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Dossier : 2003-3069(GST)G

ENTRE :

DAVID L. BRACE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu les 6, 7 et 8 décembre 2006,

à St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador).

 

Devant : L’honorable juge François Angers

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

 

L’appelant lui-même

Avocats de l’intimée :

Mes John P. Bodurtha et Martin Hickey

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 29 novembre 2000, est rejeté avec dépens selon les motifs de jugement ci‑joints.

 


Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de février 2008.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour d’avril 2008.

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


 

 

 

Référence : 2008CCI43

Date : 20080225

Dossier : 2003-3069(GST)G

ENTRE :

DAVID L. BRACE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Angers

 

[1]     Le 29 novembre 2000, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation à l’égard de l’appelant en vertu de l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») par suite de l’omission de National Fabric and Carpet Care Limited (« National Fabric ») de verser la taxe nette, les intérêts et les pénalités au montant de 43 079,27 $ en vertu de la Loi. L’appelant a produit un avis d’opposition le 27 février 2001 et le ministre a confirmé la cotisation le 6 mai 2003, en se fondant sur le fait que l’appelant, en sa qualité d’administrateur de National Fabric, n’avait pas agi avec le soin, la diligence et la compétence nécessaires, en ce sens qu’il n’avait pas pris de mesures pour prévenir l’omission de verser la taxe nette applicable.

 

[2]     Le 30 juin 2000, un certificat précisant la somme nette pour laquelle National Fabric était responsable a été enregistré à la Cour fédérale du Canada et, le 15 novembre 2000, l’ordonnance d’exécution y afférente a été retournée au ministre sans avoir été exécutée.

 

[3]     L’appelant affirme qu’au moment où National Fabric a omis de verser la taxe nette, il n’était pas administrateur de cette société. Il soutient en outre que, s’il l’était, la cotisation a été établie plus de deux ans après qu’il eut cessé d’être administrateur de la société. Subsidiairement, l’appelant fait valoir qu’il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement de National Fabric que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances. L’appelant affirme que National Fabric n’a pas omis de verser sa taxe nette en temps opportun.

 

[4]     L’intimée affirme que National Fabric a de fait omis de verser un montant de taxe nette, que l’appelant était, pendant la période pertinente, administrateur de National Fabric pour l’application du paragraphe 323(1) de la Loi, à savoir qu’il était administrateur de droit ou de fait et que, cela étant, il n’a pas agi avec le soin, la diligence et la compétence envisagés au paragraphe 323(3) de la Loi.

 

[5]     National Fabric a été constituée en personne morale le 17 mai 1988 en vertu de la Corporations Act de Terre-Neuve-et-Labrador. Ses statuts constitutifs prévoient un seul administrateur, et cet administrateur était l’appelant (pièce R‑4, onglets 1, 2 et 3). D’autre part, l’appelant a produit un protocole d’entente signé le 13 février 1989, lequel indique que cinq personnes, y compris l’appelant, avaient convenu de constituer National Fabric en personne morale en vertu de la Corporations Act de Terre-Neuve-et-Labrador, à titre de société ayant 100 actions sans valeur nominale. Une annexe jointe à ce protocole renferme le procès‑verbal d’une réunion du conseil d’administration provisoire de National Fabric tenue le 10 décembre 1988, au cours de laquelle le procès‑verbal de la réunion des fondateurs, le sceau de la société et le formulaire des certificats d’actions ont été adoptés et d’autres questions préliminaires ont été traitées. Cet avis était signé par les cinq personnes qui étaient les administrateurs de National Fabric. Contrairement aux statuts constitutifs du 17 mai 1988 sur lesquels est apposé le timbre du registraire des sociétés, aucun timbre n’est apposé sur le protocole d’entente soumis par l’appelant.

 

[6]     L’appelant a témoigné que, lors de la constitution en personne morale, même s’il fallait trois personnes, les cinq personnes susmentionnées avaient de fait constitué National Fabric en personne morale. Il ne se rappelle pas pourquoi il a décidé de constituer National Fabric en personne morale. De toute évidence, l’appelant se trompe au sujet du nombre de personnes nécessaires; en effet, lorsque National Fabric a été constituée en personne morale, la condition selon laquelle il devait y avoir trois personnes avait été supprimée.

 

[7]     National Fabric s’occupait de nettoyer des cinémas, et ses activités s’étendaient au‑delà de Terre-Neuve-et-Labrador. Cela nécessitait donc énormément de déplacements de la part de l’appelant, ainsi que de la part de sa femme, jusqu’à ce qu’elle devienne enceinte et donne naissance à un garçon en 1990.

 

[8]     Le 25 février 1991, National Fabric s’est inscrite en vertu de la partie IX de la Loi aux fins de la taxe sur les produits et services et de la taxe de vente harmonisée (TPS/TVH), en soumettant le formulaire approprié, qui était signé par l’appelant en sa qualité d’administrateur. National Fabric produisait ses déclarations sur une base trimestrielle.

 

[9]     La déclaration annuelle de National Fabric pour l’année 1989 a été produite le 16 janvier 1990 auprès du registraire des sociétés. Elle a été signée par l’appelant le 11 janvier 1990 et elle indique qu’il n’y avait pas eu de changement d’administrateurs. Des déclarations similaires ont été produites et enregistrées pour les années 1990, 1991 et 1992, lesquelles étaient toutes signées par l’appelant et n’indiquaient aucun changement d’administrateurs.

 

[10]    Le 25 mars 1993, des statuts de modification ont été déposés auprès du registraire des sociétés, et une liste des administrateurs a également été déposée. Les statuts de modification faisaient état d’un changement d’adresse pour National Fabric, le numéro de la boîte postale étant changé et la nouvelle adresse étant le 98, chemin Kenmount, alors que la liste des administrateurs indiquait un changement d’administrateurs, l’appelant David Brace étant remplacé par son père, Harry Maxwell Brace. Les deux documents étaient signés par un certain Douglas Harvey, en sa qualité d’avocat de la société.

 

[11]    Deux mois plus tard, le 11 mai 1993, un avis de changement du siège social daté du 3 mai 1993 a été déposé auprès du registraire des sociétés. Il était signé par l’appelant en sa qualité de président de National Fabric et indiquait le même numéro de boîte postale que celui du nouveau siège social, enregistré le 25 mars.

 

[12]    L’appelant admet que son père n’a jamais été élu administrateur de National Fabric et qu’il n’a jamais agi en cette qualité, et ce, malgré les documents signés par Douglas Harvey qui ont été déposés auprès du registraire des sociétés. Le 24 janvier 1994, l’appelant a signé et produit la déclaration annuelle de National Fabric pour l’année 1993, indiquant qu’il n’y avait pas eu de changement d’administrateurs et donnant comme adresse enregistrée le numéro de boîte postale 919, c’est‑à‑dire l’adresse utilisée avant les changements des mois de mars et de mai 1993.

 

[13]    Après la naissance de son fils, l’appelant a fait face à des problèmes de famille et il est devenu difficile de concilier ses nombreuses absences et la nécessité d’être chez lui. Sa femme l’a quitté au mois de février 1994 et ils ont par la suite divorcé, au mois d’avril de la même année. L’appelant a témoigné qu’il devait encore s’absenter pendant de longues périodes et que cela nuisait à ses droits de visite. Il voulait réduire ses déplacements. Il a discuté de ces choses avec son ami, un avocat qui s’appelait Douglas Harvey, qui lui a proposé d’acheter lui‑même National Fabric, l’appelant devant toutefois continuer à être responsable des activités de la société. L’appelant allait donc être chargé de veiller à ce que le travail soit accompli, mais il n’aurait pas à le faire seul. Au lieu de s’absenter pendant plusieurs mois, il ne s’absenterait que pendant quelques semaines. Selon l’entente, l’appelant devait toucher 12 $ l’heure et recevoir des gratifications si le chiffre d’affaires brut dépassait 100 000 $.

 

[14]    L’appelant aurait censément vendu National Fabric à Douglas Harvey vers 1994. Il ne peut pas trouver la convention d’achat‑vente qu’il affirme avoir signée à ce moment‑là ni l’entente de non‑concurrence d’une durée de cinq ans qu’il a signée. Il croit comprendre qu’il a vendu ses actions de National Fabric et il affirme ne pas avoir racheté les actions des autres actionnaires; en effet, selon l’appelant, ces actionnaires n’avaient jamais supposé qu’ils avaient droit à quoi que ce soit.

 

[15]    Le prix d’achat était de 50 000 $ et il devait être payé cinq ans plus tard. Douglas Harvey n’a jamais effectué le paiement. Selon l’appelant, toute l’affaire a été conclue sans formalités, étant donné que M. Harvey était l’un de ses bons amis. L’appelant a témoigné qu’il est devenu le patron après la vente et il a relaté avoir signé quelque chose comme un acte de vente à l’égard de la vente de National Fabric en faveur de Douglas Harvey.

 

[16]    L’appelant a également témoigné qu’après la vente en faveur de Douglas Harvey, il se chargeait directement du travail, mais il a affirmé qu’on ne s’attendait pas à ce qu’il fasse tout ce qu’il fallait faire. On envisageait de former de nouveaux employés, de façon qu’ils puissent accomplir le travail sur le continent et que l’appelant puisse retourner chez lui plus souvent. Selon l’appelant, les plaintes n’ont pas tardé. Douglas Harvey s’occupait peu de l’entreprise et l’appelant craignait de ne pas pouvoir être payé lorsque le prix d’achat serait dû. Quant aux déclarations trimestrielles relatives à la TVH, l’appelant organisait les reçus et d’autres documents nécessaires et les soumettait au comptable de National Fabric, Kenneth Snow, de façon que celui‑ci puisse établir les déclarations.

 

[17]    L’appelant n’a jamais informé ses clients qu’il avait vendu National Fabric à Douglas Harvey. Ses clients ont continué à associer National Fabric à l’appelant et vice‑versa. Malgré tout et bien qu’il eût signé une entente de non‑concurrence, l’appelant affirme avoir décidé de quitter National Fabric pendant l’été 1997 et avoir commencé à informer ses clients qu’il avait vendu National Fabric en 1991 et qu’il allait maintenant lancer sa propre entreprise.

 

[18]    L’appelant n’a jamais fait connaître ses intentions à Douglas Harvey. Il a utilisé une ancienne société qu’il possédait depuis l’âge de 18 ans, à savoir DL Brace Ltd., en vue d’exploiter sa nouvelle entreprise. Selon la preuve, du mois de mars 1998 au mois d’août 2003, DL Brace Ltd. avait conclu avec Famous Players des contrats de nettoyage d’une valeur de 30 926,41 $.

 

[19]    Pendant tout ce temps et après avoir commencé à exercer seul ses activités en 1997, l’appelant a continué à travailler pour National Fabric et a continué à remettre les documents nécessaires à Kenneth Snow pour l’établissement des déclarations trimestrielles relatives à la TVH. L’appelant a continué à être le seul signataire autorisé de National Fabric.

 

[20]    La preuve, lors du contre‑interrogatoire de l’appelant, a révélé l’étendue de sa participation dans les activités de National Fabric et, plus particulièrement, la façon dont l’appelant se présentait, pour ce qui est de son rôle et de son titre, après avoir vendu la société à Douglas Harvey. Ainsi, le 15 décembre 1994, l’appelant a signé la déclaration annuelle de National Fabric pour l’année 1994. Le formulaire indique qu’il n’y a pas eu de changement d’administrateurs malgré la vente en faveur de Douglas Harvey, et l’appelant explique le fait qu’il a signé le document en disant qu’il était propriétaire de l’entreprise pendant les trois premiers mois de l’année 1994. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait continué à signer les déclarations annuelles pour National Fabric après la vente, l’appelant a déclaré qu’il ne l’avait pas fait. Pourtant, le 23 mars 1996, il a encore une fois signé la déclaration annuelle de National Fabric pour l’exercice ayant pris fin le 31 décembre 1995, et il a encore une fois indiqué qu’il n’y avait pas eu de changement d’administrateurs. Il a répondu que le comptable de National Fabric, Kenneth Snow, lui avait probablement demandé de signer la déclaration.

 

[21]    Le 24 août 1995, l’appelant a signé la déclaration de revenus de National Fabric en sa qualité d’administrateur de cette société. La déclaration était accompagnée des états financiers de National Fabric au 31 mars 1994. Ces états avaient été établis par Management Accounting Services Ltd., la société pour laquelle Kenneth Snow travaillait. L’appelant justifie sa signature en sa qualité d’administrateur en disant que la déclaration s’applique à la période pendant laquelle il était propriétaire de National Fabric. Les états financiers indiquent un revenu net de 7 364 $ pour l’année 1993 et une perte nette de 17 629 $ pour l’année 1994.

 

[22]    L’appelant a également signé, le 26 novembre 1999, la déclaration de revenus de National Fabric pour la période allant du 1er avril 1996 au 31 mars 1997, encore une fois en sa qualité d’administrateur de la société. Il a expliqué que le mot dactylographié [traduction] « administrateur » ne figurait pas dans la déclaration lorsqu’il l’a signée. Les états financiers de National Fabric au 31 mars 1997 ont été établis par le même cabinet, mais ils n’ont pas été signés. Ils indiquent une perte nette de 35 340 $ pour l’année 1996 et de 24 212 $ pour l’année 1997.

 

[23]    National Fabric a présenté une demande de crédit commercial à Kent Building Supplies le 1er novembre 1998. La demande est signée par l’appelant en sa qualité de président de National Fabric. Le père de l’appelant, Harry, est désigné à titre de vice‑président et le comptable, Kenneth Snow, est désigné à titre de secrétaire‑trésorier. La demande visait à permettre l’achat d’une tondeuse à siège d’une valeur de 18 000 à 20 000 $. L’appelant a nié avoir signé la demande, mais il dit qu’il a de fait inscrit les renseignements. Il croit que Douglas Harvey a signé son nom après qu’il a refusé de signer. La demande est accompagnée des états financiers de National Fabric au 31 mars 1997 et au 31 mars 1998. Les états avaient de toute évidence été établis par Management Accounting Inc., soit un nom ressemblant à celui du cabinet comptable dont il a ci‑dessus été question, sauf qu’ils étaient signés par D. Lewis Brace. Lewis est le second prénom de l’appelant. L’appelant affirme qu’il ne s’agit pas de sa signature. Les deux états financiers indiquent que le revenu net de National Fabric s’élevait à 41 305 $ pour 1996, par opposition aux autres états financiers, qui indiquent une perte nette de 35 340 $ pour la même année. Quant à l’année 1997, les états financiers qui étaient joints à la demande de crédit indiquent un bénéfice net de 36 604 $, par opposition à la perte nette de 24 212 $ indiquée pour la même année dans les états financiers joints à la déclaration de revenus. Les recettes sont également différentes. Les états financiers qui accompagnaient la déclaration de revenus indiquent des recettes de 22 679 $ pour l’année 1996 et de 21 488 $ pour l’année 1997. Les états qui étaient joints à la demande de crédit indiquent des recettes de 137 690 $ pour l’année 1996 et de 148 672 $ pour l’année 1997.

 

[24]    En outre, l’appelant n’a jamais reçu de gratifications même si les états financiers accompagnant la demande de crédit indiquent des recettes de plus de 100 000 $ pour les années 1996 et 1997, ce qui allait à l’encontre du marché qu’il avait conclu avec Douglas Harvey lors de la vente de National Fabric, à savoir qu’il recevrait une gratification si le chiffre d’affaires brut dépassait 100 000 $.

 

[25]    Avant que la demande de crédit ait été soumise à Kent Building Supplies au mois de novembre 1998, d’autres opérations avaient été conclues en 1998. Le 1er mai 1998, National Fabric a vendu certains actifs à DL Brace Ltd. pour la somme de 65 193,50 $. La facture non signée indique que le prix des actifs était payable au moment de la vente. L’appelant affirme que sa société avait acheté ces actifs parce qu’il essayait d’obtenir une partie de l’argent que Douglas Harey lui devait au titre du salaire et des frais de déplacement. Toutefois, l’appelant admet qu’une partie des actifs décrits dans la facture n’ont pas été vendus.

 

[26]    Le 6 mai 1998, l’appelant a signé un affidavit devant Goldie Trowbridge, commissaire à l’assermentation, qui est également la secrétaire de Douglas Harvey. Dans cet affidavit, l’appelant déclare être propriétaire et administrateur de National Fabric. L’affidavit a été signé en vue de parfaire un acte de transport de Codey Holdings en faveur de National Fabric. Codey Holdings appartient à l’appelant. L’appelant admet avoir signé l’affidavit, mais à son dire, l’affidavit n’est pas exact étant donné qu’il aurait dû être signé par le vendeur. L’appelant affirme que National Fabric devait acheter une maison appartenant à sa société pour la somme de 70 000 $, mais le marché n’a pas été conclu. L’appelant affirme ne pas avoir lu l’affidavit et s’en être remis à Douglas Harvey pour les questions juridiques. Il n’y avait pas ici non plus d’entente écrite faisant état de cette vente.

 

[27]    Le 7 mai 1998, National Fabric a vendu une mini‑fourgonnette à DL Brace Ltd. pour la somme de 25 000 $, plus la TVH. Lorsqu’on lui a demandé si Douglas Harvey avait consenti à cette vente, l’appelant a répondu que Douglas Harvey n’avait jamais cru que le véhicule lui appartenait.

 

[28]    Les 26 juillet et 31 octobre 1998, l’appelant a signé les déclarations relatives à la TVH pour le compte de National Fabric et il admet l’avoir toujours fait depuis la vente de cette société en faveur de Douglas Harvey.

 

[29]    Le 13 août 1998, l’appelant a acheté des générateurs pour le compte de National Fabric et c’est lui qui a signé les deux actes de vente.

 

[30]    Le 14 août 1998, DL Brace Ltd. a vendu du matériel à National Fabric. L’achat était financé par l’entremise du Newcourt Credit Group. L’appelant a signé le contrat de financement pour le compte de National Fabric et de DL Brace Ltd., en sa qualité de président des deux sociétés. Il a signé le certificat de livraison et d’acceptation pour le compte de National Fabric en cette même qualité. Il a également signé pour le compte de National Fabric le chèque émis en faveur de Newcourt Credit Group. Lorsqu’on l’a interrogé au sujet de cette opération, l’appelant a répondu que cela lui importait peu étant donné qu’il voulait tout simplement retirer plus d’argent de National Fabric.

 

[31]    Le document final que l’appelant a signé en sa qualité d’administrateur de National Fabric est la déclaration de revenus de cette société, signée le 26 novembre 1999, dont il a ci‑dessus été question. L’appelant a admis avoir fait certaines choses pour National Fabric en 1999, mais il n’a pas donné de précisions. L’appelant a également témoigné ne jamais avoir reçu de talons de chèque et ne pas savoir s’il avait reçu des feuillets T4. Quant aux autres employés de National Fabric, l’appelant a déclaré qu’ils étaient principalement rémunérés en espèces.

 

[32]    Douglas Harvey a également témoigné à l’audition du présent appel. En plus de son témoignage, deux affidavits établis et signés par lui le 22 octobre 2004, à Toronto, ont été produits en preuve. Les deux affidavits ont été signés à Toronto à la même date, mais ils ont été établis sous serment devant des avocats différents. M. Harvey ne se rappelait pas ce qui s’était passé, mais il a affirmé qu’il avait peut‑être bien signé les deux affidavits et il a ajouté qu’il ne les avait peut‑être pas lus. Il ne sait pas qui a rédigé les affidavits.

 

[33]    M. Harvey pratiquait le droit à Terre-Neuve-et-Labrador jusqu’à ce qu’il s’installe sur le continent, au mois de mars 2004. La Cour supérieure de Terre‑Neuve-et-Labrador a ordonné la mise sous garde de ses dossiers après qu’il a omis d’informer le barreau de Terre-Neuve-et-Labrador de son départ et qu’il a omis de coopérer avec le barreau lorsqu’il s’était agi de fermer son cabinet. Le gardien n’a trouvé aucun dossier concernant National Fabric.

 

[34]    Selon l’un des affidavits et le témoignage de M. Harvey, M. Harvey a apparemment acheté National Fabric et ses actifs au printemps 1994. L’entente a été conclue sans formalités à un moment où l’appelant faisait face à des problèmes de famille et où il risquait de perdre l’entreprise. Le prix d’achat était de 50 000 $, payable cinq ans plus tard. L’appelant devait toucher 12 $ l’heure pour ses services, ainsi qu’une gratification correspondant à 10 p. 100 des recettes brutes en sus de 100 000 $. Kenneth Snow était le comptable de National Fabric et du cabinet Douglas Harvey. Il établissait les documents de fin d’exercice de National Fabric.

 

[35]    M. Harvey ne se rappelle pas s’il a établi les documents se rattachant à l’opération. Il ne possède aucune copie de documents quels qu’ils soient, mais il croit qu’il existe une convention d’achat‑vente. Il n’a pas en sa possession de documents d’entreprise concernant National Fabric. Il n’a pas examiné les états financiers de National Fabric avant d’acheter cette société et il n’a pas convoqué de réunion du conseil d’administration pour que l’on y discute de l’opération; de fait, le conseil d’administration ne s’est jamais réuni après l’achat. L’appelant a continué à diriger l’entreprise; il faisait le travail et donnait des instructions aux employés. Douglas Harvey n’a jamais signé de chèques pour National Fabric après l’achat et il a témoigné que National Fabric avait son compte de banque à la Banque de Montréal. Pourtant, les chèques qui ont été produits en preuve étaient tous tirés sur le compte de la Banque de Nouvelle‑Écosse.

 

[36]    Les aspects du témoignage de M. Harvey qui sont les plus révélateurs se rapportent au nombre de questions auxquelles celui‑ci n’a pas pu répondre. [traduction] « Je ne me rappelle pas » et [traduction] « Je ne sais pas » sont rapidement devenues ses réponses préférées. Ainsi, M. Harvey ne se souvenait pas ou ne savait pas :

 

1.                 s’il était un administrateur de National Fabric ou s’il y avait d’autres administrateurs;

2.                 s’il avait signé un contrat aux fins de l’achat de National Fabric;

3.                 s’il y avait des documents indiquant qu’il était administrateur de National Fabric;

4.                 qui payait Kenneth Snow;

5.                 s’il avait un pouvoir de signature à l’égard de National Fabric;

6.                 s’il était un actionnaire de National Fabric ou s’il y avait d’autres actionnaires;

7.                 si National Fabric était en règle auprès du registraire des sociétés de Terre-Neuve-et-Labrador avant qu’il achète cette société;

8.                 s’il avait lui-même produit, pour le compte de National Fabric, les déclarations trimestrielles relatives à la TVH, ou qui les avait en fait produites;

9.                 s’il avait versé une gratification à l’appelant à un moment donné ou si les recettes de National Fabric avaient déjà été supérieures à 100 000 $;

10.             si l’appelant a continué à agir à titre d’administrateur après l’achat de National Fabric;

11.             quelle était la date de clôture d’exercice de National Fabric;

12.             qui était chargé de produire les déclarations de revenus de National Fabric;

13.             que l’appelant avait signé les déclarations de revenus de National Fabric;

14.             qu’il avait dit à l’appelant qu’il pouvait signer en sa qualité d’administrateur;

15.             que l’appelant avait signé les déclarations trimestrielles relatives à la TVH ou qu’il était autorisé à le faire;

16.             que National Fabric avait soumis à Kent Building Supplies une demande de crédit à l’égard de l’achat d’une tondeuse à siège, et que cette demande avait été signée par l’appelant en sa qualité de président de National Fabric et était accompagnée d’un ensemble différent d’états financiers;

17.             que National Fabric avait acheté du matériel de DL Brace Ltd. et que l’achat avait été financé par l’entremise de Newcourt Financial Services;

18.             que National Fabric avait vendu la mini‑fourgonnette à DL Brace Ltd.;

19.             que l’appelant avait versé à l’Agence du revenu du Canada les retenues à la source pour le compte de National Fabric au mois de juillet 2000;

20.             à combien s’élevaient les recettes ou les pertes nettes de National Fabric.

 

[37]    M. Harvey n’a jamais payé le prix d’achat de 50 000 $ de National Fabric. Il ne sait donc pas trop si les actifs de National Fabric lui appartiennent. D’autre part, il croit être chargé du versement des taxes parce que c’est ce que prévoit la loi; pourtant, il ne se rappelle pas s’il a produit les déclarations trimestrielles relatives à la TVH pour le compte de National Fabric.

 

[38]    Douglas Harvey a fait faillite au mois d’août 2006. Dans son bilan de réalisation éventuelle, aucun actif se rattachant à National Fabric n’est inscrit et l’appelant n’est pas désigné à titre de créancier à l’égard des 50 000 $ que M. Harvey lui doit.

 

[39]    Quoi qu’il en soit, l’appelant a la charge de la preuve et il doit, selon la prépondérance des probabilités, convaincre la Cour que, pendant la période pertinente, il n’était pas administrateur, de droit ou de fait, de National Fabric et qu’il n’était donc pas responsable de l’omission de National Fabric d’effectuer les versements appropriés au titre de la TVH.

 

[40]    Le paragraphe 323(1) de la Loi est rédigé comme suit :

 

323(1) Responsabilité des administrateurs – Les administrateurs d’une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l’exige l’article 230.1, un montant au titre d’un remboursement de taxe nette qui lui a été payé ou qui a été déduit d’une somme dont elle est redevable, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

 

[41]    Le mot « administrateur » n’est pas défini dans la Loi sur la taxe d’accise et les tribunaux se sont toujours tournés vers la législation en vertu de laquelle une société était constituée à titre indicatif (voir The Queen v. Kalef, 96 DTC 6132). Le mot « administrateur » est défini comme suit dans la Corporations Act de Terre‑Neuve-et-Labrador, R.S.N.L. 1990, ch. C‑36 :

 

[traduction]

2. Définitions – Dans la présente Loi [...]

(1)  « administrateur » Indépendamment de son titre, personne qui occupe le poste d’administrateur d’une personne morale. Les termes « administrateurs » et « conseil d’administration » s’entendent en outre d’un administrateur unique.

 

[...]

 

167. Gestion – Sous réserve de toute convention unanime des actionnaires, les administrateurs

a)         exercent les pouvoirs de la société directement ou indirectement par l’entremise de ses employés et mandataires;

b)         dirigent les activités commerciales et les affaires internes de la société.

 

[42]    Afin de cesser d’être un administrateur pour l’application de la disposition  de la Loi qui lui impose la responsabilité, l’administrateur doit cesser d’exercer ses fonctions conformément à la Corporations Act, qui prévoit ce qui suit :

 

[traduction]

177. Fin du mandat d’un administrateur – Le mandat d’un administrateur prend fin lorsque se produit l’un des événements suivants :

 

a)         à son décès ou à sa démission;

b)         dans les cas de destitution prévus à l’article 179;

c)         dans les cas d’incapacité prévus à l’article 172.

 

[43]    Les dispositions pertinentes, en ce qui concerne les dispositions précitées, prévoient ce qui suit :

 

[traduction]

178. Démission d’un administrateur – La démission d’un administrateur prend effet à la date de réception par la société d’un écrit à cet effet ou à la date postérieure qui y est indiquée.

 

179. Destitution des administrateurs – (1) Les actionnaires d’une société peuvent, à une assemblée extraordinaire, destituer un administrateur par voie de résolution ordinaire.

(2)        Si les détenteurs d’une catégorie ou d’une série d’actions ont le droit exclusif d’élire un ou plusieurs administrateurs, l’administrateur ainsi élu ne peut être destitué que par voie de résolution ordinaire, adoptée à une assemblée des actionnaires détenteurs de cette catégorie ou série d’actions.

(3)        Toute vacance découlant de la destitution d’un administrateur peut être comblée à l’assemblée des actionnaires qui a prononcé la destitution ou, à défaut, aux termes de l’article 181.

 

172. Incapacité d’exercice – Ne peuvent être administrateurs d’une société les personnes suivantes :

a)         les personnes âgées de moins de 19 ans;

b)         les personnes qui ont été jugées comme étant frappées d’incapacité mentale par un tribunal canadien ou étranger;

c)         les personnes autres que les particuliers;

d)         les personnes qui ont le statut de failli.

 

[44]    La Corporations Act exige également qu’un changement d’administrateurs soit enregistré auprès du registraire des sociétés.

 

[traduction]

183. Avis de changement d’administrateurs – (1) Dans les 15 jours suivant un changement d’administrateurs, la société envoie au registraire, selon la formule prescrite, un avis en ce sens et le registraire dépose l’avis.

 

[45]    Les actes de constitution en personne morale de National Fabric que l’appelant a soumis sont datés du 13 février 1989, mais ce sont les statuts constitutifs  de National Fabric qui ont été déposés auprès du registraire des sociétés de Terre-Neuve-et-Labrador le 17 mai 1988 et qui désignent l’appelant à titre de fondateur qui représentent indubitablement les documents officiels les plus dignes de foi, et ils comprennent la liste des administrateurs qui a été déposée en même temps, désignant l’appelant à titre d’unique administrateur de National Fabric.

 

[46]    Le seul avis officiel de changement d’administrateurs qui a été déposé auprès du registraire des sociétés l’a été au mois de mars 1993, l’appelant étant remplacé par son père, Harry Brace. Dans sa réponse à l’avis d’appel, l’intimée déclare que Harry Brace a nié être administrateur de National Fabric et avoir été élu de façon régulière en cette qualité, et l’appelant a souscrit à ces déclarations. Il semblerait juste de conclure que Harry Brace n’a jamais été administrateur de National Fabric.

 

[47]    Aucun élément de preuve ne montre que l’appelant ait démissionné, en donnant un avis écrit ou autrement, qu’il ait été destitué de ses fonctions, ou qu’il soit devenu incapable d’exercer ses fonctions en vertu des dispositions de la Corporations Act. Le principal et unique argument avancé par l’appelant est donc qu’il a vendu National Fabric à Douglas Harvey en 1994 et qu’il n’était plus depuis lors administrateur de droit, ou subsidiairement, administrateur de fait, de National Fabric.

 

[48]    Le principal argument de l’appelant suscite un problème en ce sens qu’il est fondé sur ce que je qualifierais de type de preuve le moins digne de foi possible. À mon avis, il s’agit d’une histoire fabriquée pour l’occasion et qui aurait peut‑être changé si les circonstances le justifiaient. La preuve présentée par l’appelant et par Douglas Harvey empêche la Cour d’établir si National Fabric a de fait été vendue et si l’appelant a cessé d’être un administrateur de National Fabric.

 

[49]    La vente de National Fabric n’est pas documentée. La vente a été conclue sans formalités en vue d’aider l’appelant, qui faisait face à des problèmes de famille, étant donné qu’il était sur le point de perdre son entreprise par suite d’un divorce. Le prix d’achat était payable cinq ans plus tard; or, aucun billet n’a été produit, aucun paiement n’a été effectué et aucun suivi n’a été assuré. Personne ne sait si c’étaient les actifs ou les actions qui avaient été achetés. Douglas Harvey est un avocat qui s’est présenté comme étant l’acquéreur, qui représentait également le vendeur et qui était en outre l’avocat de National Fabric. National Fabric et Douglas Harvey avaient recours au même comptable. Rien n’a changé après que le marché a été conclu. L’appelant dirigeait l’entreprise comme il l’avait fait auparavant, il signait les chèques, il s’occupait des achats et des ventes d’actifs, et il se présentait ouvertement comme étant administrateur ou président de National Fabric, à sa guise. Il signait les déclarations trimestrielles relatives à la TVH; il a présenté une demande de crédit en soumettant de faux états financiers et il a emprunté de l’argent. Il a signé les déclarations de revenus de National Fabric jusqu’au mois de novembre 1999.

 

[50]    Pendant la période pertinente, Douglas Harvey, le prétendu propriétaire, ne savait rien, et il ne se souvient de rien en ce qui concerne les affaires de National Fabric après qu’il a censément acheté l’entreprise. Son comportement à la barre des témoins et ses réponses vagues indiquaient clairement son indifférence pour ce qui est de la question de savoir s’il disait la vérité et il ne semblait pas s’en soucier.

 

[51]    L’appelant a également été vague, et les explications qu’il a données au sujet de l’utilisation des titres d’administrateur ou de président pour les nombreuses opérations qu’il a orchestrées pour National Fabric après la prétendue vente sont également peu dignes de foi. Il n’a jamais mis ses clients au courant de la vente et il n’a jamais tenté de recouvrer le prix de vente ou sa gratification.

 

[52]    À mon avis, l’appelant et M. Harvey appartiennent à la même catégorie d’individus. Ils n’hésitent pas à contourner les règles et ils ne s’en soucient pas, dans la mesure où ils obtiennent ce qu’ils veulent. L’individu qui décide d’agir ainsi doit subir les conséquences de ses actes. À mon avis, l’appelant n’a pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il avait cessé à quelque moment que ce soit d’être un administrateur, de droit ou de fait, de National Fabric.

 

[53]    Puisque j’ai conclu que l’appelant était un administrateur, j’examinerai maintenant la deuxième question soulevée par l’appelant, à savoir si la cotisation a été établie après le délai de prescription prévu par la loi. Le paragraphe 323(5) de la Loi empêche une cotisation d’être établie plus de deux ans après que la personne en cause a cessé d’être un administrateur. Cette disposition est rédigée comme suit :

 

323(5) Prescription – L’établissement  d’une telle cotisation pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu’il a cessé pour la dernière fois d’être administrateur.

 

[54]    La cotisation est datée du 29 novembre 2000. Or, compte tenu de la conclusion que j’ai tirée, à savoir que, pendant la période pertinente, l’appelant était un administrateur, la cotisation n’est pas prescrite. Même si l’appelant était uniquement administrateur de fait, la preuve indique néanmoins clairement qu’il se présentait encore comme étant administrateur le 26 novembre 1999, lorsqu’il a attesté l’exactitude de la déclaration de revenus de National Fabric. Si l’appelant était administrateur de droit, aucun élément de preuve n’indique qu’il ait réellement fait quoi que ce soit pour démissionner à titre d’administrateur et la cotisation ne serait toujours pas prescrite.

 

[55]    Il s’agit enfin de savoir si l’appelant a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances, comme l’exige le paragraphe 323(3) de la Loi.

 

[56]    L’arrêt le plus souvent cité lorsqu’il s’agit de répondre à cette question est l’arrêt Soper v. R., [1997] 3 C.T.C. 242 (C.A.F.), dans lequel est énoncée la norme objective‑subjective de soin suivante :

 

[37]      [...] La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi est fondamentalement souple. Au lieu de traiter les administrateurs comme un groupe homogène de professionnels dont la conduite est régie par une seule norme immuable, cette disposition comporte un élément subjectif qui tient compte des connaissances personnelles et de l’expérience de l’administrateur, ainsi que du contexte de la société visée, notamment son organisation, ses ressources, ses usages et sa conduite. Ainsi, on attend plus des personnes qui possèdent des compétences supérieures à la moyenne (p. ex. les gens d’affaires chevronnés).

 

[38]      La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi n’est donc pas purement objective. Elle n’est pas purement subjective non plus. Il ne suffit pas qu’un administrateur affirme qu’il a fait de son mieux, car il invoque ainsi la norme purement subjective. Il est également évident que l’intégrité ne suffit pas. Toutefois, la norme n’est pas une norme professionnelle. Ces situations ne sont pas régies non plus par la norme du droit de la négligence. La Loi contient plutôt des éléments objectifs, qui sont représentés par la notion de la personne raisonnable, et des éléments subjectifs, qui sont inhérents à des considérations individuelles comme la « compétence » et l’idée de « circonstances comparables ». Par conséquent, la norme peut à bon droit être qualifiée de norme « objective subjective ».

 

[57]    L’appelant affirme que, puisqu’il n’a jamais cru qu’il était administrateur après la prétendue vente en faveur de Douglas Harvey, National Fabric ne s’attendait pas à ce qu’il possède quelque pouvoir que ce soit ou exerce quelque contrôle que ce soit sur les actions de cette société ou à ce qu’il estime avoir des obligations envers National Fabric. Avec égards, je ne puis retenir cet argument étant donné que l’appelant n’a jamais hésité à agir et à se présenter à titre d’administrateur lorsque cela servait ses fins. Les nombreuses opérations qu’il a orchestrées entre National Fabric et DL Brace Ltd. afin d’obtenir de l’argent de National Fabric indiquaient qu’il exerçait tout le contrôle dont il avait besoin pour diriger National Fabric et pour épuiser les actifs de la société au besoin.

 

[58]    Dans l’ensemble, l’appelant a soutenu qu’il faisait de son mieux à titre de simple employé de National Fabric peu instruit (il avait terminé sa onzième année) et qu’il n’exerçait aucun contrôle sur les affaires de National Fabric, ni sur Douglas Harvey après la vente. Il a également affirmé que jusqu’en l’an 2000, il n’était pas au courant de l’existence de quelque problème que ce soit en ce qui concerne les affaires fiscales de National Fabric.

 

[59]    D’autre part, l’intimée a fait valoir que l’appelant était l’unique administrateur de National Fabric et qu’il était le seul responsable des activités quotidiennes de National Fabric, y compris l’établissment et l’examen des déclarations de revenus et des déclarations trimestrielles relatives à la TVH. Par conséquent, il existe une lourde obligation de la part de l’appelant d’établir qu’il a en fait pris des mesures pour prévenir l’omission de verser la taxe.

 

[60]    À mon avis, la preuve mise à ma disposition ne suffit pas pour me permettre de conclure que l’appelant a agi comme l’aurait fait une personne raisonnablement prudente pour prévenir le manquement. La version des faits que l’appelant a donnée et les arguments qu’il a soumis prêtent à confusion et sont pour le moins contradictoires. Les circonstances de la présente affaire dans leur ensemble laissent trop de questions sans réponse pour qu’il soit possible de tirer, selon la prépondérance des probabilités, une conclusion en faveur de l’appelant. Toutefois, une chose est certaine : l’appelant pouvait faire de National Fabric ce qu’il voulait, quand il le voulait, puisqu’il exerçait en tout temps un contrôle absolu sur la société. Douglas Harvey, son ami et voisin, ne savait rien. Il me semble que cela aurait été fort invraisemblable si M. Harvey avait réellement été propriétaire de National Fabric.

 

[61]    La dernière question se rapporte au bien‑fondé de la cotisation. L’appelant a le droit de contester la cotisation sous‑jacente (voir Gaucher c. Canada., [2000] A.C.F. no 1869 (QL) (C.A.F.)), mais il n’a soumis aucun élément de preuve me permettant de me prononcer sur son bien‑fondé, de sorte que la cotisation sera maintenue telle quelle.

 

[62]    L’appel est rejeté avec dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de février 2008.

 

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour d’avril 2008.

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


RÉFÉRENCE :                                  2008CCI43

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :      2003-3069(GST)G

 

INTITULÉ :                                       David L. Brace

                                                          c.

                                                          Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 Les 6, 7 et 8 décembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L’honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 25 février 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

 

L’appelant lui-même

Avocats de l’intimée :

Mes John P. Bodurtha et Martin Hickey

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                   Nom :                            

 

                   Cabinet :                        

 

       Pour l’intimée :                            John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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