ENTRE :
et
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
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Appel entendu le 31 août 2011 à Montréal (Québec).
Devant : L’honorable juge G. A. Sheridan
Comparutions :
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JUGEMENT
Conformément aux motifs du jugement ci‑joints, l’appel de l’avis de détermination établi par le ministre du Revenu national au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement au crédit de taxe sur les produits et services pour l’année d’imposition 2008 est rejeté.
Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de septembre 2011.
Traduction certifiée conforme
ce 18e jour d’octobre 2011.
Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.
ENTRE :
LEONARDO FRENNA,
appelant,
et
SA MAJESTÉ LA REINE,
intimée.
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] L’appelant, Leonardo Frenna, interjette appel de l’avis de détermination établi par le ministre du Revenu national (le « ministre »), selon lequel il n’avait pas le droit de recevoir le crédit de taxe sur les produits et services (le « CTPS ») de 248 $ pour l’année d’imposition 2008, crédit qu’il avait reçu durant la période de juillet 2009 à juin 2010.
[2] Comme la seule question en litige était de savoir si le ministre avait appliqué correctement les dispositions de l’article 122.5 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») qui régit le droit au CTPS, M. Frenna ne s’est pas présenté à l’audience du présent appel. Il était représenté par son beau‑père, M. Franco Testani. Seulement, M. Testani a une capacité auditive limitée, et il s’est donc fait accompagner par sa fille à l’audience, Mme Sonia Testani, qui est aussi l’épouse de M. Frenna, afin qu’elle puisse l’aider à présenter ses arguments.
[3] Les hypothèses de fait énoncées par le ministre au paragraphe 9 de la réponse à l’avis d’appel ne sont pas contestées. Ces hypothèses sont les suivantes :
[traduction]
a) L’appelant vivait seul jusqu’au 2 juin 2008, date à laquelle il avait commencé à cohabiter avec Sonia Testani;
b) Le 6 juin 2009, l’appelant et Sonia Testani se sont mariés;
c) Compte tenu du nouvel état civil de l’appelant le 6 juin 2009, le ministre a établi une nouvelle détermination du revenu net familial pour l’année d’imposition 2008, revenu qu’il a calculé à 77 367 $, et il a établi l’avis de détermination daté du 30 avril 2010 dans lequel il a demandé le remboursement d’un trop‑payé de 124 $ concernant le CTPS versé pour les trimestres de janvier et avril 2010;
d) Le revenu rajusté de 77 367 $ était fondé sur le revenu pour l’année d’imposition 2008, à savoir 3 239 $ pour l’appelant et 74 128 $ pour l’épouse;
e) Le montant maximum du revenu net rajusté d’une famille pour le calcul du CTPS pour l’année d’imposition 2008 était de 42 231 $;
f) Au moment où les paiements trimestriels ont été effectués pour l’année d’imposition 2008, à savoir juillet et octobre 2009, et janvier et avril 2010, l’appelant était marié, et le ministre a utilisé le revenu net familial pour l’année d’imposition 2008 afin de déterminer le droit au CTPS et le montant des paiements trimestriels du CTPS pour l’année d’imposition 2008;
g) Comme le CTPS trimestriel de 62 $ avait été versé à l’appelant, pour juillet et octobre 2009, et janvier et avril 2010, pour un total de 248 $, le ministre a déterminé, au moyen d’un avis de détermination établi le 5 janvier 2011, que l’appelant avait reçu un paiement en trop de 248 $.
[4] En résumé, l’argument de M. Testani reposait sur le fait que le ministre n’avait pas correctement tenu compte des faits concernant la situation de M. Frenna en 2008, pour déterminer le droit de l’appelant aux paiements du CTPS reçus pour les trimestres de juillet 2009, octobre 2009, janvier 2010 et avril 2010. À l’appui de ses arguments, M. Testani a fourni à la Cour toute la documentation pertinente ayant mené à la cotisation visée par l’appel. La seule difficulté que comporte l’argumentation présentée par M. Testani est l’analyse erronée qu’il fait de l’article 122.5 de la Loi.
[5] L’article 122.5 de la Loi vise à accorder le CTPS aux familles canadiennes à faible revenu pour compenser la taxe sur les produits et services (la « TPS ») que ces familles devront payer au cours de l’année. Bien que cela puisse paraître assez simple, l’atteinte de cet objectif exige, d’un point de vue législatif, l’utilisation d’un langage très technique qui n’est pas particulièrement facile à comprendre. En résumé, selon le paragraphe 122.5(3) de la Loi, une personne est réputée avoir payé la TPS de juillet à juin de l’année suivant l’année d’imposition pour laquelle elle demande le CTPS, aussi bien qu’en janvier et en avril de l’année d’après. De même, le CTPS payable durant cette période est calculé en fonction des renseignements fournis dans la déclaration de revenus de l’année pour laquelle la personne demande le CTPS. Pour interpréter le paragraphe 122.5(3), il doit être tenu compte des définitions prévues au paragraphe 122.5(1) de la Loi, à savoir « revenu rajusté », « particulier admissible », « proche admissible ». Tout aussi importante est la définition de « mois déterminés » pour une année d’imposition, au paragraphe 122.5(4) de la Loi.
[6] Dans ses observations, l’avocate de l’intimée a expliqué l’application pratique de l’article 122.5 de la Loi en citant le passage reproduit ci‑dessous tiré de la publication de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») intitulée Crédit pour la TPS/TVH. Le point de départ de son analyse consistait en une distinction entre l’« année de base » et l’« année de prestations », étant donné que ces expressions s’appliquent pour le calcul du CTPS. Voici le passage pertinent de cette publication :
Année de base et année de prestations
L’année de base est l’année de la déclaration de revenus et de prestations
à partir de laquelle les renseignements sont tirés pour calculer les versements
du crédit pour la TPS/TVH. L’année de base est l’année civile qui précède le
début de l’année de prestations.
L’année de prestations est la période de 12 mois pendant laquelle le crédit pour
la TPS/TVH est versé. Cette période suit l’année de base, débutant le 1er juillet
et se terminant le 30 juin de l’année suivante.
Par exemple, nous commencerons à verser les paiements du crédit pour la
TPS/TVH, calculés en fonction des renseignements tirés de la déclaration de
revenus et de prestations de 2010, en juillet 2011, soit au début de l’année de
prestations. Pour en savoir plus, lisez « Quand versons-nous votre crédit? »,
à la page 14.
Le tableau suivant illustre le lien entre l’année de base et l’année de prestations[1].
Année de base (déclaration de revenus) |
Année de prestations (paiements) |
|||
|
Juillet |
Octobre |
Janvier |
Avril |
2010 |
2011 |
2011 |
2012 |
2012 |
2009 |
2010 |
2010 |
2011 |
2011 |
2008 |
2009 |
2009 |
2010 |
2010 |
[7] Si on applique cette méthode à la situation de M. Frenna, l’année de base de celui-ci était 2008, l’année visée par la déclaration dans laquelle il avait demandé le CTPS. Le droit de l’appelant au CTPS dans « l’année de prestations », c’est‑à‑dire du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 était fondé sur les renseignements contenus dans sa déclaration de revenus pour 2008. Si on utilise le tableau ci‑dessus comme guide, on peut voir que pour l’année de base 2008, des versements mensuels devaient être effectués pour 2008 dans les « mois déterminés » de juillet 2009, octobre 2009, janvier 2010 et avril 2010.
[8] Pour l’application de l’article 122.5 de la Loi, on suppose que la situation de la personne, telle qu’elle a été déclarée dans l’année pour laquelle elle demande le CTPS, restera la même dans les deux années suivantes; toutefois, si plus tard il s’avère que tel n’est pas le cas, la personne est tenue, selon le paragraphe 122.5(6.1) de la Loi, d’aviser le ministre. En outre, si de tels changements signifient qu’au moment où la personne a reçu les paiements de CTPS, elle n’avait plus droit au CTPS, le ministre peut lui demander de rembourser les paiements de CTPS reçus.
[9] C’est ce qui est arrivé en l’espèce. Pour 2008, M. Frenna a correctement déclaré qu’il vivait seul, et qu’il avait un revenu de 3 239 $. Le ministre a accepté cette situation, et, en se fondant sur les renseignements contenus dans l’année de base 2008, il a déterminé le droit de M. Frenna à recevoir les paiements trimestriels de CTPS de 62 $ dans l’année de prestations, à savoir de juillet 2009 au 30 juin 2010. L’appelant ne conteste pas qu’il a reçu ces montants.
[10] Toutefois, le 6 juin 2009, M. Frenna et Sonia Testani se sont mariés. Lorsque l’ARC a eu connaissance de cette situation (vraisemblablement lorsque les époux ont dûment déclaré le changement de leur état civil dans leurs déclarations de revenus pour 2009), une nouvelle détermination du droit de M. Frenna au CTPS a dû être faite pour tenir compte de la situation qui existait au moment où les paiements de CTPS ont été reçus. Le 1er juillet 2009, Sonia Testani était l’épouse de M. Frenna, et, par conséquent, une « proche admissible » de M. Frenna au sens du paragraphe 122.5(1) de la Loi. En conséquence, le revenu de Sonia Testani pour l’année 2008, qui était de 74 128 $, devait être ajouté à celui de M. Frenna dans le calcul de leur « revenu rajusté » de 2008. Étant donné que leur revenu combiné de 77 367 $ dépassait largement le maximum de 42 231 $ pour avoir droit au CTPS, il a été établi une cotisation à l’égard de M. Frenna pour le remboursement des paiements trimestriels effectués en 2009 et en 2010.
[11] Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’intervenir dans la cotisation établie par le ministre, et, en conséquence, l’appel doit être rejeté. Cette conclusion est fondée sur ce que je crois être une application correcte de l’article 122.5 de la Loi; on n’a absolument pas laissé entendre que M. Testani (en tant que représentant autorisé de M. Frenna), M. Frenna ou Mme Testani aient fait, d’une manière ou d’une autre, une présentation erronée de la situation de l’appelant et de son épouse aux autorités fiscales.
[12] À l’issue de l’audience, je me suis penchée sur certains autres points qu’avait soulevés M. Testani lors de ses observations présentées à la Cour. Bien que Mme Testani ait noté mes observations à l’intention de son père, parce que ce dernier a des difficultés auditives, j’ai signalé que j’allais reprendre mes observations dans les présents motifs. Les observations de M. Testani et les réponses que j’ai données à ce sujet sont résumées ci‑après :
1. Il est compréhensible que M. Testani ait été déconcerté par le fait que l’ARC a omis de lui fournir la documentation promise en réponse à ses demandes de renseignements et à l’opposition à la cotisation établie à l’égard de M. Frenna. M. Testani a ensuite dit que si le ministre voulait établir une cotisation en se fondant sur certains éléments, il aurait dû prouver que les éléments sur lesquels il se fondait étaient corrects. Sur ce dernier point, selon le régime fiscal d’autocotisation du Canada, sauf dans certaines situations qui ne concernent pas l’espèce, il incombe au contribuable d’établir que sa thèse concernant le montant établi dans la cotisation est correcte. Quant à l’absence de documentation, il est regrettable que les représentants de l’ARC n’aient pas fourni à M. Testani une analyse de la même nature que celle présentée par l’avocate de l’intimée; si l’ARC l’avait fait, cet appel aurait pu ne pas être nécessaire. Toutefois, l’absence d’une telle documentation, en soi, ne me fournit pas un fondement juridique qui me permet d’accueillir l’appel de M. Frenna.
2. M. Testani a soutenu que si la cotisation établie par le ministre était fondée sur l’hypothèse selon laquelle M. Frenna et Mme Testani avaient vécu en union de fait en 2008[2], alors la Cour devrait ordonner à l’ARC d’autoriser certains rajustements à la déclaration de revenus pour 2008 de Mme Testani pour tenir compte de cette supposition. En fin de compte, telle n’était pas la thèse du ministre, mais, même si le ministre avait émis cette hypothèse, je n’ai pas compétence pour rendre pareille ordonnance, étant donné que la Cour n’a été saisie que de l’appel de M. Frenna.
3. Dans le même ordre d’idées, M. Testani a soutenu que si le ministre avait supposé que M. Frenna et Mme Testani avaient vécu en union de fait en 2008, l’ARC aurait dû aviser Mme Testani pour qu’elle rajuste sa déclaration de revenus en conséquence afin d’obtenir une déduction pour M. Frenna. L’ARC n’est pas tenue de fournir un tel avis aux contribuables.
4. Enfin, j’ai renvoyé M. Testani aux renseignements détaillés contenus dans les documents produits par l’avocate de l’intimée dans ses observations, précisément à une copie surlignée de l’article 122.5 de la Loi et à la publication de l’ARC intitulée Crédit pour la TPS/TVH, en particulier à la page 10. Pour ce motif, je n’ai pas reproduit ici les dispositions légales assez longues.
[13] Pour les motifs exposés ci‑dessus, l’appel est rejeté.
Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de septembre 2011.
« G. A. Sheridan »
Juge Sheridan
Traduction certifiée conforme
ce 18e jour d’octobre 2011.
Espérance Mabushi, M.A.Trad. Jur.
No DU DOSSIER DE LA COUR : 2010-3809(IT)I
c.
SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 31 août 2011
MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge G. A. Sheridan
DATE DU JUGEMENT : Le 2 septembre 2011
COMPARUTIONS :
Représentant de l’appelant : |
M. Franco Testani |
Avocate de l’intimée : |
Me Valerie Messore |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Cabinet :
Pour l’intimée : Myles J. Kirvan
Sous-procureur général du Canada
Ottawa, Canada