Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier: 2002-922(EI)

ENTRE :

 

OVIDE FRASER,

requérant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

Requête entendue le 6 octobre 2004 à Matane (Québec).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat du requérant :

Me  Yves Desaulniers

 

Avocat de l'intimé :

Me Claude Lamoureux

 

 

ORDONNANCE

 

          Vu la requête du requérant;

 

          Et après audition des parties;

 

          La requête est rejetée selon les motifs de l’ordonnance ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2005.

 

« François Angers »

Juge Angers

 


 

 

 

Dossier: 2002-719(EI)

ENTRE :

 

VICTOR GAGNON,

requérant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

Requête entendue le 6 octobre 2004 à Matane (Québec).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat du requérant :

MYves Desaulniers

 

Avocat de l'intimé :

Me Claude Lamoureux

 

 

ORDONNANCE

 

          Vu la requête du requérant;

 

          Et après audition des parties;

 

          La requête est rejetée selon les motifs de l’ordonnance ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2005.

 

« François Angers »

Juge Angers

 


 

 

 

Dossier: 2002-917(EI)

 

ENTRE :

 

GEORGETTE LÉVESQUE,

requérante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

Requête entendue le 6 octobre 2004 à Matane (Québec).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat de la requérante :

MYves Desaulniers

 

Avocat de l'intimé :

Me Claude Lamoureux

 

 

ORDONNANCE

 

          Vu la requête de la requérante;

 

          Et après audition des parties;

 

          La requête est rejetée selon les motifs de l’ordonnance ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2005.

 

« François Angers »

Juge Angers


 

 

 

Dossier: 2002-918(EI)

ENTRE :

 

JEAN-MARIE CIMON

requérant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

Requête entendue le 6 octobre 2004 à Matane (Québec).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat du requérant :

MYves Desaulniers

 

Avocat de l'intimé :

Me Claude Lamoureux

 

 

ORDONNANCE

 

          Vu la requête du requérant;

 

          Et après audition des parties;

 

          La requête est rejetée selon les motifs de l’ordonnance ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2005.

 

« François Angers »

Juge Angers


 

 

 

Dossier: 2002-919(EI)

ENTRE :

 

CLAUDE CORRIVEAU,

requérant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

Requête entendue le 6 octobre 2004 à Matane (Québec).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat du requérant :

MYves Desaulniers

 

Avocat de l'intimé :

Me Claude Lamoureux

 

 

ORDONNANCE

 

          Vu la requête du requérant;

 

          Et après audition des parties;

 

          La requête est rejetée selon les motifs de l’ordonnance ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2005.

 

« François Angers »

Juge Angers


 

 

 

Dossier: 2002-920(EI)

 

ENTRE :

 

DAVE LANGELIER,

requérant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

Requête entendue le 6 octobre 2004 à Matane (Québec).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat du requérant :

MYves Desaulniers

 

Avocat de l'intimé :

Me Claude Lamoureux

 

 

ORDONNANCE

 

          Vu la requête du requérant;

 

          Et après audition des parties;

 

          La requête est rejetée selon les motifs de l’ordonnance ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2005.

 

« François Angers »

Juge Angers


 

 

 

Dossier: 2002-921(EI)

ENTRE :

 

DENIS MORISSETTE,

requérant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

Requête entendue le 6 octobre 2004 à Matane (Québec).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat du requérant :

MYves Desaulniers

 

Avocat de l'intimé :

Me Claude Lamoureux

 

 

ORDONNANCE

 

          Vu la requête du requérant;

 

          Et après audition des parties;

 

          La requête est rejetée selon les motifs de l’ordonnance ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2005.

 

« François Angers »

Juge Angers


 

 

 

Dossier: 2002-923(EI)

ENTRE :

 

MARCEL BOUCHER,

requérant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

Requête entendue le 6 octobre 2004 à Matane (Québec).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat du requérant :

MYves Desaulniers

 

Avocat de l'intimé :

Me Claude Lamoureux

 

 

ORDONNANCE

 

          Vu la requête du requérant ;

 

          Et après audition des parties;

 

          La requête est rejetée selon les motifs de l’ordonnance ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2005.

 

« François Angers »

Juge Angers


 

 

 

Dossier: 2002-924(EI)

ENTRE :

 

GILLES LAFLAMME,

requérant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

Requête entendue le 6 octobre 2004 à Matane (Québec).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat du requérant :

MYves Desaulniers

 

Avocat de l'intimé :

Me Claude Lamoureux

 

 

ORDONNANCE

 

          Vu la requête du requérant;

 

          Et après audition des parties;

 

          La requête est rejetée selon les motifs de l’ordonnance ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2005.

 

« François Angers »

Juge Angers


 

 

 

Dossier: 2002-928(EI)

ENTRE :

 

SERGE BOUCHARD,

requérant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

Requête entendue le 6 octobre 2004 à Matane (Québec).

 

Devant : L'honorable juge François Angers

 

Comparutions :

 

Avocat du requérant :

MYves Desaulniers

 

Avocat de l'intimé :

Me Claude Lamoureux

 

 

ORDONNANCE

 

          Vu la requête du requérant;

 

          Et après audition des parties;

 

          La requête est rejetée selon les motifs de l’ordonnance ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2005.

 

« François Angers »

Juge Angers


 

 

 

Référence : 2005CCI129

Date : 20050217

Dossiers : 2002-922(EI), 2002-719(EI), 2002-917(EI),

2002-918(EI), 2002-919(EI), 2002-920(EI),

2002-921(EI), 2002-923(EI), 2002-924(EI) et 2002-928(EI)

 

ENTRE :

 

OVIDE FRASER, VICTOR GAGNON, GEORGETTE LÉVESQUE,

JEAN-MARIE CIMON, CLAUDE CORRIVEAU, DAVE LANGELIER,

DENIS MORISSETTE, MARCEL BOUCHER, GILLES LAFLAMME

et SERGE BOUCHARD,

 

requérants,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Angers

 

[1]   Il s’agit ici d’une requête par les appelants visant à faire déterminer la recevabilité de certains éléments de preuve de l’intimé. Cette même question sera soulevée dans d’autres appels interjetés devant notre Cour par les mêmes appelants. Pour ce motif, j’ai accepté de trancher la question avant d’entendre la preuve sur le fond.

 

[2]   Les requérants sont des employés de la société E. Normand Inc. (« entreprise »). Cette entreprise exerce ses activités dans le secteur de l’excavation, du transport, du déneigement et de la construction des chemins forestiers. En 1999, il y avait entre 20 et 25 employés au service de cette société. Son fondateur et principal actionnaire est M. Ernest Normand.

 

[3]   Le 25 mai 1999, deux mandats de perquisition ont été accordés à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) par un juge de paix. Ces mandats autorisaient des perquisitions à la demeure de M. Normand et au bureau d’affaires de l’entreprise. Les perquisitions ont permis à la GRC de saisir ce que l’on a qualifié de « livres noirs » et ont ainsi permis aux représentants de Développement des ressources humaines Canada de recueillir des données pouvant leur permettre de reconstituer les heures réelles de travail des employés. Ce travail a mis au jour un système d’accumulation d’heures que l’entreprise avait mis en place pour les employés, lequel système avait une incidence sur les périodes en litige des requérants. C’est à la suite des informations ainsi recueillies qu’ont été obtenues des requérants des déclarations confirmant l’existence d’un tel système. L’avocat des requérants soutient que les perquisitions en l’espèce contrevenaient à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte ») en ce qu’il s’agit de perquisitions abusives et, pour ce motif, il demande que les livres noirs et les déclarations qui ont suivi les perquisitions soient écartés dans la présente instance puisque leur utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

[4]   Les parties ont proposé que l’appel de M. Ovide Fraser soit considéré comme une cause type. La décision contestée a été rendue par le ministre du Revenu national (« le ministre ») en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi ») et, selon cette décision, l’emploi de l’appelant Ovide Fraser n’était pas assurable au sens de ladite Loi durant certaines semaines, car l’emploi ne satisfaisait pas aux exigences à remplir pour qu’il y ait un contrat de louage de services.

 

[5]   Les mandats de perquisition n’ont pas été contestés par l’entreprise ni par son actionnaire principal, M. Normand. L’entreprise a finalement plaidé coupable relativement à 67 infractions à la Loi et il y a eu suspension de l’instance dans le cas des accusations portées contre M. Normand. Aucune explication de la suspension de l’instance n’a été avancée.

 

[6]   Le début de cette affaire remonte à février 1999 lorsqu’une employée de l’entreprise a démissionné de son poste. C’est au moment de sa demande de prestations d’assurance-emploi que cette personne a déclaré aux autorités du ministère du Développement des ressources humaines qu’il se faisait du travail au noir et que de faux certificats de cessations d’emploi étaient établis par l’entreprise. Dans une entrevue tenue le 25 mars 1999, cette employée a fourni à l’enquêteur Éric Richard une déclaration selon laquelle l’entreprise avait deux livres de paie, soit un livre informatisé et un livre noir où toutes les heures accumulées et les heures payées en nature ou en argent étaient inscrites. L’employée a également remis à l’enquêteur Éric Richard des photocopies de quelques pages de livre noir pour 3 ou 4 employés, permettant ainsi aux enquêteurs de faire une vérification. L’agent d’enquête a effectivement comparé les photocopies des pages de livre noir avec les relevés d’emploi de ces employés et il était évident, selon M. Richard, qu’il y avait chez l’entreprise, de l’accumulation d’heures puisque les pages de livre noir et les relevés d’emploi ne concordaient pas.

 

[7]   Selon l’enquêteur Richard, l’employée démissionnaire était responsable de la tenue des livres et du registre de paie. Elle recevait ses directives d’Ernest Normand ou de sa fille Claudette. Son enquête a porté M. Richard à conclure que l’entreprise et son actionnaire majoritaire avaient commis des malversations compte tenu des irrégularités dévoilées par l’employée et confirmées par la comparaison des relevés d’emploi et des photocopies des pages de livre noir pour les 3 ou 4 employés susmentionnés.

 

[8]   Vu son ampleur, cette information a été transmisee à la GRC aux fins d’enquête. C’est ainsi que les mandats de perquisition ont été obtenus et exécutés. Les perquisitions ont permis de prendre possession de 6 livres noirs à la résidence d’Ernest Normand et au lieu d’affaires de l’entreprise et ont ainsi permis aux enquêteurs de l’intimé de faire une analyse des périodes travaillées inscrites dans les livres noirs par rapport à celles déclarées dans les relevés d’emploi. À la suite de cela, les enquêteurs ont rencontré les requérants et ont obtenu d’eux des déclarations extrajudiciaires dans lesquelles ils avouent qu’il y avait chez leur employeur un système d’accumulation d’heures de travail.

 

[9]   L’agent Paul Albert de la GRC a rencontré Éric Richard le 20 avril 1999. L’agent Albert est celui qui a fait la demande des mandats de perquisition. Il a relaté dans son témoignage les vérifications qu’il a faites avant de présenter les demandes en vue d’obtenir les mandats. Il a donc examiné la documentation que lui avait fournie Éric Richard, soit les relevés d’emploi et les copies des pages de livre noir. Il s’est rendu sur place pour faire certaines vérifications qui lui ont permis de confirmer l’adresse indiquée sur les certificats d’immatriculation des automobiles et des camions de M. Normand et de l’entreprise. Le numéro municipal indiqué est le même pour M. Normand et pour l’entreprise soit le 113 de la route 132. Le bureau central d’enregistrement des entreprises, le bureau d’enregistrement des titres de propriété et l’information figurant sur les comptes de taxe confirment cet état de choses.

 

[10] L’agent Albert a fait état des motifs raisonnables au soutien de ses demandes de mandat. Il a témoigné qu’il n’avait aucune raison de ne pas croire l’employée démissionnaire et qu’en fait, selon lui, elle était crédible. Il ne s’est pas demandé si l’information reçue avait pu être volée par l’employée démissionnaire et il a relaté qu’aucune plainte de vol de documents n’avait été faite aux autorités policières par M. Normand ou par l’entreprise. Un des mandats visait la résidence de M. Normand parce que c’était lui le président de l’entreprise et que les livres noirs antérieurs à 1998 étaient gardés là. L’annexe C des pièces A-1 et A-2 précise les autres motifs raisonnables au soutien des demandes en vue d’obtenir des mandats de perquisition faites par l’agent Albert.

 

[11] Une fois les mandats obtenus et avant les perquisitions, l’agent Albert a dressé un plan d’action. Une liste des articles saisis et l’endroit où ils l’ont été a été déposée. Les livres noirs des années 1998 et 1999 ont été saisis aux bureaux de l’entreprise, et ceux de 1994 à 1997, à la résidence de M. Normand.

 

[12] Dans son témoignage, M. Normand a confirmé ne pas avoir contesté en son nom et au nom de l’entreprise les deux perquisitions. Il a ajouté qu’il n’y avait pas d’entente avec ses employés concernant la confidentialité de l’information contenue dans les registres de paie, dans les livres noirs ou ailleurs. Ces documents contenaient des renseignements personnels sur les employés et, selon Claudette Normand, directrice des opérations de l’entreprise, cette information servait à la comptabilité interne de l’entreprise en ce qu’elle permettait de déterminer les heures assurables. Elle reconnaît que les représentants de l’intimé ont le droit de voir et de vérifier cette information. Or, les appelants demandent non seulement que soient écartés les éléments de preuve visés par la présente requête, mais aussi que soient rayés des réponses aux avis d’appel les alinéas suivants :

 

       - 5 j), l) et m) dans le dossier de Victor Gagnon;

       - 5 l) et m) dans le dossier de Georgette Levesque;

       - 5 i), l), m) et j) dans le dossier de Jean-Marie Cimon;

       - 5 h), j), k) et i) dans le dossier de Claude Corriveau;

       - 5 j), m), n) et k) dans le dossier de Dave Langelier;

       - 5 m), q), r), n) et o) dans le dossier de Denis Morissette;

       - 5 k), n) et e) dans le dossier d’Ovide Fraser;

       - 5 k), n), o) et l) dans le dossier de Marcel Boucher;

       - 5 j), m), n) et k) dans le dossier de Gilles Laflamme;

       - 5 h), k) et i) dans le dossier de Serge Bouchard.

 

[13] Il s’agit donc de déterminer si les informations obtenues au moyen des perquisitions portent atteinte aux droits des appelants garantis par la Charte. Ces derniers peuvent-ils faire valoir qu’en l’espèce leurs droits fondamentaux garantis par Charte ont été violés. L’avocat des appelants soutient que les dénonciations en vue d’obtenir les mandats de perquisition en vertu de l’article 487 du Code criminel ne contiennent pas les éléments nécessaires concernant l’infraction que l’on reproche à M. Normand, de sorte qu’aucun motif raisonnable n’a été établi pouvant justifier que soient décernés des mandats de perquisition.

 

[14] Les dispositions pertinentes de la Charte se lisent comme suit :

 

Vie, liberté et sécurité

 

7.         Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

 

Fouilles, perquisitions ou saisies

 

8.         Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.

 

Recours

 

Recours en cas d’atteinte aux droits et libertés

 

24(1)    Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s'adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

 

Irrecevabilité d’éléments de preuve qui risqueraient de déconsidérer l’administration de la justice

 

24(2)    Lorsque, dans une instance visée au paragraphe (1), le tribunal a conclu que des éléments de preuve ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la présente charte, ces éléments de preuve sont écartés s'il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

 

[15] La question sur laquelle il faut se pencher d’abord et avant tout est celle de savoir si les appelants peuvent bénéficier de la protection de l’article 8 de la Charte. L’arrêt Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, établit que tous les droits et libertés, y compris, donc, ceux de l’article 8, sont des droits personnels qui protègent les personnes et non les lieux. Une personne peut donc attaquer la légalité d’une fouille ou d’une perquisition si elle est en mesure d’établir qu’il y a eu violation de son droit personnel au respect de sa vie privée.

 

[16] Les principes applicables en ce qui concerne l’article 8 de la Charte ont été résumés par le juge Cory dans l’arrêt R. c. Edwards, [1996] 1 R.C.S. 128, au paragraphe 45, que je reproduis ici :

 

Un examen des arrêts récents de notre Cour et de ceux de la Cour suprême des États-Unis, que j'estime convaincants et applicables à bon droit à la situation dont nous sommes saisis, indique qu'il est possible de dégager certains principes quant à la nature du droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives, garanti par l'art. 8.  J'estime qu'ils peuvent être résumés de la façon suivante:

 

1.                 Une demande de réparation fondée sur le par. 24(2) ne peut être présentée que par la personne dont les droits garantis par la Charte ont été violés.  Voir R. c. Rahey, [1987] 1 R.C.S. 588, à la p. 619.

2.                 Comme tous les droits garantis par la Charte, l'art. 8 est un droit personnel.  Il protège les personnes et non les lieux.  Voir Hunter, précité.

3.                 Le droit d'attaquer la légalité d'une fouille ou perquisition dépend de la capacité de l'accusé d'établir qu'il y eu violation de son droit personnel à la vie privée.  Voir Pugliese, précité.

4.                 En règle générale, deux questions distinctes doivent être posées relativement à l'art. 8. Premièrement, l'accusé pouvait-il raisonnablement s'attendre au respect de sa vie privée?  Deuxièmement, si tel est le cas, la fouille ou la perquisition a-t-elle été effectuée de façon raisonnable par la police? Voir Rawlings, précité.

5.                 L’existence d'une attente raisonnable en matière de vie privée doit être déterminée eu égard à l'ensemble des circonstances.  Voir Colarusso, précité, à la p. 54, et Wong, précité, à la p. 62.

6.                 Les facteurs qui peuvent être pris en considération dans l'appréciation de l'ensemble des circonstances incluent notamment:

(i)                la présence au moment de la perquisition;

(ii)              la possession ou le contrôle du bien ou du lieu faisant l'objet de la fouille ou de la perquisition;

(iii)            la propriété du bien ou du lieu;

(iv)            l’usage historique du bien ou de l'article;

(v)              l’habilité à régir l'accès au lieu, y compris le droit d'y recevoir ou d'en exclure autrui;

(vi)            l’existence d'une attente subjective en matière de vie privée;

(vii)          le caractère raisonnable de l'attente, sur le plan objectif.

 

Voir United States c. Gomez, 16 F.3d 254 (8th Cir. 1994), à la p. 256.

 

7.         Si l’accusé établit l’existence d’une attente raisonnable en matière de vie privée, il faut alors, dans un deuxième temps, déterminer si la perquisition ou la fouille a été effectuée de façon raisonnable.

        

[17] En l’espèce, la preuve produite ne me permet pas d’établir en quoi les appelants pouvaient avoir une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée quant aux documents saisis chez Ernest Normand ou aux bureaux de l’entreprise. M. Normand a lui-même témoigné qu’il n’y avait aucune entente avec ses employés quant à la confidentialité de l’information concernant ces derniers. En fait, il s’agit d’information au sujet des appelants qui peut faire l’objet de vérification par les ministères appropriés, dont le ministère du Développement des ressources humaines et le ministère du Revenu. Les juges Iacobucci et Major dans l’arrêt R. c. Jarvis, [2002] 3 R.C.S. 757, ont mentionné que le droit au respect de la vie privée qu’à contribuable à l’égard des registres qui peuvent être utiles au dépôt de sa déclaration de revenu est relativement faible. Je cite les paragraphes 71 et 72 de cet arrêt :

 

71   L’approche propre au contexte à l'égard de l'art. 8 signifie inévitablement, comme le juge Wilson l'a fait remarquer dans l'arrêt Thomson Newspapers, précité, p. 495, que « vient [...] un moment où le droit de l'individu au respect de sa vie privée doit céder le pas à l'intérêt plus grand qu'a l'État à ce que soient communiqués des renseignements ou un document ». De toute évidence, si une personne n'a qu'une attente minimale pour ce qui est des aspects informationnels de sa vie privée, cela pourrait faire pencher la balance en faveur de l'intérêt de l'État : Plant, précité; Smith c. Canada (Procureur général), [2001] 3 R.C.S. 902, 2001 CSC 88.

 

71.             Généralement, un particulier possède une attente réduite quant au respect de sa vie privée dans le cas de registres et documents qu'il produit dans le cours normal d'activités réglementées : voir par ex. Thomson Newspapers, précité, p. 507, le juge La Forest; 143471 Canada, précité, p. 378, le juge  Cory; Comité paritaire, précité, p. 420-421; Fitzpatrick, précité, par. 49. Dans le contexte particulier du régime fiscal d'autocotisation et d'autodéclaration, le droit d'un contribuable à la protection de sa vie privée à l'égard des registres qui peuvent être utiles au dépôt de sa déclaration de revenu est relativement faible : McKinlay Transport, précité, p. 649-650.

 

                                                          [Je souligne.]

 

[18] En matière d’assurance-emploi, la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Smith c. Canada (procureur général), [2001] 3 R.C.S. 902, affirmait que l’intérêt de la Commission d’assurance-chômage du Canada devait avoir priorité sur l’intérêt du contribuable quant au respect de la vie privée. Au paragraphe 2 de la décision, on peut lire ce qui suit :

 

2          Comme dans l'affaire R. c. Plant, [1993] 3 R.C.S. 281, il n'y a eu aucune violation de l'art. 8 de la Charte canadienne des droits et libertés d'après les faits du présent pourvoi.  Nous concluons qu'on ne saurait dire que l'appelante avait, au sujet de la partie divulguée des renseignements inscrits sur le formulaire de déclaration de douane E-311, des attentes raisonnables en matière de respect de la vie privée qui l'emportaient sur l'intérêt de la Commission [page904] d'assurance-chômage du Canada dans le respect des obligations d'autodéclaration imposées par le programme de prestations d'assurance-chômage.

                                                          [Je souligne.]

 

[19] Notre Cour a statué sur la question de l’attente raisonnable en matière de respect de la vie privée dans la décision récente rendue par le juge Dussault dans l’affaire Kiwan c. Cabada, [2004] A.C.I. no 420 (Q.L.). Je reproduis des extraits tirés de cette décision.

 

175      Quant à l'article 8 de la Charte conférant le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives, les avocats de l'intimée font valoir qu'il s'agit d'un droit personnel et que les appelants n'ont aucunement démontré qu'ils avaient une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée quant aux documents saisis chez l'O.A.L.M. ou chez Ralph Nahas, le comptable de cet organisme. Ils soulignent que l'attente raisonnable en matière de respect de la vie privée est faible lorsqu'il s'agit de documents qui sont sujets à vérification aux fins de l'application de la Loi. […]

 

[…]

 

177      Je suis d'accord avec la position des avocats de l'intimée. L'avocat des appelants invoque d'abord le paragraphe 24(2) de la Charte au motif que des éléments de preuve ont été obtenus en violation des droits et libertés de l'O.A.L.M. et qu'en conséquence les appelants peuvent invoquer cette violation pour faire exclure les éléments de preuve ainsi obtenus.

 

178      À cet égard et à supposer qu'il y ait eu violation, ce que je ne reconnais certainement pas, il importe de souligner que les termes introductifs du paragraphe 24(2) de la Charte parlent expressément d'une instance visée au paragraphe (1) du même article, c'est-à-dire d'une instance introduite par une personne qui est la victime d'une violation ou d'une négation des droits ou libertés garantis par la Charte. Cette position a d'ailleurs été adoptée par la majorité de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Edwards (précitée).  Les appelants n’ont jamais démontré quelque violation que ce soit de leurs droits et libertés garantis par la Charte.  […]

 

179      Quant à la protection offerte par l'article 8 de la Charte contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives, il n'a jamais été établi en quoi les appelants pouvaient avoir une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée quant aux documents saisis chez l'O.A.L.M. ou chez le comptable Ralph Nahas.

 

                                                          [Je souligne.]

 

[20] À mon avis, les appelants en l’espèce n’ont pas réussi à établir qu’ils avaient un droit de propriété sur les biens saisis ou une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée quant aux documents saisis chez Ernest Normand et son entreprise. Cela étant, les appelants n’ont rien sur lequel ils puissent se fonder pour attaquer la légalité des perquisitions. Les droits dont jouissent les appelants en vertu de l’article 8 de la Charte n’ont donc pas été violés.

 

[21] Pour ce qui est de l’article 7 de la Charte, qu’il me suffise de mentionner qu’aucune accusation n’a été déposée contre les appelants et, selon la preuve produite, aucune enquête de nature criminelle n’a été menée. Ni les décisions du ministre en matière d’assurance-emploi qui font l’objet des appels en l’espèce ni les cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui font l’objet d’appels qui sont en attente d’audition, ne portent donc atteinte à la vie, à la liberté ou à la sécurité des appelants.

 

[22] À mon avis, il n’y a pas eu de violation ou de négation des droits et libertés fondamentaux des appelants garantis par la Charte, si bien que les appelants ne peuvent se prévaloir du recours prévu au paragraphe 24(2), soit celui de faire écarter les éléments de preuve en question obtenus par l’intimé et de faire rayér des réponses aux avis d’appel les alinéas en question. Quant à savoir si, dans l’hypothèse d’une telle violation ou négation, l’utilisation des éléments de preuve serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, il faut se rappeler les propos du juge Nadon de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Dwyer c. Canada, [2003] A.C.F. no 1265 (QL), aux paragraphes 89 et 90 :

 

89        Dans l'arrêt Jurchison c. Canada, 2001 CAF 126, la Cour d'appel fédérale, saisie d'un appel découlant de requêtes préliminaires introduites en marge de l'appel d'un contribuable à l'encontre de ses nouvelles cotisations, devait examiner si des éléments de preuve recueillis au mépris de la Charte étaient recevables dans un procès civil. Au paragraphe 1 de ses motifs, le juge Sexton, s'exprimant pour la Cour, a indiqué que, pour répondre à cette question, il était nécessaire de se demander si les éléments de preuve allaient être utilisés dans un procès criminel ou un procès civil.

 

90        Pour savoir si des preuves obtenues irrégulièrement devraient être écartées, la Cour a donc fait, dans les arrêts Donovan et Jurchison, une distinction très nette entre procès civil et procès criminel. Plus précisément, pour le juge Linden, dans l'arrêt Donovan, si la liberté individuelle n'est pas menacée et si la question concerne l'assujettissement à l'impôt, les tribunaux devraient user avec encore plus de circonspection de leur pouvoir d'écarter des éléments de preuve.

 

                                                          [Je souligne.]

 

[23] Pour ces motifs, la requête est rejetée. Les éléments de preuve que l’on cherche à faire écarter sont donc admissibles.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 2005.

 

 

« François Angers »

Juge Angers

 


RÉFÉRENCE :                                  2005CCI129

 

Nº DES DOSSIERS DE LA COUR :  2002-922(EI), 2002-719(EI), 2002-917(EI),

                                                          2002-918(EI), 2002-919(EI), 2002-920(EI),

                                                          2002-921(EI), 2002-923(EI), 2002-924(EI),

                                                          et 2002-928(EI)

 

INTITULÉS DES CAUSES :             Ovide Fraser c. M.R.N.

                                                          Victor Gagnon c. M.R.N.

                                                          Georgette Lévesque c. M.R.N.

                                                          Jean-Marie Cimon c. M.R.N.

                                                          Claude Corriveau c. M.R.N.

                                                          Dave Langelier c. M.R.N.

                                                          Denis Morissette c. M.R.N.

                                                          Marcel Boucher c. M.R.N.

                                                          Gilles Laflamme c. M.R.N.

                                                          Serge Bouchard c. M.R.N.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Matane (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 6 octobre 2004

 

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :       L'honorable juge François Angers

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 17 février 2005

 

COMPARUTIONS :

Avocat des requérants :

Me Yves Desaulniers

Avocat de l'intimé:

Me Claude Lamoureux

 

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS :

       Pour les requérants :

                   Nom :                             Me Yves Desaulniers

                   Étude :                            Guay, Côté, Desaulniers

                                                          Avocats et conseillers juridiques

                                                          Rimouski (Québec)

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

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