2010-2344(CPP)
ENTRE :
et
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,
Appels entendus sur preuve commune le 26 novembre 2010,
à Halifax (Nouvelle-Écosse).
Devant : L’honorable juge Lucie Lamarre
Comparutions :
Mme Sandy Findlay |
|
JUGEMENT
Les appels des décisions du ministre du Revenu national (le « ministre ») dans lesquelles il a été statué que Neil Collins, Daniel Scott et James Richard (collectivement les « travailleurs ») avaient tous exercé un emploi assurable et ouvrant droit à pension au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada auprès de V1 Labs Ltd. du 2 juin au 15 août 2008, et que Neil Collins, du 16 août 2008 au 6 mars 2009, et Daniel Scott et James Richard, du 16 août 2008 au 16 mars 2009, avaient exercé un tel emploi auprès de V1 Labs Inc., et qu’en vertu du paragraphe 10(1) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations et du paragraphe 8.1(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, l’appelant était l’employeur réputé des travailleurs à l’époque où ils travaillaient ainsi pour V1 Labs Inc., sont rejetés, et les décisions du ministre sont confirmées.
Signé à Montréal (Québec), ce 9e jour de février 2011.
« Lucie Lamarre »
Traduction certifiée conforme
ce 30e jour de mars 2011.
Marie‑Christine Gervais
ENTRE :
BRUCE A. THOMPSON,
appelant,
et
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,
intimé.
Dossier : 2010-2344(CPP)
ENTRE :
BRUCE A. THOMPSON,
appelant,
et
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,
intimé.
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Il s’agit d’appels de décisions du ministre du Revenu national (le « ministre ») datées du 15 et du 16 avril 2010 dans lesquelles il a été statué que Neil Collins, Daniel Scott et James Richard (collectivement les « travailleurs ») avaient exercé un emploi assurable et ouvrant droit à pension au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « LAE ») et du Régime de pensions du Canada (le « Régime ») auprès de V1 Labs Ltd. (une société immatriculée en Nouvelle‑Écosse, au Canada) du 2 juin au 15 août 2008[1] et avaient été employés par V1 Labs Inc. (une société immatriculée au Delaware, aux États‑Unis) en vertu d’un contrat de louage de services au sens de la LAE et du Régime, du 16 août 2008 au 6 mars 2009 (dans le cas de Neil Collins) et du 16 août 2008 au 16 mars 2009 (dans les cas des deux autres travailleurs, Daniel Scott et James Richard). L’appelant détenait 22,34 % des actions de V1 Labs Ltd. et 50 % des actions de V1 Labs Inc., et il occupait le poste de directeur de l’exploitation des deux sociétés. Le ministre a statué qu’en vertu du paragraphe 10(1) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations (le « RRAPC ») et du paragraphe 8.1(1) de la partie 1 (Perception des cotisations des employés et des employeurs) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (le « RRPC »), l’appelant était l’employeur réputé des travailleurs à l’époque où ils travaillaient pour V1 Labs Inc.
Dispositions législatives
Loi sur l’assurance emploi
EMPLOI ASSURABLE
Sens de « emploi assurable »
5. (1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :
a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;
Restriction
(2) N’est pas un emploi assurable :
[…]
e) l’emploi exercé au Canada au service d’un organisme international;
Règlements définissant certains termes
(7) La Commission peut, avec l’agrément du gouverneur en conseil, prendre des règlements définissant, pour l’application du présent article, les termes « gouvernement », relativement au gouvernement d’un pays étranger ou d’une subdivision politique d’un tel pays, « occasionnel » et « organisme international ».
Règlement sur l’assurance-emploi
DÉFINITIONS
1.
[…]
(2) Pour l’application du présent règlement et de l’article 5 de la Loi, « organisme international » s’entend :
a) soit d’une institution spécialisée dont le Canada est membre et qui est reliée à l’Organisation des Nations Unies aux termes de l’article 63 de la Charte des Nations Unies;
b) soit d’un organisme international dont le Canada est membre et dont le principal but est d’assurer le maintien de la paix internationale ou l’équilibre économique ou le bien-être social d’un groupe de pays.
Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations
10. (1) Lorsque, dans un cas non prévu par le présent règlement, un assuré travaille :
a) soit sous la direction générale ou la surveillance directe d’une personne qui n’est pas son véritable employeur, ou est payé par une telle personne,
b) soit avec l’assentiment d’une personne qui n’est pas son véritable employeur dans un lieu ou un local sur lequel cette personne a certains droits ou privilèges aux termes d’une licence, d’un permis ou d’une convention,
cette personne est réputée, aux fins de la tenue des registres, du calcul de la rémunération assurable de l’assuré ainsi que du paiement, de la retenue et du versement des cotisations exigibles à cet égard aux termes de la Loi et du présent règlement, être l’employeur de l’assuré conjointement avec le véritable employeur.
[Non souligné dans l’original.]
Régime de pensions du Canada
Définitions
2.(1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.
[…]
« emploi » L’accomplissement de services aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage, exprès ou tacite, y compris la période d’occupation d’une fonction.
« employeur » Personne tenue de verser un traitement, un salaire, ou une autre rémunération pour des services accomplis dans un emploi. Est assimilée à un employeur, dans le cas d’un fonctionnaire, la personne qui lui verse sa rémunération.
Emplois ouvrant droit à pension
6.(1) Ouvrent droit à pension les emplois suivants :
a) l’emploi au Canada qui n’est pas un emploi excepté;
Emplois exceptés
(2) Sont exceptés les emplois suivants :
[…]
j) l’emploi au Canada par le gouvernement d’un pays étranger ou par un organisme international;
Règlement sur le Régime de pensions du Canada
INTERPRÉTATION
2.(2) Aux fins de la Loi et du présent règlement,
[…]
« organisation internationale » signifie
a) toute agence spécialisée, dont le Canada fait partie, qui est affiliée aux Nations Unies en conformité de l’Article 63 de la Charte des Nations Unies, et
b) toute organisation internationale dont le Canada fait partie et dont le but principal est le maintien de la paix dans le monde ou le bien-être économique ou social d’un groupe de nations;
[…]
8.1(1) Toute personne qui paie en totalité ou en partie la rémunération d’un employé pour des services accomplis dans le cadre d’un emploi ouvrant droit à pension est, aux fins du calcul des traitement et salaire cotisables de l’employé, de la tenue de registres, de la production de déclarations ainsi que du paiement, de la retenue et du versement des cotisations payables en vertu de la Loi et du présent règlement, réputée être l’employeur de cet employé en plus de son véritable employeur.
[Non souligné dans l’original.]
Les faits
[2] Il est acquis aux débats que les travailleurs ont exercé un emploi assurable auprès de V1 Labs Ltd. d’avril 2007 au 30 mai 2008. L’appelant a témoigné pour expliquer que V1 Labs Ltd. était une société faisant affaire à Halifax dans le domaine du développement de logiciels. Les travailleurs étaient tous des spécialistes dans ce domaine. Ils ont d’abord été embauchés en 2006 à titre d’entrepreneurs indépendants, mais, en avril 2007, leur statut a changé et ils sont devenus des employés, un statut auquel se rattachaient des avantages (comme une assurance-maladie, des vacances payées et des jours de congé de maladie payés).
[3] À la fin de mai 2008, V1 Labs Ltd. s’est trouvée dans une situation financière précaire, et l’appelant a avisé les employés qu’ils seraient mis à pied temporairement. Le 1er juin 2008, chacun a reçu un relevé d’emploi indiquant qu’il s’agissait d’une mise à pied temporaire et que la date de rappel était inconnue (pièce R‑1, onglets 13, 24 et 31).
[4] Cependant, le 2 juin 2008, les trois travailleurs ont tous été rappelés au travail. Selon l’appelant, ils sont retournés au travail de leur plein gré après avoir convenu qu’ils travailleraient maintenant en vertu d’ententes contractuelles avec V1 Labs Ltd. et qu’ils ne devraient pas s’attendre à être payés jusqu’à ce que V1 Labs Ltd. soit vendue. L’appelant a affirmé que chaque travailleur détenait des actions de V1 Labs Ltd. puisqu’ils s’étaient fait offrir des options d’achat d’actions le 1er janvier 2007 et qu’ils avaient accepté l’offre (pièce A‑1, documents 14, 15 et 16).
[5] En fait, les travailleurs ont continué à travailler à partir des locaux de V1 Labs Ltd. à Halifax, et ils ont été payés au moyen de chèques émis par V1 Labs Ltd. le 3 juillet 2008 et le 18 août 2008 (pièce A‑1, document 21). Selon les travailleurs, ces deux paiements avaient pour objet la rémunération du travail qu’ils avaient accompli jusqu’à ces dates. L’appelant a admis en contre‑interrogatoire que les montants que V1 Labs Ltd. avait payés à ces deux dates correspondaient à la rémunération nette des travailleurs pour quatre périodes de paye (transcription, aux pages 54 et 55). Il a toutefois nié que les travailleurs aient pu présumer que V1 Labs Ltd. effectuait et remettait encore les retenues appropriées parce qu’ils savaient que les fonds disponibles étaient limités (transcription, à la page 55). Néanmoins, il appert que ces montants ont été inclus dans les T4 que V1 Labs Ltd. a établis pour les travailleurs pour 2008 (comme en fait foi, par exemple, le T4 établi pour Daniel Scott, qui visait 16 périodes de paye à la quinzaine de V1 Labs Ltd, jusqu’à la mi-août 2008, selon la pièce R‑1, onglet 23, et comme l’appelant l’a admis aux pages 74 et 75 de la transcription). L’appelant a affirmé que, de juillet à août 2008, V1 Labs Ltd. avait obtenu un prêt pour tenter de demeurer en mesure de vendre l’entreprise et qu’une partie de ces fonds avait été donnée aux travailleurs pour payer leurs frais de subsistance. Selon l’appelant, les travailleurs n’avaient fourni aucun service à V1 Labs Ltd. durant cette période.
[6] De septembre à novembre 2008, il est allégué que les travailleurs auraient travaillé pour V1 Labs Inc. à un projet pour le compte d’une organisation américaine (TV Anywhere) dont l’appelant était apparemment un actionnaire. Selon l’appelant, les travailleurs ont accepté de toucher leurs salaires nets, mais, puisqu’ils étaient des entrepreneurs indépendants, ils ne pouvaient pas présumer que des retenues à la source étaient effectuées. L’appelant a dit en contre‑interrogatoire que les travailleurs avaient accepté une diminution de leur salaire d’un montant égal à celui des retenues à la source qui étaient effectuées à l’époque où ils étaient des employés (transcription, aux pages 55 et 56). En même temps, l’appelant a admis que les travailleurs n’avaient jamais facturé leurs services à V1 Labs Ltd. ni à V1 Labs Inc., et qu’ils avaient conservé l’assurance‑maladie collective fournie par V1 Labs Ltd. (transcription, aux pages 61 et 62). L’appelant a aussi admis que la structure en place n’avait pas changé après le 2 juin 2008 : Neil Collins agissait encore comme superviseur pour V1 Labs Ltd. ou V1 Labs Inc., attribuant des tâches aux autres travailleurs et il rendait lui‑même compte à la société (transcription, à la page 62). En ce qui concerne les vacances, les travailleurs présentaient des demandes à leurs superviseurs (une preuve de cela a été produite relativement à Neil Collins, qui a envoyé une demande directement à l’appelant en juillet 2008, selon la pièce R‑1, onglet 14, puis une deuxième demande, le 6 octobre 2008, à Michael Earle, qui était le président et le président-directeur général de V1 Labs Inc., selon la pièce R‑1, onglet 15). L’appelant a dit que les travailleurs étaient autorisés à embaucher quelqu’un pour les aider à accomplir leurs tâches, mais il a admis qu’aucun ne l’avait jamais fait (transcription, aux pages 64 et 65). Les travailleurs ont tous affirmé qu’ils ne pouvaient embaucher personne (transcription, aux pages 96, 106, 132, 140, 153 et 154). L’appelant a aussi affirmé que les travailleurs toucheraient une part du produit de la vente de l’entreprise, en vertu d’une entente verbale (transcription, à la page 68), ce que les travailleurs ont également nié. Bien que des options d’achat d’actions leur aient été offertes en 2007, ils n’ont jamais levé ces options et n’ont jamais acquis d’actions (transcription, aux pages 107, 140, 141, 160, 161 et 170).
[7] L’appelant a affirmé qu’en novembre 2008, les travailleurs avaient commencé à travailler en vertu d’une convention de droits d’utilisation d’un produit signée entre une société américaine dénommée NeoNova Network Services Inc. (« NNS ») et V1 Labs Inc. (pièce R‑1, onglet 2). Cette convention, citée par l’appelant, a été signée le 12 novembre 2008. L’annexe A jointe à cette convention prévoyait notamment que NNS paierait à V1 Labs Inc. un montant de 75 000 $US à titre de frais de logiciel ainsi qu’un montant à titre de frais d’exploitation de 1500 $US pour rembourser à V1 Labs Inc. ses dépenses d’exploitation. L’appelant a affirmé que ces dépenses d’exploitation correspondaient aux frais de location, de chauffage et d’électricité afférents aux locaux que V1 Labs Ltd. avait occupés auparavant à Halifax. La convention prévoyait également que V1 Labs Inc. fournirait les services de Neil Collins, que V1 Labs Inc. rémunérerait directement. NNS convenait de payer à cette dernière des frais de 7000 $CAN pour ces services, qui devaient être fournis pour une période de 30 jours suivant la livraison du code source pour les produits de V1 Labs Inc. Après cette période, V1 Labs Inc. autorisait NNS à [TRADUCTION] « conclure des contrats de prestation de services ». Il ressortait clairement de cette convention (alinéa 16m)) que V1 Labs Inc. agissait à titre d’entrepreneur indépendant et que les membres de son personnel ne seraient pas considérés comme des employés ou des mandataires de NNS. Pour ce qui est de la convention de droits d’utilisation d’un produit, NNS a demandé aux travailleurs de signer un contrat d’entrepreneur indépendant, et, dans un addenda à ce contrat, V1 Labs Inc. a convenu que le travailleur demeurerait son employé. Ce contrat, daté du 17 novembre 2008, n’a jamais été signé (pièce R‑1, onglet 9). En fait, NNS a conclu un contrat de prestation des services des travailleurs par l’entremise de V1 Labs Inc. pour la période allant du 16 novembre 2008 au 13 mars 2009. En contrepartie de ces services, NNS a payé des frais totalisant 79 585,50 $ (pièce A‑1, document 18). Ce montant était fondé sur des factures que V1 Labs Inc. avait envoyées à NNS au titre des services de main‑d’œuvre fournis par les travailleurs (pièce R‑1, onglet 5) et sur les taux établis par contrat, et il tenait compte de toutes les journées de travail manquées pour cause de vacances ou pour d’autres motifs (pièce A‑1, document 19).
[8] L’appelant a affirmé que les travailleurs avaient été payés régulièrement, chaque quinzaine, à partir du moment où la convention de droits d’utilisation d’un produit avait été signée avec NNS. Cette dernière payait V1 Labs Inc., qui déposait ensuite les fonds dans le compte bancaire personnel de l’appelant, lequel payait ensuite les travailleurs, soit par chèque ou au comptant. Apparemment, cette façon de procéder avait été choisie parce qu’elle constituait ce qu’il y avait de plus simple, étant donné que V1 Labs Inc. n’avait pas de compte bancaire au Canada et que l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») avait gelé le compte bancaire de V1 Labs Ltd. L’appelant a dit qu’il avait accepté d’agir comme intermédiaire et de transférer les fonds aux travailleurs, étant expressément entendu que ceux‑ci étaient traités comme des entrepreneurs indépendants et qu’aucune retenue n’était requise.
[9] En ce qui concerne l’attribution des tâches, l’appelant a dit que les travailleurs rendaient compte directement à Mike Earle, de V1 Labs Inc., et que, durant le projet réalisé pour le compte de NNS, ils avaient été uniquement sous la direction de Jason MacInnis, vice-président – Opérations technologiques, de NNS. Selon ce que comprenait l’appelant, les demandes de vacances étaient adressées à Mike Earle ou à Jason MacInnis et les travailleurs n’étaient pas rémunérés pour le temps non travaillé (transcription, aux pages 29 et 30).
[10] Mme Gail Leblanc, une comptable, a témoigné pour le compte de l’appelant. C’est elle qui a émis les relevés d’emploi aux travailleurs. Elle a confirmé que V1 Labs Ltd. avait mis à pied les travailleurs parce que la société n’allait gagner aucun revenu à l’avenir. Elle a également confirmé que les travailleurs étaient revenus au bureau tout de suite après avoir été mis à pied, parce qu’ils étaient actionnaires et il était dans leur intérêt de travailler en vue d’un revenu futur éventuel. Mme Leblanc a dit qu’elle avait demandé pour V1 Labs Ltd. des remboursements pour recherche scientifique et développement expérimental auprès de l’ARC jusqu’en juin 2008, mais qu’elle ne l’avait plus fait ensuite parce que les travailleurs n’étaient plus des employés. Elle a dit que si elle avait pu demander de tels remboursements, cela aurait été avantageux pour la société parce que celle-ci aurait ainsi recouvré 35 % des salaires payés aux travailleurs. En réinterrogatoire, Mme Leblanc a reconnu que, puisque V1 Labs Inc. était une société américaine, celle-ci n’aurait pas eu droit à ces remboursements même si les travailleurs avaient été traités comme des employés (transcription, à la page 88).
[11] Neil Collins a témoigné. Il a d’abord été embauché pour rédiger de la documentation relative à la mise à l’essai de logiciels. Il est ensuite devenu vice‑président responsable du développement de produits et il a commencé à gérer les autres employés. Il a dit qu’avant de devenir un employé, il avait utilisé son propre ordinateur portatif pour accomplir ses tâches. Après qu’il fut devenu un employé en avril 2007, il a utilisé uniquement de l’outillage fourni par V1 Labs Ltd. et il n’a jamais payé aucune des dépenses d’exploitation de la société. De plus, des retenues à la source étaient déduites de sa paye à la quinzaine. En outre, il avait trois semaines de vacances payées, il avait droit à des jours de congé de maladie payés et il pouvait adhérer au régime de santé de la société. Son travail était supervisé par Mike Earle et l’appelant, qui lui donnaient tous deux des directives. Il travaillait du lundi au vendredi, de 9 h à 17 h.
[12] M. Collins a dit qu’après qu’il eut reçu son relevé d’emploi, l’appelant l’avait rappelé au travail, et que ni le lieu ni rien d’autre n’avait changé (transcription, à la page 113). Bien qu’il y eût des périodes où il n’avait pas été payé, tout son temps avait néanmoins été rémunéré au même taux qu’avant, après retenues. Selon ce qu’il avait compris, l’employeur effectuait encore les retenues au titre de l’assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada. Ses vacances étaient encore payées, et il devait faire des demandes pour toutes les vacances qu’il prenait. Les jours de congé de maladie avaient également continué d’être payés. Puisqu’il n’avait jamais reçu de talons de chèque de « V1 Labs », c’est seulement lorsqu’il a reçu son T4 pour 2008, qui indiquait seulement 60 % de ses pleins revenus (pièce R‑1, onglet 12), qu’il s’est aperçu que quelque chose clochait. Il a tout de suite communiqué avec l’appelant (pièce R‑1, onglet 16), qui lui a dit qu’il examinerait la chose. L’appelant lui a finalement dit que la rémunération manquante sur le T4 devait être considérée comme la rémunération de services fournis à titre d’entrepreneur. Étant donné qu’il était tenu de payer ses impôts sur cette rémunération, M. Collins a envoyé un courriel à l’appelant pour lui demander de lui verser le montant des impôts exigibles (pièce R‑1, onglet 18). Il a affirmé que ce courriel ne visait pas à indiquer qu’il acceptait le statut d’entrepreneur indépendant (transcription, à la page 105). Il a soulevé le problème auprès de l’ARC lorsqu’il a produit sa déclaration de revenus pour 2008 (pièce R‑1, onglet 20); lorsqu’il a préparé cette déclaration, il a estimé le total de ses revenus d’emploi et le total des retenues à la source qui auraient dû être effectuées pour l’année 2008 étant donné que le T4 ne rendait pas compte des pleins montants. À titre de preuve qu’il n’avait jamais eu l’intention de devenir un entrepreneur indépendant, il a mentionné qu’il avait refusé de signer le contrat d’entrepreneur indépendant avec NNS, notamment parce qu’il voulait demeurer un employé de « V1 Labs » (transcription, aux pages 109 et 110).
[13] En contre-interrogatoire, lorsqu’on lui a présenté la preuve de montants payés à quatre occasions, soit par V1 Labs Ltd. ou directement par l’appelant, en juillet, en août, en septembre et en novembre 2008 (pièce A‑1, document 21), il a admis que les quatre montants indiqués ne correspondaient pas à son plein salaire net, mais il a affirmé : [TRADUCTION] « Cela ne peut pas être exact ». Il a soutenu qu’on lui [TRADUCTION] « avait toujours payé ce qui [lui] était dû de [ses] paiements à la quinzaine réguliers. Alors, peu importe comment ils l’ont payé, que ce soit au comptant à partir d’un chèque personnel tiré sur un compte, [on lui a] toujours payé les bons montants. » (transcription, à la page 116)
[14] En fait, M. Collins a affirmé qu’il avait même eu une augmentation de sa rémunération cette année-là. En ce qui concerne les options d’achat d’actions, lorsque l’appelant lui a montré un tableau de la structure du capital de V1 Labs Ltd. (pièce R‑1, onglet 1), qui indiquait que 210 000 actions lui avaient été promises, il n’a pas compris et il a dit que tout cela était du nouveau pour lui. L’appelant était d’avis que M. Collins n’était pas tenu de lever cette option selon la convention, qu’il avait acquis les actions de plein droit, et qu’il aurait en outre profité du produit de la vente de la société. Lorsque j’examine de plus près ce tableau de la structure du capital, je note qu’il ne dit pas que des actions ont été émises à M. Collins. Les chiffres indiqués correspondent à des [TRADUCTION] « options à allouer / promises » et, dans le cas de M. Collins, des actions ont été promises mais non émises. En outre, il ressort clairement de l’annexe A jointe à l’avis d’octroi d’options d’achat d’actions et convention d’options (pièce A‑1, document 14) que la levée de cette option devait se faire par écrit, et il n’y a aucun élément de preuve qui indique que cette option aurait été ainsi levée.
[15] Daniel Scott et James Richard ont également témoigné. Leur témoignage concordait avec celui de Neil Collins. Ils rendaient compte à Neil Collins et leur rémunération était quelque peu inférieure à la sienne. Ils pensaient tous deux qu’ils avaient continué à travailler pour V1 Labs Ltd. après le 2 juin 2008, indépendamment de la source du travail. Ils n’avaient observé aucun changement après le 2 juin 2008, hormis le fait qu’ils n’avaient pas été payés régulièrement à certaines époques, chose qu’ils avaient attribuée aux difficultés financières de V1 Labs Ltd. Ils ont toutefois confirmé qu’en fin de compte, ils avaient reçu l’intégralité de leur rémunération nette, et qu’ils avaient même eu une augmentation avant la fin de 2008. Selon ce qu’ils avaient compris, leur employeur effectuait des retenues à la source. Ils ne se sont jamais considérés comme des entrepreneurs indépendants. Ils ont aussi dit qu’ils n’avaient jamais levé leurs options d’achat d’actions de V1 Labs Ltd., principalement parce qu’ils devaient payer pour acquérir ces actions et ils n’avaient pas les moyens de le faire.
Analyse
[16] L’appelant a d’abord soutenu que les décisions rendues par le ministre étaient contradictoires en ce que le ministre semblait avoir fait volte‑face. Avec égards, je ne suis pas de cet avis. J’ai n’ai aucune difficulté à comprendre les décisions que le ministre a rendues le 15 avril 2010 et le 16 avril 2010. Dans la lettre datée du 16 avril 2010 envoyée à V1 Labs Ltd. (pièce A‑1, document 10), il a été déterminé que V1 Labs Ltd. avait employé les travailleurs Neil Collins et Daniel Scott du 1er janvier au 15 août 2008, mais qu’elle avait cessé de les employer à partir du 16 août 2008. Dans la lettre datée du 15 avril 2010 envoyée à V1 Labs Inc. (pièce A‑1, document 11), il a été déterminé que V1 Labs Inc. avait [TRADUCTION] « engagé » Neil Collins et Daniel Scott en vertu d’un contrat de louage de services (c’est‑à‑dire à titre d’employés) respectivement du 16 août 2008 au 6 mars 2009 et du 16 août 2008 au 16 mars 2009, et que Bruce Thompson, l’appelant, était réputé être l’employeur tenu de retenir, remettre et déclarer les cotisations applicables. Dans le cas du travailleur James Richard, le dossier de la Cour indique qu’une lettre a été envoyée à Bruce Thompson le 15 avril 2010. La lettre énonçait que ce travailleur avaient été [TRADUCTION] « engagé » en vertu d’un contrat de louage de services par V1 Labs Ltd. du 2 juin au 15 août 2008 et par V1 Labs Inc. du 16 août 2008 au 16 mars 2009, et que Bruce Thompson, l’appelant, était réputé être l’employeur tenu de retenir, remettre et déclarer les cotisations applicables pour la dernière période. Une lettre distincte envoyée à V1 Labs Ltd. le 15 avril 2010 énonçait que James Richard avait été employé par V1 Labs Ltd. pendant la première période mais non pendant la seconde.
[17] L’appelant a déposé personnellement, en temps opportun, un appel devant la Cour à l’encontre de toutes les décisions susmentionnées. La Cour doit donc maintenant décider si les travailleurs étaient des employés de V1 Labs Ltd. du 2 juin au 15 août 2008, puis des employés de V1 Labs Inc. pendant la période subséquente et, dans l’affirmative, si l’appelant est l’employeur réputé pour cette période subséquente aux fins des retenues à la source en vertu de la LAE et du Régime.
[18] Tout d’abord, il semblerait que toute la rémunération que les travailleurs ont reçue de V1 Labs Ltd. jusqu’au 15 août 2008 ait déjà été considérée comme des revenus d’emploi et ait déjà été incluse dans les T4 établis par V1 Labs Ltd.
[19] Dans tous les cas, les travailleurs ont tous affirmé qu’ils étaient revenus au travail le 2 juin 2008 à la demande de l’appelant. Ils ont tous nié qu’ils détenaient des actions de V1 Labs Ltd. Ils ont tous dit que V1 Labs Ltd. leur avait versé leur rémunération nette habituelle jusqu’au 15 août 2008. Cela a même été admis par l’appelant (transcription, aux pages 54, 55 et 69). Les travailleurs ont tous dit que la situation avait été exactement la même avant et après que leurs relevés d’emplois eurent été émis. Ils travaillaient au même endroit avec de l’outillage fourni par V1 Labs Ltd., et James Richard et Daniel Scott recevaient leurs directives de Neil Collins, tandis que ce dernier avait reçu ses instructions de l’appelant au moins jusqu’en août 2008.
[20] Selon ce que je comprends, d’après le témoignage de l’appelant, les choses ont vraiment commencé à changer en septembre 2008. Pendant deux mois, a-t-il dit, les travailleurs ont travaillé pour V1 Labs Inc. et n’ont pas touché leur plein salaire net. L’appelant a dit que les travailleurs ne relevaient pas de lui. Neil Collins recevait ses directives directement de Mike Earle de V1 Labs Inc., et les deux autres travailleurs relevaient de Neil Collins. L’appelant ne faisait que faciliter les paiements aux travailleurs en acceptant que les fonds nécessaires pour payer les dépenses d’exploitation de V1 Labs Inc., dont la rémunération nette des travailleurs, transitent par son compte bancaire. Il a dit qu’il avait accepté cet arrangement à la condition expresse que les travailleurs soient traités comme des entrepreneurs indépendants et qu’il ne soit tenu d’effectuer aucune retenue ni aucun versement au gouvernement. À l’appui de cette prétention, il a invoqué la convention de droits d’utilisation d’un produit entre NNS et V1 Labs Inc., qui stipule clairement que cette dernière devait exécuter la convention à titre d’entrepreneur indépendant (pièce R‑1, onglet 2, alinéa 16m)). Cette convention a été conclue en novembre 2008.
[21] En revanche, les travailleurs ont tous affirmé qu’ils n’avaient jamais remarqué aucune différence. Pour eux, le travail provenait de « V1 Labs ». Ils savaient que V1 Labs Ltd. éprouvait des difficultés financières, et cela expliquait pourquoi, pendant un certain temps, ils n’avaient pas été payés régulièrement. Mais, ils ont tous dit qu’ils avaient touché leur pleine rémunération nette pour toute la période et qu’ils avaient même eu une augmentation de leur rémunération à la fin de 2008. C’est seulement lorsqu’ils ont reçu leurs T4 pour l’année 2008 en 2009 qu’ils ont constaté que quelque chose clochait. Ils ont tous dit qu’ils croyaient que « V1 Labs » était leur employeur et qu’ils pensaient que les retenues à la source étaient effectuées.
[22] Dans la présente affaire, c’est tout noir ou tout blanc. Si j’admets la version de l’appelant, les travailleurs ont accepté le risque financier lié au fait de travailler en contrepartie d’un salaire réduit, même au risque de ne pas être payés du tout. Ils n’ont pas cherché à travailler ailleurs parce qu’ils étaient dévoués à « V1 Labs » et, puisqu’ils avaient accepté des options d’achat d’actions en 2007, ils avaient la possibilité de profiter du produit de la vente de V1 Labs Ltd. Ils ont travaillé de leur plein gré pour ces motifs, en comprenant parfaitement qu’ils avaient perdu leur statut d’employé.
[23] Malheureusement pour l’appelant, sa version ne me paraît pas réaliste. Les éléments de preuve n’ont pas révélé que les travailleurs détenaient des actions de V1 Labs Ltd. Bien que Gail Leblanc et l’appelant aient soutenu que les travailleurs détenaient des actions, le fait que des options d’achat d’actions leur aient été offertes en cours d’emploi n’en fait pas ipso facto des actionnaires, contrairement à ce que l’appelant a soutenu. La convention d’options d’achat d’actions stipulait expressément que l’acquisition d’actions devait se faire par écrit, et les travailleurs auraient eu à payer de l’argent pour acquérir des actions, ce qu’ils n’ont pas fait. Le tableau de la structure du capital produit sous la cote R‑1, onglet 1, n’indique pas que les travailleurs détenaient des actions émises. Aussi, l’affirmation de l’appelant selon laquelle les travailleurs sont retournés de leur plein gré, attirés par la possibilité de profiter du produit de la vente de V1 Labs Ltd, est-elle tout simplement invraisemblable. Pour ce qui est du risque de ne pas être rémunérés pour le travail accompli ou de devoir accepter une réduction de salaire, ni l’une ni l’autre de ces hypothèses ne s’est avérée selon le témoignage des travailleurs. Ceux-ci croyaient tous qu’ils avaient continué à travailler en bénéficiant du même régime d’avantages auprès de leur employeur. Ils étaient au courant des difficultés financières de leur employeur, mais l’appelant leur avait dit que V1 Labs Ltd. était en voie d’obtenir un prêt pour pouvoir les payer. Hormis cela, rien n’avait changé. Lorsque le travail a commencé à provenir de V1 Labs Inc., que ce soit dans le cadre de projets réalisés pour le compte de TV Anywhere ou pour le compte de NNS, les travailleurs ont commencé à recevoir leur rémunération directement de l’appelant. Toutefois, ils n’ont fait aucune distinction à cet égard. Pour reprendre leurs mots, ils travaillaient pour « V1 Labs ».
[24] Dans l’arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983, le juge Major a dit, aux paragraphes 46 et 47 :
46 À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l’arrêt Stevenson Jordan, précité, qu’il peut être impossible d’établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [traduction] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d’apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416). Je partage en outre l’opinion du juge MacGuigan lorsqu’il affirme — en citant Atiyah, op. cit., p. 38, dans l’arrêt Wiebe Door, p. 563 — qu’il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :
[traduction] [N]ous doutons fortement qu’il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant d’identifier les contrats de louage de services [. . .] La meilleure chose à faire est d’étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s’appliquent pas dans tous les cas et n’ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n’est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.
47 Bien qu’aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l’employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s’il engage lui-même ses assistants, quelle est l’étendue de ses risques financiers, jusqu’à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu’à quel point il peut tirer profit de l’exécution de ses tâches.
[25] Compte tenu de ces facteurs, je crois que les travailleurs ont conservé leur statut d’employé auprès de V1 Labs Ltd. jusqu’au 15 août 2008, et qu’ils ont ensuite été employés par V1 Labs Inc. Ils ont toujours reçu des instructions de leur superviseur immédiat relativement à leur travail, peu importe que leur employeur ait été V1 Labs Ltd. ou V1 Labs Inc.; ils ont continué à travailler les mêmes heures, et ce, dans les locaux de V1 Labs à Halifax; ils n’ont pas fourni leur propre outillage; ils n’ont embauché personne pour les aider à accomplir leurs tâches; ils n’avaient aucune responsabilité en matière d’investissement ni à l’égard de la gestion de la société. Aucun de ces faits n’a vraiment été contesté par l’appelant. En outre, je suis convaincue qu’ils ne s’attendaient pas à avoir la possibilité de réaliser un profit.
[26] Ils ont toutefois couru un risque en ce que le versement de leurs salaires pouvait être suspendu pendant que l’employeur tentait d’obtenir des fonds pour les payer et pour maintenir l’entreprise à flot. En outre, il y avait un désaccord quant à la question de savoir si les travailleurs avaient touché leur plein salaire net de la mi‑août 2008 au début de décembre 2008. Tous les travailleurs ont dit que oui. Neil Collins a été catégorique sur ce point. L’appelant a dit qu’il y avait un écart à cet égard, comme le démontraient les chèques qu’il avait émis pour cette période. D’après mes souvenirs, l’appelant a admis qu’il avait parfois payé les travailleurs au comptant (transcription, à la page 25, et voir les relevés bancaires de l’appelant indiquant d’importants retraits d’argent comptant, produits sous la cote R‑1, onglet 6). Je suis toutefois d’avis que l’existence d’une controverse sur ce point n’a nullement pour effet de changer le statut des travailleurs de manière à en faire des entrepreneurs indépendants. Tout d’abord, je suis plus encline à croire les travailleurs. Ensuite, tous les facteurs n’ont pas la même importance, compte tenu des circonstances entourant la relation entre les parties concernées.
[27] L’intention commune des parties peut également être prise en considération pour déterminer l’existence d’une relation contractuelle. Cependant, dans un cas comme celui-ci, où les parties présentent des éléments de preuve contradictoires quant à la nature qu’ils entendaient conférer à leur relation juridique, le facteur de l’intention ne peut pas être pris en compte (voir Lang c. M.R.N., 2007 CCI 547 au paragraphe 33).
[28] Tout bien considéré, après avoir analysé les facteurs mentionnés dans l’arrêt Sagaz (précité) et après avoir soupesé les éléments de preuve dont je dispose, je conclus que la relation contractuelle entre les parties penche davantage du côté du statut d’employé que de celui du statut d’entrepreneur indépendant.
[29] En ce qui concerne l’emploi auprès de V1 Labs Inc., il ressort clairement du paragraphe 10(1) du RRAPC et du paragraphe 8.1(1) du RRPC que l’appelant est l’employeur réputé des travailleurs aux fins de la retenue et du versement des cotisations. D’ailleurs, l’appelant a admis qu’il avait payé les travailleurs à partir de son propre compte bancaire pour faciliter le paiement. Ce fait suffit à lui seul pour rendre l’appelant responsable en vertu des dispositions précitées, même si les fonds provenaient du véritable employeur, V1 Labs Inc. Comme la Cour d’appel fédérale l’a mentionné au paragraphe 8 de l’arrêt Canada c. Insurance Corp. of British Columbia, [2002] CAF 104 :
8 Le but du Règlement et de la loi qui l’autorise consiste, en partie, à faciliter la perception des cotisations d’assurance‑emploi, une activité qui est essentielle au système tel qu’il existe actuellement. La Loi autorise clairement le genre de dispositions qui ont été adoptées par le gouverneur en conseil dans l’article 10 du Règlement. En examinant l’article 10, on voit qu’il est censé s’appliquer, entre autres choses, lorsqu’un employé qui est assuré est [traduction] « payé par une personne qui n’est pas son véritable employeur ». Dans un tel cas, cette « autre personne » doit conserver des relevés d’emploi et calculer, déduire et verser les cotisations appropriées. La proposition est assez simple et son but est clair : les cotisations doivent être retenues à la source lorsque le traitement ou le salaire est calculé et administré et lorsque les paies ou les chèques sont émis. Le terme « payé » doit être interprété dans son contexte et il n’est pas nécessaire d’examiner les sources techniques dans le but de lui attribuer un sens qui irait à l’encontre du but clairement recherché par l’article. Il serait également possible, si quelqu’un devait s’attarder sur des concepts juridiques abstraits, de décider qu’une personne ne pourra être un « véritable employeur » que si la personne paie l’« employé » avec ses propres ressources et non aux frais d’une autre. Mais, cela irait aussi à l’encontre du but recherché par l’article en empêchant son application à toute situation où, dans les faits, un tiers fournirait ou administrerait le traitement ou le salaire.
[30] Enfin, l’appelant a soulevé à la dernière minute l’argument selon lequel l’emploi auprès d’une société américaine était un emploi excepté en vertu de l’alinéa 5(2)e) de la LAE et de l’alinéa 6(2)j) du Régime parce qu’il s’agissait d’un emploi auprès d’un organisme international. Cet argument ne saurait être admis. L’expression « organisme international » est définie au paragraphe 1(2) du Règlement sur l’assurance-emploi et au paragraphe 2(1) du RRPC, et V1 Labs Inc. n’est certainement pas un organisme international au sens de ces définitions.
[31] Pour tous ces motifs, les appels sont rejetés.
Signé à Montréal (Québec), ce 9e jour de février 2011.
« Lucie Lamarre »
Juge Lamarre
Traduction certifiée conforme
ce 30e jour mars 2011.
Marie‑Christine Gervais
No DES DOSSIERS DE LA COUR : 2010-2343(EI)
2010-2344(CPP)
INTITULÉ : BRUCE A. THOMPSON c. M.R.N.
LIEU DE L’AUDIENCE : Halifax (Nouvelle-Écosse)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 26 novembre 2010
MOTIFS DU JUGEMENT : L’honorable juge Lucie Lamarre
DATE DU JUGEMENT : Le 9 février 2011
COMPARUTIONS :
Pour l’appelant : |
L’appelant lui-même et Mme Sandy Findlay |
Avocat de l’intimé : |
Me Gregory King |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Cabinet :
Pour l’intimé : Myles J. Kirvan
Sous-procureur général du Canada
Ottawa, Canada
[1] Dans les cas de Neil Collins et de Daniel Scott, le ministre a statué sur la période allant du 1er janvier au 15 août 2008, mais la question dont je suis saisie concerne seulement la période allant du 2 juin au 15 août 2008, à l’époque où ils travaillaient pour V1 Labs Ltd.