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Dossier : 2008-1079(IT)I

ENTRE :

NICOLE LOGAN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appels entendus le 22 septembre 2008, à Fredericton (Nouveau‑Brunswick).

 

Devant : L’honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

 

Derek R. Logan

Avocat de l’intimée :

Me Kendrick Douglas

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JUGEMENT

 

Les appels interjetés à l’encontre des cotisations établies à l’égard de l’appelante en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2004 et 2005 sont rejetés conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d’octobre 2008.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de décembre 2008.

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


 

 

 

Référence : 2008CCI546

Date : 20081015

Dossier : 2008-1079(IT)I

 

ENTRE :

NICOLE LOGAN,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Angers

 

[1]              Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre des cotisations établies à l’égard de l’appelante pour les années d’imposition 2004 et 2005. Pendant les périodes en cause, l’appelante était une employée à temps plein de la Société canadienne des postes (l’« employeur ») et remplissait les fonctions de factrice rurale et suburbaine. Elle était chargée de livrer le courrier, de changer les serrures des kiosques et d’effectuer des livraisons à domicile en zones rurales et en banlieue.

 

[2]              En 2004, l’appelante s’est vu accorder par son employeur une allocation de déplacement au kilomètre s’élevant à 42 cents pour les 5 000 premiers kilomètres parcourus dans le courant de l’année et à 36 cents pour tout kilomètre supplémentaire. Pour les huit premiers mois de 2005, l’employeur a accordé à l’appelante 42 cents pour les 5 000 premiers kilomètres parcourus et 36 cents pour tout kilomètre supplémentaire; pour le restant de l’année 2005, l’appelante a reçu 45 cents pour les 5 000 premiers kilomètres parcourus et 39 cents pour tout kilomètre supplémentaire.

[3]              Ainsi, l’appelante a reçu de son employeur un remboursement de 5 287,60 $ pour 13 854 kilomètres parcourus en 2004, et de 5 406,93 $ pour 14 186 kilomètres parcourus en 2005.

 

[4]              L’appelante n’a pas inclus ces montants dans le calcul de son revenu imposable pour les deux années en cause. En revanche, elle a déduit les frais afférents à sa voiture, à savoir l’essence, les réparations, l’assurance, le permis de conduire, les intérêts et la déduction pour amortissement, soit un montant total de 12 683,34 $ pour l’année d’imposition 2004, et de 10 592,05 $ pour l’année d’imposition 2005. L’appelante a retranché de ces sommes le montant non imposable qu’elle a reçu de son employeur pour chaque année d’imposition en cause et a déduit la différence de son revenu à titre de dépenses afférentes à un emploi.

 

[5]              Pour livrer le courrier pendant les deux années d’imposition en cause, l’appelante se servait d’une Dodge Caravan 2002, et les points soulevés à l’audience avaient trait au coût du carburant nécessaire pour faire fonctionner la voiture, à la distance parcourue en une année, à la consommation moyenne d’essence aux 100 kilomètres de ce type de véhicule, et à la question de savoir si la voiture avait été utilisée en ville ou sur autoroute.

 

[6]              Au stade de la vérification, il a été nécessaire d’effectuer de nombreux calculs parce que le nombre exact de kilomètres que l’appelante parcourait quotidiennement en suivant son itinéraire n’avait pas été fourni à la vérificatrice, et que l’appelante n’avait pas tenu de registre des déplacements effectués à des fins personnelles.

 

[7]              La preuve dont je suis saisi indique que l’appelante parcourt exactement 55,7 kilomètres par jour en suivant son itinéraire, soit 278,5 kilomètres par semaine. Elle a droit à deux semaines de vacances et à 11 jours fériés. Elle travaille donc 48 semaines par an, ce qui, multiplié par 278,5, me donne un total de 13 368 kilomètres par an. Cela correspond à la distance à laquelle se rapporte la déduction demandée, distance pour laquelle l’appelante a obtenu un remboursement de son employeur, à savoir, comme je le mentionnais plus haut, 13 854 kilomètres en 2004 et 14 186 kilomètre en 2005. Je ne tiens pas compte de la distance parcourue par l’appelante pour ses allers et retours au travail, ni des impondérables comme une tempête de neige.

 

[8]              La preuve révèle également que l’appelante se servait du véhicule à des fins personnelles, et cette dernière a déclaré qu’elle ne l’utilisait à de telles fins que 10 % du temps. Elle ne tenait pas de registre des déplacements et était par conséquent incapable de déterminer le nombre exact de kilomètres parcourus pendant une année, ou de dire ce que l’odomètre du véhicule aurait pu indiquer.

 

[9]              Les frais d’essence qu’elle a déduits de son revenu s’élevaient à 5 089,32 $ pour 2004 et à 4 669,03 $ pour 2005. L’appelante prétend qu’elle a engagé ces frais afin de pouvoir accomplir ses fonctions.

 

[10]         Au stade de la vérification, des calculs ont été effectués afin de déterminer le nombre exact de kilomètres parcourus pendant chacune des années en fonction des frais de carburant que l’appelante avait déduits de son revenu, du type de véhicule qu’elle conduisait, du prix moyen de l’essence pendant l’année d’imposition concernée, et du Guide de consommation de carburant. On a tenu pour acquis que la moitié des kilomètres avait été parcourue sur autoroute, avec une consommation de neuf litres aux 100 kilomètres, et que l’autre moitié avait été parcourue en ville, avec une consommation de 13,4 litres aux 100 kilomètres. Vu que le coût moyen en carburant était de 93 cents le litre pour l’année d’imposition 2004 et de 1 $ le litre pour 2005, l’appelante aurait parcouru un total de 47 000 kilomètres en 2004 et de 41 000 kilomètres en 2005 en déplacements professionnels et personnels.

 

[11]         Ces calculs ont également permis à la vérificatrice de conclure que l’appelante avait utilisé le véhicule afin d’accomplir les fonctions de son emploi 29 % du temps en 2004 et 35 % du temps en 2005. Par conséquent, les frais totaux afférents au véhicule à moteur s’élevaient à 3 678 $ pour 2004 et à 3 647 $ pour 2005, et le montant payé par l’employeur excédait donc le véritable coût d’entretien et d’utilisation du véhicule lié à l’accomplissement des fonctions de l’appelante.

 

[12]         En effectuant ses calculs, la vérificatrice a tenu compte de ce qu’on appelle les coûts de marche au ralenti, considérant l’usage particulier qui était fait du véhicule. La preuve indique que le véhicule n’était pas conduit dans des conditions normales, à savoir qu’il était sujet à de nombreux arrêts, qu’il arrivait qu’il marche au ralenti, et qu’il servait à transporter des charges différentes en fonction du volume de courrier à livrer.

 

[13]         L’alinéa 8(1)h.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit ce qui suit :

 

(1)     Sont déductibles dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

 

[…]

 

h.1) dans le cas où le contribuable, au cours de l’année, a été habituellement tenu d’accomplir les fonctions de son emploi ailleurs qu’au lieu d’affaires de son employeur ou à différents endroits et a été tenu, aux termes de son contrat d’emploi, d’acquitter les frais afférents à un véhicule à moteur qu’il a engagés dans l’accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi, les sommes qu’il a dépensées au cours de l’année au titre des frais afférents à un véhicule à moteur pour se déplacer dans l’exercice des fonctions de son emploi, sauf s’il a, selon le cas :

 

(i)            reçu une allocation pour frais afférents à un véhicule à moteur qui, par l’effet de l’alinéa 6(1)b), n’est pas incluse dans le calcul de son revenu pour l’année,

 

(ii)          demandé une déduction pour l’année en application de l’alinéa f);

 

[14]         La question à trancher est de savoir si l’appelante peut déduire de son revenu les frais afférents à l’utilisation de sa voiture qu’elle a engagés dans l’accomplissement de ses fonctions à titre de dépenses afférentes à son emploi. Un problème se pose en l’espèce, à savoir que l’appelante a en fait reçu une allocation pour frais afférents à son véhicule à moteur de son employeur, allocation qui n’était pas incluse dans le calcul de son revenu pour les années d’imposition en cause par l’effet de l’alinéa 6(1)b) de la Loi; par conséquent, l’appelante est visée par l’exception prévue par le sous‑alinéa 8(1)h.1)(i) de la Loi, qui l’empêche de déduire de son revenu les dépenses litigieuses.

 

[15]         Le sous‑alinéa 8(1)h.1)(i) de la Loi a été interprété comme signifiant que l’exception prévue ne s’appliquait qu’aux frais de déplacement pour lesquels une allocation avait été payée, et qu’elle n’empêchait pas la déduction des frais de déplacement pour lesquels aucune allocation n’avait été versée (voir la décision Evans v. The Queen, 99 DTC 168, au paragraphe 25). Dans la décision Evans, au paragraphe 27, le juge Porter a fait référence au passage suivant d’une décision rendue par le juge en chef adjoint Jerome :

 

[…]  Je souscris aux remarques du juge Strayer dans l'affaire Rozen où il a dit que si un employé est tenu de se déplacer pour se rendre à son travail et que son employeur n'est pas prêt à lui verser le montant exact et total du transport, cet employé répond alors aux exigences du sous-alinéa 8(1)h)(ii). Il reste à déterminer si les frais raisonnables engagés dans la présente affaire étaient couverts par l'indemnité de kilométrage. Si tel n'est pas le cas, ils peuvent être déduits conformément à l'alinéa 8(1)h).

 

[16]         Dans la décision Henry v. The Queen, 2007 DTC 1410, au paragraphe 10, l’ancien juge en chef Bowman a résumé la question de la manière suivante :

 

[10] L’appelante s’est fondée sur une politique de l’Agence du revenu du Canada, laquelle interprèterait apparemment les restrictions figurant à l’alinéa 8(1)h.1) de façon à permettre au contribuable, dans certaines circonstances, la déduction de frais afférents à un véhicule automobile en sus de l’allocation qu’il a déjà reçue. Il en serait ainsi lorsque les montants remboursés seraient déraisonnablement bas ou lorsqu’une allocation n’aurait été accordée que pour certains frais. Cela est conforme aux commentaires formulés dans la jurisprudence précitée.

 

[17]         Dans les présents appels, l’employeur a remboursé à l’appelante les frais afférents au véhicule à moteur que celle‑ci avait engagés et qu’il a calculés en se fondant sur le nombre exact de kilomètres qu’elle avait parcourus dans l’exercice de ses fonctions et sur le taux kilométrique susmentionné. Par conséquent, il est juste d’affirmer que l’employeur a entièrement remboursé à l’appelante les frais engagés pour chaque kilomètre parcouru, frais que cette dernière a déduits de son revenu, et qu’il n’existe aucuns frais afférents aux déplacements qui n’aient été remboursés. L’appelante serait donc visée par l’exception prévue par le sous‑alinéa 8(1)h.1)(i) de la Loi.

 

[18]         La seconde question à trancher est de savoir si les montants remboursés sont déraisonnablement bas compte tenu des circonstances. Afin de rendre une décision à cet égard, la vérificatrice a effectué une série de calculs et a conclu que l’allocation payée était raisonnable par rapport aux dépenses que l’appelante a déduites de son revenu. L’appelante n’est pas de cet avis et persiste à dire que l’allocation était déraisonnable.

 

[19]         L’appelante n’a pas tenu de registre des déplacements, et elle est par conséquent incapable d’indiquer de façon un tant soit peu crédible le nombre de kilomètres qu’elle a parcourus dans son véhicule en une année, ou le nombre exact de kilomètres parcourus à des fins personnelles. L’appelante s’est contentée de déclarer qu’elle utilisait le véhicule à des fins personnelles environ 10 % du temps, et que tous les frais de carburant qu’elle avait déduits de son revenu avaient été engagés afin de livrer le courrier.

 

[20]         L’allocation pour frais afférents à un véhicule à moteur que l’appelante a reçue s’élevait à 5 287,60 $ pour les 13 854 kilomètres parcourus en 2004, et à 5 406,93 $ pour les 14 186 kilomètres parcourus en 2005. La preuve révèle que le véhicule utilisé pendant les deux années d’imposition en cause consomme 13,4 litres aux 100 kilomètres en ville, et 9 litres aux 100 kilomètres sur autoroute. La vérificatrice a présumé que l’appelante avait conduit la moitié du temps en ville et l’autre moitié sur autoroute. L’appelante a démenti cette supposition, affirmant que son itinéraire ne l’amenait que rarement à conduire sur autoroute.

 

[21]         En moyenne, le prix du litre d’essence s’élevait à 93 cents en 2004, et à 1 $ en 2005. L’appelante n’a pas remis en question ces prix. Elle a par contre fait valoir que l’utilisation qu’elle faisait du véhicule n’était pas une utilisation normale, et que, par conséquent, la consommation moyenne d’essence aux 100 kilomètres que la vérificatrice avait retenue était inexacte.

 

[22]         L’appelante n’a présenté aucune preuve susceptible d’aider la Cour à décider ce que pourrait être une consommation d’essence appropriée pour ce type de conduite inhabituelle. Il incombe à l’appelante de prouver le caractère déraisonnable de l’allocation qu’elle a reçue. Se contenter de dire que l’allocation était insuffisante et que la vérificatrice a omis de prendre en considération certains aspects de la question ne suffit pas à s’acquitter de cette charge. 

 

[23]         L’appelante se servait de son véhicule dans des conditions inhabituelles et elle a déclaré avoir dépensé quotidiennement 20 $ en carburant pour ses déplacements personnels et professionnels, le prix au litre moyen étant de 96,5 cents pour les deux années d’imposition en cause. J’ai donc pris le coût de l’essence pour la conduite en ville, calculé selon un taux de consommation de 13,5 litres aux 100 kilomètres, et je l’ai multiplié par le nombre approximatif de kilomètres parcourus par l’appelante pour livrer du courrier en 2004, ce qui m’a donné des dépenses totales en carburant de 1 797,80 $. L’appelante a déduit de son revenu 5 089 $ de frais de carburant pour 2004; ainsi 3 292 $ de dépenses en carburant ont été engagées pour les déplacements personnels, ce qui se traduit par un total approximatif de 25 360 kilomètres parcourus à des fins personnelles. Par conséquent, l’appelante aurait utilisé le véhicule à des fins personnelles plus de la moitié du temps. Après avoir réduit les autres dépenses de l’appelante afférentes au véhicule d’environ 55 % afin de tenir compte de l’utilisation du véhicule à des fins personnelles, je suis arrivé à un total de 3 403 $, auquel j’ai ajouté des frais de carburant de 1 797,80 $, ce qui m’a donné un total de 5 200,80 $, soit environ 200 $ de moins que l’allocation payée. Je suis pleinement conscient du fait qu’il s’agit de chiffres approximatifs, mais ils me semblent suffisants pour conclure que l’allocation était raisonnable pour les deux années d’imposition en cause. En procédant à ces calculs, j’ai tenu compte du coût de l’assurance commerciale. Si je devais conclure que la totalité des frais de carburant que l’appelante a déduits avaient été engagés afin de livrer le courrier, cela impliquerait que le véhicule consommait 40,7 litres aux 100 kilomètres, ce qui, pour ce type de véhicule, est hautement improbable.

 

[24]         L’appelante n’a pas été en mesure d’établir par une preuve prépondérante que l’allocation était déraisonnable. Les appels sont par conséquent rejetés.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour d’octobre 2008.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de décembre 2008.

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


 

RÉFÉRENCE :                                  2008CCI546

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2008-1079(IT)I

 

INTITULÉ :                                       Nicole Logan et Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Fredericton (Nouveau‑Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Le 22 septembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 15 octobre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

 

Derek R. Logan

Avocat de l’intimée :

Me Douglas Kendrick

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                        Nom :                       

 

                    Cabinet :

 

           Pour l’intimée :                        John H. Sims, c.r.

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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