Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2010-14(IT)G

 

ENTRE :

SHIRLEY FOURNEY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de SJC Property Management Inc. (2009‑3339(IT)G et 2009‑3337(GST)I), DSD Properties Inc. (2009‑3859(IT)I) et Learning Boost Inc. (2009‑3866(IT)I), les 9, 10 et 11 mai 2011, à Saskatoon (Saskatchewan).

 

Devant : L'honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me Amanda S. A. Doucette

Me Beaty F. Beaubier

Avocat de l'intimée :

Me John Krowina

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel que l'appelante a interjeté des nouvelles cotisations établies au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2003, 2004 et 2005 est accueilli, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

          Les parties disposeront d'un délai de 30 jours pour s'entendre sur la question des dépens, à défaut de quoi l'intimée, SJC Property Management Inc., DSD Properties Inc., Learning Boost Inc. et l'appelante déposeront chacune des observations écrites, d'au plus dix pages pour chaque partie, au sujet de la question des dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2011.

 

 

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossiers : 2009-3339(IT)G

2009-3337(GST)I

 

ENTRE :

SJC PROPERTY MANAGEMENT INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Shirley Fourney (2010‑14(IT)G), DSD Properties Inc. (2009‑3859(IT)I) et Learning Boost Inc. (2009‑3866(IT)I), les 9, 10 et 11 mai 2011, à Saskatoon (Saskatchewan).

 

Devant : L'honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me Amanda S. A. Doucette

Me Beaty F. Beaubier

Avocat de l'intimée :

Me John Krowina

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel que l'appelante a interjeté des nouvelles cotisations établies au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2003, 2004 et 2005 est accueilli, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

          L'appel que l'appelante a interjeté des nouvelles cotisations établies au titre de la Loi sur la taxe d'accise est rejeté.

 

          Les parties disposeront d'un délai de 30 jours pour s'entendre sur la question des dépens, à défaut de quoi l'intimée, Shirley Fourney, DSD Properties Inc., Learning Boost Inc. et l'appelante déposeront chacune des observations écrites, d'au plus dix pages pour chaque partie, au sujet de la question des dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2011.

 

 

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2009-3859(IT)I

 

ENTRE :

DSD PROPERTIES INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Shirley Fourney (2010‑14(IT)G), SJC Property Management Inc. (2009‑3339(IT)G et 2009‑3337(GST)I) et Learning Boost Inc. (2009‑3866(IT)I), les 9, 10 et 11 mai 2011, à Saskatoon (Saskatchewan).

 

Devant : L'honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me Amanda S. A. Doucette

Me Beaty F. Beaubier

Avocat de l'intimée :

Me John Krowina

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel que l'appelante a interjeté des nouvelles cotisations établies au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2003, 2004 et 2005 est accueilli, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

          Les parties disposeront d'un délai de 30 jours pour s'entendre sur la question des dépens, à défaut de quoi l'intimée, Shirley Fourney, SJC Property Management Inc., Learning Boost Inc. et l'appelante déposeront chacune des observations écrites, d'au plus dix pages pour chaque partie, au sujet de la question des dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2011.

 

 

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2009-3866(IT)I

 

ENTRE :

LEARNING BOOST INC.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Shirley Fourney (2010‑14(IT)G), SJC Property Management Inc. (2009‑3339(IT)G et 2009‑3337(GST)I) et DSD Properties Inc. (2009‑3859(IT)I), les 9, 10 et 11 mai 2011, à Saskatoon (Saskatchewan).

 

Devant : L'honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me Amanda S. A. Doucette

Me Beaty F. Beaubier

Avocat de l'intimée :

Me John Krowina

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel que l'appelante a interjeté des cotisations établies au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2003, 2004 et 2005 est accueilli, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

          Les parties disposeront d'un délai de 30 jours pour s'entendre sur la question des dépens, à défaut de quoi l'intimée, Shirley Fourney, SJC Property Management Inc., DSD Properties Inc. et l'appelante déposeront chacune des observations écrites, d'au plus dix pages pour chaque partie, au sujet de la question des dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2011.

 

 

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2011 CCI 520

Date : 20111114

Dossiers : 2010-14(IT)G

2009-3339(IT)G, 2009-3337(GST)I

2009-3859(IT)I

2009-3866(IT)I

 

ENTRE :

SHIRLEY FOURNEY, SJC PROPERTY MANAGEMENT INC., DSD PROPERTIES INC., LEARNING BOOST INC.,

appelantes,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hogan

 

I.       INTRODUCTION

 

[1]              Shirley Fourney (l'« appelante »), SJC Property Management Inc. (« SJC »), DSD Properties Inc. (« DSD »), et Learning Boost Inc. (« Learning Boost ») interjettent chacune appel de nouvelles cotisations concernant leurs déclarations de revenus respectives se rapportant aux années 2003, 2004 et 2005. L'appelante allègue que les trois sociétés qu'elle a fait constituer en personnes morales, SJC, DSD et Learning Boost, agissaient simplement à titre de mandataires et de prête‑noms et qu'elle n'a jamais renoncé à la propriété bénéficiaire ou « effective » des actifs et des activités de ses entreprises. Un résumé des nouvelles cotisations ici en cause figure à l'annexe 1 des présents motifs de jugement.

 

II.      LES FAITS

 

[2]              L'appelante a reçu des avis de nouvelle cotisation datés du 7 juin 2007 à l'égard de ses déclarations personnelles concernant les années 2003, 2004 et 2005 ainsi qu'à l'égard des déclarations de revenus des sociétés SJC, DSD et Learning Boost pour les mêmes années. Le 2 octobre 2009, en réponse aux oppositions que l'appelante avait dûment déposées à l'égard de toutes les nouvelles cotisations, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a modifié les nouvelles cotisations et a délivré des avis de nouvelle cotisation.

 

[3]              L'appelante est une enseignante à la retraite qui s'occupe de location immobilière depuis la fin des années 1980; elle agissait initialement à titre de gestionnaire d'immeubles et, par la suite, elle a acheté et loué, en totalité ou en partie, divers immeubles. Depuis qu'elle a pris sa retraite à titre d'enseignante, l'appelante exploite également une entreprise de tutorat. La preuve montre que l'appelante n'a aucune formation formelle en matière fiscale ou comptable, si ce n'est qu'elle a suivi un cours de douze heures sur l'utilisation du logiciel comptable QuickBooks.

 

[4]              À la fin des années 1990, la mère et le frère de l'appelante se sont querellés au sujet d'un contrat qu'ils avaient conclu entre eux. L'appelante appuyait sa mère et elle a poursuivi, à titre d'exécutrice de la succession de celle‑ci, une action en justice que sa mère avait intentée contre son frère. La Cour de justice de l'Ontario a rendu une décision en faveur de la mère de l'appelante en 2009; cette décision fait actuellement l'objet d'un appel. L'appelante affirme qu'en constituant les entreprises en personnes morales, elle voulait avant tout être en mesure de transférer à celles‑ci la propriété de ses immeubles afin de mettre ses actifs à l'abri de son frère, qui lui en voulait parce qu'elle avait pris parti pour sa mère dans le litige et qui avait menacé d'engager des poursuites contre elle.

 

[5]              En 2001 et en 2002, l'appelante a fait en sorte que soient constituées en personnes morales trois sociétés de la Saskatchewan, dont elle est l'administratrice et l'actionnaire majoritaire :

 

a)       SJC, décrite comme étant une entreprise de gestion immobilière, constituée en personne morale le 4 juin 2001;

 

b)      DSD, décrite comme étant une entreprise propriétaire d'immeubles, constituée en personne morale le 10 juin 2002;

 

c)       Learning Boost, décrite comme étant une entreprise de tutorat, constituée en personne morale le 31 décembre 2002.

 

La preuve montre qu'un avocat a constitué DSD et SJC en personnes morales et que l'appelante a ensuite constitué Learning Boost en personne morale sans avoir recours à un avocat. Les deux fils de l'appelante sont désignés dans tous les actes constitutifs et dans les déclarations annuelles à titre d'actionnaires minoritaires, détenant chacun 10 p. 100 des actions des sociétés. L'appelante affirme que la chose visait uniquement à satisfaire aux exigences en matière de constitution en personne morale et que les fils n'ont jamais engagé de capitaux dans les sociétés et n'ont jamais tiré de revenu des sociétés.

 

[6]              En 2003, l'appelante a transféré à DSD la propriété de tous ses immeubles (les « immeubles ») en déposant les formulaires appropriés au bureau d'enregistrement immobilier. Les immeubles suivants ont été transférés :

 

a)       le 1706, 14e Rue Est, à Saskatoon, en Saskatchewan (immeuble qui, selon Mme Fourney, était sa résidence principale pendant les périodes en question);

 

b)      le 116 – 126, place Edinburgh, à Saskatoon, en Saskatchewan;

 

c)       le 1312, 13e Rue Est, à Saskatoon, en Saskatchewan;

 

d)      le 1333, 14e Rue Est, à Saskatoon, en Saskatchewan;

 

e)       le 1307, rue Principale Est, à Saskatoon, en Saskatchewan.

 

L'appelante affirme qu'elle n'a pas reçu de conseils fiscaux au sujet des incidences du transfert des immeubles à DSD, et son comptable, Garnet Chambers, a témoigné ne lui avoir jamais donné de conseils fiscaux au sujet des transferts. L'appelante n'a pas reçu de contrepartie à l'égard des immeubles transférés à DSD.

 

[7]              Pour chacune des années en question, l'appelante a elle-même préparé ses déclarations de revenus personnelles, dans lesquelles elle a indiqué un revenu et des dépenses de location et d'entreprise. Des gains, des pertes et des dépenses semblables ou identiques ont été déclarés et déduits dans les déclarations de revenus des sociétés préparées pour l'appelante par M. Chambers et produites par voie électronique, parce que l'appelante ne savait pas comment préparer elle‑même les déclarations. L'appelante affirme qu'elle ne savait pas que M. Chambers déclarait également le revenu d'entreprise et déduisait les dépenses d'entreprise dans les déclarations de revenus des sociétés.

 

[8]              L'appelante remettait chaque année à M. Chambers des copies de ses déclarations personnelles et des feuilles de calcul financières qui, affirme‑t‑elle, auraient dû attirer l'attention du comptable sur le fait qu'elle avait déjà déclaré le revenu et déduit les dépenses personnellement. L'appelante affirme n'avoir jamais examiné les déclarations de revenus des sociétés avec M. Chambers avant leur production électronique et ne pas avoir été en mesure de les comprendre lorsqu'elle les a vues par la suite. Toutefois, M. Chambers a témoigné qu'au printemps 2005, il avait vu la déclaration de revenus personnelle de 2004 de l'appelante et qu'il avait conseillé à celle‑ci de modifier la déclaration afin d'éliminer les montants déclarés et les déductions effectuées à l'égard des entreprises, étant donné que ces montants figuraient également dans les déclarations de revenus des sociétés.

 

[9]              Monsieur Chambers travaille comme comptable depuis 1970, mais il n'a pas de titre comptable professionnel. Il affirme qu'il s'occupait quelque peu de planification fiscale, mais que son travail se rapportait en général à la production de déclarations de revenus. M. Chambers a témoigné qu'il n'avait pas demandé à voir les actes de transfert, qu'il ne se souvenait pas d'avoir déposé des formulaires de transfert libre d'impôt pour l'appelante et qu'il croyait qu'il était peu probable que pareils formulaires aient été déposés. M. Chambers ne se rappelait pas avoir travaillé avec des avocats sur les dossiers de l'appelante, mais il a ajouté qu'il savait que l'avocat de l'appelante, qui n'a pas témoigné dans la présente affaire, possédait peu d'expérience dans le domaine du droit des sociétés.

 

[10]         À l'instruction, Linda Nystuen, agent des appels à l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC »), a reconnu au cours du contre-interrogatoire qu'il est fort difficile pour un profane de déchiffrer les déclarations de revenus des sociétés et que les nouveaux employés à l'ARC reçoivent une formation visant expressément à leur permettre de lire les imprimés des déclarations de revenus des sociétés.

 

[11]         L'appelante avait fait l'objet de deux vérifications avant la constitution de ses sociétés en personnes morales. Les vérifications se rapportaient aux demandes de déduction des dépenses, à la capitalisation des dépenses et aux gains en capital non déclarés. L'appelante soutient que ces vérifications ne sont pas pertinentes, parce que des montants minimes étaient en cause et que les vérifications ont été effectuées avant la constitution des sociétés en personnes morales. Selon l'intimée, les vérifications indiquent que l'appelante aurait dû savoir que son système de tenue de livres et ses connaissances en matière comptable étaient inadéquats.

 

III.     LES NOUVELLES COTISATIONS

 

[12]         Dans les nouvelles cotisations du 7 juin 2007, le ministre a supposé que l'appelante n'aurait pas dû déclarer le revenu de location et d'entreprise et déduire les dépenses y afférentes personnellement.

 

[13]         Du mois de septembre 2008 au mois de juillet 2009, l'appelante a fourni à l'ARC des documents additionnels au sujet du prix de base rajusté des immeubles locatifs, de même qu'au sujet de celui de l'immeuble à Lloydminster, ainsi que des détails concernant l'utilisation de cet immeuble au cours de toute la période où elle en avait été propriétaire. L'appelante a également fourni des renseignements à l'appui de l'allégation selon laquelle elle n'avait jamais transféré à DSD, à SJC et à Learning Boost la propriété bénéficiaire des actifs de ses entreprises et les droits y afférents.

 

[14]         Au mois de mars 2009, l'ARC a proposé de réduire les gains en capital ayant fait l'objet d'une cotisation en 2003, de réduire le gain en capital établi à l'égard de l'immeuble à Lloydminster en 2004 et d'éliminer certains des avantages conférés à l'actionnaire ayant fait l'objet de cotisations pour chaque année, mais il a été conclu que les sociétés n'étaient pas de simples mandataires et prête‑noms de l'appelante. Le fait que l'appelante avait habité l'immeuble situé au 1706, 14e Rue Est, qui était, selon elle, sa résidence principale, a été considéré comme un avantage conféré à un actionnaire.

 

[15]         La division des appels a également ratifié les pénalités élevées pour faute lourde qui avaient été imposées, en déclarant que l'appelante [TRADUCTION] « savait ou aurait dû savoir » que les montants avaient été déduits à deux reprises, étant donné qu'il lui incombait de fournir les renseignements nécessaires aux fins de la préparation des déclarations de revenus. Toutefois, la division des appels a établi de nouvelles cotisations à l'égard des gains en capital se rapportant aux immeubles locatifs, en vue de tenir compte des renseignements additionnels fournis par l'appelante au sujet du prix de base rajusté de ces immeubles.

 

IV.     LES POINTS EN LITIGE

 

[16]         Les points en litige sont les suivants; chaque point sera examiné à tour de rôle :

 

a)       Étaient‑ce DSD, SJC et Learning Boost qui détenaient la propriété bénéficiaire des actifs et des entreprises, ou était‑ce plutôt l'appelante?

 

b)      Des pénalités pour faute lourde devraient‑elles être imposées?

 

V.      LA PROPRIÉTÉ BÉNÉFICIAIRE

 

La position de l'appelante

 

[17]         L'appelante affirme qu'elle a toujours considéré DSD, SJC et Learning Boost comme étant simplement ses mandataires et ses prête-noms, et qu'elle n'a jamais renoncé à la propriété bénéficiaire de ses immeubles locatifs et de son entreprise de tutorat. Dans ses actes de procédure et dans son témoignage, l'appelante a affirmé ne pas s'y connaître en matière de fiscalité et de comptabilité, et ne pas comprendre les conséquences de la constitution d'une société en personne morale. L'appelante affirme qu'un examen de son comportement en ce qui concerne les sociétés indique clairement qu'elle n'a pas transféré aux sociétés la propriété bénéficiaire et qu'un grand nombre des dettes fiscales ayant fait l'objet de nouvelles cotisations devraient donc être annulées, y compris l'impôt sur les gains en capital se rapportant aux transferts de propriété et l'impôt concernant de nombreux avantages conférés à l'actionnaire.

 

[18]         Les facteurs que l'appelante a énumérés pour démontrer qu'elle avait conservé la propriété bénéficiaire, et que DSD, SJC et Learning Boost agissaient à titre de mandataires et de prête-noms sont les suivants :

 

•        Toutes les factures concernant les réparations et les rénovations apportées aux immeubles locatifs étaient adressées à l'appelante personnellement.

 

•        Toutes les factures des services publics pour chacun des immeubles locatifs étaient au nom de l'appelante personnellement.

 

•        SJC et DSD n'avaient pas leurs propres comptes de banque. Les sommes d'argent se rapportant à SJC et à DSD ont été virées au moyen des comptes de chèques de l'appelante.

 

•        Tous les chèques de loyer et tous les autres documents concernant les immeubles locatifs étaient adressés à l'appelante personnellement.

 

•        L'appelante s'occupait de la publicité se rapportant aux immeubles locatifs, percevait les chèques de loyer, nettoyait les immeubles, s'occupait de l'aménagement paysager, effectuait des réparations mineures aux logements locatifs et était inscrite à titre de « propriétaire » dans les lettres échangées avec l'Office de la location résidentielle.

 

•        Les déclarations T2 produites à l'égard de DSD, de SJC et de Learning Boost n'indiquent pas que ces sociétés possédaient des actifs (sauf pour une voiture Suburban appartenant à SJC). Fait plus important, les déclarations T2 n'indiquaient pas que l'une ou l'autre des sociétés était propriétaire des immeubles ou détenait une participation dans les entreprises. En outre, le comptable, Garnet Chambers, n'avait pas préparé de bilan pour l'une ou l'autre des sociétés au cours des années ici en cause.

 

•        L'appelante créait la publicité télévisée et imprimée pour Learning Boost.

 

•        L'appelante avait dessiné et créé le logo de Learning Boost.

 

•        L'appelante percevait les frais des élèves de Learning Boost.

 

•        L'appelante avait transformé son garage simple en [TRADUCTION] « bureau de Learning Boost ».

 

•        L'appelante avait personnellement conclu les contrats avec les hommes de métier en vue de rénover les locaux d'enseignement de Learning Boost.

 

•        L'appelante se rendait chez les élèves pour signer les contrats et pour aider à l'enseignement.

 

•        L'appelante embauchait les tuteurs qui travaillaient avec les élèves de Learning Boost.

 

•        L'appelante avait utilisé des fonds personnels au cours des années d'imposition en question en vue de couvrir les frais d'exploitation de l'entreprise de Learning Boost.

 

[19]         Les observations supplémentaires et les témoignages ont révélé les éléments supplémentaires suivants à l'appui de l'allégation selon laquelle l'appelante détenait la propriété bénéficiaire :

 

•        La vérification à laquelle l'ARC avait procédé a permis de conclure que SJC ne faisait en fait rien, puisqu'elle n'avait ni revenu ni dépense.

 

•        La principale raison pour laquelle l'ARC a conclu que l'appelante ne satisfaisait pas au critère applicable à la propriété bénéficiaire était que les titres de propriété étaient enregistrés au nom de DSD, et ce, en dépit du fait que, dans un grand nombre de mandats immobiliers, la propriété en common law est détenue par une société, alors que la propriété bénéficiaire est détenue par quelqu'un d'autre.

 

•        Aucun formulaire n'avait été déposé afin de transférer les actifs aux sociétés en franchise d'impôt en vertu de l'article 85.

 

•        Il n'existe aucune preuve indiquant un transfert véritable des immeubles, parce qu'aucune contrepartie n'avait été versée à l'égard du transfert du titre afférent aux immeubles.

 

•        Rien n'indiquait que l'appelante avait préparé des documents au sujet des transferts afin de se protéger et de clarifier les incidences des transferts sur les actionnaires minoritaires.

 

•        En l'absence de contrepartie, les transferts d'immeubles et d'autres actifs d'entreprise pouvaient être considérés comme des dons, mais pour qu'un don soit valide, il faut une intention claire; or, rien ne montre l'existence de pareille intention dans ce cas‑ci.

 

•        Lorsque DSD a acquis l'immeuble situé au 1430, 12e Rue Est, en 2003, l'appelante avait personnellement agi comme bailleur de fonds, et ce, même si l'hypothèque avait été enregistrée au nom de DSD.

 

•        Toutes les hypothèques étaient enregistrées au nom de l'appelante elle‑même jusqu'en 2005.

 

•        Pendant toutes les années en question, l'appelante a toujours déclaré dans ses propres déclarations le revenu tiré des immeubles locatifs et du tutorat et déduit les dépenses y afférentes.

 

La position de l'intimée

 

[20]         L'intimée soutient que l'intention de l'appelante, lorsqu'elle a constitué les entreprises en personnes morales, était de transférer aux sociétés les risques et responsabilités se rattachant à la propriété. Selon l'intimée, il n'est pas approprié dans ce cas‑ci de tirer après coup des conclusions au sujet de l'existence d'un mandat implicite, étant donné que le lien de dépendance existant entre l'appelante et les sociétés exige qu'il y ait des documents clairs afin d'établir l'existence d'un tel mandat. L'intimée met en doute la crédibilité de l'appelante et soutient qu'en sa qualité d'ancienne enseignante titulaire d'un diplôme de cycle supérieur en éducation, et en tant que personne ayant bénéficié de l'aide d'un avocat et d'un comptable, l'appelante doit avoir été au courant des avantages qu'offrait la constitution en personne morale quant à la réduction des risques et avoir recherché ces avantages. L'intimée affirme que l'appelante tente maintenant de caractériser autrement la façon dont elle a structuré ses entreprises à cause des conséquences fiscales auxquelles elle fait face. Selon la thèse de l'intimée, les facteurs énumérés ci‑dessous établissent clairement que l'appelante avait l'intention de transférer aux sociétés la propriété en common law ainsi que la propriété bénéficiaire de ses entreprises :

 

•        SJC concluait des baux.

 

•        Les baux étaient conclus entre SJC et ses locataires.

 

•        Les avis d'éviction étaient rédigés sur du papier à en‑tête de SJC.

 

•        L'inscription [TRADUCTION] « SJC Management Inc., Shirley Fourney, directrice » figurait sur le papier à en‑tête de SJC.

 

•        SJC se présentait à l'Office de la location résidentielle comme étant une propriétaire.

 

•        SJC avait sa propre adresse électronique, qui figurait dans les baux qu'elle concluait et sur son papier à en‑tête.

 

•        SJC était la détentrice inscrite d'un compte bancaire à la Banque HSBC.

 

•        SJC a obtenu un permis d'exploitation d'une d'entreprise délivré à son nom et a exercé ses activités aux termes de ce permis.

 

•        SJC concluait des contrats avec des tiers.

 

•        Vers le mois de mars 2003, Shirley Fourney a transféré à DSD la propriété afférente à cinq immeubles.

 

•        Vers le mois de juillet 2003, DSD a soumis une offre en vue d'acheter l'immeuble situé au 807, rue Cumberland.

 

•        Vers le mois de juillet 2003, DSD a acheté l'immeuble situé au 1430, 12e Rue Est.

 

•        Vers le mois de septembre 2004, DSD a vendu l'immeuble situé au 116 – 126, place Edinburgh.

 

•        Vers le mois de septembre 2005, DSD a acheté un immeuble situé au 1401, 13e Rue Est.

 

•        DSD a consenti à la Banque HSBC des hypothèques sur six immeubles.

 

•        DSD était la propriétaire inscrite d'une voiture Suburban GMC.

 

•        DSD était la détentrice inscrite d'un compte bancaire à la Banque HSBC.

 

•        Des permis de construction avaient été délivrés au nom de DSD.

 

•        Un avis de privilège avait été émis contre DSC.

 

•        Les avis d'impôts fonciers étaient établis au nom de DSD.

 

•        DSD était chargée de réparer les immeubles locatifs et d'assurer leur entretien.

 

•        DSD a déposé ses déclarations annuelles de 2003, de 2004 et de 2005 à l'Office des sociétés de la Saskatchewan.

 

•        La ville de Saskatoon a établi un avis de violation du règlement de zonage à l'encontre de DSD.

 

•        Learning Boost a déposé sa déclaration annuelle de 2004 à l'Office des sociétés de la Saskatchewan.

 

•        Learning Boost est la détentrice inscrite d'un compte bancaire d'entreprise à la Banque HSBC.

 

•        Les contrats de prestation de services d'enseignement étaient conclus entre Learning Boost et les parents ou les tuteurs des élèves de Learning Boost.

 

•        Les contrats de prestation de services d'enseignement portaient l'inscription [TRADUCTION] « © [...] Learning Boost Inc. ».

 

•        Les paiements des services fournis aux termes des contrats de prestation de services d'enseignement devaient être versés à Learning Boost.

 

•        Les ententes d'entrepreneur indépendant étaient conclues entre Learning Boost et les tuteurs engagés par l'appelante.

 

•        Les ententes de confidentialité étaient conclues entre Learning Boost et ses tuteurs.

 

•        Le contrat de franchise était conclu entre Learning Boost et le franchisé.

 

•        Learning Boost a obtenu un permis d'exploitation d'une entreprise délivré à son nom et a exercé ses activités aux termes de ce permis.

 

•        Des feuillets T4 ont été délivrés au nom et sous le numéro d'entreprise de Learning Boost.

 

•        Le sommaire T4 a été délivré au nom et sous le numéro d'entreprise de Learning Boost.

 

•        Learning Boost avait sa propre adresse électronique, son propre site Web et son propre numéro de téléphone.

 

•        Learning Boost a reçu une facture de SJC à l'égard du sixième des dépenses se rattachant à la résidence située au 1706, 14e Rue Est.

 

•        Learning Boost préparait ses propres états financiers, y compris les états des résultats.

 

[21]         Les observations écrites supplémentaires de l'intimée et les témoignages ont révélé les éléments suivants à l'appui de la thèse de l'intimée :

 

•        Lorsque l'appelante a acheté l'immeuble situé au 1430, 12e Rue Est, en 2003, sa banque, la Banque de Nouvelle‑Écosse, a refusé de lui accorder le prêt hypothécaire additionnel. L'appelante a alors transféré toutes ses hypothèques à la Banque HSBC, qui était prête à lui accorder le prêt hypothécaire ainsi qu'à accepter les hypothèques existantes, et toutes les hypothèques ont alors été enregistrées au nom de DSD.

 

•        Learning Boost détenait un compte à son propre nom, et l'intimée affirme que DSD et SJC utilisaient uniquement les comptes personnels de l'appelante parce que cette dernière voulait éviter les frais bancaires plus élevés prélevés sur les comptes d'entreprise comportant un nombre élevé d'opérations.

 

•        Il n'existait aucun mandat entre l'appelante et les sociétés et, dans ce cas‑ci, où les parties ont entre elles un lien de dépendance, il n'est pas approprié de conclure à l'existence d'un mandat implicite.

 

•        L'article 35 de la loi intitulée Land Titles Act, 2000 (Loi de 2000 sur l'enregistrement des droits immobiliers) de la Saskatchewan, S.S. 2000, ch. L‑5.1, interdit au fiduciaire d'être inscrit sur le titre.

 

•        En prévision de la vérification menée par l'ARC, l'appelante a conclu un contrat avec SJC en 2006, qu'elle a antidaté à l'année 2003 et dans lequel elle décrit ses tâches comme étant celles d'une gestionnaire immobilière et se présente comme étant la mandataire de SJC, contrairement à l'allégation qu'elle a faite dans le présent appel, à savoir que SJC était sa mandataire.

 

Analyse : la propriété bénéficiaire

 

[22]         Le paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») exclut expressément certains transferts en l'absence d'un transfert de la propriété bénéficiaire ou « effective ». La disposition qui nous intéresse est ainsi libellée :

 

248(1) Définitions — Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

 

[...]

 

« disposition » Constitue notamment une disposition de bien, sauf indication contraire expresse :

 

a) [...]

 

Ne constitue pas une disposition de bien :

 

e) tout transfert de bien qui n'a pas pour effet de changer la propriété effective du bien, sauf si le transfert est effectué, selon le cas :

 

(i) d'une personne ou d'une société de personnes à une fiducie au profit de la personne ou de la société de personnes,

 

(ii) d'une fiducie à son bénéficiaire,

 

(iii) d'une fiducie administrée au profit d'un ou de plusieurs de ses bénéficiaires à une autre fiducie administrée au profit des mêmes bénéficiaires;

 

[...]

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[23]         Le paragraphe 104(1) de la Loi dispose que la mention d'une fiducie, à l'alinéa e) de la définition de « disposition » au paragraphe 248(1), n'inclut pas les transferts à des fiducies nues, ces transferts n'étant pas considérés comme des dispositions en vertu du paragraphe 248(1) lorsque la fiducie agit entièrement à titre de mandataire du bénéficiaire et qu'elle détient le titre sans qu'il y ait eu changement de la propriété bénéficiaire :

 

104(1) Fiducie ou succession. Dans la présente loi, la mention d'une fiducie ou d'une succession (appelées « fiducie » à la présente sous‑section) vaut également mention, sauf indication contraire du contexte, du fiduciaire, de l'exécuteur testamentaire, de l'administrateur successoral, du liquidateur de succession, de l'héritier ou d'un autre représentant légal ayant la propriété ou le contrôle des biens de la fiducie. Toutefois, sauf pour l'application du présent paragraphe, du paragraphe (1.1), du sous‑alinéa b)(v) de la définition de « disposition » au paragraphe 248(1) et de l'alinéa k) de cette définition, l'arrangement dans le cadre duquel il est raisonnable de considérer qu'une fiducie agit en qualité de mandataire de l'ensemble de ses bénéficiaires pour ce qui est des opérations portant sur ses biens est réputé ne pas être une fiducie, sauf si la fiducie est visée à l'un des alinéas a) à e.1) de la définition de « fiducie » au paragraphe 108(1).

 

[24]         En l'espèce, l'appelante affirme qu'il n'y a pas eu disposition au titre du paragraphe 248(1) de la Loi, parce que seule la propriété en common law des actifs d'entreprise et des droits y afférents a été transférée, sans aucune disposition imposable réelle, parce que les personnes morales détenaient le titre afférent aux immeubles à titre de simples mandataires et prête‑noms de l'appelante, sans avoir acquis la propriété bénéficiaire. L'appelante affirme que l'absence de contrepartie pour l'un ou l'autre des immeubles, à laquelle vient s'ajouter l'absence d'intention d'établir une fiducie ou de consentir un don, montre que la propriété véritable n'a jamais été transférée. Elle fait en outre valoir que tout achat additionnel ou que toute vente additionnelle d'immeuble ont été effectués par l'entremise des sociétés en leur qualité de mandataires.

 

[25]         En me penchant sur cet argument, j'examinerai le sens de l'expression « propriété bénéficiaire », le droit qui s'applique aux transferts de biens sans contrepartie et les facteurs qui doivent être présents pour qu'une relation mandant‑mandataire soit établie. Premièrement, en ce qui concerne la propriété bénéficiaire, cette notion découle de la nécessité en equity de faire une distinction entre la personne qui détient le titre afférent à un immeuble (le « propriétaire en common law ») et celle qui a véritablement droit aux avantages se rattachant à la propriété. Comme la Cour suprême du Canada l'a reconnu dans l'arrêt Covert c. Ministre des Finances de la Nouvelle‑Écosse[1], en citant les remarques que le juge Hart avait faites dans la décision MacKeen Estate v. Minister of Finance of Nova Scotia (1977), 36 A.P.R. 572 :

 

[TRADUCTION]

 

Il me semble que le sens courant de l'expression « propriétaire bénéficiaire » est celui de véritable propriétaire ou propriétaire réel du bien. Le bien peut être enregistré à un autre nom ou détenu en fiducie pour le véritable propriétaire, mais le « propriétaire bénéficiaire » est celui qui, en dernier ressort, exerce les droits de propriété sur le bien.

 

[26]         Plus récemment, la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Pecore c. Pecore, s'est penchée sur le sens de l'expression « propriété bénéficiaire »[2], en reconnaissant la distinction entre la propriété en common law et la propriété bénéficiaire qui découle de considérations fondées sur l'equity :

 

[...] l'equity fait une distinction entre la propriété en common law et la propriété bénéficiaire. Le propriétaire bénéficiaire d'un bien est [TRADUCTION] « le véritable propriétaire du bien même si ce dernier n'est pas à son nom » : Csak c. Aumon (1990), 69 D.L.R. (4th) 567 (H.C.J. Ont.), p. 570[3]. [...]

 

[27]         Lorsque la personne qui a la propriété en common law du fait qu'elle détient le titre est différente de celle qui a la propriété bénéficiaire et que le propriétaire en common law ne possède aucun pouvoir discrétionnaire de faire quoi que ce soit, le bien est considéré comme étant détenu en vertu d'une fiducie nue, ou simple fiducie, que ce soit par un mandataire ou par un fiduciaire. Dans la décision De Mond c. La Reine[4], la Cour canadienne de l'impôt a examiné le sens de l'expression « simple fiducie » :

 

[...] Le professeur Waters définit la simple fiducie dans les termes suivants :

 

[TRADUCTION]

 

On entend généralement par « simple fiducie » la fiducie où le ou les fiduciaires détiennent des biens sans aucune autre obligation d'agir, sauf celle de remettre les biens au bénéficiaire sur demande. [...]

 

[...] Tout fiduciaire, y compris le mandataire qui détient le titre du bien pour un mandant, est un simple fiduciaire du bien qu'il détient pour une autre personne[5].

 

[...] on a également déclaré que le simple fiduciaire détient des biens en fiducie au profit absolu des bénéficiaires qui peuvent en disposer sans condition (voir Halsbury's Laws of England, 4e éd., volume 48, paragraphe 641, et The Queen v. Robinson et al., 98 DTC 6232 (C.A.F.))[6].

 

[28]         Le juge Lamarre a ensuite examiné le rapport existant entre les notions de simple fiduciaire et de mandataire :

 

[37]      Le simple fiduciaire a également été comparé au mandataire. Il ne sera pas tenu compte de l'existence d'une simple fiducie à des fins fiscales dans les cas où le simple fiduciaire détient des biens en tant que simple mandataire ou pour la personne en ayant la propriété effective. Dans l'arrêt Trident Holdings Ltd. v. Danand Investments Ltd., 64 O.R. (2d) 65 (C.A. Ont.), le juge Morden, s'exprimant pour la Cour d'appel de l'Ontario, a établi une distinction entre la fiducie ordinaire et la simple fiducie. Il a reproduit les passages suivants tirés de Scott, The Law of Trusts, 4e éd. (1987) :

 

[...]

 

[TRADUCTION]

 

Une personne peut être à la fois mandataire et fiduciaire d'une autre personne. Si elle entreprend d'agir pour le compte de l'autre personne et sous réserve de son contrôle, elle est un mandataire, mais si elle détient le titre des biens pour son mandant, elle est également un fiduciaire. Dans un tel cas, cependant, c'est la relation de mandataire qui prédomine, et les principes du mandat, et non ceux de la fiducie, s'appliquent [vol. 1, p. 95].

 

[38] Le juge Morden a également cité avec approbation un article de M. C. Cullity, « Liability of Beneficiaries — A Rejoinder », (1985‑86), 7 Estates & Trusts Quarterly 35, à la page 36 :

 

[TRADUCTION]

 

Il est manifeste que, dans nombre de situations, les fiduciaires sont également des mandataires. C'est ce qui se produit, par exemple, dans le cas bien connu des investissements que le courtier en valeurs mobilières détient en tant que fondé de pouvoir ou dans le cas du bien-fonds détenu par une société désignée. Dans de tels cas, la relation fiduciaire qui naît de la séparation de la propriété en common law et de la propriété en equity est souvent qualifiée de simple fiducie et, naturellement, à des fins fiscales et à certaines autres fins, il n'en est pas tenu compte.

 

La simple fiducie se distingue des autres fiducies en ce que le fiduciaire n'a aucune discrétion ou responsabilité ni aucun pouvoir indépendants. Son unique responsabilité consiste à donner suite aux instructions de ses mandants, les bénéficiaires. S'il n'est pas tenu d'accepter les instructions, s'il détient des pouvoirs ou des responsabilités indépendants importants, il n'est pas un simple fiduciaire[7].

 

[29]         Pour que la thèse de l'appelante se tienne, les transferts (et tout achat subséquent) d'immeubles doivent avoir pour effet de conférer aux sociétés la propriété en common law en vertu d'une fiducie nue. Toute autre activité exercée par les sociétés détenant les immeubles en fiducie nue devrait être exercée par celles‑ci à titre de mandataires de la mandante, soit l'appelante.

 

[30]         Un transfert de bien sans contrepartie donne généralement lieu à une présomption réfutable selon laquelle il existe une fiducie résultoire. Afin de réfuter la présomption voulant que le bien soit simplement détenu en fiducie pour l'auteur du transfert, le bénéficiaire du transfert est obligé de prouver que l'auteur du transfert voulait consentir un don. Comme la Cour suprême du Canada l'a dit dans l'arrêt Pecore :

 

20        Une fiducie résultoire prend naissance lorsque le titre de propriété d'un bien est établi au nom d'une partie qui, en sa qualité de fiduciaire ou d'acquéreur à titre gratuit, a l'obligation de rendre le bien au détenteur original du titre : voir D. W. M. Waters, M. R. Gillen et L. D. Smith, dir., Waters' Law of Trusts in Canada (3e éd. 2005), p. 362. [...]

 

24        La présomption de fiducie résultoire est une présomption de droit réfutable et la règle générale applicable aux transferts à titre gratuit. Lorsqu'un transfert est contesté, la présomption détermine à quelle partie incombe le fardeau de la preuve. Ainsi, dans le cas d'un transfert sans contrepartie, la preuve de l'intention de faire un don incombe à son destinataire : voir Waters' Law of Trusts, p. 375, et E. E. Gillese et M. Milczynski, The Law of Trusts (2e éd. 2005), p. 110. Il en est ainsi parce que l'equity présume l'existence d'un marché, et non d'une donation[8].

 

[31]         Dans l'arrêt Pecore, la Cour suprême a ensuite examiné le fardeau de la preuve auquel le bénéficiaire du transfert doit satisfaire afin de démontrer que l'auteur du transfert avait l'intention d'effectuer une donation, mais pareilles considérations ne sont pas pertinentes en l'espèce. L'appelante nie avoir eu l'intention requise de transférer les immeubles à titre gratuit, et, puisqu'elle était l'actionnaire majoritaire du bénéficiaire du transfert, il lui incomberait de réfuter la présomption selon laquelle la société détenait ces immeubles en vertu d'une fiducie résultoire, puisqu'elle avait reçu les immeubles au moyen de transferts effectués à titre gratuit.

 

[32]         En outre, un don n'est valide que si l'intention du donateur d'effectuer une donation était tout à fait claire :

 

[TRADUCTION]

 

Les donations entre vifs sont des donations qu'une personne vivante consent à une autre personne vivante. Ces donations peuvent être effectuées oralement ou par acte de donation.

 

a) − Les donations orales

 

L'intention d'effectuer une donation doit être claire. Les tribunaux ne concluront pas à l'existence d'une intention de faire une donation si les paroles ou les actions du donateur sont équivoques ou peuvent s'interpréter comme indiquant ou non l'existence d'une intention d'effectuer une donation. La différence entre une donation complète et une donation incomplète dépend souvent de l'emploi de termes précis (Jones v. Lock (1865), L.R. 1 Ch. App. 25).

 

La remise ne constitue pas nécessairement une preuve de l'existence d'une donation. Pour qu'il y ait donation orale, les tribunaux exigent un transfert complet de la possession. Le donateur ne doit plus exercer de contrôle sur le bien. [...]

 

b) − Les donations consenties par acte de donation

 

Le donateur qui effectue une donation au moyen d'un acte de donation doit délivrer au donataire un instrument scellé indiquant son intention d'effectuer la donation ainsi que l'objet de la donation. Le sceau est nécessaire afin de corroborer l'intention exprimée dans le document écrit. L'instrument scellé doit être délivré de façon que le donateur ne l'ait plus en sa possession. De nos jours, on ne sait pas trop jusqu'à quel point l'instrument doit être formel. Il n'est peut‑être plus nécessaire de préparer un instrument scellé, mais le document doit néanmoins être suffisamment formel pour corroborer l'intention éclairée et réfléchie d'effectuer la donation[9].

 

[33]         Étant donné que les documents déposés au bureau d'enregistrement immobilier sont des actes formalistes, il serait possible de soutenir que lorsque pareils actes étaient utilisés afin de transférer les immeubles à DSD, il n'était pas nécessaire de verser une contrepartie. Un tel argument a été examiné et rejeté par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Niles v. Lake, [1947] R.C.S. 291 :

 

[TRADUCTION]

 

[...] le simple fait que le document en question était un document scellé n'empêche pas les appelants de démontrer qu'aucune contrepartie n'a été versée. Ils l'ont démontré, de sorte qu'il existe une fiducie résultoire[10].

 

[34]         En l'espèce, la preuve donne à penser qu'il n'y a pas eu accord de volontés au sujet de la formation d'un contrat valide entre l'appelante et les sociétés. Comme l'appelante l'a soutenu :

 

[TRADUCTION]

 

Un contrat peut uniquement prendre naissance s'il y a animus contrahendi entre les parties. En l'absence d'une intention expresse ou implicite voulant qu'un contrat soit créé par suite des paroles ou de la conduite des parties, on ne saurait dire qu'il existe des obligations contractuelles susceptibles d'exécution forcée[11].

 

[35]         La règle de la fiducie résultoire devrait s'appliquer à tous les immeubles transférés dans ce cas‑ci. Tous les transferts d'actifs d'entreprise et de droits à la société ont été effectués à titre gratuit. Rien n'indique l'existence de l'intention de procéder à une donation. En outre, comme il en sera ci‑dessous fait mention, la conduite de l'appelante et des sociétés au cours des trois années en question n'indique pas une intention de transférer les immeubles à la société. Elle indique plutôt l'existence d'une relation mandante-mandataire implicite, l'appelante continuant à détenir la propriété bénéficiaire des immeubles et des entreprises.

 

[36]         L'appelante affirme que, bien qu'aucune entente n'ait été conclue par écrit, le mandat existant entre elle, la présumée mandante, et les trois sociétés, les présumées mandataires, s'entend implicitement de leur comportement au cours des années d'imposition en question. Dans l'arrêt Kinguk Trawl Inc. c. La Reine[12], la Cour d'appel fédérale a examiné le sens du terme « mandat » et la façon dont un mandat prend naissance :

 

Le terme mandat a été défini comme suit :

 

[TRADUCTION] [...] la relation fiduciaire entre deux personnes par laquelle l'une consent expressément ou tacitement à ce que l'autre accomplisse en son nom des actes qui modifient ses rapports avec des tiers, et l'autre consent à accomplir ces actes ou les accomplit. (Bowstead & Reynolds on Agency (17e éd., Sweet & Maxwell, 2001)).

 

Dans la décision Royal Securities Corp. Ltd. c. Montreal Trust Co. et. al., 59 D.L.R. (2d) 666, le juge en chef Gale de la Haute Cour a énuméré les éléments essentiels à l'existence d'un mandat :

 

[TRADUCTION]

 

1. Consentement tant du mandant que du mandataire;

 

2. Autorisation donnée au mandataire par le mandant de modifier la situation juridique de ce dernier;

 

3. Contrôle des actes du mandataire par le mandant.

 

En fait, les points 2 et 3 se recoupent souvent puisque le contrôle des actes du mandataire par le mandant se manifeste dans l'autorisation donnée au mandataire[13].

 

[37]         Dans l'ouvrage intitulé Bowstead and Reynolds on Agency, l'auteur explique qu'un mandat peut prendre naissance des façons suivantes :

 

[TRADUCTION]

 

(1) La relation mandant‑mandataire peut être créée :

 

a) au moyen d'une entente, contractuelle ou non, entre le mandant et le mandataire, laquelle peut être expresse ou s'entendre implicitement de la conduite ou de la situation des parties;

 

b) d'une façon rétrospective, au moyen de la ratification ultérieure par le mandant d'actes accomplis pour son compte[14].

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[38]         L'intimée affirme que l'appelante tente de caractériser autrement, rétrospectivement, ses opérations commerciales et elle met la crédibilité de l'appelante en doute, en affirmant que l'appelante est une femme compétente et instruite qui a choisi la méthode la plus commode à divers moments. L'intimée affirme que la Cour ne devrait pas permettre à l'appelante de choisir la propriété bénéficiaire accompagnée d'un mandat comme façon la plus commode de procéder à ce moment afin d'éviter les conséquences fiscales défavorables auxquelles elle fait face. L'avocat a inclus dans son recueil de jurisprudence des décisions dans lesquelles il est fait mention du passage souvent cité de la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans R. c. Friedberg, no A‑65‑89, 5 décembre 1991, [1991] A.C.F. no 1255 (QL), au sujet de l'importance de la forme dans les affaires fiscales :

 

En droit fiscal, la forme a de l'importance. Une simple intention subjective, en l'espèce comme dans d'autres instances en matière fiscale, ne suffit pas en soi à modifier la caractérisation d'une opération aux fins de l'impôt. Lorsqu'un contribuable prend certaines dispositions formelles à l'égard de ses affaires, il peut s'ensuivre d'importants avantages fiscaux, quand bien même ces dispositions seraient prises principalement dans le but d'éviter des impôts (voir La Reine c. Irving Oil, 91 DTC 5106, le juge Mahoney, J.C.A.). Toutefois, si un contribuable omet de prendre les mesures formelles appropriées, peut-être que des impôts devront être payés. S'il n'en était pas ainsi, Revenu Canada et les tribunaux se livreraient à des exercices interminables pour établir les intentions véritables derrière certaines opérations. Les contribuables et la Couronne chercheraient à restructurer des opérations après coup afin de profiter de la législation fiscale ou d'amener les contribuables à payer des impôts qu'ils pourraient autrement ne pas avoir à payer. Bien que la preuve de l'intention puisse parfois aider les tribunaux à clarifier des marchés, elle est rarement déterminante. En résumé, la preuve d'une intention subjective ne peut servir à « rectifier » des documents qui s'orientent clairement vers une direction précise.

 

[39]         L'intimée affirme en outre que l'appelante demande à la Cour de lever le voile corporatif. Toutefois, comme un auteur cité par l'intimée elle‑même le fait remarquer, les tribunaux ont reconnu qu'un mandat constitue un motif approprié de caractériser la relation existant entre une société et une autre entité au moyen de sa nature substantive :

 

[TRADUCTION]

 

Les tribunaux ont prétendu faire abstraction de l'existence d'une personnalité morale distincte en se fondant sur un troisième motif, à savoir en concluant que la société agit simplement à titre de mandataire d'une autre personne, qui est habituellement l'actionnaire majoritaire, cette dernière étant elle‑même une société. En principe, la forme corporative n'est pas rejetée du simple fait qu'il est conclu que la société agit comme mandataire. Il est plutôt conclu que l'entreprise de la société ou l'activité invoquée par une autre partie ne sont pas directement celles de la société, cette dernière agissant uniquement comme mandataire de l'actionnaire majoritaire[15].

 

Rien n'empêche d'une façon générale de chercher à savoir si les sociétés agissaient de fait à titre de mandataires de l'appelante. Toutefois, comme nous le verrons ci‑dessous, le critère permettant de conclure à l'existence d'un mandat, en l'absence d'une entente écrite, est un critère restrictif qui exige la preuve de la conduite nécessaire.

 

[40]         Dans la décision Denison Mines Ltd. c. Ministre du Revenu national[16], le juge Cattanach a analysé l'argument selon lequel une filiale était simplement la mandataire de la société mère, qui détenait toutes les actions de la filiale :

 

En résumé, l'appelante estime que l'entreprise de la Con‑Ell était en réalité celle de l'appelante et, à l'opposé, le Ministre s'appuie sur l'arrêt Salomon (Salomon c. A. Salomon & Co. Ltd. [1897] A.C. 22) selon lequel il y a deux entités juridiques distinctes et les pertes de l'une ne sont pas les pertes de l'autre.

 

Il est bien établi que le simple fait pour une personne de détenir toutes les actions d'une compagnie ne fait pas de l'entreprise exploitée par cette compagnie l'entreprise de l'actionnaire et ne fait pas de cette compagnie le mandataire de l'actionnaire pour exploiter cette entreprise. Cependant il est concevable qu'il puisse exister une entente entre l'actionnaire et la compagnie qui fasse de celle‑ci le mandataire de l'actionnaire dans le but de diriger l'entreprise et faire ainsi de cette entreprise celle de l'actionnaire. Il importe peu que l'actionnaire soit lui‑même une compagnie à responsabilité limitée[17].

 

[41]         Plus récemment, la capacité d'une société d'agir à titre de mandataire de son actionnaire a été reconnue sans question par le juge Paris, de la Cour canadienne de l'impôt, dans l'affaire Avotus Corp. c. La Reine. Le juge Paris a cité la décision Denison Mines à l'appui de l'assertion suivante :

 

La jurisprudence établit que rien n'empêche une société d'agir à titre de mandataire de son actionnaire. Dans la décision Denison Mines, précitée, le juge Cattanach a fait remarquer ce qui suit, à la page 5388 :

 

[...] Cependant il est concevable qu'il puisse exister une entente entre l'actionnaire et la compagnie qui fasse de celle‑ci le mandataire de l'actionnaire dans le but de diriger l'entreprise et faire ainsi de cette entreprise celle de l'actionnaire. Il importe peu que l'actionnaire soit lui-même une compagnie à responsabilité limitée[18].

 

[42]         Il est donc établi que les sociétés peuvent agir à titre de mandataires, ce qui ne va pas à l'encontre de la règle voulant que les sociétés aient une personnalité juridique distincte, question qui a été examinée dans la décision Salomon souvent citée.

 

[43]         En l'espèce, en l'absence d'une entente écrite exprimant l'intention claire d'établir un mandat, quelle est la preuve requise à l'appui de l'allégation de l'appelante? Dans la décision Avotus, une entente avait été conclue par écrit entre le mandant et le mandataire, mais elle avait été rédigée et signée en 1996, alors que la relation mandant-mandataire avait en fait été établie en 1994[19]. Le juge Paris a estimé que l'existence de l'entente était la considération déterminante, indépendamment du moment où elle avait été conclue :

 

Dans l'affaire Denison Mines, précitée, il n'existait aucun contrat exprès établissant un mandat entre le contribuable et sa filiale, et la cour a refusé de conclure à l'existence d'un contrat implicite créant entre ceux‑ci un mandat. Par contre, en l'espèce, l'appelante et Americas ont conclu une convention écrite de mandataire.

 

[...]

 

[...] Ce n'est qu'en l'absence d'une convention écrite qu'il faut examiner la conduite des parties afin de déterminer s'il est possible de conclure à l'existence d'une convention implicite de mandataire[20].

 

[44]         Dans ce cas‑ci, en l'absence d'une entente écrite, la Cour doit examiner minutieusement la conduite des parties afin de savoir s'il existait une intention implicite de créer un mandat, comme l'a dit G. H. L. Fridman, dans l'ouvrage Canadian Agency Law :

 

[TRADUCTION]

 

[...] Pour conclure à l'existence d'un mandat, il faut procéder à une analyse complexe des faits, en vue d'élucider la nature exacte de la relation existant entre les parties. [...]

 

[...] le mandat peut résulter implicitement de la conduite des parties, sans que ces dernières se soient expressément entendues sur les conditions d'emploi, sur la rémunération, et ainsi de suite. L'assentiment du mandataire peut s'entendre du fait que celui‑ci a agi intentionnellement pour le compte d'une autre personne. Toutefois, en général, c'est l'assentiment implicite du mandant auquel il sera probablement conclu; en effet, sauf dans certains cas, « un mandat ne peut être créé que par la volonté de l'employeur ».

 

[...]

 

Le simple silence n'est pas suffisant. Il doit exister une ligne de conduite indiquant l'acceptation du mandat. Une telle implication a pour effet de mettre les parties dans la même situation que celle qui existerait si le mandat avait été expressément créé[21].

 

[45]         Dans ce cas‑ci, une considération cruciale, lorsqu'il s'agit d'examiner la conduite de la mandante prétendue (l'appelante) et de ses mandataires, consistera à établir le degré de contrôle que l'appelante exerçait sur les sociétés :

 

[TRADUCTION]

 

[...] Il est important que le mandataire présumé soit soumis au contrôle du mandant présumé. Comme l'a dit le tribunal, en l'an 2000, dans la décision Advanced Glazing Systems Inc. v. Frydenlund : « [...] plus le pouvoir de contrôle exercé sur le mandataire ou le fiduciaire est étendu, plus il sera probable que les principes du mandat [...] s'appliquent »[22].

 

[46]         En l'espèce, l'appelante exerçait un contrôle complet sur toutes les actions des sociétés. De fait, les sociétés ne pouvaient pas agir sans l'appelante; même si les actionnaires minoritaires devenaient actifs, l'appelante continuerait à exercer le contrôle. Toutefois, le simple fait que l'appelante exerçait pareil contrôle ne permet pas pour autant de conclure à l'existence d'un mandat; autrement, un grand nombre de sociétés privées pourraient être considérées comme des mandataires de leurs actionnaires majoritaires. Quel est donc le véritable critère à appliquer pour établir l'existence d'un mandat?

 

[47]         Dans la décision Otineka Development Corporation Limited c. La Reine[23], la Cour canadienne de l'impôt a insisté sur la nécessité d'un niveau élevé de preuve lorsqu'il s'agit de conclure qu'une société agit de fait à titre de mandataire :

 

[...] Lorsqu'une corporation laisse voir à des tiers qu'elle est elle-même propriétaire de l'entreprise qu'elle exploite et des biens‑fonds connexes, tient des registres financiers distincts, dépose ses propres déclarations de revenus et agit comme toute autre corporation qui est indépendante de ses actionnaires, il faudrait qu'elle présente une preuve extrêmement convaincante pour établir que, pendant tout ce temps, elle n'était réellement que mandataire ou fiduciaire de ses actionnaires en vertu d'une entente verbale ou d'une présomption de la part de certains des actionnaires ou des administrateurs[24].

 

[48]         Dans ce cas‑ci, DSD et SJC se présentaient également chacune auprès des autres parties comme étant propriétaires des immeubles et de l'entreprise, mais uniquement dans certaines circonstances précises. DSD détenait le titre afférent à certains immeubles, mais, comme il en a antérieurement été fait mention, les immeubles étaient détenus en vertu d'une fiducie résultoire (nue), puisqu'ils avaient été acquis au moyen de transferts effectués à titre gratuit. En 2005, DSD a pris en charge toutes les hypothèques dont les immeubles étaient grevés. Toutefois, en 2003 et en 2004, après la constitution de DSD en personne morale, les hypothèques ont continué à être enregistrées au nom de l'appelante. Rien ne montre que l'appelante ait transféré les hypothèques à DSD en 2005 en vue de réduire les risques au minimum; l'appelante a plutôt continué à se porter garante de toutes les hypothèques, et tous les versements hypothécaires ont été effectués à l'aide de ses comptes personnels. Dans certaines circonstances précises, SJC concluait des contrats avec d'autres parties, en signant par exemple des baux avec les locataires; elle échangeait également certaines lettres avec les locataires. Toutefois, lors de la vérification effectuée par l'ARC, il a été conclu que SJC ne faisait essentiellement rien à titre de société.

 

[49]         SJC et DSD ne tenaient pas de registres financiers distincts, bien que l'appelante semble avoir fait de son mieux, en utilisant ses feuilles de calcul financières, pour assurer le suivi du revenu et des dépenses en général. Toutes les opérations conclues par SJC et par DSD étaient effectuées à l'aide des comptes personnels de l'appelante. La raison sociale de SJC apparaissait dans les lettres envoyées aux locataires et dans les baux, mais les chèques de loyer étaient libellés au nom de Mme Fourney, et cette dernière était désignée à titre de propriétaire dans les documents déposés à l'Office de la location résidentielle.

 

[50]         DSD et SJC produisaient toutes deux des déclarations de revenus, mais l'appelante déclarait un revenu et déduisait des dépenses qui étaient les mêmes que ceux indiqués par les sociétés ou semblables à ceux‑ci. Le fait que l'appelante déclarait personnellement le revenu et qu'elle déduisait personnellement les dépenses donne à penser qu'elle avait l'intention d'agir à titre de mandante, les sociétés agissant à titre de simples mandataires ou de fiduciaires nus. L'appelante est fort crédible dans ce cas‑ci; le comptable n'a pas fait preuve d'une diligence raisonnable et adéquate et de compétence professionnelle en préparant les déclarations de revenus des sociétés sans être en mesure de suivre leurs actifs. L'appelante n'a pas intentionnellement effectué les déductions en double et le fait qu'un revenu était déclaré et que des dépenses étaient déduites dans les déclarations des sociétés ne devrait pas être considéré comme une preuve à l'encontre de l'existence d'un mandat, puisque le fait que l'appelante a personnellement déduit les mêmes dépenses indique exactement le contraire[25].

 

[51]         L'appelante a témoigné avoir adopté comme stratégie le transfert des immeubles à DSD afin d'arriver au but fixé, à savoir mettre ses actifs à l'abri de son frère. Elle a témoigné avoir établi la structure corporative de façon qu'il soit plus difficile pour son frère de savoir quels immeubles lui appartenaient. L'appelante affirme que son frère, qui avait l'habitude de gérer et d'exploiter une ferme, accordait une valeur beaucoup trop élevée aux biens‑fonds. Elle allègue que son frère lui en voulait, parce qu'elle avait pris parti pour sa mère lorsque cette dernière avait cherché à faire respecter l'engagement de son fils de rembourser la dette qu'il avait contractée envers elle. Cette dette découlait de la vente de la ferme laitière familiale au frère, après le décès du père de l'appelante. L'appelante affirme que son frère avait cessé de rembourser sa mère, parce qu'il avait décidé unilatéralement qu'il lui avait versé suffisamment d'argent. La préoccupation de l'appelante, lorsqu'elle voulait se protéger contre le risque d'un litige possible, s'est en rétrospective révélée non fondée. L'action que sa mère avait intentée a été accueillie par les tribunaux, en grande partie grâce à l'aide considérable que l'appelante avait apportée à celle‑ci.

 

[52]         La preuve révèle que l'appelante ne disposait pas de beaucoup de choix quant à la structure pour atteindre ses objectifs allégués. Elle pouvait transférer les immeubles directement à DSD en échange d'actions moins liquides. DSD aurait alors la propriété bénéficiaire et la propriété en common law des immeubles. Selon la thèse de l'intimée, c'est ce que l'appelante a fait. La preuve présentée par l'appelante ne me permet pas de partager ce point de vue.

 

[53]         L'autre plan d'action que l'appelante pouvait suivre consistait à transférer uniquement le titre enregistré à DSD, qui détiendrait alors les immeubles à titre de fiduciaire nue et qui serait désignée comme mandataire de l'appelante quant à ces immeubles. L'appelante pouvait également choisir de ne pas divulguer le mandat à des tiers. C'est ce qui est souvent fait dans le cas d'une opération immobilière. La divulgation d'une entente orale irait de fait à l'encontre de l'objet de pareille entente.

 

[54]         À mon avis, l'appelante a établi qu'elle voulait prendre pareilles dispositions et les mettre à exécution, et qu'elle a fait en sorte que les sociétés agissent pour son compte. Il aurait sans aucun doute été beaucoup plus simple pour l'appelante de veiller à ce qu'un acte de fiducie nue et une convention de mandat soient rédigés. Elle ne l'a pas fait, et elle a payé le prix, sa vie ayant notamment été chambardée par suite d'une vérification, d'une cotisation et des présents appels, qui lui ont coûté fort cher.

 

[55]         De nombreux facteurs confirment que DSD était autorisée à agir pour le compte de l'appelante. La fiducie nue et le mandat n'ont pas été complètement divulgués aux locataires et aux fournisseurs de DSD, mais les personnes averties avaient sans aucun doute de bons motifs de croire à l'existence de cette relation. Ainsi, la preuve révèle que les chèques de loyer étaient émis au nom de l'appelante. Les factures se rattachant aux réparations et aux rénovations étaient adressées à l'appelante. C'était l'appelante qui annonçait les immeubles locatifs, qui percevait les chèques de loyer, qui nettoyait les immeubles et qui était désignée à titre de propriétaire à l'Office de la location résidentielle. L'intimée reconnaît de fait que SJC ne faisait rien.

 

[56]         Comme il en a déjà été fait mention, les problèmes de l'appelante découlent du fait que les mêmes revenus et les mêmes dépenses étaient déclarés par les sociétés et par elle‑même, ce qui a entraîné la déduction en double des pertes. M. Chambers, qui préparait les déclarations de revenus des sociétés, a fait un certain nombre de révélations étonnantes au cours de son témoignage, ce qui explique en partie comment cela est arrivé. La preuve montre qu'il y avait absence de communication efficace entre l'appelante et M. Chambers. Ainsi, M. Chambers a admis que l'appelante avait reçu beaucoup plus tard des copies des déclarations de revenus des sociétés pour les années 2003 et 2004, après leur production électronique. Seule une personne qui a mémorisé les codes des lignes où figurent les renseignements fiscaux pourrait comprendre ces déclarations. Les codes correspondent à un codage électronique des renseignements, et seul un expert fort compétent en matière de conformité fiscale connaîtrait ce codage. Un contribuable, ou en fait un avocat fiscaliste, ne peut pas savoir ce que signifient les codes, à moins d'avoir accès à un manuel détaillé de codage expliquant leur sens. L'agent de l'ARC qui a comparu pour le compte de l'intimée a admis que les fonctionnaires de l'ARC recevaient une formation spécialisée en vue d'être en mesure de comprendre les déclarations de revenus produites par voie électronique. L'examen des déclarations en question n'aurait pas permis à l'appelante de savoir que M. Chambers avait déduit les mêmes pertes que celles qu'elle avait déduites dans ses déclarations de revenus personnelles.

 

[57]         La révélation la plus étonnante que M. Chambers a faite est qu'il a avoué avoir préparé et produit les déclarations de revenus sans comprendre comment DSD avait acquis les immeubles. Si l'appelante avait voulu transférer les immeubles en reportant les conséquences fiscales, elle aurait dû faire un choix au titre de l'article 85 de la Loi, à supposer que toutes les conditions soient remplies. D'une façon générale, étant donné que des gains avaient été accumulés, l'appelante aurait exercé, si elle avait reçu les conseils appropriés, un choix au titre de l'article 85 afin que le transfert soit libre d'impôt. La valeur actuelle de l'impôt à payer excédera toujours la valeur actuelle des dépenses d'amortissement futures. La chose est attribuable au fait que le taux d'amortissement est faible, ce qui veut dire que la valeur actuelle des économies d'impôt futures est faible. L'appelante n'a pas effectué de choix parce que, comme le montre la preuve, elle voulait conserver la propriété bénéficiaire. Elle estimait qu'il n'y avait pas eu de disposition imposable. Lorsqu'un transfert de bien est effectué entre des parties liées, l'expert qui prépare les déclarations de revenus demandera à voir l'entente de transfert afin de déterminer si le transfert est admissible à titre de transfert libre d'impôt. Je note que les deux fils de l'appelante se sont vu remettre des actions de la société de fiducie nue. Si une véritable disposition avait eu lieu et s'il y avait eu une donation, sous la forme de la transmission d'une partie de la valeur des immeubles transférés aux actions des fils de l'appelante, le transfert pourrait être en partie imposable. D'autre part, si M. Chambers, comme il l'a lui-même admis, a appris plus tard qu'aucun choix n'avait été exercé au titre de l'article 85 à l'égard d'un transfert libre d'impôt, il fallait connaître la juste valeur marchande de chaque immeuble afin de déterminer le solde de la fraction non amortie du coût en capital (la « FNACC ») pour DSD. Selon les règles techniques de la Loi, seule la moitié du gain accumulé est ajoutée au solde de la FNACC afin de correspondre à l'imposition de la moitié de ce gain entre les mains de l'auteur du transfert. Dans ce cas‑ci, le solde de la FNACC est égal à la somme du coût de l'immeuble pour l'auteur du transfert et de la moitié du gain.

 

[58]         Si M. Chambers avait posé quelques questions fondamentales, la situation aurait pu être éclaircie. Par exemple, M. Chambers aurait pu demander où était la convention d'achat‑vente, quelle était la contrepartie qui avait été versée, si l'appelante se rendait compte que la vente pouvait être considérée comme imposable en l'absence de documents indiquant qu'elle conservait la propriété bénéficiaire, si l'appelante savait qu'elle réaliserait un gain en capital imposable qui excéderait la valeur actuelle nette de l'économie d'impôt future découlant des dépenses d'amortissement dans le cas où l'opération serait jugée imposable. Il aurait pu informer l'appelante qu'il lui fallait les renseignements susmentionnés en vue d'établir, le cas échéant, le solde de la FNACC des immeubles. La confusion était d'autant plus grande que les déclarations électroniques ont été produites à deux reprises, bien avant que l'appelante reçoive des copies de ces déclarations. Si M. Chambers avait fait ce dont il a ci‑dessus été fait mention, ces questions auraient pu être éclaircies sans qu'il soit nécessaire de procéder à une vérification et d'établir les nouvelles cotisations en résultant.

 

[59]         L'appelante a témoigné se sentir à l'aise lorsqu'elle utilisait le logiciel fiscal pour le grand public pour préparer ses déclarations de revenus personnelles, comme elle l'avait fait par le passé. Selon ses propres mots, la complexité du logiciel utilisé pour préparer des déclarations de revenus produites par voie électronique la terrifiait, ce qui est bien compréhensible, étant donné qu'il faut énormément de connaissances pour convertir les renseignements financiers en renseignements fiscaux dans les déclarations. L'appelante a fait appel à M. Chambers pour ce service. Des erreurs ont été commises, mais la preuve montre que ce n'était pas l'appelante qui avait déduit à tort les dépenses, comme l'intimée l'a allégué. C'étaient DSD et les autres sociétés qui l'avaient fait dans les déclarations que M. Chambers avait préparées et produites. L'impôt, les intérêts et les pénalités que l'intimée demande à l'appelante de payer étaient fondés sur ce que l'appelante n'avait pas déclaré les gains provenant des transferts et qu'elle avait déduit des pertes auxquelles elle n'avait pas droit. En ce qui concerne DSD et SJC, la preuve montre clairement que l'appelante pouvait à bon droit le faire.

 

[60]         Learning Boost se présentait aux autres parties comme étant une entité juridique distincte d'un plus grand nombre de façons que DSD et SJC. Learning Boost détenait son propre compte de banque et elle préparait des états financiers chaque année. Toutefois, l'appelante s'occupait à tous les égards des activités de Learning Boost, à l'exception du travail accompli par les tuteurs qu'elle avait embauchés. L'appelante recevait les paiements des élèves, faisait toute la publicité et avait dessiné le logo de Learning Boost. Elle avait personnellement assumé les risques lorsqu'elle avait conclu un contrat à son nom en vue de faire rénover sa maison pour y aménager le bureau de Learning Boost. Toutefois, contrairement à la procédure suivie dans le cas de SJC, les paiements se rattachant aux services d'enseignement étaient versés à Learning Boost plutôt qu'à l'appelante. Les contrats étaient conclus entre les tuteurs et Learning Boost, ainsi que les ententes de confidentialité. Learning Boost s'était vu attribuer un numéro d'entreprise, elle avait obtenu un permis d'entreprise, et elle émettait elle‑même des feuillets T4. La société avait son propre numéro de téléphone et son propre site Web. L'appelante a néanmoins continué à déclarer le revenu et à déduire les dépenses de Learning Boost dans ses déclarations personnelles.

 

[61]         Le simple fait pour une entreprise commerciale d'avoir un compte bancaire distinct et de porter une attention particulière à la préparation d'un budget ne veut pas nécessairement dire qu'une telle entreprise (Learning Boost dans ce cas‑ci) n'est pas une mandataire, mais le nombre de fois où la société s'est présentée auprès d'autres parties à titre d'entité juridique distincte affaiblit bel et bien l'existence d'un mandat implicite (dans ce cas‑ci avec l'appelante). À mon avis, d'autres critères applicables aux relations mandant-mandataire et à la propriété bénéficiaire peuvent me servir de guide dans ma décision quant au statut de Learning Boost.

 

[62]         Dans l'ouvrage intitulé The Law of Partnerships and Corporations, J. Anthony VanDuzer nous apprend que le critère à appliquer pour savoir s'il existe un mandat est le suivant :

 

[TRADUCTION]

 

[...] Les facteurs mentionnés dans la décision Smith, Stone and Knight Ltd. v. Birmingham Corp. sont presque universellement cités comme étant ceux qui sont pertinents lorsqu'il s'agit de savoir s'il existe un mandat :

 

•           Les bénéfices étaient‑ils considérés comme les bénéfices de l'actionnaire?

 

•           La personne qui dirigeait l'entreprise était‑elle désignée par l'actionnaire?

 

•           L'actionnaire était‑il l'âme dirigeante de l'initiative commerciale?

 

•           L'actionnaire dirigeait‑il l'initiative, et décidait‑il de ce qui devait être fait et du capital à consacrer à l'initiative?

 

•           L'actionnaire réalisait‑il les bénéfices grâce à sa compétence et ses directives?

 

•           L'actionnaire exerçait‑il un contrôle effectif et continu[26]?

 

[63]         En l'espèce, il est possible de répondre par l'affirmative à chacune des questions susmentionnées, et ce, pour les trois sociétés. L'appelante exerçait un contrôle complet sur ces sociétés, et rien ne montre qu'il y ait eu des restrictions imposées par les actionnaires minoritaires ou par quelqu'un d'autre quant à la façon dont elle dirigeait l'entreprise, engageait (ses propres) capitaux dans cette entreprise, disposait des bénéfices, et ainsi de suite. M. VanDuzer souligne ensuite néanmoins que la simple présence des facteurs susmentionnés n'est pas suffisante :

 

[TRADUCTION]

 

Toutefois, la LCSA envisage un contrôle étendu et même complet exercé par une seule personne, de sorte que l'existence d'un contrôle satisfaisant au critère énoncé dans la décision Smith ne peut aucunement être concluante. [...]

 

[...]

 

Aucune disposition des lois sur les sociétés ne donne à entendre qu'un degré particulier de contrôle est inapproprié ou prohibé. Dans la décision Alberta Gas Ethylene Co. c. M.R.N., le juge Reed a fait remarquer que la décision Smith n'étaye pas la proposition selon laquelle il faut faire abstraction de l'existence distincte d'une filiale lorsqu'il est satisfait aux six critères. Il faut se demander à quelles fins la société a été constituée en personne morale et à quelles fins elle est utilisée, et tenir compte du contexte général dans lequel l'obligation envers le tiers a pris naissance[27].

 

[64]         Dans la décision Prévost Car Inc. c. La Reine[28], le juge en chef adjoint Rip (tel était alors son titre) a procédé à une analyse détaillée du sens de l'expression « bénéficiaire effectif » dans la common law canadienne, étant donné que cette expression n'était pas définie dans l'entente en cause dans cette affaire‑là. Le juge a conclu qu'un mandat dans lequel le mandant conserve la propriété bénéficiaire peut uniquement exister dans certaines circonstances restreintes satisfaisant à des critères très précis :

 

[...] Lorsque la Cour suprême du Canada a dit, dans l'arrêt Covert, que le « propriétaire bénéficiaire » est celui qui, « en dernier ressort », exerce les droits de propriété sur le bien, je suis persuadé qu'elle n'avait pas l'intention, en employant l'expression « en dernier ressort », d'écarter le voile de la personnalité juridique de sorte que les actionnaires de la société soient les bénéficiaires effectifs des actifs de celle‑ci, y compris le revenu gagné par elle. L'expression « en dernier ressort » se rapporte au destinataire du dividende, qui en est le véritable propriétaire, soit la personne qui pourrait en faire ce que bon lui semble. C'est le véritable propriétaire du bien qui en est le bénéficiaire effectif. Lorsqu'il existe un mandat ou encore lorsque le bien est détenu par un prête‑nom, on cherche à déterminer pour le compte de qui agit l'agent ou le mandataire ou au profit de qui le prête‑nom a prêté son nom. Lorsqu'une personne morale est en cause, il n'y a pas lieu de soulever le voile de la personnalité juridique, à moins que la société ne serve de relais pour une autre personne et qu'elle n'ait absolument aucune latitude quant à l'usage ou à l'affectation des fonds qui passent par elle en sa qualité de relais, ou qu'elle ne se soit engagée à agir pour le compte d'un tiers et conformément aux instructions de ce dernier, sans avoir aucun droit de faire autre chose que ce que ce tiers lui dit, comme dans le cas d'un courtier en valeurs mobilières, qui est le propriétaire inscrit des actions qu'il détient pour le compte de clients[29]. [...]

 

[65]         Tel est ici le cas : les trois sociétés pourraient être considérées comme de simples relais de l'appelante. Elles n'avaient pas la capacité d'agir de leur propre chef; rien ne montre que des registres des procès‑verbaux aient été tenus ou que des réunions annuelles aient eu lieu; les sociétés n'avaient pas le pouvoir discrétionnaire ni le droit d'utiliser le revenu gagné par leur entremise; de fait, elles pouvaient être décrites comme étant de simples relais ou de simples mandataires de l'appelante.

 

[66]         Dans la décision Larose c. Ministre du Revenu national[30], notre Cour a décrit ainsi le critère applicable à la propriété bénéficiaire : « [...] un bien sera réputé « beneficially owned » lorsque la même personne possède les trois attributs de la propriété d'un bien (usus, fructus, abusus) [...] »[31]. Dans la décision Smedley c. La Reine[32], la Cour canadienne de l'impôt a répété que « [...] le critère quant à la propriété bénéficiaire est la date à laquelle la partie a acquis les attributs du droit de propriété, soit le risque, l'usage et la possession »[33]. En ce qui concerne DSD et SJC, l'appelante satisfait clairement à ce critère, puisqu'elle assume personnellement tous les risques, en utilisant elle‑même tous les actifs d'entreprise et en ayant la possession de ces actifs. Seul le cas de Learning Boost suscite un certain doute, en ce sens que l'appelante assumait des risques quant aux coûts pour faire rénover sa maison afin d'y aménager un local d'enseignement, mais, en même temps, elle réduisait ses risques du fait qu'elle utilisait le nom de la société en vue de conclure des contrats avec d'autres personnes, et notamment avec les tuteurs, dans certains contextes.

 

[67]         Dans le cas précis de Learning Boost, quoiqu'elle ne soit pas parfaite, la preuve établit, selon la prépondérance des probabilités, que Learning Boost agissait également à titre de simple prête‑nom et de mandataire de l'appelante. Les indications d'une telle relation sont notamment les suivantes :

 

a)       L'appelante créait la publicité télévisée et imprimée se rapportant à Learning Boost;

 

b)      L'appelante avait dessiné et créé le logo de Learning Boost;

 

c)       L'appelante percevait les frais des élèves de Learning Boost;

 

d)      L'appelante avait transformé son garage simple en [TRADUCTION] « bureau de Learning Boost »;

 

e)       L'appelante avait personnellement conclu des contrats avec des hommes de métier afin de rénover le local d'enseignement de Learning Boost;

 

f)       L'appelante se rendait chez les élèves afin de signer les contrats et d'aider à l'enseignement;

 

g)       L'appelante embauchait les tuteurs qui devaient travailler avec les élèves de Learning Boost;

 

h)       Au cours des années d'imposition en question, l'appelante utilisait ses fonds personnels afin de couvrir les frais d'exploitation de l'entreprise de Learning Boost.

 

VI.     LES PÉNALITÉS

 

La position de l'appelante

 

[68]         De l'avis de l'appelante, on ne devrait pas imposer de pénalités pour faute lourde dans ce cas‑ci, et ce, pour les raisons suivantes :

 

•        Étant donné la façon dont l'intimée a rédigé son acte de procédure, qui ne peut pas être modifié sans nuire à l'équité de l'instruction, des pénalités pour faute lourde peuvent uniquement être imposées si l'allégation de l'appelante selon laquelle un mandat a été créé n'est pas retenue. On ne saurait maintenant tenir compte de la mention du fait que l'appelante a déduit en double certaines dépenses si elle ne figure pas dans l'acte de procédure de l'intimée, puisque l'intimée n'a pas le droit d'en appeler de sa propre cotisation. Cette question est différente de la question de la déduction en double soulevée par l'intimée à l'appui des cotisations. La question soulevée dans l'acte de procédure se rapporte au fait que les sociétés et l'appelante ont déduit en double les mêmes dépenses. À l'instruction, l'intimée a invoqué le fait que l'appelante avait déduit certaines dépenses à deux reprises dans ses déclarations de revenus. Il s'agit d'une question qui n'a pas été invoquée dans les cotisations dont l'appelante a fait l'objet et qui a été soulevée pour la première fois à l'instruction. Par conséquent, cette question ne faisait pas partie du fondement de la cotisation relative aux pénalités pour faute lourde imposées à l'appelante.

 

•        Le fardeau de la preuve incombe à l'intimée, qui a omis de présenter une preuve à l'appui d'une faute lourde, puisqu'elle n'a jamais fourni de calcul de la pénalité, et ce, bien que l'appelante en ait fait la demande et que l'ARC se soit engagée, au cours de l'interrogatoire préalable, à fournir les documents pertinents.

 

•        L'intimée n'a pas prouvé que l'appelante avait l'intention nécessaire pour justifier l'établissement de pénalités.

 

•        Dans la réponse à l'avis d'appel, l'intimée a mentionné pareil critère, mais les dispositions concernant les pénalités pour faute lourde figurant au paragraphe 163(2) de la Loi et à l'article 285 de la Loi sur la taxe d'accise (la « LTA ») n'imposent pas l'application du critère voulant que le contribuable [TRADUCTION] « aurait dû savoir » qu'il faisait un faux énoncé. L'expression utilisée est plutôt : « sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde ».

 

•        L'intimée n'a aucunement prouvé que l'appelante, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, a fait de faux énoncés ou des omissions dans ses déclarations. L'appelante n'a aucune formation formelle en matière fiscale ou comptable, mais elle tenait des livres et des registres détaillés, et elle partageait ces renseignements avec son comptable, en supposant qu'elle obtenait l'aide d'un expert compétent, ce qui assurerait le respect de ses obligations fiscales.

 

•        L'appelante avait fait l'objet de deux vérifications antérieures, mais ces vérifications se rapportaient à des questions différentes et elles avaient été effectuées avant la constitution des sociétés en personnes morales.

 

•        L'appelante n'avait jamais eu l'occasion d'examiner les déclarations de revenus des sociétés de 2004 et de 2005 avant la production électronique de celles‑ci. Elle a bien vu la déclaration de l'année 2003, mais elle ne possédait pas la compétence nécessaire pour comprendre les déclarations de revenus des sociétés, ce qui est étayé par le fait que l'agent des appels de l'ARC a reconnu qu'il faut une formation spéciale pour être en mesure de lire et de comprendre les déclarations de revenus des sociétés.

 

•        Même si les dépenses n'avaient pas été déduites en double, les déclarations de l'appelante pour les années en question indiqueraient néanmoins une perte.

 

La position de l'intimée

 

[69]         Des pénalités pour faute lourde devraient être imposées, puisque l'intimée a prouvé l'existence de nombreux motifs à l'appui, à savoir :

 

a)       [TRADUCTION] « Madame Fourney, de façon téméraire, n'a pas tenu compte de ses obligations légales à l'égard de l'impôt personnel et de l'impôt des sociétés. La preuve permet de conclure que Mme Fourney a décidé de faire ce qui lui semblait bon, peu importe que les mesures prises soient conformes ou non aux exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu ou de la Loi sur la taxe d'accise »[34];

 

b)      [TRADUCTION] « Le contre‑interrogatoire de Mme Fourney révélait que des erreurs avaient été commises dans les déclarations de revenus personnelles et dans les déclarations de revenus des sociétés appelantes, lesquelles sont presque trop nombreuses pour être mentionnées. [...] La question des erreurs figurant dans les diverses déclarations de revenus personnelles et des sociétés a été signalée à Mme Fourney aux stades des vérifications et des appels; il n'y a pas de piège »[35];

 

c)       L'appelante avait antérieurement fait l'objet de vérifications au sujet de la capitalisation de dépenses et de gains en capital non déclarés[36];

 

d)      L'appelante aurait dû partager convenablement les renseignements avec son comptable[37];

 

e)       Monsieur Chambers, le comptable, a témoigné qu'après avoir remarqué les déductions effectuées en double, il avait informé l'appelante, en 2005, qu'il fallait modifier sa déclaration personnelle[38];

 

f)       En sa qualité de personne exploitant une entreprise depuis l'année 1994, l'appelante aurait dû prendre des mesures en vue de mieux se renseigner au sujet des questions de comptabilité fiscale[39];

 

g)       Le grand nombre d'erreurs figurant dans les déclarations de l'appelante montre que son système de tenue de livres était manifestement inadéquat[40].

 

Les montants en cause sont élevés. En ce qui concerne DSD, le revenu non déclaré est élevé par rapport au revenu net déclaré en 2003, en 2004 et en 2005. Quant à Learning Boost, il est évident que les pertes qui ont été déduites sont importantes par rapport au revenu déclaré en 2003 et en 2004. En ce qui concerne Mme Fourney, il est évident que les pertes d'entreprise qui ont été déduites pour les activités commerciales de DSD, de SJC et de Learning Boost sont élevées. Quant à la TPS dont SJC est redevable, les montants en cause sont importants par rapport aux montants globaux déclarés et déduits.

 

Analyse relative aux pénalités

 

[70]         Il ressort clairement de la réponse à l'avis d'appel que le ministre a pris la position selon laquelle des pénalités devraient être imposées à l'appelante uniquement si la Cour concluait que la propriété bénéficiaire et la propriété en common law des immeubles avaient été transférées aux sociétés et que les sociétés n'étaient pas des mandataires de l'appelante quant aux immeubles transférés et quant à l'exploitation des entreprises pour le compte de l'appelante. Sur ce point, les questions sont ainsi libellées dans la réponse :

 

[TRADUCTION]

 

Les points en litige sont les suivants :

 

a)         Shirley Fourney détenait‑elle la propriété bénéficiaire et gérait‑elle les actifs et les activités de DSD, de SJC et de Learning Boost en 2003, en 2004 et en 2005?

 

b)         Si Shirley Fourney ne détenait pas la propriété bénéficiaire et ne gérait pas les actifs et les activités de DSD, de SJC et de Learning Boost en 2003, en 2004 et en 2005, le ministre a‑t‑il eu raison d'établir une cotisation à l'égard de l'appelante en vue :

 

i)          d'augmenter le revenu locatif de 3 824,57 $ en 2003 et de réduire le revenu locatif de 11 151,67 $ en 2004;

 

ii)         d'ajouter un revenu d'entreprise de 146 335 $ en 2003, de 136 071,80 $ en 2004 et de 49 215,28 $ en 2005;

 

iii)         d'inclure des avantages conférés à l'actionnaire de 10 800 $ au cours de chacune des années d'imposition 2003, 2004 et 2005;

 

iv)        d'inclure des gains en capital imposables de 8 710,76 $ en 2003 et de 26 412,33 $ en 2004 à l'égard de la disposition d'immeubles;

 

v)         d'inclure des pénalités au titre du paragraphe 163(2) de la Loi à l'égard des années d'imposition 2003, 2004 et 2005 de l'appelante?

 

L'avocat de l'intimée a tenté d'avancer une position différente à l'instruction, malgré les objections véhémentes de l'avocat de l'appelante. L'intimée m'a invité à tenir compte du fait que l'appelante avait admis avoir déduit en double certaines dépenses dans ses déclarations de revenus de 2003 et de 2004. La Cour a déclaré par le passé que les contribuables ont généralement le droit de se fonder sur ce que les questions en litige sont celles que l'intimée énonce dans sa réponse. La Cour peut autoriser la modification de la réponse, mais le pouvoir discrétionnaire y afférent n'est généralement pas exercé une fois que l'instruction a débuté. Quoi qu'il en soit, je note que l'intimée n'a pas demandé la modification de sa réponse, mais qu'elle a soulevé la question au cours de l'argumentation. La position susmentionnée de la Cour, en ce qui concerne les points en litige, vise à éviter les pièges pendant le procès et à préserver le droit des parties de se préparer d'une façon appropriée pour l'instruction. D'une façon plus générale, la demande de l'intimée en ce qui concerne les pénalités devrait être rejetée de toute façon parce que, pour les motifs détaillés énoncés ci‑dessous, l'intimée n'a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que les conditions donnant lieu à l'établissement de pénalités avaient été remplies.

 

[71]         Le paragraphe 163(2) de la Loi énonce la norme applicable à l'imposition de pénalités pour faute lourde :

 

Faux énoncés ou omissions

 

163(2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition pour l'application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants : [...]

 

Dans cette disposition, le terme « sciemment » est utilisé, plutôt que l'expression [TRADUCTION] « aurait dû savoir », que l'intimée emploie dans sa réponse à l'avis d'appel et dans ses observations écrites supplémentaires.

 

[72]         L'article 285 de la LTA énonce la même norme que celle qui figure dans la Loi, encore une fois sans que l'expression « aurait dû savoir » y figure :

 

285. Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, une demande, un formulaire, un certificat, un état, une facture ou une réponse — appelés « déclaration » au présent article — établi pour une période de déclaration ou une opération, ou y participe, y consent ou y acquiesce, est passible d'une pénalité de 250 $ ou, s'il est plus élevé, d'un montant égal à 25 % de la somme des montants suivants : [...]

 

[73]         La norme que l'intimée a mentionnée dans ses observations écrites n'est pas la bonne. Il faut plutôt examiner les actions de l'appelante en vue de savoir si les faux énoncés ont été faits « sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde ». La jurisprudence a proposé une « feuille de route » aux fins de l'application de cette norme aux faits de la présente espèce. Premièrement, l'arrêt rendu par la Cour d'appel fédérale dans Lacroix c. Canada[41] étaye la position prise par l'appelante en l'espèce, à savoir qu'il incombe au ministre de prouver que des pénalités devraient être imposées :

 

Bien que le ministre bénéficie des présomptions de fait qui sous‑tendent la nouvelle cotisation, il ne jouit d'aucun avantage semblable pour ce qui est de la preuve des faits justifiant l'établissement d'une nouvelle cotisation hors de la période statutaire, ou encore des faits justifiant l'imposition d'une pénalité en raison de l'inconduite du contribuable dans la production de sa déclaration de revenu. Le ministre est indéniablement dans l'obligation de mettre en preuve les faits justifiant l'invocation de ces mesures exceptionnelles.

 

Dans l'affaire Richard Boileau c. M.R.N., 89 D.T.C. 247, la juge Lamarre Proulx s'exprimait ainsi à la page 250 :

 

L'appelant a été incapable de contredire les éléments de base des évaluations de la valeur nette. Cependant, cela ne suffit pas selon moi pour que le ministre s'acquitte du fardeau de la preuve qui lui incombe. En décider autrement serait enlever tout objet au paragraphe 163(3) en renversant sur l'appelant le fardeau de la preuve qui incombe au ministre.

 

Dans la même ligne de pensée, dans l'affaire Farm Business Consultants Inc. c. Sa Majesté la Reine, [1994] 2 C.T.C. 2450, 95 D.T.C. 200, le juge Bowman s'exprima ainsi au paragraphe 27 :

 

27.       Une cour doit faire preuve d'une prudence extrême lorsqu'elle sanctionne l'imposition de pénalités prévues au paragraphe 163(2). Une conduite qui légitime l'établissement d'une nouvelle cotisation à l'égard d'une année frappée de prescription ne justifie pas d'office l'imposition d'une pénalité, et l'imposition systématique de pénalités, par le ministre, est une pratique qui est à déconseiller [...] Par ailleurs, quand une pénalité est imposée en vertu du paragraphe 163(2) même si une norme de preuve civile est exigée, lorsque la conduite d'un contribuable cadre avec deux hypothèses viables et raisonnables, l'une qui justifie la pénalité et l'autre pas, il convient d'accorder le bénéfice du doute au contribuable, et de supprimer la pénalité [...][42]

 

[74]         Dans l'arrêt Lacroix, la Cour d'appel fédérale a ensuite fait, au sujet du fardeau qui incombe au ministre, une déclaration qui a depuis lors suscité une certaine confusion :

 

Qu'en est-il alors du fardeau du ministre? Comment s'en acquitte‑t‑il? Il se peut que dans certaines circonstances, le ministre soit en mesure de faire une preuve directe de l'état d'esprit du contribuable lorsque ce dernier a produit sa déclaration de revenu. Mais dans la grande majorité des cas, le ministre ne pourra que miner la crédibilité du contribuable, soit par des éléments de preuve qu'il apporte, soit en contre-interrogatoire du contribuable. Dans la mesure où la Cour canadienne de l'impôt est persuadée que le contribuable touche un revenu qu'il n'a pas déclaré et que l'explication offerte par le contribuable pour l'écart constaté entre son revenu déclaré et l'accroissement de son actif est non crédible, le ministre s'est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombe aux termes du sous‑alinéa 152(4)(a)(i) et du paragraphe 162(3)[43].

 

[75]         Dans la décision Dao c. La Reine[44], le juge Campbell, de la Cour canadienne de l'impôt, a examiné le passage précité et a jugé qu'il prêtait à confusion et qu'on ne savait pas trop si la Cour d'appel fédérale imposait une nouvelle norme à l'égard des pénalités pour faute lourde :

 

[...] Avec tout le respect qui lui est dû, les observations du juge Pelletier dans l'arrêt Lacroix c. La Reine, [2008] A.C.F. 1092, m'étonnent et me laissent quelque peu perplexe lorsque je compare l'analyse qu'il a effectuée aux décisions antérieures de la Cour de l'impôt et de la Cour d'appel fédérale. Aux paragraphes 30 à 32, ces deux dispositions sont essentiellement juxtaposées, et la même obligation est imposée au ministre à l'égard des deux dispositions. Or, cela aura pour effet de supprimer l'exigence concernant l'intention coupable et, par conséquent, d'établir des circonstances dans lesquelles des pénalités pourraient être imposées dans de nombreux appels rejetés. Lorsqu'un contribuable est accusé de s'être conduit d'une façon négligente et répréhensible, et que sa conduite est presque assimilable à un comportement criminel et peut donner lieu à l'imposition de pénalités pour faute lourde, le ministre est tenu, en vertu du paragraphe 163(2), de justifier sa décision; il ne suffit pas, comme l'enseigne l'arrêt Lacroix, de démontrer que le contribuable a un revenu non déclaré et qu'il n'a pu donner aucune explication crédible[45].

 

[76]         Je ne crois pas que l'arrêt rendu par le juge Pelletier dans Lacroix s'écarte des principes énoncés dans la jurisprudence antérieure, comme l'a soutenu ma collègue dans la décision Dao. Les remarques du juge Pelletier doivent être considérées à la lumière de la nature de l'appel dont il avait été saisi. M. Lacroix avait fait l'objet de nouvelles cotisations à la suite d'une cotisation selon l'avoir net. Dans cette affaire‑là, le juge de première instance avait conclu que l'appelant n'avait pas réussi à expliquer l'écart considérable entre son revenu déclaré et son avoir net beaucoup plus élevé. Je crois comprendre que la remarque du juge Pelletier veut dire que le juge de première instance peut tirer une déduction raisonnable de la preuve présentée par l'intimée. Si aucune explication raisonnable n'est donnée au sujet de l'écart, le juge de première instance peut déduire que le contribuable a commis une faute lourde en omettant de déclarer son revenu. Toutefois, je tiens à souligner que cette déduction doit être raisonnable et, en outre, que la preuve ne doit pas permettre une explication différente. Si une telle explication est possible, le ministre doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que cette explication est inexacte.

 

[77]         Étant donné que le paragraphe 163(2) est de nature pénale, il faut un degré plus élevé de culpabilité, et cette disposition doit s'appliquer uniquement si la preuve le permet clairement. Si la preuve crée quelque doute quant à son application aux circonstances de l'appel, la seule conclusion juste est que le bénéfice du doute doit être accordé au contribuable, eu égard aux circonstances. Dans la décision Farm Business Consultants Inc. c. La Reine, no 92‑2597(IT)G, 16 septembre 1994, 95 D.T.C. 200, qui a été confirmée par la Cour d'appel fédérale (no A‑542‑94, 18 janvier 1996, 96 D.T.C. 6085), le juge Bowman (tel était alors son titre) a dit ce qui suit :

 

Une cour doit faire preuve d'une prudence extrême lorsqu'elle sanctionne l'imposition de pénalités prévues au paragraphe 163(2). Une conduite qui légitime l'établissement d'une nouvelle cotisation à l'égard d'une année frappée de prescription ne justifie pas d'office l'imposition d'une pénalité, et l'imposition systématique de pénalités, par le ministre, est une pratique qui est à déconseiller. [...] Par ailleurs, quand une pénalité est imposée en vertu du paragraphe 163(2) même si une norme de preuve civile est exigée, lorsque la conduite d'un contribuable cadre avec deux hypothèses viables et raisonnables, l'une qui justifie la pénalité et l'autre pas, il convient d'accorder le bénéfice du doute au contribuable, et de supprimer la pénalité. [...]

 

[78]         Une jurisprudence abondante dit que, pour que des pénalités pour faute lourde puissent être imposées, il faut une preuve d'intention ou d'insouciance de la part de l'appelant. Or, dans ce cas‑ci, aucune preuve de ce genre n'a été présentée. L'appelante a demandé l'aide professionnelle d'un comptable afin de préparer ses déclarations de revenus. M. Chambers n'a fourni aucune explication vraisemblable indiquant comment, en sa qualité de comptable, il aurait pu faire preuve d'une diligence raisonnable sans avoir eu avec l'appelante une conversation au sujet des conséquences fiscales du transfert des immeubles aux sociétés, au sujet de la nécessité d'assurer le suivi des actifs d'entreprise et au sujet des intentions de l'appelante lorsqu'elle déclarait un revenu et déduisait des dépenses personnellement ou par l'entremise des sociétés. Le témoignage de M. Chambers, à savoir qu'il avait remarqué les déductions en double en 2005 et qu'il avait conseillé à l'appelante de modifier ses déclarations à ce moment‑là, n'est pas crédible, compte tenu de l'absence générale de diligence dont il a fait preuve. Quoi qu'il en soit, il était alors beaucoup trop tard en ce qui concerne les déclarations qui avaient déjà été produites. Finalement, ses conseils étaient incompatibles avec la réalité, l'appelante ayant uniquement transféré le titre en common law des immeubles aux sociétés, ces dernières agissant à titre de mandataires exclusives à l'égard de ces immeubles et de l'entreprise.

 

[79]         La preuve montre que l'appelante s'est efforcée de devenir autonome en bâtissant son entreprise de location immobilière en partant de zéro et en lançant Learning Boost après avoir pris sa retraite à titre d'enseignante. En sa qualité de mère célibataire, l'appelante voulait s'assurer une meilleure vie ainsi qu'à ses deux fils. Or, les entreprises de location ne sont pas très rentables. La personne qui veut réussir n'a pas les moyens de confier tous les services à des experts. De toute évidence, l'appelante est allée trop loin en essayant de devenir autonome à l'égard des obligations qui lui incombaient quant à la conformité fiscale. L'appelante croyait avoir maîtrisé l'utilisation du logiciel de préparation des déclarations de revenus personnelles, alors qu'en fait ce n'était pas le cas. Sans aucun doute, l'appelante a tiré des leçons de cette expérience coûteuse et désagréable. La déduction en double des dépenses dans les déclarations personnelles était attribuable au fait que l'appelante ne comprenait pas qu'elle devait inscrire les renseignements soit dans la section du logiciel portant sur les biens locatifs soit dans la section des entreprises, mais non dans les deux, puisque les pertes auraient alors été déduites en double. L'appelante s'est occupée elle‑même de la constitution de Learning Boost en personne morale afin d'économiser des frais. Elle a préparé elle-même la documentation relative au transfert des immeubles, en ne se rendant pas pleinement compte qu'elle aurait pu réussir à mettre son plan en oeuvre en utilisant une fiducie nue et un mandat écrits. Elle a fait preuve de discernement en ne s'attaquant pas elle‑même à la préparation des déclarations de revenus électroniques de DSD, de SJC et de Learning Boost, parce qu'elle se rendait compte qu'elle était dépassée par la situation. Elle a eu recours à M. Chambers à cette fin. Au lieu de rencontrer l'appelante et de déterminer son intention véritable, M. Chambers a préparé les déclarations sans se mettre au fait de la situation. L'appelante reconnaît clairement qu'elle a besoin d'aide pour satisfaire à ses obligations fiscales. Néanmoins, il faut la féliciter d'avoir réussi à mettre sur pied deux entreprises et il ne faudrait pas la pénaliser pour des erreurs honnêtes qui, compte tenu de la preuve, ne constituent clairement pas une faute lourde. Quoi qu'il en soit, la preuve montre que l'appelante a conservé la propriété bénéficiaire des immeubles et des entreprises, ce qui veut dire que l'intimée n'a pas réussi à prouver que l'appelante avait déduit à tort les dépenses ici en cause.

 

[80]         Il est clair que l'appelante ne possède pas les connaissances de base nécessaires en matière comptable et fiscale. Les nombreuses erreurs qu'elle a commises dans ses déclarations de revenus indiquent son manque de compétence dans ces domaines. Toutefois, dans un système d'autocotisation, les pénalités pour faute lourde ne sont pas imposées pour de simples erreurs commises par un contribuable qui n'avait pas l'intention de faire de faux énoncés ou de faire des omissions. En outre, la jurisprudence établit que, s'il subsiste quelque doute au sujet de l'intention, il faut accorder le bénéfice du doute au contribuable, étant donné que la disposition en question relative aux pénalités est de nature pénale. Le même raisonnement s'applique aux pénalités dont les sociétés appelantes font l'objet en vertu de la Loi.

 

[81]         La société SJC a également fait l'objet de nouvelles cotisations pour les crédits de taxe sur les intrants (les CTI) demandés à l'égard des fournitures taxables. La preuve montre que les immeubles et les entreprises appartenaient à l'appelante. Pour ces motifs, SJC n'avait pas le droit de demander des CTI et les nouvelles cotisations doivent être maintenues.

 

VI.     CONCLUSIONS

 

[82]         L'appelante a gain de cause quant à la question de la propriété bénéficiaire, et ce, pour les motifs énoncés ci‑dessus. La règle de la fiducie résultoire s'applique à tous les immeubles qui ont été transférés dans ce cas‑ci; les sociétés détenaient simplement la propriété en common law des immeubles transférés gratuitement, puisqu'aucun élément de preuve n'indiquait une intention de procéder à une donation. L'appréciation de la conduite de l'appelante et des sociétés pendant la période de trois ans ici en cause indique l'existence d'un mandat implicite. L'appelante a toujours été propriétaire des actifs et des entreprises enregistrés au nom des sociétés.

 

[83]         Pour des motifs similaires, l'argument de l'intimée fondé sur la faute lourde est rejeté. Pour que des pénalités pour faute lourde puissent être imposées, il faut une preuve d'intention ou d'insouciance. Dans ce cas‑ci, le ministre ne s'est pas acquitté du fardeau qui lui incombait. Il est clair que l'appelante ne possède pas les connaissances de base nécessaires en matière comptable et fiscale, mais elle a demandé l'aide professionnelle d'un comptable et elle n'avait pas l'intention de faire un faux énoncé ou une omission. Quoi qu'il en soit, les pénalités pour faute lourde ne s'appliquent pas, parce que l'appelante a réussi à établir qu'elle avait conservé la propriété bénéficiaire de tous les actifs détenus par les sociétés et des entreprises exploitées par les sociétés.

 

[84]         La société SJC n'a pas le droit de demander des CTI.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de novembre 2011.

 

 

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 27e jour de février 2012.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


ANNEXE 1

 

Résumé des appels

 

Contribuable

Appel en matière d'impôt sur le revenu

Année d'imposition

Impôts et pénalités exigibles

Pénalités

Appel concernant la TPS

Période d'imposition

Taxes et pénalités exigibles

Pénalités

SJC

2009-3339(IT)G

 

 

 

2009-3337(GST)I

 

 

 

 

 

2003

NÉANT

NON

 

1er févr. 2003 – 31 janv. 2004

3 791,50 $

OUI

 

 

2004

NÉANT

NON

 

P (art. 285)

1 262,88 $

 

 

 

2005

NÉANT

NON

 

P (versement tardif)

908,86 $

 

 

 

 

 

 

 

1er févr. 2004 – 31 janv. 2005

3 433,67 $

OUI

DSD

2009-2859(IT)I

 

 

 

 

P (art. 285)

970,40 $

 

 

 

2003

NÉANT

 

 

P (versement tardif)

483,64 $

 

 

 

P

7 159,00 $

OUI

 

1er févr. 2005 – 31 janv. 2006

5 247,46 $

OUI

 

 

2004

NÉANT

OUI

 

P (art. 285)

1 316,86 $

 

 

 

P

4 755,00 $

 

 

P (versement tardif)

        74,71 $

 

 

 

2005

630,00 $

OUI

 

 

17 489,98 $

 

 

 

P

  5 630,20 $

 

 

 

 

 

 

 

 

18 174,20 $

 

 

 

 

 

Learning Boost

2009-3866(IT)I

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2003

NÉANT

 

 

 

 

 

 

 

P

672,00 $

OUI

 

 

 

 

 

 

2004

NÉANT

 

 

 

 

 

 

 

P

2 750,00 $

OUI

 

 

 

 

 

 

2005

     NÉANT

NON

 

 

 

 

 

 

 

3 422,00 $

 

 

 

 

 

Shirley Fourney

2010-14(IT)G

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2003

15 878,07 $

 

 

 

 

 

 

 

P

27 620,73 $

OUI

 

 

 

 

 

 

2004

22 018,40 $

 

 

 

 

 

 

 

P

25 929,88 $

OUI

 

 

 

 

 

 

2005

1 234,04 $

 

 

 

 

 

 

 

P

   4 872,84 $

OUI

 

 

 

 

 

 

 

97 553,96 $

 

 

 

 

 

 

TOTAL (impôts, taxes et pénalités)

136 640,14 $

 

Impôts et taxes

52 233,14 $

 

Pénalités

84 407,00 $


RÉFÉRENCE :                                  2011 CCI 520

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2010-14(IT)G, 2009-3339(IT)G, 2009‑3337(GST)I, 2009‑3859(IT)I, 2009‑3866(IT)I

 

INTITULÉS :                                     SHIRLEY FOURNEY, SJC PROPERTY MANAGEMENT INC., DSD PROPERTIES INC., LEARNING BOOST INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Saskatoon (Saskatchewan)

 

DATES DE L'AUDIENCE :               Les 9, 10 et 11 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge Robert J. Hogan

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 14 novembre 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats des appelantes :

Me Amanda S. A. Doucette

Me Beaty F. Beaubier

Avocat de l'intimée :

Me John Krowina

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour les appelantes :

 

                   Nom :           Amanda S. A. Doucette

                                       Beaty F. Beaubier

                   Cabinet :      Stevenson Hood Thornton Beaubier LLP

                                       Saskatoon (Saskatchewan)

 

          Pour l'intimée :       Myles J. Kirvan

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 



[1] [1980] 2 R.C.S. 774, à la p. 784.

 

[2] Pecore c. Pecore, [2007] 1 R.C.S. 795, 2007 CSC 17.

 

[3] Ibid., par. 4.

 

[4] no 95‑2216(IT)G, 7 juillet 1999, [1999] A.C.I. no 403 (QL) (procédure générale).

 

[5] Ibid., par. 22.

 

[6] Ibid., par. 36.

 

[7] Ibid., par. 37 et 38.

 

[8] Précité, note 2, par. 20 et 24.

 

[9] Marjorie Lynne Benson, Marie‑Ann Bowden et Dwight Newman, Understanding Property: A Guide to Canada's Property Law, 2e éd. (Toronto, Thomson Carswell, 2008), p. 34 et 35.

 

[10] [1947] R.C.S. 291, p. 297 et 298.

 

[11] G. H. L. Fridman, The Law of Contract in Canada, 5e éd. (Toronto, Thomson Carswell, 2006), p. 27.

 

[12] 2003 CAF 85.

 

[13] Ibid., par. 35 et 36.

 

[14] F. M. B. Reynolds, Bowstead and Reynolds on Agency, 18e éd. (Londres, Sweet & Maxwell, 2006), p. 37.

 

[15] J. Anthony VanDuzer, The Law of Partnerships and Corporations, 2e éd., (Toronto, Irwin Law, 2003), p. 112.

 

[16] [1971] C.F. 295, conf. par [1972] C.F. 1324, conf. par [1976] 1 R.C.S. 245.

 

[17] Ibid., p. 320.

 

[18] 2006 CCI 505 (procédure générale), par. 48.

 

[19] Ibid., par. 13.

 

[20] Ibid., par. 49 et 51. Il vaut la peine de noter que, dans Denison Mines, précité, note 16, la Cour a expressément refusé de conclure à l'existence d'un mandat parce que le mandataire exerçait une activité que le mandant ne pouvait pas exercer lui‑même. De même, dans Alberta Gas Ethylene Co. c. La Reine, no A‑1208‑88, 18 juin 1990, 90 D.T.C. 6419 (C.A.F.), la Cour a refusé de conclure à l'existence d'un mandat, parce qu'un mandant ne peut pas autoriser un mandataire à faire quelque chose qu'il lui est interdit de faire personnellement : voir Avotus, par. 66.

 

[21] G. H. L. Fridman, Canadian Agency Law (Markham (Ontario), Lexis Nexis, 2009) p. 6, 33 et 34.

 

[22] Ibid., p. 5.

 

[23] no 92‑1947(IT)G, 28 janvier 1994, 94 D.T.C. 1234 (procédure générale).

 

[24] Ibid. Ce passage a été cité dans Great‑West, Compagnie d'assurance‑vie c. La Reine, no 96‑3525(IT)G, 10 août 1998, [1998] A.C.I. no 668 (QL) (C.C.I.), par. 57.

 

[25] Précité, note 27, par. 13.

 

[26] VanDuzer, op. cit., note 15, p. 113.

 

[27] Ibid., p. 113 et 114.

 

[28] 2008 CCI 231, conf. par 2009 CAF 57, [2010] 2 R.C.F. 65.

 

[29] 2008 CCI 231, par. 100.

 

[30] 92 D.T.C. 2045, [1991] A.C.I. no 910 (QL).

 

[31] Ibid., par. 4.03.10.

 

[32] no 1999‑508(IT)G, 31 janvier 2003, [2003] A.C.I. no 64 (QL) (procédure générale).

 

[33] Ibid., par. 7.

 

[34] Observations écrites supplémentaires de l'intimée, par. 111.

 

[35] Ibid., par. 117 et 118.

 

[36] Ibid., par. 119.

 

[37] Ibid., par. 123.

 

[38] Ibid., par. 124.

 

[39] Ibid., par. 125.

 

[40] Ibid., par. 128.

 

[41] 2008 CAF 241.

 

[42] Ibid., par. 26 à 28.

 

[43] Ibid., par. 32.

 

[44] 2010 CCI 84.

 

[45] Ibid., par. 44.

 

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