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Dossier : 2006-1362(GST)G

ENTRE :

501638 NB LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 26 novembre 2009 à Fredericton (Nouveau‑Brunswick).

 

Devant : L’honorable juge C.H. McArthur

 

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Allen Miles

Avocat de l’intimée :

Me David Besler

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT MODIFIÉ

L’appel interjeté de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise pour la période du 1er janvier 1996 au 20 janvier 2002 est rejeté avec dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de mai 2010.

 

 

« C.H. McArthur »

Juge McArthur

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de novembre 2010.

 

 

 

François Brunet, jurilinguiste.


 

 

 

Référence : 2010 CCI 167

Date : 20100416

Dossier : 2006-1362(GST)G

ENTRE :

501638 NB LTD.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge McArthur

 

[1]              La Cour est saisie d’un appel interjeté en vertu de la Partie IX (Taxe sur les produits et services) de Loi sur la taxe d’accise (la « LTA ») d’une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre »). Elle est appelée à rechercher si l’appelante a droit à un remboursement de la taxe de vente harmonisée (la « TVH ») de 59 992 $ (60 000 $) représentant la consigne perçue sur des bouteilles de bière pour la période de déclaration commençant le 1er janvier 1996 et se terminant le 20 janvier 2002. L’appelante exploitait plusieurs bars au Nouveau‑Brunswick. Elle vendait la bière dans ses bars et percevait la TVH sur ses ventes.

 

[2]              Le ministre a refusé d’accorder à l’appelante les crédits de taxe sur les intrants (les « CTI ») de 60 000 $ qu’elle demandait relativement à la TVH de 15 % qui était calculée sur la consigne de 10 cents payée par les clients du bar sur les bouteilles de bière, et qui était versée. La taxe était en réalité payée par les acheteurs de bière et c’est par erreur que l’appelante (propriétaire du bar) l’avait versée au ministre sur une période de six ans. Le ministre et l’appelante réclament tous les deux le droit à cette taxe même si, en réalité, ce sont les clients qui l’ont payée[1].

 

[3]              L’appelante, 501638 NB Ltd. (la société « 638 ») avait été constituée en vertu de la Loi sur les compagnies du Nouveau‑Brunswick (la « Loi ») et était inscrite aux fins de la TVH. À partir de 1996, elle était propriétaire d’au moins quatre bars qu’elle exploitait, deux à Moncton et deux à Fredericton[2].

 

[4]              Le ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait[3] suivantes pour refuser à l’appelante la demande de remboursement de la TVH perçue sur les bouteilles de bière :

 

            [traduction]

 

9e)       l’appelante possédait et exploitait Sweetwaters et Rockin Rodeo à Fredericton, et Looking Glass Lounge et Rockin Rodeo à Moncton, au Nouveau‑Brunswick (les « bars »);

 

f)          selon la loi du Nouveau‑Brunswick, lorsque de la bière est vendue dans un bar, elle peut être servie au client dans son contenant original (la « bouteille de bière ») ou elle peut être versée et servie dans une coupe ou dans un verre;

 

g)         l’appelante a versé une consigne, comme l’exige la Loi sur les récipients à boisson du Nouveau‑Brunswick, L.R.N.-B., et ses règlements, sur les bouteilles de bière achetées de son fournisseur, la Société des alcools du Nouveau-Brunswick;

 

h)         l’appelante ne pratiquait pas un prix différent sur les bières vendues en bouteille et sur celles vendues dans un verre ou dans une coupe;

 

i)          l’appelante incluait la taxe dans le prix de ses bières;

 

j)          l’appelante ne tenait pas de registres mentionnant la TPS/TVH payée par ses clients sur le montant de la consigne relativement à la fourniture des bouteilles de bière;

 

k)         l’appelante ne tenait pas de registres mentionnant la TPS/TVH payée par ses clients sur le montant de la consigne relativement à la fourniture des bouteilles de bière;

 

l)          le 19 février 2002, l’appelante a produit la déclaration dans laquelle elle demandait 59 992,86 $ au titre de CTI pour la période se terminant le 20 janvier 2002.

 

10a)     l’appelante n’a jamais présenté une demande de remboursement des taxes         payées par erreur;

 

b)         la vente de bière est une fourniture taxable;

 

c)         du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2001, l’appelante a produit des déclarations et a déclaré la taxe nette;

 

d)         l’appelante a inclus lors de l’établissement des déclarations, les montants payés à la Société des alcools du Nouveau-Brunswick au titre de la TPS/TVH dans le calcul de sa taxe nette;

 

e)         l’appelante devait verser la TPS/TVH sur les bouteilles de bière;

 

f)          l’appelante n’a pas payé le montant de 59 992,86 $ au titre de la TPS/TVH pour les bouteilles de bière qu’elle avait achetées à la Société des alcools du Nouveau-Brunswick;

 

g)         l’appelante n’a pas versé le montant de 59 992,86 $ au titre de la TPS/TVH pour la vente des bouteilles de bière faite à ses clients dans son établissement;

 

h)         pendant la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2001, l’appelante a demandé des CTI relativement à la TPS/TVH payée sur les achats de bière auprès de la Société des alcools du Nouveau-Brunswick;

 

i)          la pratique habituelle de l’appelante consistait à vendre de la bière à des prix plus élevés que ceux auxquels elle les achetait auprès de la Société des alcools du Nouveau-Brunswick;

 

j)          l’appelante ne tenait pas les registres appropriés, et qui auraient permis au ministre de prendre une décision quant à l’obligation de l’appelante au sujet de la taxe ou à son droit au remboursement relativement aux bouteilles de bière;

 

k)         La Société des alcools du Nouveau-Brunswick est inscrite selon la LTA.

 

[5]              Les deux seules personnes appelées à témoigner pour l’appelante étaient Deborah Ann O’Hara, aide-comptable de l’appelante, et Brian Miles, administrateur et unique actionnaire de l’appelante. Mme O’Hara tenait les comptes, ce qui comprenait le calcul de la TVH sur la consigne et son versement. Elle était au fait des activités des bars ainsi que de l’achat de la bière en bouteille à la Société des alcools du Nouveau‑Brunswick, y compris la consigne de 10 cent par bouteille et la TVH. L’appelante percevait et versait la TVH sur les bouteilles de bière depuis au moins le 1er janvier 1996.

 

[6]              Selon le témoignage rendu par les deux témoins, l’appelante avait versé pendant la période en cause, la TVH de 15 % sur la consigne de 10 cent perçue sur les contenants consignés, ce qui avait donné lieu à un paiement en trop de 60 000 $. L’appelante avait réclamé ce montant à titre de CTI dans la période de déclaration se terminant le 20 janvier 2002 et la déclaration avait été produite le 19 février 2002[4]. Le ministre a refusé d’accorder le CTI demandé à la suite d’une vérification. Le présent appel est formé aux termes de l’article 296 de la LTA.

 

Thèse de l’appelante

 

[7]              Mme O’Hara a expliqué comment elle est arrivée au montant de 60 000 $. L’appelante se fonde sur le fait que le ministre ne conteste pas le calcul et elle demande si elle peut obtenir un remboursement. La société 638 a calculé la vente de toutes les bouteilles de bière sur la période en question au moyen de son système de terminaux de point de vente, et le calcul se trouve à la pièce A-1, à l’onglet 11.

 

[8]              L’appelante s’appuie sur la décision de la juge Sheridan dans l’affaire SAS Restaurants Ltd. c. La Reine[5], (ci-après « SAS ») et soutient que la seule différence qui ressort de celle-ci réside dans le fait que la loi de la Nouvelle‑Écosse n’autorisait pas les clients à sortir les bouteilles de bière des bars. La Loi sur la réglementation des alcools du Nouveau‑Brunswick n’interdit pas au client de sortir une bouteille de bière vide d’un établissement, à condition que la bouteille soit vidée de son contenu d’alcool. Selon le témoignage de M. Miles, même si les acheteurs pouvaient sortir les bouteilles de bière vides des bars, ces derniers essayaient toutefois d’éviter cette situation afin de prévenir la casse ou d’autres ennuis. L’appelante ajoute que l’enseignement principal de la décision SAS, qu’invoque la société 638, est que la bouteille fournie au client fait partie de la vente. La bière et la bouteille sont fournies au client comme une unité pour un prix fixe et l’unité est taxée comme un tout. La bouteille ne doit pas faire l’objet d’une vente distincte. La TVH ne devait pas être perçue sur l’article consigné, la bouteille de bière.

 

[9]              Dans l’affaire SAS, les appelants ont été autorisés à demander, pour quatre années antérieures, un remboursement qui avait été demandé par erreur à titre de CTI. En l’espèce, l’appelante tente d’obtenir un remboursement pour six années antérieures en se fondant sur la jurisprudence United Parcel Service Canada Ltée c. Canada[6], et avance qu’il n’y pas de délai imparti pour l’application du paragraphe 296(2.1). En outre, les CTI avaient été ajoutés par erreur au mois de février 2002. Elle n’était pas au courant du fait qu’elle aurait dû demander un remboursement des taxes payées par erreur au titre du paragraphe 296(2.1). L’appelante réclame 14 275 $ d’intérêt et dépens.

 

La thèse de l’intimée

 

[10]         Si la thèse de l’appelante était retenue, elle aurait droit à une entrée de fonds exceptionnelle en raison d’une formulation regrettable de la LTA qui a été depuis lors modifiée. C’est habituellement la personne (en l’espèce le client du bar) ayant payé la taxe qui a le droit d’être remboursée et non la personne qui l’a perçue en trop, ce qui augmenterait ainsi ses gains. La loi doit être appliquée de manière stricte, et pour obtenir gain de cause, l’appelante doit satisfaire à l’exigence d’une interprétation stricte des dispositions pertinentes.

 

[11]         En ce qui concerne le délai de prescription, l’intimée soutient que le recours approprié dont dispose l’appelante est celui de l’alinéa 296(2)a) et cette disposition comporte un délai de quatre ans, lequel est applicable si on fait une lecture conjointe des paragraphes 296(2) et 234(1) avec le paragraphe 234(2.1).

 

[12]         Essentiellement, la thèse de l’intimée est fondée sur le fait que les documents comptables de l’appelante ne sont pas suffisants pour conclure que la bière était vendue dans un contenant consigné, laquelle est appuyée par un renvoi à la pièce A‑1, onglet 8, qui est un exemple des reçus délivrés par un des établissements. Selon les témoins de l’appelante, la vente de bière était effectuée en bouteille et dans des verres et les registres ne donnent pas d’indication quant aux ventes faites en bouteille et à celles faites en verre. Rien dans les registres ne distingue un verre d’une bouteille. L’intimée se fonde sur la preuve des deux témoins pour conclure que lorsqu’un client commandait une bière, la bouteille était ouverte et servie au client et que, par conséquent, elle était vendue descellée.

 

[13]         Selon la définition de « contenant consigné » à l’alinéa 226(1)b), un « contenant consigné […] au moment de son acquisition par des consommateurs, est habituellement rempli et scellé »[7]. Dès lors, le fait que les bouteilles achetées par les clients aient été ouvertes et par conséquent descellées ne répond pas à la définition de « contenant consignée » du paragraphe 226(1).

 

[14]         Enfin, l’intimée a tenté d’opérer des distinctions entre les faits de la présente espèce et ceux de l’affaire SAS. Dans celle-ci, il y avait des documents comptables qui pouvaient permettre à la Cour de faire une distinction entre la quantité de bière vendue en bouteille et celle qui ne l’était pas, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En outre, dans SAS, le prix de la bière était fixé par l’ajout du prix de la bière à la consigne et alors par la majoration du prix total. En l’espèce, le prix de la bière était déterminé par le marché. La consigne n’apparaissait pas sur la facture et l’ordinateur ne l’enregistrait pas.

 

[15]         Voici la teneur des dispositions législatives applicables :

 

226(1) Au présent article, « contenant consigné » s’entend d’un contenant à boisson (sauf le contenant habituel d’une boisson dont la fourniture est incluse à la partie III de l’annexe VI) d’une catégorie donnée qui, à la fois :

 

a) est habituellement acquis par des consommateurs;

b) au moment de son acquisition par des consommateurs, est habituellement rempli et scellé;

c) une fois vide, est habituellement fourni par des consommateurs pour une contrepartie.

 

 (2) Pour l’application du présent article, lorsqu’une personne fournit une boisson dans un contenant consigné, les règles suivantes s’appliquent :

 

a) la remise du contenant est réputée être une fourniture distincte de la livraison de la boisson et ne pas y être accessoire;

 

b) la présomption prévue à l’article 137 ne s’applique pas au contenant;

 

c) la contrepartie de la fourniture du contenant est réputée égale à la partie de la contrepartie totale de la boisson et du contenant, qui est imputable au contenant.

 

(3) Taxe percevable sur les contenants consignés La taxe perçue ou devenue percevable par un inscrit relativement à la fourniture d’un contenant consigné n’est pas incluse dans le calcul de la taxe nette de l’inscrit.

 

(4)                        Crédit de taxe sur les intrants pour contenants consignés – La taxe payée ou devenue payable par un inscrit relativement à la fourniture d’un contenant consigné, ou à son transfert dans une province participante, n’est incluse dans le calcul du crédit de taxe sur les intrants de l’inscrit que si celui-ci acquiert le contenant, ou le transfère dans la province, selon le cas, en vue d’en faire une fourniture détaxée ou de le fournir à l’étranger.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Analyse

 

[16]         Lorsque les clients de l’appelante achetaient une bouteille de bière dans ses bars, la bouteille de bière était « remplie » mais non « scellée ». Comme nous l’avons déjà vu, l’appelante se fonde principalement sur l’enseignement de la décision SAS. Dans celle-ci, la juge Sheridan a conclu que SAS remplissait les conditions posées par l’article 226 et elle a accordé à l’appelante le remboursement de la TVH versée sur la consigne de 10 cent perçue sur les bouteilles de bière.

 

[17]         Par suite de la décision SAS, le législateur a adopté le projet de loi C‑40 modifiant l’article 226 de la LTA afin de veiller à ce qu’il ne s’applique plus à des situations comme celle de l’affaire SAS[8]. La modification est entrée en vigueur le 1er mai 2002 mais avec effet rétroactif sur toute fourniture de boisson faite après 1995. Les modifications rétroactives visent toutes les périodes pertinentes en l’espèce.

 

[18]         Par suite de la décision de la juge Sheridan dans l’affaire SAS, le législateur a réagi en adoptant le projet de loi C-40, la Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise, la Loi de 2001 sur l’accise, la Loi sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien et d’autres lois en conséquence). Le projet de loi C-40 a obtenu la sanction royale le 22 juin 2007. En l’espèce, la modification la plus importante apportée par le projet de loi C-40 se trouve à l’article 28 qui modifie le paragraphe 226(2) de la LTA par l’ajout du passage suivant, qui est souligné :

 

226(2) Pour l’application du présent article, si une personne fournit une boisson dans un contenant consigné dans des circonstances où elle n’ouvre habituellement pas le contenant

 

[Non souligné dans l’original.]

 

Le passage souligné ne faisait pas partie du texte au moment où la juge Sheridan a rendu sa décision dans l’affaire SAS. Le passage « où elle n’ouvre habituellement pas le contenant » vise expressément à prohiber le genre de demande présentée à la Cour en l’espèce.

 

 

[19]         Les modalités d’entrée en vigueur de la modification du paragraphe 226(2) de la LTA se trouvent au paragraphe 28(3) du projet de loi C‑40, lequel dispose que le paragraphe 226(2) modifié vise les :

 

226(2)  […] fournitures de boisson dans un contenant consigné effectuées après 1995 et avant mai 2002, sauf si :

 

a)         le fournisseur a inclus, dans le calcul de sa taxe nette, un montant donné au titre de la taxe qui a été calculée sur le montant total, excluant toute gratification et toute taxe visée par règlement pour l’application de l’article 154 de la même loi, payé ou payable par l’acquéreur relativement à la boisson et au contenant et, avant le 8 février 2002, le ministre du Revenu national a reçu une demande visant le remboursement, prévu au paragraphe 261(1) de la même loi, de la partie du montant donné qui est attribuée au contenant;

 

b)         le fournisseur a inclus, dans le calcul de sa taxe nette indiquée dans une déclaration produite aux termes de la section V de la partie IX de la même loi et reçue par le ministre du Revenu national avant le 8 février 2002, un montant au titre de la taxe relative à la fourniture de la boisson et du contenant qui a été calculée sur un montant inférieur au montant total, excluant toute gratification et toute taxe visée par règlement pour l’application de l’article 154 de la même loi, payé ou payable par l’acquéreur relativement à la boisson et au contenant.

 

L’appel ne peut être accueilli que si 501638 NB LTD. prouve qu’elle remplit une des deux conditions ci-dessus. La loi énonce les voies appropriées de recouvrement des taxes versées par erreur relativement à la boisson et au contenant. Le fournisseur peut chercher à recouvrer la portion du montant attribuable au contenant par une demande de remboursement faite au titre du paragraphe 261(1) de la LTA.

 

[20]         Les modifications s’appliquent uniquement lorsque la personne n’ouvre habituellement pas le contenant. La modification a en effet écarté la jurisprudence SAS au moins pour les fins qui nous occupent et probablement pour la plupart des provinces où les bouteilles de bière doivent être ouvertes avant d’être servies dans les établissements. La décision SAS a été rendue avant l’adoption de la modification. La modification de 2007 a ajouté au paragraphe 226(2) le passage suivant, qui est souligné :

 

226(2)  Pour l’application du présent article, si une personne fournit une boisson dans un contenant consigné dans des circonstances où elle n’ouvre habituellement pas le contenant

 

 [Non souligné dans l’original.]

 

[21]         Le passage souligné ne faisait pas partie de la loi au moment où la décision SAS a été rendue. L’expression « où elle n’ouvre habituellement pas le contenant » vise expressément à exclure le genre de demande présentée à la Cour en l’espèce.

 

[22]         Bien que je conclus que, aux termes du paragraphe 226(2) modifié, l’appel doit être rejeté, je me pencherai brièvement sur les arguments de l’appelante.

 

[23]         Afin de recouvrer la portion de la TVH payée par erreur et attribuée au contenant[9], il faut présenter une demande de remboursement au titre du paragraphe 261(1) de la LTA et non une demande de CTI. Le paragraphe 261(1) dispose que le ministre peut rembourser les paiements faits par erreur. Ce texte était en vigueur pendant toute la période pertinente en l’espèce et il l’est toujours.

 

[24]         Dans une jurisprudence récente, l’arrêt Canada United Parcel Service, la Cour Suprême du Canada enseigne qu’un remboursement au titre du paragraphe 296(2.1) est effectivement accordé même s’il n’y a pas eu de demande de remboursement selon les modalités prescrites dans les délais.

 

[25]         Si les faits de l’affaire SAS semblent similaires à ceux de l’espèce, il n’en demeure pas moins que l’on constate plusieurs différences importantes : i) les bouteilles de bière que les bars de l’appelante fournissaient ne répondent pas à la définition de « contenant consigné » et à l’exigence du paragraphe 226(2) en ce sens que lorsque les consommateurs les achetaient, les bouteilles de bière n’étaient pas scellées; ii) l’appelante n’a pas établi de façon satisfaisante que, dans le calcul de la taxe nette, elle avait inclus un montant au titre de la taxe payée relativement à la bouteille de bière. Il manque dans les dossiers de l’appelante, les précisions nécessaires pour satisfaire aux exigences prévues par le paragraphe 226(2), et particulièrement l’exigence suivante « […] il exige de l’acquéreur un droit sur contenant consigné à l’égard du contenant. » Je ne suis pas disposé à conclure ou à supposer que la taxe pour chaque bouteille de bière était mentionnée dans les registres.

 

[26]         Il me semble qu’au paragraphe 6 de la décision SAS, la Couronne a concédé qu’une bouteille de bière était un « contenant consigné ». Tel n’est pas le cas en l’espèce. Pour être considéré comme un « contenant consigné », le contenant doit être « habituellement rempli et scellé » au moment où il est acquis par le consommateur. Contrairement à ce qui a été décidé dans l’affaire SAS, je conclus que, bien que le paragraphe 226(2) soit fractionné en plusieurs alinéas, il constitue essentiellement une seule phrase et s’applique à la fourniture de « contenants consignés » qui sont « habituellement remplis et scellés ».

 

[27]         Il incombait à l’appelante de prouver qu’elle fournissait des « contenants consignés » aux consommateurs. De fait, je conclus qu’elle ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve. Les deux témoins ont déclaré que les bouteilles de bière servies dans les établissements de l’appelante étaient « habituellement»[10] ouvertes par le serveur et servies descellées. Il s’agit d’une pratique courante dans l’industrie. Les bouteilles de bière ouvertes que fournissait l’appelante n’étaient pas « un contenant consigné » au sens du paragraphe 226(1) de la LTA et ne pouvaient pas par conséquent répondre aux exigences du paragraphe 226(2).

 

[28]         Je me pencherai brièvement sur la question suivante : l’appelante a-t-elle inclus un montant au titre de la taxe payée relativement à la bouteille de bière selon le paragraphe 226(2) modifié? Dans l’affaire SAS, la juge Sheridan a conclu qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve justifiant la majoration, par SAS, des prix de bière afin qu’il soit tenu compte du coût de la consigne et que, par conséquent, une part de la contrepartie du client concernait la bouteille; je conclus que, en l’espèce, je ne saurais me prononcer dans le même sens.

 

[29]         Selon les témoins, le prix de la bière était principalement fixé par le marché et ils n’ont pas expliqué si le prix de la bière en bouteille tenait compte du coût de la consigne liée au contenant. En outre, je conclus que les documents comptables de la société appelante n’étaient pas suffisamment détaillés pour établir si la bière était vendue dans un verre ou dans une bouteille, ou si la consigne de 10 cent relative à la bouteille était payée par les consommateurs.

 

[30]         L’article 286 de la LTA exige la tenue des registres pour toute personne qui demande un remboursement. L’appelante a produit en preuve le sommaire des ventes pour établir le nombre de bières vendues par nuit et par bar pendant la période pertinente ainsi qu’un document qui démontre les calculs effectués et qui constitue le fondement de leur demande. Toutefois, la distinction entre la bière fournie dans une bouteille et celle fournie dans un verre n’est pas évidente. Même si les deux témoins ont confirmé que les calculs ne tiennent pas compte de la bière à la pression, la preuve n’est pas convaincante.

 

[31]         Selon le témoignage de Mme O’Hara, le sommaire des ventes quotidiennes indique la quantité de bière vendue au cours d’une nuit donnée pendant la période pertinente. Toutefois, elle a reconnu que le système de terminaux de point de vente et les boîtes de nuit mêmes ne permet pas de savoir si la bière était fournie dans une bouteille ou si le contenu de la bouteille était versé dans un verre avant d’être remis au client.

 

[32]         M. Miles a déclaré que, dans les bars, la bière était servie aux clients dans les lieux suivants : i) au bar traditionnel et ii) à partir de bacs à bière. Peu importe le lieu, pour servir la bière en bouteille au client, il fallait enlever la capsule et placer la bière sur le comptoir au bar traditionnel ou la tendre au client aux endroits où il y avait des bacs à bière. Un service supplémentaire était fourni au bar traditionnel si les clients voulaient que la bière soit versée dans un verre.

 

[33]         Par tous ces motifs, je conclus que l’appelante n’a pas rempli la condition énoncée au paragraphe 28(3) du projet de loi C‑40, soit la modification du paragraphe 226(2), qui aurait pu lui permettre de demander le remboursement.

 

[34]         L’appel est rejeté et les dépens sont adjugés à l’intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour d’avril 2010.

 

 

« C.H. McArthur »

Juge McArthur

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 18e jour de novembre 2010.

 

 

 

François Brunet, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                  2010 CCI 167

 

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2006-1362(GST)G

 

 

INTITULÉ :                                       501638 NB LTD.

                                                          c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Fredericton (Nouveau‑Brunswick)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 26 novembre 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge C.H. McArthur

 

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 16 avril 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Allen Miles

Avocat de l’intimée :

Me David Besler

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                      Allen Miles

 

                          Cabinet :                  Whitehead, Bird Miles & Burke

                                                          Fredericton (Nouveau‑Brunswick)

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           Il y a confusion dans les actes de procédure au sujet de la cotisation qui fait l’objet de l’appel. L’appelante interjette appel contre la cotisation 01EE0103324. Le ministre parle de la cotisation 01EE0103329. Malgré cette confusion, il n’y a aucune controverse entre les parties en ce qui concerne les questions en litige et je laisserai de côté cette question de procédure pour examiner le fond d’affaire.

 

[2]           Il y avait un troisième bar pendant une partie de la période.

 

[3]           Tirées des paragraphes 9 et 10 de la réponse à l’avis d’appel.

 

[4]           Dans United Parcel Service Canada Ltd. v. Canada, C.S.C. 305 D.L.R. (4th) 385, le juge Rothstein, pour la Cour, a déclaré ce qui suit au paragraphe 30 :

 

Selon mon interprétation du par. 296(2.1), même si aucune demande de remboursement n’a été produite avant l’expiration du délai applicable, si le ministre constate qu’un remboursement aurait dû être accordé s’il avait été réclamé, il doit, lors de l’établissement de la nouvelle cotisation, appliquer le montant du remboursement en réduction de la taxe nette due par le contribuable. Le paragraphe fait référence à un « montant de remboursement déductible ». Ce terme doit s’entendre d’un montant de remboursement qui aurait été accordé si la procédure applicable avait été suivie. Autrement dit, la méconnaissance de cette procédure n’est pas fatal pour la demande de remboursement.

 

[5]           2005 CCI 649.

 

[6]           2009 CSC 20.

 

[7]           La référence semble être faite aux contenants prévus pour ouverture et consommation dans la résidence d’une personne ou dans d’autres lieux privés et vendus dans des points de vente au détail autorisés par les provinces.

 

[8]           Les projets de modification du 8 février 2002 ont été adoptés rétroactivement au 6 janvier 1996, pour modifier le paragraphe 226(2) au mois de juillet 2007.

 

[9]           Projet de loi C-40, au paragraphe 28(3)

 

[10]          Le mot « habituellement » précède le mot « contenant consigné » dans le paragraphe 226(1).

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