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Dossier : 2003-3900(IT)G

ENTRE :

ESTHER BENQUESUS,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 21 mars 2006, à Ottawa (Ontario).

Devant : L'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Me Arthur B. C. Drache et Me Paul Lepsoe

Avocats de l'intimée :

Me Roger LeClaire et Me Ronald McPhee

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est admis avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelante a droit à une déduction
pour un don de bienfaisance de 206 000 $ fait à la Sephardic Educational Foundation.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de mars 2006.

« Campbell J. Miller »

Le juge Miller

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juillet 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


Dossier : 2003-3901(IT)G

ENTRE :

AMRAM BENQUESUS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 21 mars 2006, à Ottawa (Ontario).

Devant : L'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions :

Avocats de l'appelant :

Me Arthur B. C. Drache et Me Paul Lepsoe

Avocats de l'intimée :

Me Roger LeClaire et Me Ronald McPhee

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est admis avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant a droit à une déduction
pour un don de bienfaisance de 165 000 $ fait à la Sephardic Educational Foundation.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de mars 2006.

« Campbell J. Miller »

Le juge Miller

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juillet 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


Dossier : 2003-3902(IT)G

ENTRE :

REUBEN BENQUESUS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 21 mars 2006, à Ottawa (Ontario).

Devant : L'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions :

Avocats de l'appelant :

Me Arthur B. C. Drache et Me Paul Lepsoe

Avocats de l'intimée :

Me Roger LeClaire et Me Ronald McPhee

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est admis avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant a droit à une déduction
pour un don de bienfaisance de 160 000 $ fait à la Sephardic Educational Foundation.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de mars 2006.

« Campbell J. Miller »

Le juge Miller

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juillet 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


Dossier : 2003-3904(IT)G

ENTRE :

RUVANE BRUDNER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 21 mars 2006, à Ottawa (Ontario).

Devant : L'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions :

Avocats de l'appelant :

Me Arthur B. C. Drache et Me Paul Lepsoe

Avocats de l'intimée :

Me Roger LeClaire et Me Ronald McPhee

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est admis avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant a droit à une déduction
pour un don de bienfaisance de 115 000 $ fait à la Sephardic Educational Foundation.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de mars 2006.

« Campbell J. Miller »

Le juge Miller

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juillet 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


Dossier : 2003-3905(IT)G

ENTRE :

SANDY BRUDNER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 21 mars 2006, à Ottawa (Ontario).

Devant : L'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Me Arthur B. C. Drache et Me Paul Lepsoe

Avocats de l'intimée :

Me Roger LeClaire et Me Ronald McPhee

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation d'impôt établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1999 est admis avec dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelante a droit à une déduction
pour un don de bienfaisance de 100 000 $ fait à la Sephardic Educational Foundation.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de mars 2006.

« Campbell J. Miller »

Le juge Miller

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juillet 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


Référence : 2006CCI193

Date : 20060324

Dossiers : 2003-3900(IT)G, 2003-3901(IT)G

2003-3902(IT)G, 2003-3904(IT)G

et 2003-3905(IT)G

ENTRE :

ESTHER BENQUESUS, AMRAM BENQUESUS,

REUBEN BENQUESUS, RUVANE BRUDNER,

et SANDY BRUDNER,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Miller

[1]      Monsieur Jacques Benquesus, père de quatre des appelants et beau-père d'un des appelants, vit en Israël. En 1997, il a transféré des fonds considérables à un organisme de bienfaisance du Canada, la Sephardic Educational Foundation (la « fondation » ), à qui il a écrit que les fonds étaient prêtés à la fondation par ses enfants. Il a également écrit à la fondation que, si ses enfants la dispensaient de rembourser le prêt, elle devrait alors considérer le prêt comme un don. Les enfants ont renoncé à une partie seulement de la somme prêtée. En 1999, la fondation a délivré des reçus aux appelants pour ces dons. Le ministre du Revenu national a refusé les déductions demandées par les appelants à l'égard de leurs dons de bienfaisance pour l'année d'imposition 1999. Les appelants ont interjeté appel des cotisations en s'appuyant sur le fait que M. Jacques Benquesus leur avait fait cadeau des fonds qu'ils ont à leur tour donnés à la fondation. La question est de savoir si M. Jacques Benquesus a fait cadeau des fonds à ses enfants. J'estime que oui.

[2]      Aucune des deux parties n'a appelé de témoins. Elles ont plutôt présenté un exposé conjoint des faits à l'instruction. L'exposé conjoint est bref, et je juge essentiel de le reproduire ici dans son intégralité.

[TRADUCTION]

1.          Les appelants Esther Benquesus, Reuben Benquesus, Amram Benquesus et Sandy Brudner sont frères et soeurs, et ils sont les enfants adultes de Jacques Benquesus (le « père » ).

2.          L'appelant Ruvane Brudner est et a été en tout temps l'époux de l'appelante Sandy Brudner et le beau-frère des appelants Esther Benquesus, Reuben Benquesus et Amram Benquesus. Pendant toute la période en cause, Sandy Brudner a été la seule enfant mariée du père, qui n'avait donc qu'un enfant par alliance, soit Ruvane Brudner.

3.          Les appelants sont et ont été pendant toute la période en cause des résidents de la province de l'Ontario.

4.          Les appelants sont tous membres de la communauté juive séfarade du Nord de Toronto.

5.          La Sephardic Educational Foundation (la « fondation » ) est et a été pendant toute la période en cause un organisme de bienfaisance enregistré en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu.

6.          La fondation appuie notamment la prestation de cours d'enseignement judaïque à la Or Haemet Sephardic School (l' « école » ). Tous les appelants, sauf Ruvane Brudner, sont allés à cette école.

7.          L'école se trouve au 7026, rue Bathurst, à Thornhill, en Ontario. Elle fait partie d'un complexe formé d'une synagogue séfarade - l'Abir Yaakob Congregation - d'une salle d'étude et d'un centre communautaire et récréatif pour la communauté séfarade. Le centre communautaire abrite les bureaux de la fondation.

8.          Tous les appelants fréquentent la synagogue Abir Yaakob Congregation.

9.          Le 14 janvier 1997, le père a transféré 1 500 000 $ à la fondation. Avec les fonds, le père a envoyé une lettre, dont une copie est jointe au présent exposé à titre de pièce 1 et qui est reproduite ci-dessous :

Le 14 janvier 1997

Sephardic Educational Foundation of Toronto

Cher Tom,

Je transfère 1 500 000 $ pour mes enfants, Esther, Sandy, Ruben et Amram. Ces fonds vous sont prêtés par mes enfants, sans intérêt. Si les enfants ont besoin des fonds pour leur usage propre, veuillez leur rembourser le montant demandé. Par ailleurs, les enfants peuvent renoncer à ces fonds, que vous pourrez alors considérer comme un don.

Merci.

Jacques Benquesus

(Tom était le commis comptable de la fondation à l'époque.)

10.        Le 30 juillet 1997, le père a transféré un montant de 145 000 $ américains à la fondation. Ce montant a été converti en monnaie canadienne, ce qui a donné 200 680 $ canadiens, pour pouvoir être déposé par la fondation. Avec les fonds, le père a envoyé une lettre à la fondation, dont une copie est jointe au présent énoncé à titre de pièce 2 et qui est reproduite ci-dessous :

Le 30 juillet 1997

S. E. F. of Toronto

Cher Tom,

Je transfère 145 000 $ américains pour mes enfants, Sandy, Esther, Ruben et Amram. Ces fonds vous sont prêtés par mes enfants, sans intérêt. Si les enfants ont besoin des fonds pour leur usage propre, veuillez leur rembourser le montant demandé. Par ailleurs, les enfants peuvent renoncer à ces fonds, que vous pourrez alors considérer comme un don.

Merci.

Jacques Benquesus

11.        La fondation a inscrit les montants en question (les « transferts » ) dans ses états financiers pour l'année en cause à titre de prêts. À cette époque, la construction d'un nouveau bâtiment scolaire était en cours.

12.        À l'époque, les appelants savaient que leur père avait fait les transferts à la fondation. De plus, ils étaient dans l'ensemble au courant de la teneur des lettres envoyées avec les transferts.

13.        Le père avait fait cadeau d'autres sommes importantes aux appelants au fil des ans.

Voici des exemples :

DATE

BÉNÉFICIAIRE

MONTANT

26 juillet 1999

Reuben Benquesus

        146 500 $

6 août 1998

Sandy et Ruvane Brudner

          75 000 $

21 août 1996

Esther Benquesus

        169 000 $

2 septembre 1997

Esther Benquesus

        360 000 $

4 mai 1999

Esther Benquesus

        146 500 $

3 février 1996

Amram Benquesus

          50 000 $

5 mars 1996

Amram Benquesus

          50 000 $

28 mai 1996

Amram Benquesus

          60 000 $

26 juillet 1996

Amram Benquesus

        146 500 $

11 septembre 1997

Amram Benquesus

        380 000 $

14.        En 1999, les appelants ont fait savoir à la fondation qu'ils lui feraient don sans réserve d'une partie des transferts, soit des montants suivants :

Nom

Montant

Amram Benquesus

165 000 $

Esther Benquesus

206 000 $

Reuben Benquesus

160 000 $

Ruvane Brudner

115 000 $

Sandy Brudner

100 000 $

15.        Des reçus pour dons de bienfaisance ont été délivrés aux appelants par la fondation à l'égard des montants ci-dessus (les « dons » ) pour l'année d'imposition 1999. Les appelants ont demandé des crédits pour ces dons dans leur déclaration de revenus pour cette année-là. (Ce sont ces crédits qui sont en cause.)

16.        Le montant des dons a été inscrit comme dons de bienfaisance dans les états financiers de la fondation pour cette année-là et il a été soustrait du montant des prêts en cours.

17.        Au cours d'années antérieures et postérieures à l'année des dons en cause, soit 1999, tous les appelants ont fait d'autres dons à la fondation à partir du montant des transferts. Les appelants ont récupéré le reste des transferts pour leur usage propre. Ces autres montants ne sont pas en cause.

Analyse

[3]      Compte tenu de cet exposé conjoint des faits, quelle conclusion dois-je tirer? Est-ce que M. Jacques Benquesus avait l'intention de faire cadeau des fonds à ses enfants et de les laisser décider du montant à donner à l'organisme de bienfaisance ou, comme l'allègue l'intimée, est-ce que M. Benquesus avait l'intention de faire les dons de bienfaisance lui-même et de transférer le droit au crédit pour dons de bienfaisance à ses enfants étant donné que les dons ne pouvaient lui procurer d'avantage en Israël? La position de l'intimée n'était pas que cette dernière interprétation pouvait entraîner l'application de la disposition générale anti-évitement, mais qu'une telle interprétation rendait imparfaits les « prétendus » dons aux enfants : aucun don n'avait été fait aux enfants, par conséquent il n'y avait pas d'argent à donner à la fondation. Donc, en effet, comme je l'ai dit au début des présents motifs, l'issue du présent appel dépend de la question de savoir si M. Jacques Benquesus a fait cadeau des fonds à ses enfants.

[4]      Les parties conviennent que trois exigences doivent être satisfaites pour qu'il y ait donation entre vifs valide, à savoir :

i)         l'intention de donner;

ii)        l'acceptation par le donataire;

iii)       un acte de transmission suffisant.

i)         Intention

[5]      Est-ce que M. Jacques Benquesus avait l'intention de donner les fonds aux enfants? Voici les éléments de preuve : i) Jacques Benquesus avait par le passé fait des cadeaux considérables à ses enfants (paragraphe 13 de l'exposé conjoint des faits), ii) les lettres de Jacques Benquesus indiquaient qu'il transférait de l'argent pour ses enfants et que si ces derniers avaient « besoin des fonds pour leur usage propre, veuillez leur rembourser le montant demandé » .

[6]      J'ai mis ces preuves en balance avec la supposition de l'intimée que M. Jacques Benquesus avait réellement l'intention de donner personnellement les fonds à la fondation et non pas d'en faire d'abord cadeau à ses enfants. Je n'hésite pas à conclure que la preuve fait ressortir l'intention de Jacques Benquesus de donner les fonds à ses enfants.

ii)        Acceptation

[7]      Selon l'intimée, la preuve selon laquelle les enfants étaient « dans l'ensemble au courant » de la teneur des lettres de leur père à la fondation n'est pas suffisante pour constituer une acceptation. L'intimée ajoute qu'il n'y a pas eu acceptation concomitante par la fondation des arrangements présentés dans les lettres de M. Jacques Benquesus. Toutefois, le fait que la fondation ait inscrit le transfert des fonds à titre de prêts dans ses états financiers et qu'elle ait suivi les instructions des appelants, à savoir de conserver une partie des fonds à titre de don et de rembourser le reste aux appelants, donne certainement à penser que la fondation a accepté de façon précise les arrangements présentés dans les lettres de M. Jacques Benquesus. Cependant, c'est l'acceptation du don par les appelants qui est en cause. Le fait que les appelants « savaient que leur père avait fait les transferts à la fondation » et qu'ils « étaient dans l'ensemble au courant de la teneur des lettres » , ainsi que la communication d'instructions à la fondation concernant les dons de bienfaisance et le remboursement de fonds, sont clairement le reflet d'une acceptation du don par les appelants. La norme de la preuve nécessaire pour conclure qu'il y a eu acceptation n'est pas particulièrement exigeante, comme l'indique le professeur Ziff dans son ouvrage intitulé Principles of Property Law, à la page 141 :

[TRADUCTION]

L'acceptation d'un don implique la compréhension de l'opération et une volonté de prendre le titre. Il s'agit là d'une exigence traitée avec peu de rigueur : en temps normal, l'acceptation est présumée exister. Le donataire peut contester cette présomption en rejetant son intérêt ou en y renonçant.

[8]      De plus, le professeur Gillese dans son ouvrage intitulé Property Law indique ce qui suit :

[TRADUCTION]

Dans les cas où un don procure un avantage au donataire, les tribunaux présument généralement que le donataire accepte le don. Par conséquent, un don valide peut être fait à l'insu du donataire, mais le donataire a le droit de le refuser unilatéralement au moment où il en apprend l'existence.

[9]      Je conclus que cette deuxième condition à l'égard des dons a été facilement remplie.

iii)       Acte de transmission

[10]     Les parties ne s'entendaient pas quant à savoir si le transfert des fonds était une cession d'une chose non possessoire ou une cession d'une chose possessoire, laissant entrevoir différentes règles de transmission pour chaque genre de cession. En fait, il s'agit d'une question sur laquelle il ne faut se pencher que s'il n'y a pas eu de transmission réelle. Dans ce cas-ci, il y a une transmission réelle : des fonds ont été transférés. La question pertinente est la suivante : la transmission a-t-elle été faite aux appelants?

[11]     Encore une fois, je me reporte à l'ouvrage du professeur Ziff, aux pages 143 et 144 :

[TRADUCTION]

La transmission parfaite d'un don implique un transfert physique de possession du bien meuble du donateur au donataire. En règle générale, le donateur doit avoir fait tout ce qu'il pouvait faire pour parfaire le don. Cependant, on trouve de nombreux exemples de formes moindres de transfert qui ont suffi, les tribunaux s'efforçant de constater une transmission suffisante lorsque la preuve de la volonté de faire un don est irréfutable.

Le transfert de la possession n'a pas besoin de se faire de façon concomitante avec l'expression de l'intention de donner. La transmission peut suivre la formation ou l'expression de cette intention ou encore la précéder et elle peut prendre effet même si le donataire détenait initialement le bien à un autre titre (p. ex. à titre d'employé).

Si les biens sont transmis à une personne qui agit comme mandataire ou fiduciaire du donataire, cela peut aussi être acceptable. Même si le titulaire n'est pas strictement un mandataire du donataire, la transmission peut être constatée si cette personne prend possession du bien pour le compte du bénéficiaire ultime. Dans l'un ou l'autre de ces cas, le critère absolu semble être de savoir si (1) le donateur conserve le contrôle ou (2) tout ce qui pouvait être fait a été fait pour céder le titre en faveur du donataire.

[12]     Compte tenu de ces principes, est-ce que M. Jacques Benquesus a conservé le contrôle des fonds ou en a-t-il transféré le contrôle aux appelants? Des suppositions ont été formulées quant à ce que la fondation aurait cru bon de faire dans l'un ou l'autre des cas suivants :

i)         Jacques Benquesus avait exigé le remboursement des fonds;

ii)        un des enfants avait demandé le remboursement de tous les fonds.

[13]     Fait qui n'est pas étonnant, les avocats des deux parties ont formulé des suppositions différentes. Personne de la fondation n'a témoigné. Ce que j'ai comme preuve la plus probante par conséquent est ce qui s'est réellement passé : les appelants, soit les enfants, ont pris le contrôle réel des fonds. Ils ont dit à la fondation combien garder comme don et combien ils voulaient se faire rembourser. C'est là la preuve la plus probante, en fait la seule preuve, que j'ai en ce qui concerne l'identité des personnes qui contrôlaient les fonds. Toute allégation par l'intimée selon laquelle M. Jacques Benquesus aurait pu récupérer les fonds, que les fonds sont restés les siens et que le don à la fondation était un don de sa part ne relève que de la supposition. Ne pouvant compter que sur l'exposé conjoint des faits, je conclus que le transfert de fonds à la fondation selon les modalités exposées dans les lettres de M. Jacques Benquesus était un acte de transmission suffisant pour parfaire le don aux enfants. En conséquence, ce sont les appelants qui en fin de compte ont fait les dons à la fondation.

[14]     Je suis arrivé à cette conclusion en me préoccupant de la preuve minime énoncée dans l'exposé conjoint des faits, étant donné que l'opinion de l'intimée, selon laquelle M. Jacques Benquesus ne faisait que transférer à ses enfants des crédits pour dons de bienfaisance non transférables, n'est pas impossible; cependant, tout compte fait, l'exposé conjoint des faits n'appuie pas cette conclusion. Et si c'était le cas, est-ce que cela aurait rendu imparfait le don fait aux enfants? En bref, une intention de faire un cadeau d'argent à des enfants dans l'espoir qu'ils l'utilisent d'une certaine façon est-elle rendue si inefficace qu'elle rend le don imparfait? Je ne le crois pas. Mais si cette façon est une façon qui donne lieu à une opération d'évitement, la question n'en est peut-être pas celle de savoir s'il y a un don imparfait, mais celle de savoir s'il y a abus de la Loi de l'impôt sur le revenu : cela dépendrait certainement des faits. Les faits en l'espèce ne justifiaient pas l'exploration de cette question, point de vue que partageait clairement l'intimée.

[15]     Les appels sont admis et déférées au ministre compte tenu du fait que les appelants ont effectivement fait des dons de bienfaisance en 1999, conformément aux reçus délivrés par la fondation. Les appelants ont droit à un mémoire de dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 24e jour de mars 2006.

« Campbell J. Miller »

Le juge Miller

Traduction certifiée conforme

ce 24e jour de juillet 2006.

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :                                   2006CCI193

Nos DES DOSSIERS

DE LA COUR :                                   2003-3900(IT)G, 2003-3901(IT)G

                                                          2003-3902(IT)G, 2003-3904(IT)G

                                                          et 2003-3905(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Esther Benquesus, Amram Benquesus, Reuben Benquesus, Ruvane Brudner et Sandy Brudner c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                   Le 21 mars 2006

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge Campbell J. Miller

DATE DU JUGEMENT :                    Le 24 mars 2006

COMPARUTIONS :

Avocats des appelants :

Me Arthur B.C. Drache et Me Paul Lepsoe

Avocats de l'intimée :

Me Roger LeClaire et Me Ronald McPhee

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

       Pour les appelants :

                   Nom :                              Me Arthur B.C. Drache

                   Étude :                             Drache Buchmayer, s.r.l.

       Pour l'intimée :                             Me John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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