyen de plusieurs budgets depuis la date de création, et elles sont valides sur le plan constitutionnel à cet égard.
[72]
Il convient de noter que les parties ont mentionné d’autres doctrines d’interprétation des lois comme les présomptions de connaissance, de compétence et de perfection législatives, la présomption de cohérence et la présomption d’absence de résultat absurde, exposées plus en détail dans les observations de l’intimée aux paragraphes 52 à 63 dont certaines ont été discutées dans le cadre de l’analyse antérieure ci-dessus. Ayant conclu que le texte clair des dispositions en cause appuie la position de l’intimée, il n’est pas nécessaire que je discute ces doctrines plus en détail, autrement qu’en ajoutant qu’elles appuient également la position de l’intimée. Plus précisément, le traitement détaillé par le législateur de ces divers types d’opérations offensantes et des exceptions, des conditions préalables et des modalités qui s’y trouvent démontrent qu’il s’est appliqué dans le choix du libellé de ces dispositions qui sont cohérentes avec son intention déclarée. Cela indique que le législateur savait exactement ce qu’il faisait.
B.
Question de la violation du paragraphe 92(13) de la Constitution
[73]
La deuxième question à trancher dans la présente requête est celle de savoir si l’article 207.05 est contraire au droit des législatures provinciales de légiférer en ce qui concerne « la propriété et les droits civils » aux termes du paragraphe 92(13) de la Constitution.
[74]
Le paragraphe 92(13) de la Constitution accorde aux législatures provinciales le droit exclusif de légiférer en matière de propriété et de droits civils dans la province :
92. Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :
[…]
13. La propriété et les droits civils dans la province;
[75]
Le paragraphe 91(3) de la Constitution accorde aux législatures provinciales le droit exclusif de légiférer en matière de taxation :
91. Il sera loisible à la Reine, de l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces; mais, pour plus de garantie, sans toutefois restreindre la généralité des termes ci-haut employés dans le présent article, il est par la présente déclaré que (nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi) l’autorité législative exclusive du parlement du Canada s’étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :
[...]
3. Le prélèvement de deniers par tous modes ou systèmes de taxation.
[76]
L’appelant soutient essentiellement que l’article 207.05 relève véritablement de la compétence provinciale de la propriété et des droits civils aux termes du paragraphe 92(13) de la Constitution et n’est pas préservé par la doctrine des pouvoirs accessoires au motif que le taux d’imposition de 100 % constitue une confiscation de biens et n’est pas nécessaire à l’exercice effectif du pouvoir d’imposition fédéral, car il outrepasse ou va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de l’article sur la compétence fédérale.
[77]
La position de l’intimée est que ce texte est de nature véritablement fiscale relevant de la compétence fédérale aux termes du paragraphe 91(3) de la Constitution et qu’il est intra vires nonobstant les effets accessoires qu’il pourrait avoir sur la propriété et les droits civils.
[78]
Bien que les parties aient suivi des approches différentes dans leur analyse, pour l'essentiel, il n'est pas controversé entre elles que l’examen de la validité constitutionnelle de la loi au regard de la répartition des compétences commence par une analyse du « caractère véritable » de la loi attaquée, qu’elle concerne tout ou partie de cette loi. Dans l’arrêt Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, [2007] 2 R.C.S. 3, 2007 CSC 22, la Cour suprême du Canada a confirmé l’analyse de longue date du caractère véritable, aux paragraphes 25 à 27 :
25. Il est maintenant bien établi que la résolution d’une affaire mettant en cause la validité constitutionnelle d’une législation eu égard au partage des compétences doit toujours commencer par une analyse du « caractère véritable » de la législation contestée […]. L’analyse peut porter sur la législation prise dans son ensemble ou seulement sur certaines dispositions de celle‑ci. [Non souligné dans l’original. Tel que souligné par moi et par l’intimée dans ses observations, au paragraphe 41.]
26. Cette première analyse consiste dans une recherche sur la nature véritable de la loi en question afin d’identifier la « matière » sur laquelle elle porte essentiellement.
[...]
Si le caractère véritable de la législation contestée peut se rattacher à une matière relevant de la compétence de la législature qui l’a adoptée, les tribunaux la déclareront intra vires. Cependant, lorsqu’il est plus juste d’affirmer qu’elle porte sur une matière qui échappe à la compétence de cette législature, la constatation de cette atteinte au partage des pouvoirs entraînera l’invalidation de la loi.
27. Le caractère véritable de la loi doit être déterminé sous deux aspects : le but visé par le législateur qui l’a adoptée et l’effet juridique de la loi (Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu, par. 16). Dans l’analyse du but visé, les tribunaux peuvent examiner tant la preuve intrinsèque, tels le préambule ou les dispositions de la législation énonçant ses objectifs généraux, que la preuve extrinsèque, tels le hansard ou les comptes rendus des débats parlementaires. Ce faisant, les tribunaux doivent toutefois rechercher l’objectif réel de la législation, plutôt que son but simplement déclaré ou apparent [...].
[79]
Pour déterminer le caractère véritable de l’article 207.05, l’appelant avance essentiellement deux arguments différents. Le premier est que l’impôt de 100 % visant la hausse de juste valeur marchande du CELI constitue une confiscation de bien et, par conséquent, le but qu’il vise relève principalement de la sphère de la propriété et des droits civils dans la province; le deuxième est que l’article 207.05 n’est pas correctement qualifié de mesure de prélèvement de revenus et son objectif n’est par conséquent pas principalement fiscal.
[80]
Selon moi, le premier argument de l’appelant est mal fondé. L’appelant n’a cité aucune autorité jurisprudentielle à l'appui de sa position, ni même une définition de ce qu’il considère comme une « confiscation ». Le fait est que l’article contesté ne mentionne aucunement la prise de titre ou la confiscation du CELI, d’un placement qui s’y trouve, d’une cotisation initiale ou de quoi que ce soit à cet égard. Le fonctionnement de ce texte en ce qui concerne les nouvelles cotisations en litige est d’imposer un impôt égal à une hausse de la juste valeur marchande du CELI au titulaire, payable, comme pour tout autre impôt aux termes de la Loi, en fonds par le contribuable. Rien dans le texte n’oblige la liquidation du CELI pour l’acquittement d’une telle obligation fiscale ou son transfert à Sa Majesté pour satisfaire cette obligation ou ne dispose qu’une de ces mesures soit prise à l’égard d’un placement qui y est détenu.
[81]
L’appelant lui-même reconnaît implicitement la même chose en soutenant que l’impôt peut être réalisé sur n’importe quel bien du contribuable au paragraphe 146 c. de ses observations, bien qu’il présume erronément que cette réalisation découle de cette disposition en tant que telle.
[82]
De plus, en tenant compte de la portée limitée de cet impôt, ne concernant que les titulaires de CELI qui se livrent à des opérations très particulières visées par l’article 207.05, il est clair qu’il ne s’agit pas d’une tentative de réglementer une catégorie de biens ou une industrie relative à un bien et, par conséquent, cet article n’a pas comme objectif principal la réglementation de la propriété. Cette disposition n’empêche même pas un régime de CELI d’être propriétaire d’un type de biens et ne fait que prévoir une pénalité fiscale pour certains placements à l’intérieur du régime. Cette situation se distingue d'affaires à l'occasion desquelles la Cour suprême du Canada a conclu qu’un ordre de gouvernement tentait de réglementer une industrie relevant de la compétence d’un autre ordre de gouvernement sous le couvert d’un domaine relevant de sa compétence comme dans l’arrêt Reference Re Alberta Statutes - The Bank Taxation Act; The Credit of Alberta Regulation Act; and the Accurate News and Information Act, [1938] R.C.S. 100 [il fut conclu que la province avait tenté de réglementer le secteur bancaire sous le couvert de l’imposition d’une taxe provinciale indirecte], l’arrêt Québec (Procureur général) c. Lacombe, [2010] 2 R.C.S. 453, 2010 CSC 38 [la province essayait de réglementer le secteur de l’aéronautique sous le couvert d’un règlement de zonage municipal] ou l’arrêt MacDonald et al. c. Vapor Canada Ltd., [1997] 2 R.C.S. 134 [le gouvernement fédéral essayait de réglementer la propriété et les droits civils sous le couvert du droit criminel].
[83]
Bien que je n’aie aucun doute quant au fait que de nombreux citoyens estiment, au sens général, que le versement d’un impôt constitue une confiscation de leurs revenus durement gagnés, plus particulièrement lorsqu’il est question d’un niveau élevé d’imposition, cela ne se traduit pas par une disposition créant un droit de confiscation. L’appelant semble partager cette préoccupation comme il le déclare au paragraphe 149 de ses observations :
[traduction]
149. […] Les graves conséquences de l’impôt confirment que la disposition comporte un élément de confiscation qui a pour but d’avoir un effet plus important que de simplement prélever des deniers pour le gouvernement fédéral. […]
[84]
L’effet de cette disposition en tant que telle n’est pas de créer des droits de confiscation, de saisie, de propriété ou de réglementation de l’achat et de la vente de biens.
[85]
L’appelant rattache à tort, à mon avis, la rigueur ou le taux élevé de la taxation à une confiscation ou à une saisie prévue par la loi. La pertinence de l’efficacité d’une disposition discutée dans le Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu, au paragraphe 31 ci-dessus, a également été confirmée dans l’arrêt Ward c. Canada (Procureur général), [2002] 1 R.C.S. 569, 2002 CSC 17, au paragraphe 26, « […] On ne peut pas contester l’objet d’une mesure législative en proposant une autre méthode, qui serait meilleure, pour atteindre cet objet ».
[86]
Bien qu’on ne puisse pas nier que l’obligation fiscale créée par la disposition oblige le contribuable à transférer une certaine partie de ses revenus à Sa Majesté pour satisfaire cette dette, quel que soit le revenu que le contribuable choisisse, il s’agit seulement de l’effet accessoire de toute loi fiscale.
[87]
Comme l’observe la Cour suprême du Canada au paragraphe 28 de l’arrêt Banque canadienne de l’Ouest lorsqu’elle décrit le corollaire de l’approche du caractère véritable :
[...] une législation dont le caractère véritable relève de la compétence du législateur qui l’a adoptée pourra, au moins dans une certaine mesure, toucher des matières qui ne sont pas de sa compétence sans nécessairement toucher sa validité constitutionnelle. À ce stade de l’analyse de sa constitutionnalité, l’« objectif dominant » de la législation demeure déterminant. Ses buts et effets secondaires n’ont pas de conséquence sur sa validité constitutionnelle : « de simples effets accessoires ne rendent pas inconstitutionnelle une loi par ailleurs intra vires » [...] Par « accessoires », on entend les effets de la loi qui peuvent avoir une importance pratique significative mais qui sont accessoires et secondaires au mandat de la législature qui a édicté la loi [...] Ces ingérences accessoires dans les matières relevant de la compétence de l’autre ordre de gouvernement sont acceptables et prévisibles : General Motors of Canada Ltd. c. City National Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641, p. 670. [...]
[88]
Le deuxième argument principal de l’appelant est que la disposition en cause ne constitue pas principalement une mesure de prélèvement de revenus et, par conséquent, ne constitue pas véritablement une mesure fiscale. Les observations de l’appelant aux paragraphes 144 et 145 font suite à une analyse de l’appelant du régime de CELI et exposent l’objectif de cette disposition qui ressort des notes techniques et des communiqués de presse du ministre comme suit :
[traduction]
144. Par conséquent, il semble que l’objectif que vise principalement l’article 207.05 est le maintient de l’intégrité du régime de CELI et de cibler les contribuables qui entreprennent des opérations « inappropriées ».
145. Bien que l’article 207.05 ait comme conséquence le prélèvement de revenus, cette perception ne constitue pas l’objectif ou l’effet principal de cet article. L’article 207.05 n’a pas pour objectif de s’appliquer aux contribuables dans le cadre normal de leurs activités. Dans un monde idéal, les contribuables n’entreprendraient pas des opérations « inappropriées » et, par conséquent, l’article 207.05 ne jouerait pas et aucun revenu ne serait prélevé par le gouvernement fédéral. L’article 207.05 n’est donc pas véritablement correctement qualifié de mesure de prélèvement de revenus, mais est plutôt destiné à définir la limite selon laquelle un CELI peut être utilisé pour gagner un revenu à l’abri de l’impôt.
[89]
L’appelant reconnaît essentiellement de façon non équivoque que cette disposition constitue une disposition anti-évitement conçue pour protéger l’intégrité du régime de CELI.
[90]
À mon avis, l’argument de l’appelant ne saurait être retenu pour les raisons qui suivent :
1. La Cour suprême du Canada a reconnu que la législation fiscale ne sert pas à simplement prélever des revenus, dans l’arrêt Québec (Communauté urbaine) c. Corp. Notre-Dame de Bon-Secours, [1994] 3 R.C.S. 3, aux pages 15 à 18, invoqué par l’intimée :
Ce point tournant dans l’évolution des principes d’interprétation des lois fiscales au Canada a été motivé par le constat selon lequel le but des lois fiscales n’est plus confiné à la seule levée de fonds pour faire face aux dépenses gouvernementales. Il est reconnu que ces lois servent aussi à des fins d’intervention sociale et économique. […] Or il a été reconnu que, de nos jours, la loi sert d’autres objectifs et se présente comme instrument d’intervention économique et sociale. […]
[91]
Comme l’a indiqué l’intimée dans ses observations, la Loi offre de nombreux incitatifs économiques comme des taux d’imposition plus bas pour les gains en capital et des plafonds d’exonération fiscale afin d’encourager les investissements dans les petites entreprises, ainsi que des incitatifs financiers afin de mettre en œuvre des politiques sociales au moyen de crédits d’impôt pour encourager les dons de bienfaisance, approfondir la formation d’une personne ou offrir de l’aide aux handicapés, à titre d’exemples.
[92]
L’intimée soutient correctement que les règles fiscales qui sont créées pour réduire ou renoncer à des impôts reflètent le choix du législateur à l’égard de la façon d’exercer ses vastes pouvoirs fiscaux, ce qui peut comprendre le renoncement à la totalité ou à partie d’un impôt à titre d’incitatifs pour la mise en œuvre de politiques sociales ou économiques, mais qui comprend logiquement des règles prévoyant des pénalités ou une imposition plus lourde à titre dissuasif afin d’empêcher l’abus à l’égard des programmes incitatifs et de protéger l’intégrité de tels programmes mis en œuvre au moyen de la Loi. À mon avis, une disposition visant à protéger l’intégrité d’une disposition fiscale, qu’elle ait pour objectif de d'imposer, d’offrir un incitatif ou de créer un effet dissuasif, ne constitue pas moins une disposition légitime relative aux vastes pouvoirs du législateur de prélever les revenus visés par le paragraphe 91(3), qui donne non seulement le pouvoir au législateur de percevoir des revenus « par tous modes », mais aussi par tous « systèmes » fiscaux. Le système fiscal fédéral canadien comprend des déductions, des exemptions, des crédits d’impôt, des pénalités, des règles anti-évitement et de nombreuses autres dispositions qui font partie de son objectif général de perception de revenus. Les éléments propres à ce système, y compris l’élément anti-évitement que l’appelant mentionne, sont par définition parties ou intimement liés au prélèvement de revenus par un système fiscal envisagé par le paragraphe 91(3) de la Constitution et constituent donc de par leur caractère véritable, de la taxation.
[93]
L’appelant reconnaît lui-même ce qui précède en raison de la façon dont il décrit correctement le régime de CELI et l’interrelation de tous ses composants au paragraphe 137 de ses observations :
[traduction]
137. L’article 207.05 peut seulement se comprendre par référence au régime général régissant les CELI. Comme décrit précédemment, ce régime prévoit généralement une exemption de l’impôt sur le revenu en ce qui concerne les revenus et les gains relatifs aux biens détenus dans un CELI, à condition que les exigences législatives soient satisfaites. Le régime comprend les définitions et les autres règles relatives aux CELI de l’article 146.2 et celles qui sont relatives à l’exemption d’impôt de l’alinéa 149(1)(u.2), ainsi que les règles prévues à la partie XI.01 de la Loi (articles 207.01 à 207.07) qui imposent des taxes spéciales relatives aux cotisations excédentaires, aux placements interdits, aux placements non admissibles, et aux avantages relatifs aux régimes enregistrés, y compris les CELI.
2. L’appelant ne conteste pas que l’effet juridique de l’article 207.05 est d’imposer une obligation de payer un impôt, bien que lourd et injuste, comme il le dit maintes fois dans ses observations en mentionnant [traduction] l’« imposition » d’une taxe (voir, par exemple, les paragraphes 6, 7, 8, 26, 35, 38, 43, 50 et 67), une [traduction] « taxe payable » (voir, par exemple, le paragraphe 147), une [traduction] « taxe à titre de pénalité » (voir le paragraphe 56), [traduction] l’« impôt à 100 % » (voir le paragraphe 150), un [traduction] « impôt égal à 100 % de la hausse de la juste valeur marchande » (voir les paragraphes 136, 142 et 146), un [traduction] « impôt imputé sur un avantage » (voir le paragraphe 72) et de nombreuses autres expressions semblables qui démontrent clairement que l’effet juridique de la disposition est d’imposer une taxe. Comme je l’ai observé précédemment, le fait que l’appelant ait l’impression que l’effet juridique dépasse ce qui est nécessaire pour empêcher les contribuables d’obtenir des avantages fiscaux non voulus en conséquence du taux d’imposition de 100 %, de la méthode d’imposition des hausses de valeur du fonds bien qu’il n’y ait eu aucune réalisation d’événement des biens sous-jacents ou de l’imposition du titulaire de la fiducie plutôt que la fiducie, pourrait rendre la mécanique de la disposition unique (même si elle s’applique maintenant à une vaste gamme de régimes analogues à des REER et n’est conséquemment pas tellement unique) ne change pas la façon de la qualifier.
3. L’appelant soutient correctement que l’effet pratique de l’article 207.05 est de décourager certaines opérations particulières impliquant des CELI qui sont considérées abusives et avec l’intimée à l’égard du fait que l’article 207.05 n’a pas d’effet en dehors du régime de CELI et ne s’applique pas généralement à tous les comptes d’épargne et de placements se limitant, de ce fait, à ce qui constitue véritablement de la fiscalité.
4. Il découle du point 3 que l’objectif anti-évitement de la disposition allégué précédemment par l’appelant, à titre d’objectif principal, d’essentiellement « maintenir l’intégrité du CELI » (voir le paragraphe 144 de ses observations) est un objectif imbriqué au régime de CELI qui constitue, come je l'ai précédemment observé, un élément approprié d’un système fiscal, dont il ressort que la disposition en cause constitue véritablement une disposition qui fait partie d’un système fiscal. Comme l’intimée l’a souligné, l’appelant admet que l’article 207.05 fait partie du régime plus large de CELI au paragraphe 161 de ses observations :
[traduction]
161. L’appelant ne conteste pas la validité constitutionnelle de la Loi dans son ensemble ou, en général, le régime législatif régissant les CELI. L’appelant admet que cette loi représente généralement un exercice valide du pouvoir fiscal fédéral en vertu du paragraphe 91(3).
[94]
Je retiens la thèse l’intimée portant que les effets juridiques, les effets pratiques et l’objectif de l’article 207.05 sont véritablement de nature fiscale. Par conséquent, ayant conclu que cette disposition est véritablement de nature fiscale et, comme l’appelant l’a admis précédemment, relève d’un régime de CELI valide dans le cadre d’une Loi de l’impôt sur le revenu valide, que cette disposition est intra vires conformément aux principes de l’arrêt Banque canadienne de l’Ouest, au paragraphe 25, et de l’arrêt General Motors, à la page 667, qui ont précédemment été mentionnés. Il n’est pas nécessaire que j’examine les arguments de l’appelant sur le principe de la doctrine des pouvoirs accessoires qui aurait uniquement joué si j’avais conclu que les dispositions relevaient véritablement de la compétence provinciale.
C.
Conclusion
[95]
Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la réponse aux deux questions soulevées par la présente est négative. L’appelant paiera les dépens à l’intimée relativement à la présente requête, quelle que soit l’issue de la cause.
La présente ordonnance modifiée et les présents motifs de l’ordonnance modifiés remplacent l’ordonnance et les motifs de l’ordonnance datés du 25 septembre 2018.
Signé à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 2e jour d’octobre 2018.
« F.J. Pizzitelli »
Le juge Pizzitelli
Traduction certifiée conforme
ce 5e jour d'août 2020.
François Brunet, réviseur
RÉFÉRENCE :
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NO DU DOSSIER DE LA COUR :
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INTITULÉ :
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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DATES DE L’AUDIENCE :
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MOTIFS MODIFIÉS DE L’ORDONNANCE :
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DATE MODIFIÉE DE L’ORDONNANCE :
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COMPARUTIONS :
Me David Davies
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Avocat de l’intimée :
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Me David Everett
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Nom :
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Cabinet :
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Thorsteinssons LLP
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Pour l’intimée :
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Nathalie G. Drouin
Sous-procureure générale du Canada
Ottawa, Canada
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