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Dossier : 2009-42(EI)

ENTRE :

STEPHEN TWILLEY,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de

Stephen Twilley 2009-44(CPP), le 15 septembre 2009,

à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L'honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Représentante de l'appelant:

Mme Daylyn Miller (stagiaire)

 

Avocate de l'intimé :

Me Shaunagh Stikeman

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

      


Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 21e jour d'octobre 2009.

 

 

« D.W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de décembre 2009.

 

David Aubry, LL.B.

Réviseur

 


 

 

 

Dossier : 2009-44(CPP)

ENTRE :

STEPHEN TWILLEY,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de

Stephen Twilley 2009-42(EI), le 15 septembre 2009,

à Vancouver (Colombie-Britannique).

 

Devant : L'honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

Comparutions :

 

Représentante de l'appelant:

Mme Daylyn Miller (stagiaire)

 

Avocate de l'intimé :

Me Shaunagh Stikeman

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

 

      


Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 21e jour d'octobre 2009.

 

 

« D.W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de décembre 2009.

 

David Aubry, LL.B.

Réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2009 CCI 524

Date : 20091021

Dossiers : 2009-42(EI)

2009-44(CPP)

ENTRE :

STEPHEN TWILLEY,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Rowe

 

[1]     L'appelant, Stephen Twilley (« M. Twilley »), a interjeté appel de deux décisions rendues par le ministre du Revenu national (le « ministre ») le 16 décembre 2008 conformément à la Loi sur l'assurance‑emploi (la « Loi ») et au Régime de pensions du Canada (le « Régime »), par lesquelles il avait décidé qu'au cours de la période allant du 1er janvier au 16 octobre 2006, Joseph Pilnasek (« M. Pilnasek ») exerçait un emploi assurable ouvrant droit à pension auprès de M. Twilley parce qu'il était engagé aux termes d'un contrat de louage de services.

 

[2]     Daylyn Miller, une stagiaire représentant l'appelant, et l'avocate de l'intimé se sont entendues pour que les deux appels soient entendus ensemble.

 

[3]     L'avocate de l'intimé a informé la Cour que la période – allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 – dont il était fait mention dans la réponse à l'avis d'appel (la « réponse ») était inexacte étant donné que cette période se rapportait uniquement à la décision que l'appelant avait portée en appel devant le ministre.

[4]     M. Twilley a témoigné être entrepreneur en construction et habiter Squamish (Colombie‑Britannique). Au cours de la période pertinente, il exploitait une entreprise de construction – à titre de propriétaire unique – qui s’appelle Brama Construction (« Brama »). Il s'occupait de construction résidentielle depuis le milieu des années 1980 et sa principale activité consistait à monter la charpente et à préparer les fondations. Il exploite son entreprise à titre de sous‑entrepreneur de constructeurs d'habitations plus importants qui agissent à titre d'entrepreneurs généraux. En 2006, il fournissait ses services à Rommel Homes Ltd. (« Rommel »). M. Twilley a déclaré que M. Pilnasek était un voisin qu'il connaissait depuis les années 1990 et que M. Pilnasek avait exécuté du travail de charpente pour lui par le passé. M. Pilnasek avait alors fourni ses services à titre d'entrepreneur indépendant. M. Twilley a déclaré que M. Pilnasek avait de l'expérience en tant que charpentier et qu'il avait retenu ses services au mois de janvier 2006 afin d'exécuter des travaux de charpente et de fondation dans le cadre de projets de construction réalisés par l'entremise de Brama. M. Twilley a déclaré savoir que M. Pilnasek avait d'autres travaux à exécuter et qu'il ne voulait pas être un de ses employés parce qu'il avait par le passé travaillé comme entrepreneur indépendant et qu'il voulait continuer à agir à ce titre en facturant ses services à M. Twilley-Brama. M. Twilley a affirmé avoir consenti à cet arrangement parce que M. Pilnasek rénovait sa propre résidence et qu'il pouvait le faire et effectuer en outre du travail pour d'autres clients en établissant son propre horaire de travail. M. Twilley a déclaré que M. Pilnasek pouvait décider s'il allait travailler un jour donné à la charpente d'une maison pour Brama et à quel moment – pendant combien d'heures – il pouvait le faire. Il y avait énormément de travail en 2006, mais M. Twilley se rappelait que M. Pilnasek s'était absenté – parfois – du chantier pendant des périodes allant jusqu'à une semaine. M. Twilley a déclaré que M. Pilnasek possédait ses propres outils, mais qu'il pouvait, au besoin, emprunter d'autres outils et du matériel appartenant à Brama. Étant donné qu'ils étaient voisins, M. Twilley amenait M. Pilnasek au chantier en voiture passablement souvent, mais M. Pilnasek utilisait également son propre véhicule. M. Twilley a déclaré que M. Pilnasek amenait son fils au travail et il supposait que M. Pilnasek payait son fils puisque ce n'était pas lui qui le payait. Les factures de M. Pilnasek étaient acquittées lorsque Brama recevait un paiement ou un acompte de l'entrepreneur général compte tenu des travaux achevés. Étant donné que M. Pilnasek n'était pas rémunéré tant que Brama n'était pas elle‑même rémunérée, il n'y avait pas de calendrier précis aux fins de la présentation des factures de M. Pilnasek. Les factures soumises par M. Pilnasek comprenaient un montant au titre de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») et le montant total était payé chaque fois au moyen d'un chèque émis à même le compte bancaire de Brama. M. Twilley a renvoyé à un échantillon de facture faisant partie d'une liasse de documents – pièce A‑1 – et à la première page de celle-ci, qui est un calendrier de l'année 2006 sur lequel figurent les dates marquées – au moyen de rectangles – des factures soumises par M. Pilnasek. Chaque facture comprend un montant au titre de la TPS, initialement à 7 p. 100, et par la suite ramené à 6 p. 100. La première facture est datée du 23 janvier 2006 et la dernière est datée du 16 octobre 2006. M. Twilley a déclaré que le taux horaire de M. Pilnasek était de 22 ou de 25 $, mais le montant précis n'était indiqué dans aucune des factures. M. Twilley a affirmé que M. Pilnasek lui avait dit à un moment donné que l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») effectuait une vérification au sujet de travaux qu'il avait antérieurement exécutés et qu'il était soutenu que la TPS aurait dû être perçue et versée sur cette rémunération.

 

[5]     L'appelant – M. Twilley – a été contre‑interrogé par l'avocate de l'intimé. Il a déclaré ne pas savoir s'il avait un permis pour son entreprise. Il ne faisait pas de publicité : il comptait sur la publicité de bouche à oreille pour attirer des clients. Rommel était le principal constructeur d'habitations dans la région de Squamish et M. Twilley – faisant affaire sous le nom de Brama – exécutait les travaux nécessaires quant aux formes, à la charpente et aux fondations, soit les premières étapes de construction d'habitations neuves. M. Twilley exigeait de Rommel un taux fixe – en fonction de la superficie – et il lui fallait de deux à quatre mois pour exécuter les travaux nécessaires. Il pouvait à son gré se présenter, ou ne pas se présenter, sur un chantier particulier un jour donné. La plupart des travaux qui étaient exécutés exigeaient les services d'un charpentier expérimenté et M. Pilnasek connaissait le travail que Brama avait effectué pour Rommel. Aucun contrat n'avait été conclu par écrit entre M. Twilley et M. Pilnasek. M. Twilley fournissait un compresseur d'air, un fusil à clous, une scie et certains outils électriques que M. Pilnasek pouvait utiliser à sa guise sur le chantier. M. Pilnasek apportait des outils au travail – notamment une ceinture à outils munie des petits outils habituels – et une scie, une masse et une pince-monseigneur. Tous les matériaux de construction étaient fournis par Rommel. M. Twilley convenait qu'il avait besoin des services de M. Pilnasek pour mener chaque tâche à bonne fin, mais Rommel ne fixait aucune date stricte d'achèvement des travaux. Lorsqu'il y avait un nouveau projet, M. Twilley informait M. Pilnasek de l'adresse du chantier de construction et de la date à laquelle les travaux devaient débuter. M. Twilley a déclaré que M. Pilnasek n'avait pas besoin d'être supervisé et qu'il savait ce qu'il fallait faire. Il a convenu qu'il devait être satisfait du travail de M. Pilnasek avant de facturer Rommel. M. Twilley a reconnu que M. Pilnasek facturait son travail à l'heure et non sur une autre base et qu'il ne consignait pas par écrit les heures effectuées par M. Pilnasek. L'entreprise de M. Twilley – Brama – versait une cotisation à la Commission des accidents du travail afin de couvrir M. Pilnasek pendant que celui‑ci exécutait des travaux pour Brama et elle versait également une cotisation pour le fils de M. Pilnasek, qui s'était présenté au travail trois ou quatre fois au cours de la période pertinente. M. Twilley a déclaré qu'il amenait M. Pilnasek au travail environ 60 p. 100 du temps et que M. Pilnasek utilisait son propre véhicule et arrivait au chantier lorsqu'il le voulait. D'habitude, ils commençaient à travailler à 6 h et finissaient à 15 h. M. Twilley a convenu que M. Pilnasek n'avait pas engagé de capitaux dans l'entreprise de Brama, qu'il n'avait aucune possibilité de faire un profit et qu'il pouvait uniquement augmenter sa rémunération en facturant un plus grand nombre d'heures au taux convenu. À son avis, M. Pilnasek risquait de ne pas être rémunéré pour une partie de son travail dans le cas où l'entrepreneur général ne pouvait pas acquitter les factures de M. Twilley qui étaient soumises sous la raison sociale Brama. Un tel défaut ne s'est jamais produit, mais il est arrivé que Rommel paie M. Twilley un ou deux mois en retard, ce qui retardait le paiement à verser à M. Pilnasek, qui établissait et soumettait une facture uniquement après que M. Twilley l'eut informé que Rommel avait payé Brama. En produisant une déclaration relative à la TPS pour l'année d'imposition 2006, M. Twilley a demandé des crédits de taxe sur les intrants à l'égard des montants versés à M. Pilnasek conformément aux factures soumises par celui‑ci.

 

[6]     M. Pilnasek a témoigné habiter Squamish (Colombie‑Britannique); il travaille comme charpentier depuis 20 ans, mais il n'est pas officiellement agréé ou il ne détient pas de certificat de charpentier. Il est connu sous le nom de Rene et il soumettait ses factures à M. Twilley sous le nom de Rene Pilnasek. Il connaît M. Twilley depuis dix ou douze ans et, à un moment donné, il avait travaillé pour M. Twilley tous les jours au cours d'une période d'environ trois mois. La période pertinente dans les présents appels va du 1er janvier au 16 octobre 2006, mais M. Pilnasek a commencé à fournir ses services à M. Twilley le 7 octobre 2005. M. Pilnasek a déclaré que, lorsque M. Twilley lui avait offert les travaux de charpenterie, il n'avait pas été expressément question de la déduction des cotisations d'assurance‑emploi (l'« AE »), mais que M. Twilley avait signalé qu'il allait établir un compte de paie. Pendant qu'il travaillait à des projets pour Brama, M. Pilnasek établissait des factures comme il l'avait fait lorsqu'il travaillait pour d'autres clients au cours d'années antérieures. M. Pilnasek a déclaré que, même s'il avait obtenu un numéro de TPS et s'il avait inclus un montant pour la TPS dans les factures soumises à Brama, il ne croyait pas exploiter sa propre entreprise. Lorsqu'il avait travaillé pour d'autres clients avant le mois d'octobre 2005, il n'avait pas perçu la TPS, mais l'ARC avait effectué une vérification et avait conclu qu'il effectuait une fourniture taxable au sens des dispositions de la Loi sur la taxe d'accise relatives à la TPS et avait établi une cotisation en conséquence. Par la suite, il avait obtenu un numéro au titre de la TPS et il l'avait utilisé pour percevoir la TPS dans toutes les factures qu'il avait soumises à Brama en 2006. M. Pilnasek a déclaré qu'en 2006, sauf pour quelques heures de travail effectuées directement pour Rommel qui faisaient l'objet d'une facture – datée du 12 juillet 2006, au montant de 280 $ plus la TPS de 16,80 $ – il n'avait pas exécuté de travaux de charpenterie pour une entité autre que l'entreprise individuelle de M. Twilley, qui était exploitée sous le nom de Brama. M. Pilnasek a déclaré qu'il fournissait les petits outils, mais que M. Twilley fournissait tous les outils électriques qui étaient nécessaires pour les travaux à exécuter. Les matériaux de construction étaient fournis par Rommel. M. Pilnasek a déclaré qu'au cours de la période pertinente, il avait travaillé pour M. Twilley tous les jours ouvrables sur un chantier de construction particulier. M. Twilley avait décidé qu'ils commenceraient à travailler à 7 ou 8 h, et ils prenaient une pause déjeuner à midi. Il fallait trois ou quatre mois pour mener chaque projet à bonne fin et même si, habituellement, ils ne travaillaient qu'à une seule maison, il arrivait parfois qu'il y ait chevauchement lorsqu'ils travaillaient à une autre habitation sur un chantier différent. M. Pilnasek a déclaré qu'il voulait être rémunéré au taux horaire de 25 $ – que M. Twilley a accepté – et il a convenu de son côté d'attendre que Rommel remette un acompte à Brama pour être payé. Habituellement, il était rémunéré le même jour, mais il ne soumettait une facture à M. Twilley qu'après avoir été informé que des fonds étaient disponibles pour l'acquitter. M. Pilnasek a déclaré qu'il voulait – au départ – être un employé de M. Twilley et être rémunéré pour ses services à titre d'employé inscrit au livre de paie. Il a déclaré que, vers la fin de la période pertinente, M. Twilley l'avait informé qu'il ne serait pas inscrit au livre de paie de Brama à titre d'employé et qu'il avait maintenu sa position même si M. Pilnasek avait offert de payer sa part des retenues requises. Quant à l'emploi de son fils âgé de 15 ans, M. Pilnasek a déclaré que le garçon enlevait les formes pour fondations et que M. Twilley le rémunérait en argent. Au début de la période pertinente, M. Pilnasek se rendait au travail avec M. Twilley, mais à un moment donné, M. Twilley a déménagé et M. Pilnasek a commencé à se servir de son propre véhicule pour se rendre au chantier. Il n'avait pas engagé de capitaux dans l'entreprise de Brama et il n'avait pas de possibilité de faire un profit, mais il a convenu qu'il aurait pu perdre de l'argent si Rommel n'avait pas payé Brama pour le travail que M. Twilley et lui‑même effectuaient. Il n'offrait pas de garanties à M. Twilley ni à Rommel pour son travail. M. Pilnasek a déclaré qu'avant l'année 2005, il avait fourni ses services de charpenterie à une entreprise pour une période de six ans et que c'est ce travail qui avait donné lieu à la vérification effectuée par l'ARC et aux paiements rétroactifs en résultant ou à la cotisation relative à la TPS établie à l'égard de ce travail. Il a déclaré que la décision de l'agent des décisions et la décision subséquente du ministre l'avaient surpris étant donné qu'il n'avait pas demandé de prestations au titre de l'AE par suite de la relation de travail qu'il entretenait avec M. Twilley.

 

[7]     M. Pilnasek a été contre‑interrogé par la conseillère de l'appelant. Il a déclaré qu'il avait travaillé à Langley – une municipalité des basses terres – mais qu'on avait mis fin au projet. En acceptant du travail de M. Twilley, il n'avait plus à faire la navette. Chaque facture était basée sur un taux horaire de 25 $, qui était inscrit dans une partie distincte du livre de factures, mais non sur la copie elle‑même soumise à Brama. M. Pilnasek a convenu qu'il avait [traduction] « espéré » que M. Twilley l'inscrive au livre de paie et il a reconnu qu'il savait que les travailleurs qui fournissaient leurs services à titre d'employés ne percevaient pas la TPS. Puisqu'il avait de l'expérience et qu'il travaillait directement avec M. Twilley, il n'avait généralement pas besoin d'être supervisé. S'il se présentait sur un chantier en l’absence de M. Twilley, il partait parce que M. Twilley avait tous les outils électriques nécessaires dans son camion et qu'il y avait peu ou pas de travail utile à faire sans ces outils, sauf pour certains petits travaux d'entretien. M. Pilnasek a réitéré que M. Twilley avait directement embauché – et rémunéré – son fils pour les travaux occasionnels que celui‑ci avait exécutés. M. Pilnasek a affirmé avoir mentionné à M. Twilley à plusieurs reprises, au cours de la période pertinente, qu'il voulait que les retenues soient effectuées sur sa rémunération.

 

[8]     Daylyn Miller, qui représentait l'appelant, a soutenu que les faits de la présente affaire étaient semblables à ceux sur lesquels portaient d'autres décisions publiées où il avait été conclu que le travailleur avait fourni ses services à titre d'entrepreneur indépendant. La conseillère a mentionné l'intention des parties, la nature du travail accompli et la preuve selon laquelle M. Pilnasek avait par le passé fourni ses services à des tiers dans ce contexte et qu'il avait facturé Rommel – y compris la TPS – sur cette base pour des travaux exécutés en 2006. L'avocate a souligné que M. Pilnasek savait que les employés ne percevaient pas la TPS pour leurs services et elle a soutenu que les actes de M. Pilnasek, avant qu'il commence à entretenir une relation de travail avec M. Twilley, et pendant toute la période pertinente, étaient un facteur déterminant. D’après Mme Miller, la preuve démontrait que M. Pilnasek avait agi à titre d'entrepreneur indépendant lorsqu'il fournissait ses services à M. Twilley et à d'autres.

 

[9]     L'avocate de l'intimé a soutenu que, lorsque l'ARC avait présumé que M. Pilnasek effectuait une fourniture taxable à une entreprise ou à des entreprises de construction avant le mois d'octobre 2005, cette décision était fondée sur des faits applicables à des circonstances particulières qui ne sont pas connues dans le contexte des présents appels. Cela étant, cette caractérisation n'est pas utile lorsqu'il s'agit de déterminer le statut réel de M. Pilnasek au cours de la période pertinente. L'avocate a soutenu qu'il n'existait aucune expression claire d'une intention mutuelle selon laquelle M. Pilnasek devait fournir ses services à titre d'entrepreneur indépendant et que M. Pilnasek avait clairement fait savoir à M. Twilley qu'il voulait être traité comme un employé assujetti aux retenues habituelles, notamment quant aux cotisations à l'AE et au RPC. En ce qui concerne les facteurs habituels qu'il faut prendre en considération en pareil cas, l'avocate a soutenu que M. Twilley, qui fournissait les gros outils, exerçait un contrôle et une supervision, que M. Pilnasek n'avait pas de possibilité de faire un profit, qu'il y avait peu ou pas de risques réels de perte et que M. Pilnasek n'était pas tenu d'engager des capitaux ni de gérer le travail effectué sous quelque aspect que ce soit.

 

[10]    Dans plusieurs décisions récentes, et notamment Wolf v. The Queen, 2002 DTC 6853, The Royal Winnipeg Ballet v. The Minister of National Revenue – M.N.R., 2006 DTC 6323, Vida Wellness Corp. (s/n Vida Wellness Spa) c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [2006] A.C.I. no 570 et City Water International Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2006] A.C.F. no 1653, les parties avaient clairement exprimé leur intention mutuelle, à savoir que le travailleur qui fournissait ses services devait le faire à titre d'entrepreneur indépendant et non à titre d'employé. Or, ce n'est pas le cas en l’espèce puisque la preuve est contradictoire sur ce point. Selon la position prise par M. Twilley, M. Pilnasek avait été – et continuait à être – un entrepreneur indépendant qui avait fourni ses services de charpenterie à des tiers par le passé – et également en 2006 – dans ce contexte et qui avait exploité une entreprise qui facturait ses services à un taux horaire convenu ainsi que la TPS applicable. M. Pilnasek a témoigné que l'ARC lui avait attribué un numéro de TPS à la suite d'une vérification et d'une décision du ministre portant qu'il avait effectué une fourniture taxable pendant un certain temps avant le mois d'octobre 2005, et qu'il avait continué à facturer la TPS lorsqu'il soumettait des factures à Brama même s'il avait clairement fait savoir à M. Twilley, au cours de la période pertinente, qu'il voulait être un employé et qu'il voulait que les cotisations d'AE et au RPC ainsi que les autres retenues habituelles soient déduites de sa rémunération, qui était uniquement basée sur un taux horaire de 25 $.

 

[11]    Étant donné que M. Twilley et M. Pilnasek se connaissaient depuis longtemps, qu'ils avaient travaillé ensemble par le passé et qu'ils étaient voisins, il est compréhensible que certains événements qui s'étaient produits au cours d'autres périodes aient par erreur été attribués à la période ici en cause. Je retiens le témoignage de M. Pilnasek lorsqu'il déclare que le seul travail qu'il a effectué pour une autre personne ou pour une autre entité en 2006 était un travail de quelques heures qu'il avait directement facturé à Rommel. Contrairement à ce que prétendait M. Twilley, M. Pilnasek ne se livrait pas à d'autres travaux de construction, notamment la pose de panneaux de gypse. Je retiens la version que M. Pilnasek a donnée des discussions qu'il avait eues avec M. Twilley en 2006 en ce qui concerne la relation de travail et je conclus que M. Pilnasek voulait être traité comme un employé, et ce, même s'il fallait effectuer des rajustements rétroactifs en déduisant une somme appropriée d'un montant particulier qui avait été facturé afin de donner suite à cette intention. M. Pilnasek a déclaré avoir continué à facturer la TPS à cause de la vérification que l'ARC avait antérieurement effectuée, mais qu'il savait qu'une fois qu'il serait inscrit au livre de paie de Brama à titre d'employé – l'inscription étant valable depuis le début – il ne serait pas obligé d'inclure la TPS pour les services fournis.

 

[12]    Je conclus qu'il n'existait aucune intention mutuelle clairement exprimée selon laquelle M. Pilnasek devait fournir ses services à M. Twilley à titre d'entrepreneur indépendant et que le poids de la preuve corrobore le point de vue que M. Pilnasek voulait être un employé et que M. Twilley avait refusé de prendre cette demande en considération ou d’y répondre favorablement au cours de la période pertinente.

 

[13]    Dans l'arrêt 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983 – (« Sagaz »), la Cour suprême du Canada était saisie d'une affaire de responsabilité du fait d'autrui; en examinant diverses questions pertinentes, la cour a également eu à se demander ce qu'est un entrepreneur indépendant. Le jugement de la cour a été rendu par le juge Major, qui a examiné l'évolution de la jurisprudence dans le contexte de l'importance de la différence entre un employé et un entrepreneur indépendant, telle qu'elle se rapportait à la question de la responsabilité du fait d'autrui. Après avoir renvoyé aux motifs donnés par le juge MacGuigan dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. Canada (Minister of National Revenue – M.N.R.), [1986] 2 C.T.C. 200, et à la mention qui y était faite du critère d'organisation énoncé par lord Denning – et de la synthèse effectuée par le juge Cooke dans l'arrêt Market Investigations Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732, le juge Major a dit ce qui suit aux paragraphes 47 et 48 de ses motifs :

 

47                Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui‑même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

 

48        Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

           

[14]    J'examinerai les faits de la présente affaire par rapport aux indices que le juge Major a énumérés dans l'arrêt Sagaz.

 

Le degré de contrôle

 

[15]    M. Pilnasek était un charpentier d’expérience en ce qui concerne les travaux de charpente, de formes et de fondations se rattachant à la construction résidentielle. Il n'avait pas besoin d'être supervisé d'une façon générale, mais il travaillait chaque jour avec M. Twilley au cours de la période pertinente et la qualité de son travail devait satisfaire M. Twilley. Les heures de travail étaient réglementées en ce sens que M. Pilnasek se rendait au chantier avec M. Twilley environ 60 p. 100 du temps au cours de la période pertinente et que, même s'il utilisait sa propre voiture pour se rendre au travail, il ne pouvait pas accomplir de tâches utiles à moins que M. Twilley – qui décidait des heures d'arrivée et de départ – ne soit présent.

 

La fourniture de matériel ou d'assistants

 

[16]    Je retiens le témoignage de M. Pilnasek lorsqu'il déclare que son fils avait été embauché – et payé – par M. Twilley pour les quelques heures de travail effectuées pendant un jour ou deux. Les petits outils habituels étaient fournis par M. Pilnasek, mais les outils électriques et le matériel nécessaire pour exécuter les travaux de construction étaient fournis par M. Twilley et – comme il en a ci‑dessus été fait mention – il ne servait à rien pour M. Pilnasek de se présenter sur un chantier de construction à moins que M. Twilley n'apporte les outils nécessaires dans son camion. L'entrepreneur général – Rommel – fournissait tous les matériaux de construction.

 

L'étendue des risques financiers et la responsabilité quant aux mises de fonds et à la gestion

 

[17]    M. Pilnasek n'avait pas engagé de capitaux dans Brama – l'entreprise individuelle de M. Twilley – et il n'était pas obligé de s'occuper de la gestion de l'entreprise. Le seul risque financier découlait de la nécessité d'engager des procédures de recouvrement ou des procédures fondées sur l'existence d'un privilège contre M. Twilley ou Rommel si M. Pilnasek n'était pas payé à l'égard d'une partie du travail effectué pour un projet résidentiel particulier.

 

La possibilité de profit dans l'exécution des tâches

 

[18]    M. Pilnasek fournissait ses services au taux horaire de 25 $. Il ne participait pas à quelque programme lui permettant d'obtenir un revenu additionnel, alors que M. Twilley – par l'entremise de Brama – exigeait de Rommel un taux fixe en fonction de la superficie. Cela étant, M. Twilley était en mesure de gérer sa propre entreprise d'une façon efficace en vue de maximiser son profit dans le contexte du revenu brut global.

 

[19]    La conseillère de l'appelant a invoqué la décision que j'ai rendue dans l'affaire Beaver Home Improvements Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2003] A.C.I. no 56 (« Beaver Home »). Dans cette affaire‑là, j'ai conclu que le travailleur était un entrepreneur indépendant lorsqu'il effectuait des travaux de toiture pour lesquels il était payé par Beaver. Or, les faits de cette affaire‑là étaient fort différents de ceux de la présente affaire. En premier lieu, le seul représentant de Beaver qui était présent sur le chantier afin de veiller à ce que le travail soit effectué selon les exigences du client était un vendeur‑évaluateur. En second lieu, la plupart du temps, il n'y avait que des tâches ordinaires à accomplir et ces tâches pouvaient être exécutées à l'aide d'outils à main personnels et de matériel appartenant au travailleur. S'il fallait du matériel spécialisé, ce matériel était fourni par Beaver. Le travailleur – M. O'Flynn – utilisait son propre véhicule pour aller au travail et en revenir et il amenait également ses compagnons de travail parce qu'il était commode de le faire. Beaver fournissait les outils et le matériel aux assistants de M. O'Flynn.

 

[20]    Dans l'affaire Beaver Home, il n'y avait pas énormément de risques financiers et M. O'Flynn était payé par Beaver, et ce, peu importe que le propriétaire de la résidence paie la facture et peu importe que les assistants soient directement payés par Beaver. Toutefois, il y avait une possibilité de profit en raison d'une entente de partage des recettes selon laquelle M. O'Flynn pouvait faire un profit par suite du travail effectué par un autre travailleur. M. O'Flynn avait également le droit d'accepter ou de refuser un travail et il pouvait négocier un paiement supplémentaire si le projet était plus difficile que ce qui avait été prévu. Dans la décision Beaver Home, j'ai conclu que M. O'Flynn était en mesure d'accroître son propre revenu en travaillant d'une façon efficace et en supervisant d'autres travailleurs afin d'assurer l'efficacité. Au paragraphe 27 des motifs de cette décision, j'ai fait les remarques suivantes :

 

[27] Tout cela nous amène à la question centrale dont est saisie la Cour. Ainsi, M. O'Flynn fournissait‑il ses services à l’entreprise Beaver en tant que personne exploitant une entreprise à son propre compte ou les fournissait-il en sa qualité d’employé? Dans l’affaire en l’espèce, il ne fait aucun doute qu’au début, il a été un employé de l’entreprise Beaver et, par la suite, les deux parties ont convenu que la nature de la relation de travail devait changer pour devenir une relation qui lie deux entités qui chacune se livre à une activité particulière dans le contexte d’une industrie globale. On doit se rappeler que l’entreprise Beaver avait également ses propres employés qui étaient installateurs, hormis les stagiaires qui faisaient partie de l’équipe de M. O’Flynn. En fait, au lieu d’offrir ces contrats à la réserve de couvreurs, l’entreprise Beaver assignait environ 40 p. 100 des contrats d’installation de toiture et de parement à ses employés. L’entreprise Beaver entreprenait aussi des projets de construction de nouvelles résidences, de rénovation, de construction de terrasse, de patio et de verrières et fournissait des services d’installation de parement. Tous les travaux, à l’exception de l’installation de toiture et de parement, étaient exécutés par des travailleurs ayant indéniablement le statut d’employés.  Ces activités commerciales de fourniture de matériaux et de prestation de services constituaient l’entreprise Beaver, tandis que l’entreprise de M. O’Flynn consistait à fournir des services d’installation de matériaux précis d’une manière satisfaisante et, ce faisant, à avoir le droit de percevoir un montant convenu dont il devait rendre compte à son partenaire, M. Aspinall, aux fins du partage des revenus à 40 p. 100 attribuable à l’ensemble des travaux effectués. En un sens, M. O’Flynn, M. Aspinall et l’entreprise Beaver étaient mandataires communs puisque l’entreprise Beaver a engagé des dépenses en vue de verser les salaires aux deux aides et de leur fournir des outils et un équipement. Conformément à cette entente de travail, M. O’Flynn et M. Aspinall ont alors été en mesure de se partager la rémunération attribuable à un contrat sans avoir à la partager avec d’autres travailleurs ou partenaires qui exigeraient probablement une rémunération plus élevée pour leurs services que celle que versait l’entreprise Beaver aux aides qui étaient simplement des stagiaires.

 

 

[21]    Dans la décision Dempsey c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2007] A.C.I. no 353; 2007 CCI 362, le juge Hershfield était saisi d'un appel interjeté par un fournisseur de services qui, en sa qualité de comptable agréé, avait conclu avec le payeur un contrat écrit dans lequel il s'engageait à fournir des services de vérification et des services professionnels se rapportant aux prêts et subventions consentis par le payeur et de le faire à titre d'entrepreneur indépendant qui soumettrait les factures en fonction d'un taux quotidien précis sous réserve d'un montant contractuel maximal fondé sur un nombre de jours maximal. Les parties avaient convenu, dans le contrat, que le travailleur agirait à titre d'entrepreneur indépendant. Le travailleur soumettait chaque mois des factures pour le nombre d'heures effectuées chaque jour du mois et la TPS était perçue sur le montant pertinent. Dans le cadre de son analyse, aux paragraphes 39 à 46, inclusivement, le juge Hershfield a fait les remarques suivantes :

 

Analyse

 

[39]   Si l’intention permettait à elle seule de décider de la situation dans laquelle se trouvait l’appelant, il ne fait aucun doute que ses activités auraient été celles d’un entrepreneur indépendant. L’appelant a non seulement accepté la situation que lui imposaient les circonstances et la structure organisationnelle en place, il a en outre joué le rôle d’entrepreneur indépendant jusqu’à ce que ce ne soit plus dans son intérêt de le faire. Par ses actes – il s’est inscrit aux fins de la TPS, il a présenté des factures montrant les heures travaillées et la TPS exigible et il a soumissionné pour de nouveaux contrats lorsque les contrats existants venaient à échéance –, il a honoré le contrat qui définissait sa situation. Il déduisait des dépenses d’entreprise dans ses déclarations de revenus et il ne payait aucune cotisation syndicale à titre de fonctionnaire. Il n’avait pas d’avantages sociaux et ne participait pas au régime de pension de retraite de la fonction publique. Toutes ces modalités étaient établies par contrat; l’appelant les avait comprises et acceptées. En définitive, il a préféré la situation d’entrepreneur indépendant découlant de cette entente contractuelle mais, lorsqu’il a perdu l’avantage qu’elle lui procurait, il s’est empressé de nier ce qu’il avait accepté pendant presque 13 ans.

 

[40]   Il est toutefois établi de longue date que, même lorsqu’un contrat précise à quel titre le travailleur est engagé (employé ou entrepreneur indépendant), cette stipulation ne permet pas de décider de la nature de la relation de travail pour l’application de la LAE et du RPC. C’est le cas même quand les deux parties, en dehors du cadre concret de la relation de travail, traitent cette stipulation comme si elle définissait véritablement leur relation. La réciprocité de l’intention des parties quant à la nature de l’engagement – même jumelée à une conduite qui, hors du cadre de la relation de travail, tient compte de cette situation contractuelle voulue – ne permet pas de se prononcer sur la nature de cette situation. Bien que de récentes décisions aient reconnu l’éventuelle importance de l’intention des parties dans des affaires où l’issue est qualifiée de serrée, l’issue en l’espèce n’est pas serrée. Le critère applicable dans la présente affaire a été énoncé sans équivoque par la Cour suprême du Canada en 2001 dans l’arrêt Sagaz Industries Canada Inc. c. 671122 Ontario Limited où la Cour a, dans une grande mesure, accepté les critères appliqués dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national).

 

[41]   À la lumière des critères énoncés dans l’arrêt Wiebe Door, l’appelant est manifestement un employé. Il a été engagé pour occuper un poste entièrement subalterne et il avait l’obligation, comme n’importe quel autre employé professionnel, de faire ce que son supérieur lui disait de faire. Il n’avait aucune latitude pour décider quand, comment et où il fournissait ses services. Sur presque tous les plans, il était assujetti au contrôle de son gestionnaire à DEO. Il était traité à presque tous les égards comme un employé et il était présenté à ce titre. Il faisait ce qu’on lui disait de faire dans le cadre de son poste. Il devait corriger des rapports conformément aux instructions que lui donnaient des supérieurs hiérarchiques et il devait respecter des délais. La liste précise des fonctions que l’appelant devait remplir pour DEO, aux termes de son contrat, ne cessait de s’allonger pour englober toutes les tâches que DEO pouvait demander d’accomplir à un employé occupant le poste de l’appelant. Qui plus est, à la demande de son gestionnaire, l’appelant assumait d’autres fonctions que celles pour lesquelles on avait précisément retenu ses services par contrat et il était rémunéré dans le cours normal des activités pour ces services supplémentaires. Cette situation était attribuable au fait qu’il était sous le plein contrôle de son gestionnaire à DEO, comme n’importe quel autre employé. Si le contrôle exercé sur le travailleur est le critère pertinent, la situation de l’appelant était celle d’un employé.

 

[42]   L’appelant ne fournissait aucun instrument de travail pour remplir ses fonctions. Tous les instruments étaient fournis par DEO. Si la fourniture des instruments de travail est le critère pertinent, la situation de l’appelant était celle d’un employé.

 

[43]   L’appelant travaillait à un taux fixe, selon un horaire fixe, et il n’engageait aucune dépense dans l’exercice de ses fonctions. Il ne courait pas un risque plus grand de perte et il n’avait pas de possibilité plus grande de profit que les autres employés travaillant dans le cadre d’un contrat de durée déterminée. Le fait qu’il n’avait aucune sécurité d’emploi à l’échéance de chaque contrat et qu’il devait soumissionner pour chaque contrat est compatible avec l’existence d’une série de contrats de travail à durée négociée. Pendant la durée de chaque contrat, le travail était effectué contre rémunération. S’il s’agit du critère pertinent, la situation de l’appelant était celle d’un employé.

 

[44]   Tous les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door portent à croire que l’appelant était un employé. Il ne s’agit pas d’une issue serrée où l’intention des parties peut influer sur la situation du travailleur.

 

[45]   Avant de conclure les présents motifs, il est toutefois important de revenir à l’analyse faite par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sagaz. Bien que les critères examinés plus haut aient effectivement été confirmés dans cette décision, ils ont été appliqués à la question centrale – selon l’expression employée par la Cour suprême – qu’il faut se poser lorsqu’on doit décider si le travailleur agissait comme une personne exploitant une entreprise pour son propre compte. Au moment d’examiner cette question relative au degré de contrôle exercé sur le travailleur par la partie qui embauche, la fourniture des instruments de travail et l’entrepreneurship du travailleur deviennent des facteurs à prendre en considération. L’appréciation de ce dernier facteur exige davantage qu’un examen du risque de perte et de la possibilité de profit. Il faut également se demander s’il est possible d’affirmer que le travailleur exploitait une entreprise. Dans la présente affaire, certains indices laissent à penser que l’appelant exploitait une entreprise. Il était inscrit aux fins de la TPS, il facturait ses heures, son nom figurait dans des bases de données servant à retenir les services d’entrepreneurs et il participait à un service de propositions de contrats ou de soumissions[11]. Cependant, ces indices ne suffisent pas en l’espèce pour fonder la Cour à conclure que l’appelant exploitait une entreprise pour son propre compte lorsqu’il fournissait des services à DEO.

 

[46]   L’appelant ne participait en réalité d’aucune manière à un marché gouvernemental en vue de faire des affaires. Il avait un emploi qui n’était garanti que pour une durée déterminée et il devait périodiquement présenter une demande pour conserver cet emploi. La façon dont cette demande était présentée et traitée n’avait toutefois rien d’entrepreneurial. On a pour l’essentiel reconnu que le système de passation des marchés n’avait pas été respecté en l’espèce. Même si ce n’était pas le cas, il est difficile d’imaginer qu’on puisse dire d’une personne qui n’a pas en propre d’entreprise concrète (ni bureau ni instruments de travail) et qui a travaillé pour un seul « client » pendant presque 13 ans dans un poste de subalterne qu’elle était en affaires pour son propre compte parce qu’elle pouvait « négocier » le taux du marché. En réalité, de façon générale, la constance à long terme de la relation de travail qui existait entre DEO et l’appelant en qualité de travailleur à plein temps ne peut être réconciliée avec l’idée que l’appelant était un entrepreneur indépendant exploitant une entreprise pour son propre compte.

 

[22]    Quant aux faits de la présente affaire, il est évident que le travailleur – M. Pilnasek – n'avait pas convenu de fournir ses services de charpenterie à titre d'entrepreneur indépendant, et ce, même s'il a soumis des factures basées sur un taux horaire pour le travail accompli pendant toute la période pertinente. M. Pilnasek a déclaré qu'il voulait être un employé de M. Twilley et il avait – à plusieurs reprises – demandé à M. Twilley de prendre des mesures afin d'établir ce statut. Tant que M. Pilnasek ne s'est pas fait confirmer qu'il était inscrit au livre de paie de Brama et qu'il était assujetti aux retenues à la source habituelles, il a continué à percevoir la TPS sur les sommes facturées à Brama parce qu'il craignait d'avoir des démêlés avec l'ARC compte tenu de la décision selon laquelle il aurait dû exiger la TPS à l'égard du travail effectué pour une autre entité à un moment donné avant le mois d'octobre 2005. À part le fait que M. Pilnasek était inscrit aux fins de la TPS et qu'il percevait la TPS sur le montant de ses factures en fonction du travail qu'il avait accompli en tant que charpentier, il n'y avait pas d'autres facteurs militant fortement en faveur d'un statut d'entrepreneur indépendant.

 

[23]    Les faits de la présente affaire sont plutôt singuliers, en ce sens que le ministre – en appliquant les dispositions de la législation relative à la TPS – a présumé que M. Pilnasek avait effectué une fourniture taxable pendant un certain temps tout en fournissant ses services de charpenterie à une entité commerciale. Toutefois, je n'ai pas connaissance des faits qui ont mené à cette conclusion et cela n'aide pas à trancher la question qui se pose en l'espèce sauf qu'il est tenu compte du fait qu'au cours de la période pertinente, M. Pilnasek était inscrit aux fins de la TPS et qu'il avait inclus la TPS dans chaque facture soumise à l'entreprise individuelle de M. Twilley, Brama.


 

[24]    Compte tenu de la preuve, je conclus que les décisions du ministre sont fondées et ces décisions sont toutes deux confirmées. Les deux appels sont par les présentes rejetés.

 

 

       Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 21e jour d'octobre 2009.

 

 

« D.W. Rowe »

Juge suppléant Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour de décembre 2009.

 

David Aubry, LL.B.

Réviseur


RÉFÉRENCE :                                  2009 CCI 524

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 2009-42(EI); 2009-44(CPP)

 

INTITULÉ :                                       STEPHEN TWILLEY

                                                          c.

                                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 15 septembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 21 octobre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Représentante de l'appelant :

Mme Daylyn Miller (stagiaire)

 

Avocate de l’intimé :

Me Shaunagh Stikeman

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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