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Dossier : 2005-3946(IT)I

ENTRE :

ROGER THÉRIAULT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu le 19 avril 2006, à Québec (Québec)

Devant : L'honorable juge Alain Tardif

Comparutions :

Avocate de l'appelant :

Me Virginie Falardeau

Avocat de l'intimée :

Me Martin Gentile

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JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 sont rejetés, sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de juillet 2006.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


Référence : 2006CCI261

Date : 20060704

Dossier : 2005-3946(IT)I

ENTRE :

ROGER THÉRIAULT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Tardif

[1]      Il s'agit d'un appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002.

[2]      Les questions en litige consistent à déterminer si le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a ajouté avec raison aux revenus de l'appelant les sommes de 35 984 $ pour l'année d'imposition 2000, de 37 368 $ pour l'année d'imposition 2001 et de 35 984 $ pour l'année d'imposition 2002 et si le ministre était justifié de refuser d'accorder à l'appelant une déduction pour pension alimentaire payée de 35 984 $ pour l'année d'imposition 2000, de 37 368 $ pour l'année d'imposition 2001 et de 35 984 $ pour l'année d'imposition 2002.

[3]      Pour établir et ratifier les cotisations dont il est fait appel, le ministre a tenu pour acquis les hypothèses de fait suivantes :

a)          L'appelant et Mme Lyne Côté se sont séparés en 1998;

b)          L'appelant est le président et l'unique actionnaire de la société;

c)          La société a versé les sommes de 35 984 $ pour l'année d'imposition 2000, de 37 368 $ pour l'année d'imposition 2001 et de 35 984 $ pour l'année d'imposition 2002 à Mme Lyne Côté;

d)          Au cours des années en litige, Mme Lyne Côté ne rendait aucun service à la société;

e)          L'appelant et son ex-conjointe ne possèdent pas d'accord écrit concernant le versement d'une pension alimentaire dans lequel les montants et modalités de paiement sont précisés.

[4]      La preuve a révélé les faits suivants : en premier lieu, les alinéas a), b), c), d) et e) étaient véridiques.

[5]      En second lieu, il est ressorti du témoignage de l'appelant et de son ex-épouse que le montant versé par la société à madame n'avait fait l'objet d'aucune discussion ou négociation de quelque nature que ce soit.

[6]      Le montant avait tout simplement été établi par le comptable de la société, en tenant compte de la capacité de payer de cette dernière. L'ex-épouse de l'appelant aurait accepté le montant sans poser de questions, sachant très bien que le montant lui était versé par la société que contrôlait son ex-conjoint.

[7]      Bien que l'ex-épouse de l'appelant ne rendait aucun service à la société contrôlée par son ex-conjoint, le montant lui était payé par cette dernière; à la fin de l'année, un T-4 était préparé à son intention de manière à ce que le tout soit traité comme étant un revenu d'emploi.

[8]      Madame assumait les conséquences fiscales comme s'il s'était agi d'un revenu d'emploi; quant à la société contrôlée par monsieur Thériault, elle profitait de la dépense puisque le tout était comptabilisé comme un salaire.

[9]      À la suite d'une vérification, le ministre a découvert qu'il ne s'agissait aucunement d'un salaire. Il a dès lors traité les montants payés par la société à madame comme étant un avantage reçu de la société par l'appelant.

[10]     L'appelant a soutenu que le montant n'était pas imposable, puisqu'il s'agissait en réalité d'une pension alimentaire; la contestation en a donc découlé.

[11]     Le législateur a spécifiquement défini les règles applicables en matière de pension alimentaire. Au fil des ans, la situation a changé à quelques reprises. En effet, différentes décisions importantes ont façonné le traitement fiscal accordé à la pension alimentaire.

[12]     Depuis l'affaire La Reine c. Thibaudeau, [1995] 2 R.C.S. 627, les règles fiscales en matière de pension alimentaire ont substantiellement changé. Depuis le 30 avril 1997, tous les jugements ou accords écrits en matière de pension alimentaire sont assujettis à de nouvelles règles.

[13]     Antérieurement, autant pour la pension versée aux enfants que pour celle versée au conjoint, le payeur de la pension pouvait déduire de son revenu les montants périodiques versés à titre de pension alimentaire. Maintenant, ce n'est plus le cas.

[14]     Depuis le 1er mai 1997, les pensions alimentaires pour enfants ont fait l'objet d'une défiscalisation par le ministère des Finances.

[15]     À la suite des changements législatifs, le montant versé périodiquement pour les enfants ne peut être déduit du revenu du payeur, alors que le récipiendaire n'a pas à l'inclure dans son revenu.

[16]     Par contre, lorsqu'il s'agit d'une pension alimentaire pour le conjoint du payeur, le régime demeure inchangé; ainsi, le payeur peut déduire le montant de la pension alimentaire de son revenu et le bénéficiaire de la pension alimentaire doit l'inclure dans son revenu.

[17]     Lorsque l'entente est ambiguë à savoir s'il s'agit d'une pension alimentaire pour enfants ou pour conjoint, ou lorsque la pension ne définit pas la partie de la somme pour les enfants et la partie pour le conjoint, la pension est alors considérée comme une « pension alimentaire pour enfants » en vertu de la définition du terme « pension alimentaire pour enfants » au paragraphe 56.1(4) de la Loi. Dans un tel cas, la pension sera non déductible du revenu du payeur de la pension alimentaire et non incluse dans le revenu du récipiendaire de la pension, et donc non imposable.

[18]     Il est également intéressant de prendre en compte les décisions de la Cour sur la question de savoir s'il s'agit d'une « pension alimentaire » selon les critères du paragraphe 56.1(4) de la Loi. Il faut noter que s'il n'existe aucune entente écrite ou ordonnance d'un tribunal, alors il ne peut pas s'agir d'une pension alimentaire : voir notamment les affaires Rioux c. Canada, 2005 CCI 217, le juge Rip, et Hodson c. La Reine, no A-146-87, 30 novembre 1987, 88 DTC 6001 (C.A.F.).

[19]     De même, les paiements faits avant que n'existe une telle entente ne sont pas déductibles à titre de pension alimentaire : voir D'Anjou c. M.R.N., 92 DTC 1326 (C.C.I.). De même, si les avocats ont négocié une entente, mais que les parties ne l'ont pas signée, alors il n'existe tout simplement pas d'entente : Ardley c. M.N.R., 80 DTC 1106 (Commission de révision de l'impôt). Enfin, une entente doit être écrite et ne peut être verbale : Knapp c. M.N.R., 85 DTC 424 (C.C.I.). En d'autres termes, celui qui n'obtient pas une entente écrite n'a que lui-même à blâmer lorsque des problèmes d'impôt se présentent : Kostiner v. M.N.R., 63 DTC 478 (Commission de révision de l'impôt). Les ententes informelles ne sont pas valides.

[20]     De plus, les montants payés qui excèdent ce que l'accord écrit stipule ne sont pas considérés comme un revenu pour le récipiendaire : Marks v. M.N.R., 54 DTC 125 (Commission d'appel de l'impôt).

[21]     En l'espèce, les faits révélés par la preuve ne respectent en aucune façon les dispositions de la Loi; je suis d'avis que les montants payés par la société à madame ne correspondent en aucune façon aux paiements d'une pension alimentaire. Il s'agissait essentiellement de montants versés à madame selon la capacité de la société afin qu'elle s'occupe convenablement des enfants dont l'appelant était le père.

[22]     Les montants dont il est question en l'espèce ne peuvent ni ne doivent être considérés comme une pension alimentaire déductible. Les montants payés par la société ont été déterminés par le comptable en fonction de la capacité financière non pas de l'appelant, ni des besoins financiers de madame, mais essentiellement à partir de la capacité de payer de la société.

[23]     Une pension alimentaire est, soit fixée par le tribunal, ou est établie à partir d'une entente résultant habituellement de discussions ou négociations. En principe, il s'agit de fixer un montant qui correspond à l'équilibre entre les besoins économiques du bénéficiaire et la capacité de payer du payeur où entrent en ligne de compte plusieurs facteurs telle la santé, l'autonomie, le train de vie et ainsi de suite.

[24]     En l'espèce, l'appelant a choisi de venir en aide à son ex-conjointe et subvenir aux besoins de ses enfants au moyen d'un stratagème très particulier à savoir payer un salaire sans contrepartie ou sans prestations de travail. Une telle façon de faire ne respecte en aucune façon les dispositions de la loi relative au traitement fiscal accordé au paiement d'une pension alimentaire.

[25]     Pour toutes ces raisons, les appels sont donc rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de juillet 2006.

« Alain Tardif »

Juge Tardif


RÉFÉRENCE :                                   2006CCI261

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2005-3946(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :               Roger Thériault et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Québec (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 19 avril 2006

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        l'honorable juge Alain Tardif

DATE DU JUGEMENT :                    le 4 juillet 2006

COMPARUTIONS :

Avocate de l'appelant :

Me Virginie Falardeau

Avocat de l'intimée :

Me Martin Gentile

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

       Pour l'appelant:

                   Nom :                              Me Virginie Falardeau

                   Étude :                             Starnino Mostovac

                   Ville :                               Montréal (Québec)

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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