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Dossier : 2006‑2031(GST)G

ENTRE :

 

WILLIAM JAMES LOUGHEED,

appelant,

et

 

Sa Majesté la reine,

intimée.

 

[Traduction française officielle]

 

________________________________________________________________

 

Requête entendue le 15 août 2011, à Hamilton (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui‑même

 

Avocats de l'intimée :

Me Bobby Sood

Me Lorraine Edinboro

________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

          VU la requête présentée par l'appelant pour obtenir, notamment, une déclaration que l'intimée est coupable d'outrage au tribunal relativement à une ordonnance de la Cour;

 

          La cour ordonne :

 

1.       La requête est rejetée dans son entier.

 

2.       Les dépens de 4 550 $ afférents à la requête sont adjugés à l'intimée et l'appelant les paiera au plus tard le 30 septembre 2011.

 

          La Cour ordonne au greffe de faire un suivi auprès du juge responsable de la gestion de l'instance pour la fixation d'une date pour l'appel.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 26e jour d'août 2011.

 

« J. M. Woods »

La juge Woods

 


 

 

 

Référence : 2011 CCI 405

Date : 20110826

Dossier : 2006‑2031(GST)G

 

ENTRE :

 

WILLIAM JAMES LOUGHEED,

appelant,

et

 

Sa Majesté la reine,

intimée.

 

[Traduction française officielle]

 

 

Motifs de l'ordonnance

 

La juge Woods

 

[1]             La Cour est saisie d'une requête présentée par William James Lougheed relativement à une allégation selon laquelle l'intimée aurait violé une ordonnance de la Cour du 5 mai 2010 (l'« ordonnance de 2010 »). Selon la principale allégation, l'intimée refuse de communiquer des documents, contrairement à l'ordonnance. L'intimée nie cette allégation avec véhémence. M. Lougheed allègue de plus que l'intimée tente de faire grimper les dépens et d'occasionner des retards afin d'épuiser ses ressources.

 

Le contexte

 

[2]             En 2006, M. Lougheed a interjeté un appel visant une cotisation relative à sa responsabilité à titre d'administrateur qui a été établie à son égard en vertu de la Loi sur la taxe d'accise. Le montant exigible au titre de la cotisation s'élève à 248 222,59 $.

 

[3]             Dans le présent appel, M. Lougheed a présenté une requête pour, notamment, contraindre l'intimée à produire des documents qu'elle refusait de communiquer. Une ordonnance du juge Favreau du 5 mai 2010 a accueilli la requête et l'intimée disposait de 30 jours pour s'y conformer. L'ordonnance de 2010 ne précise pas les documents qui devaient être communiqués, sinon qu'il s'agit de documents que l'intimée [TRADUCTION] « refuse actuellement de communiquer ».

 

[4]             À une audience de justification que j'ai présidée en juin dernier, M. Lougheed a déclaré qu'il n'était pas prêt pour le procès parce que l'intimée possédait des documents dont il avait besoin. Une audience a donc été fixée pour entendre cette requête, et il se trouve que je suis aussi appelée à la trancher.

 

[5]             Les réparations que M. Lougheed sollicite sont reproduites en partie ci‑dessous :

 

[TRADUCTION]

 

la présente requête vise à obtenir :

 

1.         Une ordonnance déclarant l'intimée coupable d'outrage au tribunal relativement à l'ordonnance du juge Favreau du 5 mai 2010 et une ordonnance accueillant l'appel de l'appelant au motif que l'intimée ne s'est pas conformée à l'ordonnance du juge Favreau du 5 mai 2010.

 

SUBSIDIAIREMENT,

 

Une ordonnance accueillant l'appel de l'appelant au motif qu'il a été conclu qu'il a agi avec diligence, habileté et prudence raisonnables en l'espèce.

 

SUBSIDIAIREMENT,

 

Une ordonnance déclarant l'intimée coupable d'outrage au tribunal relativement à l'ordonnance du juge Favreau du 5 mai 2010 et une ordonnance définitive enjoignant à l'intimée (et au syndic de faillite d'EEC) de se conformer à l'ordonnance du juge Favreau du 5 mai 2010.

 

[...]

 

Analyse

 

a) L'appel devrait‑il être accueilli?

 

[6]             La Cour peut statuer d'emblée sur la première réparation subsidiaire que sollicite M. Lougheed :

 

[TRADUCTION]

 

Une ordonnance accueillant l'appel de l'appelant au motif qu'il a été conclu qu'il a agi avec diligence, habileté et prudence raisonnables en l'espèce.

 

[7]             Il n'y a pas lieu de prononcer une ordonnance accueillant l'appel selon une conclusion de diligence raisonnable lors de la présente requête préliminaire. Une conclusion de diligence raisonnable peut uniquement être tirée à l'issue d'un procès complet.

 

b) Requêtes en outrage au tribunal

 

[8]             Les autres demandes de réparation sollicitent une déclaration portant que l'intimée a commis un outrage au tribunal relativement à l'ordonnance de 2010. Le premier redressement demandé est que la déclaration soit accompagnée d'une ordonnance accueillant l'appel. Le troisième redressement demandé est que la déclaration soit assortie d'une ordonnance enjoignant à l'intimée de respecter l'ordonnance de 2010.

 

[9]             Je ferai tout d'abord une observation concernant la procédure relative aux requêtes en outrage au tribunal. L'article 172.4 des Règles applicables décrit la procédure. Le requérant doit tout d'abord demander une ordonnance de justification et présenter une preuve prima facie de l'outrage reproché. Si elle est accordée, l'ordonnance de justification enjoindra alors à la personne à qui l'outrage au tribunal est reproché de comparaître devant un juge.

 

[10]        L'appelant n'a pas suivi cette procédure. Je n'approfondirai toutefois pas la question parce que la procédure n'a fait l'objet d'aucune objection et que cela n'aurait aucune incidence sur l'issue de la requête.

 

c) Est‑ce que l'outrage au tribunal a été établi?

 

[11]        Quant au fond de l'allégation d'outrage au tribunal, M. Lougheed allègue que l'intimée, Sa Majesté la Reine, viole délibérément l'ordonnance de 2010 en refusant délibérément de communiquer des documents visés par l'ordonnance.

 

[12]        La preuve à l'appui de l'allégation est un affidavit souscrit par M. Lougheed, accompagné de pièces jointes.

 

[13]        L'intimée répond à l'allégation en faisant valoir deux arguments : premièrement, l'affidavit devrait être radié et, deuxièmement, l'ordonnance de 2010 a été pleinement respectée.

 

[14]        En ce qui concerne la radiation de l'affidavit, l'intimée indique qu'une partie importante de l'affidavit est irrégulière. Les avocats de l'intimée semblent reconnaître que si l'affidavit était radié, l'appelant devrait avoir la possibilité d'en déposer un nouveau. Cela prolongerait le litige. Il n'est pas nécessaire de radier la totalité de l'affidavit et il est plus efficace d'examiner l'allégation en fonction des parties pertinentes de l'affidavit. Je préférerais qu'il en soit ainsi.

 

[15]        En ce qui concerne la question de savoir s'il y a eu une violation délibérée de l'ordonnance de 2010, M. Lougheed tente de prouver que c'est le cas au moyen des déclarations assermentées suivantes :

 

[TRADUCTION]

 

7.         L'intimée ne s'est PAS conformée à l'ordonnance et a omis de communiquer les documents visés par celle‑ci; les détails à l'appui sont joints ci‑après dans le présent affidavit.

 

[...]

 

12.       Subsidiairement, je sollicite respectueusement une ordonnance enjoignant à l'intimée de respecter l'ordonnance du juge Favreau et, subsidiairement, je demande ce qui suit :

 

TOUS les documents originaux d'EEC et de GAMI (contrats, relevés bancaires, chèques payés, manifestes d'expédition, manifestes de réception, pièces justificatives des sommes reçues en espèces ou par carte de débit ou de crédit, TOUTES les communications, y compris les mises en demeure, les preuves de réclamations et les communications avec le syndic de faillite qu'un homme raisonnable pourrait utiliser pour prouver ou réfuter une situation financière ou une « vérification » raisonnable, accompagnés d'un relevé des espèces reçues et des débours du syndic indiquant le montant dans le compte en fiducie d'EEC à ce jour.

 

[16]        Les avocats de l'intimée nient ces allégations avec véhémence. À l'appui, M. Lougheed a été interrogé à propos de son affidavit et la transcription a été déposée en preuve. De plus, les avocats de l'intimée ont présenté à l'audience le témoignage de Sandra McIntyre, une fonctionnaire de l'Agence du revenu du Canada qui était le chef de l'équipe qui a effectué la vérification en cause.

 

[17]        La transcription de l'interrogatoire de M. Lougheed établit qu'une fois la vérification terminée, l'ARC a remis à M. Lougheed 24 boîtes de documents qu'il avait initialement fournies à l'ARC. M. Lougheed reconnaît aussi avoir signé un accusé de réception pour les boîtes. En outre, il a admis qu'à la suite de l'ordonnance de 2010, il a reçu de l'intimée deux gros cahiers de documents.

 

[18]        Dans son témoignage, Mme McIntyre a indiqué qu'à la suite de l'ordonnance de 2010, son avocat lui a demandé de fournir tous les documents en la possession de l'ARC. Elle a également déclaré qu'elle a fait le suivi auprès du personnel de l'ARC afin de se conformer à cette demande avec diligence. Je n'ai aucune raison de mettre ce témoignage en doute et je le retiens.

 

[19]        À mon avis, M. Lougheed n'a même pas présenté une preuve prima facie selon laquelle l'intimée refuse de communiquer des documents. Les deux paragraphes de son affidavit reproduits ci‑dessus ne constituent pas une preuve suffisante, pas plus que les documents inclus dans le dossier de requête.

 

[20]        Selon les transcriptions des audiences de gestion de l'instance tenues avant la requête précédente, il semble que l'intimée ait eu une objection légitime à la production de certains documents. Lorsqu'il a prononcé l'ordonnance de 2010, le juge Favreau était apparemment en désaccord avec ces objections. Je ne dispose toutefois d'aucun élément de preuve fiable indiquant que l'intimée refusait de communiquer des documents sans motif légitime.

 

[21]        Au paragraphe 12 de son affidavit, M. Lougheed déclare qu'il cherche à obtenir un grand nombre de documents. Il semble laisser entendre que ces documents ont été fournis à l'ARC et ont été erronément conservés. Je ne suis pas disposée à conclure, en me fondant sur le vague énoncé des faits dans l'affidavit et sur les documents joints, que tel est le cas. À ma demande, M. Lougheed a fourni à l'audience une liste plus détaillée des documents qui n'auraient pas été communiqués. Toutefois, cette liste aussi est vague.

 

[22]        Dans des documents qui m'ont été présentés, M. Lougheed allègue qu'un ou deux vérificateurs de l'ARC ont conservé certains des documents dans les 24 boîtes qui ont été livrées au début de la vérification. L'allégation semble indiquer que les vérificateurs auraient poursuivi cette conduite fautive et choisi de défier l'ordonnance de 2010.

 

[23]        Même si les vérificateurs ont agi d'une façon aussi malhonnête, cela ne serait pas suffisant pour que l'appelant ait gain de cause dans une requête pour outrage au tribunal contre l'intimée parce que la Couronne ne peut être condamnée pour outrage en raison d'actes de fonctionnaires précis (Kumar c. La Reine, 2004 CCI 521, au paragraphe 5).

 

[24]        Quoi qu'il en soit, je ne suis pas convaincue que M. Lougheed a présenté une preuve prima facie indiquant que l'un ou l'autre des vérificateurs de l'ARC ont refusé à tort de remettre des documents qui étaient contenus dans les boîtes. Il semble peu probable que des fonctionnaires de l'ARC se livrent à ce genre de conduite délibérée et, en l'espèce, une preuve plus convaincante de l'outrage au tribunal est nécessaire. La preuve n'est tout simplement pas suffisante pour établir une preuve prima facie et amener l'instance en outrage au tribunal à l'étape suivante visée par l'article 172.4 des Règles.

 

[25]        Outre l'allégation concernant le refus de remettre des documents, M. Lougheed déclare également au paragraphe 8 de son affidavit que l'ordonnance de 2010 a été violée par défaut de payer les dépens en temps opportun. M. Lougheed n'a pas établi une violation délibérée de l'ordonnance de 2010 en ce qui a trait aux dépens. Il semble y avoir eu un différend concernant le montant des dépens, qui a pris plusieurs mois à régler conformément aux Règles. Rien ne permet de penser que l'intimée n'avait pas de raison légitime de contester le montant des dépens demandés par M. Lougheed.

 

[26]        Je ferai aussi une observation concernant la déclaration qui se trouve au paragraphe 9 de l'affidavit. Cette déclaration est rédigée comme suit :

 

[TRADUCTION]

 

9.         De même, l'ordonnance du juge Favreau « [a imposé] le fardeau de produire les documents d'EEC à l'appui du présent appel à l'intimée ».

 

[27]        Je mentionne ce paragraphe en partie parce que les parties ne s'entendent pas sur la question de savoir si le juge avait l'intention que cela fasse partie de l'ordonnance de 2010 et, si oui, ce que le juge voulait dire par le mot [TRADUCTION] « fardeau ». Compte tenu de ce différend, j'ai suggéré aux parties d'éclaircir cette question avant l'audience de l'appel. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas en mesure de trouver une allégation selon laquelle une telle ordonnance a été violée.

 

[28]        Enfin, pendant les plaidoiries, M. Lougheed a beaucoup insisté sur une décision de la Cour de justice de l'Ontario qui a rejeté une accusation pénale selon laquelle M. Lougheed avait délibérément omis de produire une déclaration de revenus à temps.

 

[29]        Je ne suis pas d'accord avec M. Lougheed pour dire que la décision dans l'affaire pénale vient appuyer la présente requête. Plus particulièrement, même si la juge met en doute la sagesse de la décision de la Couronne de porter une accusation pénale, elle ne conclut pas que la décision a été prise dans un but illégitime.

 

[30]        En conclusion, la requête présentée par M. Lougheed sera rejetée dans son entier, avec dépens à l'intimée.

 

[31]        Quant au montant des dépens, l'intimée m'a présenté un projet de mémoire de dépens à l'égard de la requête pour la somme de 4 550 $. Ces dépens sont assez élevés, mais je suis convaincue qu'ils sont justifiés étant donné le court délai dont disposait l'intimée pour répondre à des allégations très graves. Plus particulièrement, je conclus qu'il était légitime d'ajouter un deuxième avocat au dossier, de prévoir l'interrogatoire de M. Lougheed relativement à son affidavit et de demander la transcription de cet interrogatoire. Tout ceci a été accompli dans un délai d'environ dix jours.

 

[32]        Les dépens de la requête seront adjugés à l'intimée selon un montant fixé à 4 550 $. M. Lougheed est tenu de payer ce montant à l'intimée au plus tard le 30 septembre 2011.

 

[33]        J'ai également demandé aux parties de m'indiquer les dates qui leur conviendraient pour le procès. Elles ont répondu qu'elles seraient libres au cours de la semaine du 5 mars 2012. J'ordonnerai au greffe d'assurer le suivi auprès du juge responsable de la gestion de l'instance pour la fixation d'une date pour l'appel.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 26e jour d'août 2011.

 

« J. M. Woods »

La juge Woods


Référence :                                 2011 CCI 405

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2006‑2031(GST)G

 

INTITULÉ :                                      WILLIAM JAMES LOUGHEED et SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Hamilton (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 15 août 2011

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :    L'honorable juge J.M. Woods

 

DATE DE L'ORDONNANCE :        Le 26 août 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui‑même

 

Avocats de l'intimée :

Me Bobby Sood

Me Lorraine Edinboro

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelant :

 

                          Nom :                     s.o.

 

                          Cabinet :                

                                                         

 

       Pour l'intimée :                           Myles J. Kirvan

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa (Ontario)

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