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Dossier : 2011-3577(IT)I

ENTRE :

ROBERT L. BREWSTER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE] 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 16 avril 2012, à Edmonton (Alberta).

 

Devant : L'honorable juge Wyman W. Webb

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Robert Neilson

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L'appel interjeté par l'appelant de la nouvelle cotisation établie à l'égard de l'obligation qui lui incombe en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour son année d'imposition 2009 est accueilli, et la nouvelle cotisation est annulée. L'intimée doit payer des dépens à l'appelant, ceux‑ci étant fixés à 250 $.

 

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 1er jour de juin 2012.

 

 

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de juillet 2012.

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


 

 

Référence : 2012CCI187

Date : 20120601

Dossier : 2011-3577(IT)I

 

ENTRE :

ROBERT L. BREWSTER,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Webb

 

[1]             L'appelant a fait l'objet d'une nouvelle cotisation pour son année d'imposition 2009 pour le motif qu'en 2009, des placements non admissibles avaient été acquis dans son compte de régime enregistré d'épargne-retraite (le « REER »).

 

[2]             Au cours de l'audience, l'appelant a déclaré qu'en 2009, il avait acquis, par l'entremise de son compte de REER chez CIBC Investor Services Inc., des actions de Bebida Beverage Co., de Bioelectronics Corp. et d'Opti Canada Inc. L'appelant n'a pas pu fournir de détails particuliers au sujet de ces sociétés, et l'intimée n'a pas pu le faire non plus. D'autres particuliers que l'appelant connaissait lui avaient recommandé ces sociétés, et l'appelant avait communiqué avec CIBC Investor Services Inc., qui avait pris des dispositions pour que les actions soient acquises dans son compte de REER. Il n'avait pas été question du fait que ces actions n’étaient peut‑être pas des placements admissibles pour le compte de REER de l'appelant, et il n’y avait aucune indication en ce sens.

 

[3]             Le paragraphe 146(10) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »), tel qu'il était libellé en 2009, prévoyait notamment ce qui suit :

 

146(10) Lorsque, à un moment donné d'une année d'imposition, une fiducie régie par un régime enregistré d'épargne-retraite :

 

a) acquiert un placement non admissible;

 

[...]

 

la juste valeur marchande

 

c) du placement non admissible au moment de son acquisition par la fiducie;

 

[...]

 

[…] doit être incluse dans le calcul du revenu, pour l'année, du contribuable qui est le rentier en vertu du régime à ce moment.

 

[4]             Un « placement non admissible » est un placement qui n'est pas un « placement admissible » (paragraphes 146(1) et 207.01(1) de la Loi). Pour déterminer quels sont les placements admissibles, il faut examiner la définition de « placement admissible », au paragraphe 146(1) de la Loi, certaines parties de la définition de « placement admissible » figurant à l'article 204 de la Loi ainsi que l'article 4900 du Règlement de l'impôt sur le revenu (le « Règlement ») (lequel, au paragraphe 4900(6), incorpore la définition de « société admissible » figurant au paragraphe 5100(1) du Règlement).

 

[5]             CIBC Investor Services Inc. a délivré les quatre feuillets T4RSP suivants, intitulés : « État du revenu provenant d'un REER », au nom de l'appelant pour l'année 2009 :

 

Date

Montant

2011-12-07

2 533,49 $

2011-12-07

3 729,60 $

2011-12-07

5 107,30 $

2011-12-07

(2 207,92 $)

Total:

9 162,47 $

 

[6]             Les formulaires sont tous datés tel qu'il est ci‑dessus indiqué, mais les formulaires qui ont été produits à l'audience étaient des copies. On ne sait pas trop à quel moment les formulaires originaux ont été envoyés par CIBC Investor Services Inc., mais je retiens le témoignage de l'appelant, lorsque celui‑ci déclare qu'il ne savait pas que son compte de REER posait des problèmes tant que l'Agence du revenu du Canada ne l'a pas avisé qu'une nouvelle cotisation avait été établie à son égard.

 

[7]             Aucune explication n'a été fournie au sujet des formulaires ou de quelque autre façon en vue d'expliquer pourquoi ces formulaires avaient été délivrés. Ils semblent se rapporter au placement que l'appelant a effectué dans les trois sociétés susmentionnées, mais il n'est pas possible de savoir quel formulaire se rapporte à une société précise ou même si les montants en question se rapportent aux sociétés que l'appelant a ci‑dessus mentionnées. Les placements qui auraient censément été des « placements non admissibles » n'ont pas été identifiés dans la réponse.

 

[8]             Les hypothèses émises par le ministre sont énoncées au paragraphe 10 de la réponse; il s'agit des hypothèses suivantes :

 

            [traduction]

 

10.     En déterminant l'obligation fiscale de l'appelant pour l'année d'imposition 2009, le ministre a émis les hypothèses de fait suivantes :

 

          a)         l'appelant était titulaire du compte de REER portant le numéro de contrat [...];

 

b)         le compte de REER était un compte autogéré;

 

c)         par l'entremise de son compte de REER, l'appelant a acquis des placements non admissibles totalisant 11 369 $.

 

[9]             Dans l'arrêt Canada c. Anchor Pointe Energy Ltée, 2003 CAF 294, [2004] 5 C.T.C. 98, le juge Rothstein (tel était alors son titre), qui a rédigé les motifs au nom de la Cour d'appel fédérale, a dit ce qui suit :

 

[8] Dans la réponse à l'avis d'appel figurent les hypothèses sur lesquelles le ministre s'est fondé, y compris les hypothèses découlant de la décision Global. La réponse prévoit plus particulièrement ce qui suit, au paragraphe 10 :

[traduction]

En établissant de nouvelles cotisations, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

[...]

            q)         API, APII, APIII, APIV et APV n'ont pas acheté les données sismiques en vue de déterminer l'existence, la localisation, l'étendue ou la qualité d'un gisement de pétrole ou de gaz;

            r)          Les données sismiques n'ont pas été utilisées aux fins d'exploration;

[...]

 

            z)         Les données sismiques achetées par API, APII, APIII, APIV et APV ne sont pas admissibles au titre des frais d'exploration au Canada (« FEC » ) au sens de l'alinéa 66.1(6)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »).

[…]

 

[24] Le juge Rip a supprimé l'alinéa 10z) pour un motif additionnel. Il estimait que cet alinéa représentait « une de ces conclusions de droit qui n'ont pas leur place parmi les hypothèses de fait du ministre » .

[25] J'estime également que les déclarations ou conclusions juridiques n'ont pas leur place dans l'énoncé des hypothèses de fait du ministre. Il en découlerait pour le contribuable le fardeau de réfuter une déclaration ou conclusion juridique et, bien sûr, cela ne doit pas être. Le critère juridique à appliquer n'a pas à être prouvé par les parties comme s'il s'agissait d'un fait. Les parties doivent présenter leurs arguments relativement au critère juridique, mais c'est à la Cour qu'il incombe en bout de ligne de trancher les questions de droit.

 

[26] Toutefois, il serait plus exact de qualifier l'hypothèse formulée à l'alinéa 10z) de conclusion mixte de fait et de droit. La conclusion selon laquelle des données sismiques achetées ne sont pas admissibles au titre de FEC au sens de l'alinéa 66.1(6)a) requiert d'appliquer le droit aux faits. L'alinéa 66.1(6)a) énonce le critère à respecter pour qu'une déduction au titre de FEC soit admissible. Pour décider si l'achat de données sismiques en l'espèce satisfait à ce critère, il faut établir si les faits y satisfont ou non. Le ministre peut présumer les éléments de fait d'une conclusion mixte de fait et de droit. S'il souhaite le faire, toutefois, il devra extraire les éléments de fait présumés, de façon à ce que le contribuable sache exactement quelles hypothèses de fait il doit réfuter pour avoir gain de cause. Il ne convient pas que les faits présumés soient enfouis dans une conclusion mixte de fait et de droit.

 

[10]        Il me semble que la question de savoir si l'appelant a acquis des « placements non admissibles » par l'entremise de son compte de REER est une conclusion mixte de fait et de droit qui peut uniquement être tirée compte tenu des faits se rapportant aux placements et en appliquant ensuite le droit à ces faits. Il ne convient pas pour le ministre de faire une supposition au sujet de la conclusion finale, à savoir que les placements n'étaient pas des placements admissibles. Les éléments factuels auraient dû être séparés et clairement énoncés à l'intention de l'appelant. Quelqu'un doit avoir conclu que l'appelant avait acquis des placements non admissibles, mais compte tenu de la réponse ainsi que des renseignements fournis au cours de l'audience, il n'est même pas possible de déterminer si les actions détenues dans les sociétés mentionnées par l'appelant sont les placements qui ont été jugés non admissibles.

 

[11]        Le juge Rothstein (tel était alors son titre), au nom de la Cour d'appel fédérale, a dit ce qui suit dans l'arrêt The Queen v. Anchor Pointe Energy Ltd., 2003 DTC 5512 :

 

[23] Alléguer l'existence d'hypothèses confère comme avantage important à la Couronne de renverser le fardeau de preuve, de sorte que le contribuable doive réfuter les hypothèses du ministre. Les faits allégués comme hypothèses doivent être précis et exacts afin que le contribuable sache bien clairement ce qu'il lui faudra prouver.

 

[12]        Dans ce cas-ci, les hypothèses n'indiquent même pas quels placements étaient des placements non admissibles. Les hypothèses énoncées dans la réponse ne sont pas précises et ne permettent pas à l'appelant de savoir quelle est la preuve qu'il doit réfuter.

 

[13]        L'avocat de l'intimée a soutenu que l'appelant devait prouver que les placements étaient des placements admissibles. Dans l'arrêt McMillan c. la Reine, 2012 CAF 126, la Cour d'appel fédérale a dit ce qui suit :

 

7 […] À notre avis, il est de droit constant que la charge initiale qui incombe au contribuable est de « réfuter » les hypothèses que le ministre a émises dans la cotisation. Il est satisfait à cette charge initiale lorsque le contribuable présente au moins une preuve prima facie. Une fois que le contribuable a présenté une preuve prima facie, il incombe au ministre de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les hypothèses sont exactes (Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, paragraphes 92 à 94; House c. Canada, [2011] CAF 234, 422 N.R. 144, paragraphe 30).

 

[14]        Il me semble que la déduction logique est que, si le ministre n'a pas émis d'hypothèses valables à l'appui de la nouvelle cotisation, il n'existe aucune hypothèse que l'appelant doit « réfuter », de sorte que celui‑ci aura gain de cause.

 

[15]        Il importe de noter que, dans la liste des « placements admissibles », sont incluses les « actions cotées à une bourse de valeurs [...] visée par règlement » (alinéa d) de la définition de « placement admissible », à l'article 204 de la Loi) et les actions d'une « société publique » (alinéa 4900(1)b) du Règlement)[1]. Il n'existait aucun lien entre l'appelant et l'une ou l'autre des sociétés susmentionnées; l'appelant avait simplement communiqué avec CIBC Investor Services Inc. en vue d'acquérir des actions de ces sociétés. Si les actions n'étaient pas cotées en bourse ou si les sociétés n'étaient pas des sociétés publiques, comment CIBC Investor Services Inc. a‑t‑elle acquis les actions pour le compte de REER de l'appelant?

 

[16]        En l'espèce, puisqu'aucune hypothèse de fait valable n'a été émise à l'égard des placements qui étaient non admissibles, il n'existait aucune hypothèse valable que l'appelant devait « réfuter ». Étant donné que l'intimée n'a pas présenté de preuve permettant de conclure que l'un ou l'autre des placements était un placement non admissible[2], l'appel que l'appelant a interjeté est accueilli, et la nouvelle cotisation est annulée. L'intimée devra payer des dépens à l'appelant, ceux‑ci étant fixés à 250 $.

 

Signé à Halifax (Nouvelle-Écosse), ce 1er jour de juin 2012.

 

 

 

 

« Wyman W. Webb »

Juge Webb

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de juillet 2012.

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


RÉFÉRENCE :                                 2012CCI187

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2011-3577(IT)I

 

INTITULÉ :                                      ROBERT L. BREWSTER

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 avril 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable Wyman W. Webb

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 1er juin 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Robert Neilson

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                       

 

       Pour l’intimée :                          Myles J. Kirvan

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1] L'expression « société publique » est définie au paragraphe 89(1) de la Loi; cette définition s'applique pour l'application de la Loi, comme le prévoit le paragraphe 248(1) de la Loi. Toutefois, je n'ai pas pu trouver de lien ou de renvoi indiquant que cette définition s'applique pour les besoins de l'article 4900 du glement, comme le paragraphe 20(1.1) de la Loi, qui prevoit que les définitions figurant au paragraphe 13(21) de la Loi s'appliquent aux dispositions réglementaires prises en vertu de l'alinéa (1)a). La question n'a pas été soulevée au cours de l'audience et je la reporte à plus tard, étant donné qu'elle n'influe pas sur ma décision en l'espèce. S'il n'existe aucun lien ni aucun renvoi indiquant que cette définition de la « société publique » s'applique pour l'application de l'article 4900 du Règlement, quelle est la définition d'une « société publique » pour les besoins de l'article 4900 du Règlement? En particulier, la société devrait-elle résider au Canada (ce qui est une condition imposée selon la définition figurant au paragraphe 89(1) de la Loi)?

[2] Si l'intimée avait tenté de présenter une preuve, la question de savoir quelle était la preuve qu'elle aurait pu présenter, compte tenu de la réponse, se serait posée.

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