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Dossiers : 2004-657(IT)I

2004-2359(IT)I

2005-1354(IT)G

2005-4108(IT)G

ENTRE :

FRANKLIN D. TALL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu du 22 au 29 octobre 2007, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Valerie Miller

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Scott I. Simser

Avocats de l’intimée :

Me Catherine Letellier de St-Just

Me Brent Cuddy

____________________________________________________________________

JUGEMENT

Les appels visant les cotisations établies sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement aux années d’imposition 2001, 2002 et 2003 sont rejetés avec dépens. L’appel visant l’année d’imposition 2004 est admis, sans frais, compte tenu du fait que l’appelant a droit à un CIFM au titre du coût engagé pour le filtre de pomme de douche.

 

         Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 30e jour de décembre 2008.

 

 

« V.A. Miller »

Juge Miller

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de mai 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur

 

 



 

 

 

Référence : 2008CCI677

Date : 20081219

Dossiers : 2004-657(IT)I

2004-2359(IT)I

2005-1354(IT)G

2005-4108(IT)G

ENTRE :

FRANKLIN D. TALL,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge V.A. Miller

[1]              Les présents appels intéressent des cotisations établies relativement aux années d’imposition 2001, 2002, 2003 et 2004 de l’appelant. Ils ont été entendus sur preuve commune.

 

[2]              L’appelant a demandé un crédit d’impôt pour frais médicaux (« CIFM ») relativement à chacune des années frappées d’appel. Les frais médicaux déduits s’élevaient respectivement à 43 791,64 $, à 39 961,49 $, à 16 144,68 $ et à 26 696,37 $ pour les années d’imposition 2001 à 2004. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi, au moyen de divers avis, de nouvelles cotisations fixant l’impôt à payer par l’appelant, et il a fait droit à des CIFM au titre de frais médicaux de 37 617,96 $, de 33 732,50 $, de 9 355,98 $ et de 18 866,67 $. Il a refusé un CIFM relativement aux produits et services suivants, au motif que les frais n’étaient pas visés par les dispositions du paragraphe 118.2(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») :

 

 

 

    2001

    2002

    2003

    2004

Les produits

 

 

 

 

Eau potable en bouteille

   489,46 $

   527,37 $

   331,02 $

   537,94 $

Aliments biologiques

   449,71 $

1 213,95 $

1 197,37 $

3 402,16 $

Vitamines, plantes médicinales,

remèdes homéopathiques,

produits d’hygiène

 

 

5 234,51 $

 

 

4 257,67 $

 

 

4 770,31 $

 

 

3 500,64 $

Les services*

 

 

 

 

Technique Mitzvah

 

 

   240,00 $

   340,00 $

Reiki

 

 

 

       1,00 $

Massage des seins – allaitement

 

 

   250,00 $

 

Acupuncture

 

   230,00 $

 

 

Filtre de pomme de douche

 

 

 

     47,96 $

Total

6 173,68 $

6 228,99 $

6 788,70 $

7 829,70 $

 

*Les services ont été fournis à Tomoko Tall, conjointe de l’appelant.

 

[3]              Après l’audition des appels, le ministre a reconnu que le coût du filtre de pomme de douche constituait des frais médicaux admissibles et l’appelant a déclaré qu’il ne contestait plus le rejet de la déduction au titre du coût de la technique Mitzvah et des services d’acupuncture.

 

Les faits

 

[4]              L’appelant enseigne les mathématiques à l’Université de Toronto. En 1976, son médecin a découvert qu’il était atteint de maladie environnementale, en particulier de sensibilité chimique multiple. À ce moment, le médecin lui a recommandé d’éviter les contaminants chimiques et l’appelant a commencé à manger des aliments biologiques et à boire de l’eau potable en bouteille. La preuve a établi que, pendant les années frappées d’appel, le naturopathe de l’appelant, le Dr Mikhael Adams, lui a recommandé d’utiliser les produits pour lutter contre son hypersensibilité environnementale. L’eau en bouteille et les aliments biologiques étaient achetés dans des magasins d’aliments naturels, dans des épiceries et auprès d’un distributeur d’eau potable en bouteille. Les vitamines, les plantes médicinales, les remèdes homéopathiques et les produits d’hygiène naturels (les « remèdes ») étaient achetés à la clinique où pratiquait le Dr Adams (la « clinique »).

 

[5]              L’appelant a commencé à pratiquer le bouddhisme et la spiritualité nouvel âge quelque part entre 1977 et 1982. Il a mentionné que le bouddhisme s’intéresse principalement à la prise de conscience. Afin d’être le plus conscient possible, il doit éviter les contaminants susceptibles de nuire à cet état d’esprit. Il évite donc les additifs. À titre d’exemple, il a affirmé qu’il consommait de l’eau potable en bouteille et des aliments biologiques, ce qui est en outre compatible avec sa pratique de la spiritualité nouvel âge, puisque celle‑ci repose notamment sur la conviction fondamentale selon laquelle « ce qui est naturel est meilleur ». Suivant son témoignage, le fait d’éviter les produits pharmaceutiques et d’utiliser des vitamines, des plantes médicinales et des remèdes homéopathiques est essentiel pour respecter les croyances propres à la spiritualité nouvel âge.

 

[6]              Selon le témoignage de l’appelant, ce n’est pas parce qu’il croit que « ce qui est naturel est meilleur » qu’il pense pour autant qu’il s’agit de l’unique façon de voir les choses. D’ailleurs, depuis 2002, il utilise un médicament d’ordonnance pour soigner une infection virale. De même, il consomme certains aliments qui ne sont pas biologiques.

 

[7]              Dans son témoignage, l’appelant a déclaré que ni le bouddhisme ni ses croyances nouvel âge ne lui interdisent rigoureusement quoi que ce soit.

 

[8]              Pendant les années frappées d’appel, l’appelant résidait dans la province de l’Ontario.

 

[9]              La demande de CIFM de l’appelant visait en outre des frais engagés au titre de services fournis à sa conjointe, Tomoko Tall. Dans son témoignage, cette dernière a mentionné qu’elle était née au Japon et qu’elle avait déménagé au Canada en 2001, lorsqu’elle a épousé l’appelant. Elle ne travaille pas à l’extérieur du foyer et elle ne produit donc pas de déclaration de revenus. En 2003, Mme Tall a eu un fils, et elle a eu recours au massage des seins pour favoriser l’écoulement du lait afin de nourrir son enfant. Ces massages étaient exécutés par une de ses connaissances, laquelle était sage‑femme au Japon. En 2004, Mme Tall a reçu des traitements Reiki de son mari, l’appelant. Ce dernier est devenu maître Reiki après avoir suivi une formation aux États‑Unis. Les services ont été fournis à Mme Tall dans la province de l’Ontario.

 

[10]         Dans son témoignage, Mme Tall a affirmé que tous les services qu’elle avait reçus étaient largement répandus au Japon. Elle avait l’habitude du kompo au Japon. Le kompo englobe plusieurs sortes de médecine parallèle, comme les méthodes de guérison par l’énergie, la médecine chinoise traditionnelle et l’acupuncture. Le Reiki est l’une des méthodes de guérison fondées sur l’énergie.

 

[11]         L’appelant a fait entendre cinq témoins, qui ont tous été reconnus comme témoins experts. De façon générale, leur déposition portait sur la relation qui existe entre la religion et la médicine. Ces témoignages sont résumés dans les paragraphes qui suivent.

 

[12]         La Dre Naomi Adelson, anthropologue médicale et présidente de la faculté d’anthropologie à l’Université York, a affirmé dans son témoignage que les anthropologues médicaux ont appris de différentes cultures dans le monde entier que la religion, la santé et la guérison sont indissociables. Elle a donné trois exemples pour illustrer comment la pratique spirituelle[1] et l’expérience de la santé et de la maladie sont étroitement liées dans de nombreux systèmes de soins de santé. Les exemples touchaient les Cris de Whapmagoostui, les Navajo et un peuple en Inde qui pratique l’Ayurveda.

 

[13]         Elle a mentionné que la médicine pratiquée au Canada est la biomédecine. Elle a ajouté que la biomédecine opérait un partage de l’esprit et du corps en ce que le corps physique est considéré comme distinct des processus mentaux ou psychologiques et comme susceptible d’être traité sans égard au contexte social et culturel dans lequel il se trouve. En biomédecine, on met l’accent sur la maladie, qui se limite aux aspects physiques du corps, et on ne fait pas de lien entre les pratiques spirituelles et l’expérience de la santé et de la maladie.

 

[14]         La Dre Frances Garrett, professeur en études bouddhistes tibétaines à l’Université de Toronto, a été reconnue comme experte en médecine bouddhiste et tibétaine. Dans son témoignage, elle a précisé qu’il existe cinq préceptes essentiels qui, vraisemblablement, constituent pour la plupart des bouddhistes le fondement de leur pratique. Le plus important de ces préceptes consiste à éviter la consommation de substances intoxicantes parce qu’elles réduisent la clarté d’esprit. La clarté d’esprit est le fondement de toutes les autres pratiques bouddhistes. À son avis, les produits chimiques présents dans les aliments, s’ils produisent un effet intoxicant sur le consommateur, peuvent être considérés comme une substance intoxicante et il faudrait les éviter.

 

[15]         Suivant un autre précepte bouddhiste, on ne doit faire de mal à aucun être vivant. La Dre Garrett a affirmé que, de nos jours, de nombreux bouddhistes sont d’avis que l’utilisation de pesticides constitue un manquement à ce précepte. Elle a ajouté que, pour certains bouddhistes, ce précepte signifie qu’ils doivent uniquement consommer des aliments biologiques. Elle estimait également que, selon ces bouddhistes, la consommation d’aliments biologiques est fondamentale à la pratique bouddhiste.

 

[16]         Le Dr Robert Campbell, professeur d’études religieuses à l’Université de Toronto, a été reconnu comme expert en matière de religion et de sociologie. Pour l’essentiel, sa déposition concernant le présent appel tenait à ce que le mouvement nouvel âge incarne la conviction selon laquelle « ce qui est naturel est meilleur ».

 

[17]         Le Dr Peter Coyte enseigne l’économie de la santé à la faculté de médecine de l’Université de Toronto. Il a été reconnu comme expert en matière d’économie des soins de santé. L’économiste de la santé donne des conseils sur l’allocation des ressources dans le domaine de la santé. Lorsqu’il donne de tels avis, l’économiste tient compte du coût et des avantages liés à ceux‑ci.

 

[18]         Il estimait que, si les frais engagés au titre des aliments biologiques, des produits de santé naturels et des honoraires versés à des praticiens de médecine parallèle étaient admissibles au CIFM, il s’ensuivrait des coûts et des avantages tant à long qu’à court terme pour la société. Les coûts à court terme consisteraient en la diminution des revenus fiscaux. Après un certain temps, cette diminution serait contrebalancée par les augmentations des revenus tirés de la taxe de vente qui découleraient de l’utilisation accrue de ces produits et services. Il a mentionné que la principale conséquence favorable de cette situation serait une meilleure santé de la population, ce qui se traduirait par une moins grande utilisation des soins de santé et par des coûts connexes directs moins élevés. Une population en meilleure santé serait en outre plus productive et permettrait d’accroître l’assiette de l’impôt sur le revenu tant pour le gouvernement fédéral que pour les gouvernements provinciaux.

 

[19]         Le Dr Coyte n’a présenté aucune analyse ou donnée statistique pour étayer son opinion.

 

[20]         La Dre Marti Kheel, universitaire à la Graduate Theological Union à Berkeley, en Californie, a été reconnue comme experte en matière d’études religieuses. À son avis, la médecine occidentale, qu’elle qualifie de médecine allopathique, a une orientation judéo‑chrétienne qui manifeste une attitude défavorable envers la nature. Au contraire, les formes holistiques de la médecine, comme l’homéopathie, l’acupuncture, l’Ayurveda et la naturopathie visent à agir de concert avec la nature. Ses titres et qualités ne lui permettaient pas de fournir une preuve sous forme d’opinion quant à l’utilisation de médicaments ou de substances naturelles au regard des croyances religieuses d’une personne.

 

[21]         Je n’ai accordé aucun poids aux témoignages rendus par les experts car j’estime qu’ils n’ont nullement contribué à la résolution des questions qui m’étaient soumises dans le présent appel.

 

Les points en litige

 

[22]         Les points suivants ont été soulevés par les parties :

 

1)                   L’appelant a-t-il droit à un CIFM au titre des frais refusés en application du paragraphe 118.2(2) de la Loi?

2)                   L’alinéa 118.2(2)n) viole‑t‑il l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte ») parce qu’il traite l’appelant de façon discriminatoire sur le fondement de sa religion?

3)                   L’alinéa 118.2(4)a), au regard de son application à l’alinéa 118.2(2)a), viole‑t‑il l’article 15 de la Charte parce qu’il traite l’épouse de l’appelant de façon discriminatoire sur le fondement de son origine nationale?

4)                   À la lumière de ce qui précède, l’alinéa 118.2(2)a) viole‑t‑il l’article 27 de la Charte?

5)                   Si les alinéas 118.2(2)n) et 118.4(2)a) violent l’article 15 de la Charte, ces dispositions peuvent‑elles être sauvegardées par l’article premier de la Charte au motif que la justification de cette discrimination peut se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique?

6)        La Cour a‑t‑elle compétence pour accorder un redressement en application de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982?

 

Premier point

 

[23]         Il importe d’abord de décider si les frais médicaux déduits tombaient sous le coup des dispositions des alinéas 118.2(2)n), 118.2(2)a) et 118.4(2)a) de la Loi en vigueur pendant les années frappées d’appel.

 

[24]         Les parties pertinentes de la Loi étaient rédigées comme suit :

 

118.2(2) Frais médicaux – Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés :

a) [services médicaux et dentaires] – à un médecin, à un dentiste, à une infirmière ou un infirmier, à un hôpital public ou à un hôpital privé agréé, pour les services médicaux ou dentaires fournis au particulier, à son époux ou conjoint de fait ou à une personne à la charge du particulier (au sens du paragraphe 118(6)) au cours de l’année d’imposition où les frais ont été engagés;

[…]

n) [médicaments]pour les médicaments, les produits pharmaceutiques et les autres préparations ou substances – sauf s’ils sont déjà visés à l’alinéa k) – qui sont, d’une part, fabriqués, vendus ou offerts pour servir au diagnostic, au traitement ou à la prévention d’une maladie, d’une affection, d’un état physique anormal ou de leurs symptômes ou en vue de rétablir, de corriger ou de modifier une fonction organique et, d’autre part, achetés afin d’être utilisés par le particulier, par son conjoint ou par une personne à charge visée à l’alinéa a), sur ordonnance d’un médecin ou d’un dentiste, et enregistrés par un pharmacien;

 

118.4(2) Professionnels de la santé titulaires d’un permis d’exercice – Tout audiologiste, dentiste, ergothérapeute, infirmier, infirmière, médecin, médecin en titre, optométriste, orthophoniste, pharmacien ou psychologue visé aux articles 63, 118.2, 118.3 et 118.6 doit être autorisé à exercer sa profession :

a) par la législation applicable là où il rend ses services, s’il est question de services;

[…]

c) s’il doit délivrer une ordonnance pour des biens à fournir à un particulier ou destinés à être utilisés par un particulier, soit par la législation applicable là où le particulier réside, soit par la législation provinciale applicable, soit enfin par la législation applicable là où les biens sont fournis.

 

[25]         L’appelant a satisfait à l’ensemble des exigences applicables pour obtenir un CIFM suivant l’alinéa 118.2(2)n) de la Loi, à l’exception de celle voulant que l’achat des produits ait été « enregistré[…] par un pharmacien ». Il est bien établi en droit que cette exigence est obligatoire[2].

 

[26]         L’appelant avance la thèse selon laquelle la Cour doit interpréter le terme « enregistrés » comme s’il s’entendait de la tenue d’un quelconque document relatif à un médicament portant un numéro d’identification du médicament ou un numéro de produit naturel.

 

[27]         La Cour d’appel fédérale s’est déjà penchée sur cet argument[3]. Elle a décidé que l’expression en cause est sans équivoque et que son sens est clair. Mme la juge Sharlow a mentionné ce qui suit aux paragraphes 12 à 14 de l’arrêt Ray, rendu par ce tribunal :

 

12     À mon avis, il est raisonnable d’inférer que l’exigence relative à l’enregistrement figurant à l’alinéa 118.2(2)n) vise à assurer qu’un allégement fiscal ne soit pas accordé pour le coût de médicaments achetés en vente libre. Il existe partout au Canada des lois qui régissent la pratique dans le domaine pharmaceutique. Les lois ne sont pas les mêmes dans chaque province et dans chaque territoire, mais elles comportent des éléments communs. En général, elles interdisent au pharmacien de délivrer certains médicaments sans ordonnance médicale et elles décrivent les documents qu’un pharmacien doit rédiger pour les médicaments d’ordonnance, y compris les renseignements qui identifient la personne qui prescrit le médicament et le patient. Il n’est pas établi que les pharmaciens, où que ce soit au Canada, soient obligés de rédiger pareils documents pour les substances ici en cause.

13     Je ne puis retenir la prétention selon laquelle, dans le cas d’un médicament qui est prescrit par un médecin, mais qui est acheté dans une pharmacie en vente libre, un reçu de caisse ou une facture du pharmacien constituerait un « enregistrement » suffisant pour satisfaire à l’exigence légale. Un document se présentant sous cette forme ne peut pas remplir la fonction apparente de l’exigence relative à l’enregistrement. Le pharmacien doit rédiger un document en sa qualité de pharmacien. Cela exclut nécessairement les substances, aussi utiles ou bénéfiques soient‑elles, qui sont achetées en vente libre.

14     Je ne crois pas non plus qu’il soit pertinent, aux fins de l’interprétation de l’alinéa 118.2(2)n), qu’un médecin puisse délivrer des médicaments d’ordonnance, et même les vende, sans enfreindre une loi applicable aux pharmaciens. Il semble qu’un patient qui achète des médicaments d’ordonnance auprès d’un médecin n’ait pas droit à un crédit d’impôt pour frais médicaux parce qu’il n’existerait aucun enregistrement effectué par un pharmacien : voir Dunn, précité. Certains peuvent estimer que cela constitue un résultat inéquitable ou inapproprié. C’est peut‑être vrai, mais cela ne saurait justifier une interprétation de l’alinéa 118.2(2)n) qui ne tient pas compte des mots « enregistrés par un pharmacien ».

 

[28]         Selon la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Ray, il semble « qu’un patient qui achète des médicaments d’ordonnance auprès d’un médecin n’ait pas droit à un crédit d’impôt pour frais médicaux parce qu’il n’existerait aucun enregistrement effectué par un pharmacien ». L’appelant en l’espèce a reconnu à l’audience que les aliments biologiques et l’eau potable en bouteille avaient été achetés « en vente libre ». Les remèdes achetés auprès de la clinique n’étaient pas « enregistrés par un pharmacien »[4]. Les frais engagés au titre des produits ne satisfont donc pas aux exigences prévues par l’alinéa 118.2(2)n).

 

[29]         Le coût des services constituera des frais médicaux si les exigences suivantes sont remplies :

 

a)                 il est payé à un médecin, à un dentiste, à une infirmière ou un infirmier, à un hôpital public ou à un hôpital privé agréé, pour les services médicaux ou dentaires;

b)                les services sont fournis au particulier, à son époux ou conjoint de fait ou à une personne à la charge du particulier;

c)                 les services sont fournis au cours de l’année où les frais ont été engagés;

d)      le médecin, le dentiste, l’infirmier ou l’infirmière est autorisé à exercer sa profession par la législation applicable là où il rend ses services.

 

[30]         Madame Tall a reçu des services de Reiki et de massage des seins offerts aux mères qui allaitent. Les praticiens du Reiki ne sont pas reconnus comme des médecins[5] suivant les lois de l’Ontario. Dans son témoignage, Mme Tall a affirmé que l’amie qui lui avait rendu les services de massage des seins avait pratiqué comme sage‑femme au Japon. Elle ne savait pas si son amie avait suivi des cours au Canada. La preuve ne permet nullement de penser que cette personne était membre du College of Midwives of Ontario. En conséquence, je conclus qu’elle n’était pas membre de cet organisme et qu’elle n’était donc pas un médecin suivant les lois de l’Ontario.

 

[31]         Je garde à l’esprit la décision Couture c. La Reine[6] dans laquelle M. le juge Boyle a estimé qu’en 2003 et en 2004, les acupuncteurs en Ontario étaient des médecins pour l’application de la Loi. Comme l’acupuncture était expressément exclue par règlement de la définition du terme « acte autorisé » prévue au paragraphe 27(2) de la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées de l’Ontario, le juge Boyle a conclu que n’importe qui était autorisé à pratiquer l’acupuncture en Ontario. Il tient les propos suivants au paragraphe 31 :

 

[…] Une loi provinciale précise qui permet à une personne de faire quelque chose autorise cette personne à accomplir cette chose. Il n’y a pas lieu de ne pas considérer le mot « autorise » comme équivalent à « permet ».

 

[32]         On peut établir une distinction entre les faits de la décision Couture et ceux du présent appel. Dans cette affaire, le service en cause était expressément exclu des actes autorisés énoncés au paragraphe 27(2) de la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées de l’Ontario. Cette exclusion était prévue par règlement, à l’article 8 du Controlled Acts, Règl. de l’Ont. 107/96. Les services en cause en l’espèce ne font l’objet d’aucune exclusion ou exemption de ce genre. Il convient de signaler que la décision Couture a été portée en appel à la Cour d’appel fédérale.

 

[33]         Je conclus que, pour être un médecin en Ontario pour l’application de la Loi, une personne doit être autorisée à exercer sa profession conformément à la Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées. Comme les frais engagés au titre des services dans le présent appel n’ont pas été payés à des médecins, ils ne sont pas admissibles à un CIFM suivant l’article 118.2 de la Loi.

 

Deuxième point

 

[34]         L’appelant fait valoir que l’exigence relative à l’« enregistr[ement] par un pharmacien » fixée à l’alinéa 118.2(2)n) porte atteinte à ses droits à l’égalité garantis par le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés[7] (la « Charte ») et que ces termes doivent être radiés. Il soutient que cette exigence fait en sorte qu’il est traité différemment des autres contribuables en raison de ses croyances religieuses.

 

[35]         L’appelant avance à titre subsidiaire que le coût des remèdes peut être considéré comme faisant partie des honoraires versés au naturopathe pour ses services et que ces frais sont donc déductibles en application de l’alinéa 118.2(2)a). À l’appui de cet argument, l’avocat de l’appelant a invoqué des décisions rendues par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») en réponse à certaines questions précises posées par d’autres contribuables. Ces documents ont été obtenus par l’avocat sous le régime de la Loi sur l’accès à l’information.

 

[36]         L’article 15 de la Charte prévoit ce qui suit :

 

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

 

[37]         L’appelant cherche à étendre la portée du CIFM à l’achat des produits, lesquels n’ont pas été enregistrés par un pharmacien. Comme il est précisé plus haut, cet achat englobait des aliments « en vente libre » ainsi que de l’eau potable en bouteille et des remèdes obtenus d’une clinique. À mon avis, cette question a déjà été tranchée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Ali c. La Reine[8].

 

[38]         Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a conclu que l’exigence relative à l’« enregistr[ement] par un pharmacien » prévue à l’alinéa 118.2(2)n) de la Loi ne portait pas atteinte aux droits à l’égalité garantis par l’article 15 de la Charte. M. le juge Ryer a en effet tenu les propos suivants :

 

12     À mon avis, il s’agit d’un cas où la question du paragraphe 15(1) peut être tranchée de manière simple. Dans Auton, la Cour suprême du Canada a conclu que le paragraphe 15(1) de la Charte ne sera pas enfreint si l’avantage recherché n’en est pas un qui est prévu par la loi contestée. Dans la présente affaire, l’avantage recherché par les appelantes est le CIFM pour le coût des suppléments diététiques achetés en vente libre. C’est ce qu’elles ont demandé dans leur déclaration de revenus et c’est le droit à cette déduction qu’elles cherchaient à établir dans leur avis d’appel à la Cour canadienne de l’impôt. Dans Ray, notre Cour a confirmé que pareil avantage n’est pas prévu par l’alinéa 118.2(2)n) de la LIR. En quoi alors peut‑il être discriminatoire de refuser aux appelantes un avantage (à savoir le CIFM pour le coût des médicaments en vente libre) qui n’est accordé à personne?

13     Les appelantes veulent que le CIFM soit étendu de manière à couvrir les médicaments en vente libre, mais le législateur n’a pas choisi de le faire. À cet égard, les propos suivants tenus par la juge en chef McLachlin, au paragraphe 41 de l’arrêt Auton, sont pertinents :

41 Il n’est pas loisible au Parlement ou à une législature d’adopter une loi dont les objectifs de politique générale et les dispositions imposent à un groupe défavorisé un traitement moins favorable : Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203. Par contre, la décision du législateur de ne pas accorder un avantage en particulier, lorsque l’existence d’un objectif, d’une politique ou d’un effet discriminatoire n’est pas établie, ne contrevient pas à ce principe ni ne justifie un examen fondé sur le par. 15(1). Notre Cour a conclu à maintes reprises que le législateur n’a pas l’obligation de créer un avantage en particulier, qu’il peut financer les programmes sociaux de son choix pour des raisons de politique générale, à condition que l’avantage offert ne soit pas lui‑même conféré d’une manière discriminatoire : Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [2000] 1 R.C.S. 703, 2000 CSC 28, par. 61; Nouvelle‑Écosse (Procureur général) c. Walsh, [2002] 4 R.C.S. 325, 2002 CSC 83, par. 55; Hodge, précité, par. 16.

[Non souligné dans l’original.]

14     Il ressort de cet extrait tiré de l’arrêt Auton que la décision du législateur d’accorder un avantage particulier en vertu du texte de loi à l’étude peut permettre de soutenir valablement que le paragraphe 15(1) de la Charte a été violé. Le paragraphe 42 de l’arrêt Auton nous informe que cette violation peut survenir si le texte de loi établit une discrimination directe par l’adoption d’une politique discriminatoire ou une discrimination indirecte par son effet. À propos de la discrimination qui résulte de l’effet, laquelle est plus difficile à cerner, la Cour suprême du Canada a affirmé, dans ce même paragraphe, que la non‑inclusion d’un avantage ne sera vraisemblablement pas discriminatoire si elle est compatible avec l’objectif et l’économie du régime législatif visé.

15     En ce qui a trait à la question de la discrimination directe, la définition des frais médicaux énoncée au paragraphe 118.2(2) de la LIR n’exclut pas explicitement le coût des suppléments diététiques. Qui plus est, rien dans les dispositions de la LIR se rapportant au CIFM n’indique que le Parlement ait adopté expressément une politique discriminatoire en vue de ne pas accorder le CIFM pour le coût des suppléments diététiques. Par conséquent, je conclus que la décision du législateur de ne pas étendre le CIFM de manière à inclure le coût des suppléments diététiques dans la définition des frais médicaux du paragraphe 118.2(2) de la LIR ne constitue pas une discrimination directe.

16     La discrimination résultant de l’effet de la loi exige l’examen de la question de savoir si la non‑inclusion d’un avantage particulier est compatible avec l’objectif et l’économie de la loi contestée. Dans Auton, la juge en chef McLachlin a déterminé que la non‑inclusion de l’avantage recherché était compatible avec l’économie d’un régime législatif qui ne visait pas à répondre à tous les besoins, en affirmant ce qui suit au paragraphe 43 :

43 Le régime législatif constitué en l’espèce de la LCS et de la MPA n’a pas pour objectif de répondre à tous les besoins médicaux. Il garantit seulement le financement intégral des services essentiels, qui s’entendent des services fournis par un médecin. Par ailleurs, les provinces peuvent, dans les limites de leur pouvoir discrétionnaire, offrir certains services non essentiels. Il s’agit par définition d’un régime partiel de soins de santé. L’exclusion d’un service non essentiel en particulier ne saurait donc constituer à elle seule une distinction préjudiciable fondée sur un motif énuméré. C’est au contraire une caractéristique prévisible du régime législatif. On ne peut donc conclure que l’exclusion de la thérapie ABA/ICI des avantages non essentiels équivaut à une discrimination, y compris une discrimination résultant de l’effet de la loi.

17     En ce qui concerne l’économie de la loi en cause en l’espèce, la définition de « frais médicaux » au paragraphe 118.2(2) de la LIR comporte une énumération des types particuliers de coût qui sont admissibles au CIFM, ce qui indique que la loi avait pour but de limiter le CIFM à une liste d’éléments particuliers. L’alinéa 118.2(2)n) de la LIR exemplifie ce but en traçant une ligne de démarcation entre les produits qui sont « enregistrés par un pharmacien », comme l’exige la disposition, et ceux qui ne le sont pas. Par conséquent, l’alinéa 118.2(2)n) de la LIR est tout à fait compatible avec l’objectif et l’économie de la loi qui prévoit seulement l’admissibilité au CIFM pour les types de frais médicaux expressément énumérés et non pour tous les types de frais médicaux.

18     Cette distinction a été reconnue par la Cour dans l’arrêt Ray, où la juge Sharlow a déclaré ce qui suit au paragraphe 12 :

[12] À mon avis, il est raisonnable d’inférer que l’exigence relative à l’enregistrement figurant à l’alinéa 118.2(2)n) vise à assurer qu’un allégement fiscal ne soit pas accordé pour le coût de médicaments achetés en vente libre. Il existe partout au Canada des lois qui régissent la pratique dans le domaine pharmaceutique. Les lois ne sont pas les mêmes dans chaque province et dans chaque territoire, mais elles comportent des éléments communs. En général, elles interdisent au pharmacien de délivrer certains médicaments sans ordonnance médicale et elles décrivent les documents qu’un pharmacien doit rédiger pour les médicaments d’ordonnance, y compris les renseignements qui identifient la personne qui prescrit le médicament et le patient. Il n’est pas établi que les pharmaciens, où que ce soit au Canada, soient obligés de rédiger pareils documents pour les substances ici en cause.

La juge de la Cour de l’impôt est également parvenue à cette conclusion en affirmant ce qui suit au paragraphe 136 de ses motifs :

[136] En résumé, en édictant l’alinéa 118.2(2)n), le législateur devait décider où il fallait tracer la ligne de démarcation entre les substances thérapeutiques qui sont admissibles à un allégement fiscal et celles qui ne le sont pas.

19     À mon avis, on ne peut pas dire que la non‑inclusion du coût des suppléments diététiques dans la définition des frais médicaux énoncée au paragraphe 118.2(2) de la LIR, de manière générale, ou au paragraphe 118.2(2)n) de la LIR, plus particulièrement, est incompatible avec l’objectif et l’économie de la loi relative au CIFM. Au contraire, la non‑inclusion de cet avantage est tout à fait compatible avec l’objectif d’accorder seulement l’avantage du CIFM pour des frais médicaux expressément énumérés. Par conséquent, je suis d’avis que le fait que l’avantage demandé par les appelantes ne soit pas inclus dans la loi en question ne constitue pas une discrimination résultant de son effet.

20     Après avoir conclu que l’avantage recherché par les appelantes n’est pas un avantage prévu par la loi et que la décision du législateur de ne pas accorder cet avantage ne justifie pas une discrimination directe ou une discrimination qui résulte de l’effet de la loi, je suis d’avis qu’il n’est pas nécessaire d’examiner davantage l’argument des appelantes visant le paragraphe 15(1). En concluant ainsi, je note que la Cour suprême du Canada est parvenue à une conclusion semblable dans Auton, au paragraphe 47 :

47 Je conclus que, peu importe l’angle sous lequel on le considère, l’avantage recherché n’est pas prévu par la loi. Cette conclusion suffit à clore l’examen.

 

[39]         L’arrêt Ali de la Cour d’appel fédérale s’applique directement aux faits dont je suis saisie. On a conclu dans cette décision que l’alinéa 118.2(2)n) ne porte pas atteinte aux droits à l’égalité garantis par l’article 15 de la Charte. Cet alinéa n’établit pas de distinction fondée sur des caractéristiques personnelles[9]. L’avantage que tente d’obtenir l’appelant (soit un CIFM au titre de produits qui n’ont pas été enregistrés par un pharmacien) est un avantage que la Loi n’accorde à personne, peu importe leur religion ou leurs croyances spirituelles. L’avantage recherché n’est pas prévu par la loi.

 

[40]         L’appelant a soutenu à titre subsidiaire que les coûts des remèdes pouvaient être considérés comme faisant partie des honoraires versés pour les services rendus par le Dr Adams. Cet argument subsidiaire n’est pas étayé par la preuve. Il ressort sans équivoque des factures établies par la clinique que les honoraires du naturopathe et les remèdes étaient détaillés de façon distincte. L’appelant a eu droit à un CIFM au titre des honoraires du naturopathe.

 

[41]         À l’appui de son argument subsidiaire, l’appelant a invoqué différentes décisions de l’ARC qui intéressent des contribuables inconnus. Or, ces décisions constituent une opinion de l’ARC et ne lient pas la Cour. De plus, j’estime que l’avocat a mal interprété les décisions en question.

 

Troisième point

 

[42]         Selon l’appelant, les termes « par la législation applicable là où il rend ses services » employés à l’alinéa 118.4(2)a) de la Loi, en ce qui touche l’alinéa 118.2(2)a), portent atteinte aux droits à l’égalité dont jouit Mme Tall suivant l’article 15 de la Charte. Il avance que les contribuables eurocentriques peuvent plus aisément déduire des frais médicaux qui sont étroitement liés à leur origine nationale ou à leur race.

 

[43]         À l’instar de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Ali, j’examinerai l’application du paragraphe 15(1) à cette question sous l’angle de l’arrêt Auton[10]. Il s’agira donc de décider si l’avantage recherché fait partie de ceux accordés par la loi qui est contestée[11].

 

[44]         L’appelant affirme que l’avantage demandé est prévu par la loi. Dans son mémoire des faits et du droit, il a soutenu que l’avantage prévu par loi consiste en le CIFM, lequel a pour objet d’alléger le fardeau fiscal qui incombe aux particuliers qui engagent des frais médicaux importants. Selon lui, il s’agit d’un avantage réel puisqu’il a pour effet de réduire l’impôt à payer et peut constituer une économie d’impôt appréciable.

 

[45]         L’avantage recherché par l’appelant est un CIFM au titre du coût de services reçus de particuliers qui n’étaient pas autorisés à exercer comme médecins en Ontario. L’appelant demande que les termes « par la législation applicable là où il rend ses services » soient radiés de l’alinéa 118.4(2)a). Pour l’essentiel, l’appelant demande que la portée du CIFM soit étendue de sorte que toutes les professions de la santé exercées dans tous les ressorts permettent au contribuable de bénéficier de ce crédit d’impôt.

 

[46]         L’avantage recherché par l’appelant n’est pas prévu par la loi. Il n’est accordé à personne. Le législateur n’a pas choisi d’accorder un CIFM au titre de tous les services de santé rendus dans tous les ressorts. Il a plutôt choisi de reconnaître les conséquences, sur la capacité de paiement de l’impôt des particuliers, des frais médicaux et des frais liés à une incapacité qui sont supérieurs à la moyenne[12]. L’objectif visé par le CIFM est d’offrir un allégement fiscal pour certains frais précis[13].

 

[47]         L’historique législatif des articles 118.2 et 118.4 montre que, lorsqu’elle a initialement été présentée en 1942, la déduction pour frais médicaux visait uniquement les paiements faits au titre d’une naissance, d’une maladie ou une intervention chirurgicale, ou encore de soins auxiliaires à plein temps prodigués à une personne confinée dans un lit ou dans un fauteuil roulant ou qui était complètement aveugle[14].

 

[48]         Avant 1988, on accordait une déduction pour frais médicaux relativement aux paiements faits à un médecin, un dentiste ou une garde‑malade « ayant les qualités requises pour exercer sous le régime des lois de l’endroit où les frais ont été engagés »[15]. Ces termes étaient susceptibles d’une interprétation plus large que le libellé des actuels alinéas 118.2(2)a) et 118.4(2)a). Cependant, l’exigence voulant que le médecin soit autorisé à exercer sa profession là où il rend les services permet de faire en sorte que ces services soient valables et sûrs. Cette exigence concorde en outre avec l’objectif consistant à offrir un allégement fiscal au titre de certains frais médicaux précis. L’historique législatif du CIFM révèle également que le législateur voulait restreindre les services visés par ce crédit d’impôt.

 

[49]         Dans l’arrêt Auton, la Cour suprême du Canada a déclaré qu’il était possible que la décision du législateur d’accorder un avantage soit discriminatoire directement par l’adoption d’une politique ou d’un objectif discriminatoire, ou indirectement par son effet[16].

 

[50]         À mon avis, la décision du législateur de ne pas étendre la portée du CIFM au coût de toutes les professions de la santé exercées dans tous les ressorts ne constitue pas une discrimination directe. Le libellé des alinéas 118.2(2)a) et 118.4(2)a) n’exclut pas expressément les services que Mme Tall a reçus. De même, il ne fait pas expressément état d’un quelconque groupe racial, national ou ethnique. Rien dans ces dispositions ne laisse croire que le législateur a adopté une politique discriminatoire en ce qui a trait au CIFM et au coût des services ou au CIFM et à un quelconque groupe racial, national ou ethnique. Ces dispositions établissent uniquement une distinction relative aux lois applicables là où les services sont rendus.

 

[51]         De la même façon, la décision du législateur de ne pas étendre la portée du CIFM ne constitue pas une discrimination par son effet[17].

 

[52]         Tant l’historique que la structure du CIFM établissent que le législateur n’avait pas l’intention d’offrir un avantage au titre de tous les frais et de tous les services en matière de santé. Le CIFM est un régime d’allégement fiscal partiel. Le fait que le législateur a laissé aux provinces et aux territoires le soin d’autoriser les personnes à exercer la profession de médecin respecte le partage des compétences constitutionnelles. Ce sont les gouvernements provinciaux et territoriaux qui ont le pouvoir de régir les professionnels de la santé. J’estime que les alinéas 118.2(2)a) et 118.4(2)a) ne sont pas discriminatoires par leur effet.

 

[53]         Comme je conclus qu’il n’y a pas eu de discrimination au sens de l’article 15 de la Charte, il est inutile d’examiner les cinquième et sixième points.

 

Quatrième point

 

[54]         L’article 27 de la Charte est ainsi rédigé :

 

27.  Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l’objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens.

[55]         Cette disposition est un outil d’interprétation servant à l’analyse des dispositions législatives et réglementaires au regard de la Charte. Elle ne s’applique pas en l’espèce puisque le régime législatif en cause ne mentionne aucun service ou produit que l’appelant pourrait qualifier d’« ethnique ».

 

[56]         Les appels visant les années d’imposition 2001, 2002 et 2003 sont rejetés avec dépens. L’appel visant l’année d’imposition 2004 est admis, sans frais, compte tenu du fait que l’appelant a droit à un CIFM au titre du coût engagé pour le filtre de pomme de douche.

 

         Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 30e jour de décembre 2008.

 

 

« V.A. Miller »

Juge Miller

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de mai 2009.

 

Christian Laroche, LL.B.

Réviseur


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI677

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2004-657(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Franklin D. Tall et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Du 22 au 29 octobre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge Valerie Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 30 décembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Scott I. Simser

Avocats de l’intimée :

Me Catherine Letellier de St-Just

Me Brent Cuddy

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                          Nom :                      Scott I. Simser

                          Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1] La Dre Adelson a employé l’expression [TRADUCTION] « pratique spirituelle » au lieu du terme « religion » parce que celui‑ci est habituellement associé à la religion organisée, tandis que les pratiques spirituelles englobent toutes les croyances.

[2] Ray c. R., 2004 CAF 1.

[3] Ibid.

[4] Le Dr Adams, le naturopathe de l’appelant, n’est pas pharmacien, contrairement au professionnel visé dans la décision Ketchen v. The Queen, [2003] 2 C.T.C. 2510 (CCI).

[5] Loi de 1991 sur les professions de la santé réglementées, L.O. 1991, ch. 18, annexe 1.

[6] 2008 CCI 171.

[7] Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982.

[8] 2008 CAF 190.

[9] Herzig c. R., 2004 CCI 344, paragraphe 13.

[10] Auton (Tutrice à l’instance de) c. C.-B. (P.G.), 2004 CSC 78.

[11] Précité, note 8, paragraphe 12.

[12] Canada, House of Commons, Debates, 3580 (23 juin 1942) (ministre des Finances Isley) et Canada, House of Commons, Debates, 1255 (8 avril 1952) (ministre des Finances).

[13] Ali c. La Reine, 2006 CCI 287, paragraphe 113.

[14] An Act to amend the Income War Tax Act, S.C. 1942-1943, ch. 28, paragraphe 5(6).

[15] Voir l’ancien sous-alinéa 110(1)c)(iii) de la Loi.

[16] Précité, note 10, paragraphe 42.

[17] Précité, note 10, paragraphes 42 et 43.

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