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Dossier : 2002-685(EI)

ENTRE :

CHRISTINE BECHER,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

                                                           et

VICTORIA MICROSYSTEMS LTD.,

intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu sur preuve commune avec les appels de Christine Becher (2002-686(CPP)) et de Victoria Microsystems Ltd. (2002-687(EI) et 2002-688(CPP)) le 3 février 2002 à Victoria (Colombie-Britannique)

Devant : L'honorable juge suppléant D. W. Rowe

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me George F. Jones

Avocate de l'intimé :

Me Amy Francis

Avocat de l'intervenante :

Me George F. Jones

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Victoria (Colombie-Britannique), ce 7e jour de juin 2003.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de mars 2004.

Nancy Bouchard, traductrice


Référence : 2003CCI373

Date : 20030607

Dossiers : 2002-685(EI)

2002-686(CPP)

ENTRE :

CHRISTINE BECHER,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

VICTORIA MICROSYSTEMS LTD.,

intervenante,

ET

2002-687(EI)

2002-688(CPP)

VICTORIA MICROSYSTEMS LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CHRISTINE BECHER,

intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1]      L'appelante, Christine Becher (Mme Becher), a interjeté appel à l'encontre de deux décisions qu'a rendues le ministre du Revenu national (le « ministre » ) le 18 janvier 2002 selon lesquelles des cotisations, datées du 14 et du 15 novembre 2000 et établies à l'égard de l'entreprise Victoria Microsystems Ltd. (l'entreprise VML) relativement aux contributions au Régime de pensions du Canada (RPC) et aux cotisations d'assurance-emploi (a.-e.) concernant certains travailleurs, notamment Mme Becher, ont été confirmées au motif que Mme Becher a été engagée par l'entreprise VML en vue de fournir des services pour le compte d'un client de l'entreprise VML et sous la direction et le contrôle de ce client et qu'elle était rémunérée par l'entreprise VML pour fournir ces services. Le ministre a rendu cette décision conformément au paragraphe 27.2(3) du Régime de pensions du Canada (le « Régime » ) et du paragraphe 34(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (le « Règlement sur le RPC » ), ainsi que conformément au paragraphe 93(3) de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi sur l'a.-e. » ) et de l'alinéa 6g) du Règlement sur l'assurance-emploi (le « Règlement sur l'a.-e. » ).

[2]      L'appelante, l'entreprise VML, a quant à elle interjeté appel à l'encontre de deux décisions qu'a rendues le ministre le 18 janvier 2002 confirmant notamment certaines sommes dues à l'égard de cotisations datées du 14 et du 15 novembre 2000 découlant de l'omission d'avoir versé des contributions au RPC et des cotisations d'a.-e. concernant certains travailleurs désignés, soit pour l'année d'imposition 1998, soit pour l'année d'imposition 1999 et, dans le cas de certains travailleurs, pour ces deux années.

[3]      L'avocat des appelantes et intervenantes et l'avocate de l'intimé ont convenu que les appels soient entendus sur preuve commune.

[4]      David Carl a témoigné qu'il est un homme d'affaires qui vit à Victoria, en Colombie-Britannique. En 1965, il a démarré une entreprise informatique à Victoria. Il a constitué l'entreprise VML en personne morale en 1975 en vue d'exploiter l'entreprise en association avec l'appelante, Mme Becher, qui, à cette époque, était son épouse. Ils étaient des actionnaires à parts égales ainsi que les administrateurs de la société. L'entreprise VML concluait des contrats avec des entités qui exploitaient elles-mêmes des entreprises dans le secteur privé. En 1989, M. Carl et Mme Becher se sont séparés et depuis 1985, M. Carl est l'unique actionnaire et directeur de l'entreprise VML. En 1998 et en 1999, Mme Becher a fourni des services à l'entreprise VML sous le nom de CB Enterprises. En 1998 et/ou en 1999, Frank Trice et Susan Trice ont travaillé à titre de rédacteurs techniques. Pendant cette période, l'entreprise VML avait conclu des contrats avec la Insurance Corporation of British Columbia (ICBC), la Synertech Systems Corporation (Synertech) à Vancouver, en Colombie-Britannique, et la Cardinal Systems Group Ltd. (Cardinal) faisant affaire à Victoria. L'entreprise VML fournissait des services de rédaction technique à ses clients en concluant des contrats avec certains particuliers pour accomplir ces tâches spécialisées. M. Carl a déclaré que les années 1998 et 1999 ont été des années d'expansion pour l'entreprise VML en raison des craintes résultant du phénomène connu sous le nom de bogue de l'an 2000 et à l'égard duquel toutes sortes de prédictions désastreuses circulaient concernant l'arrivée imminente du 1er janvier 2000, une date de transfert ayant une importance particulière dans l'industrie informatique. En raison de la demande, l'entreprise VML s'est mise à faire appel aux services d'entrepreneurs indépendants. En 2000, les affaires de l'entreprise ont chuté de façon spectaculaire, et M. Carl a déclaré qu'à la suite des cotisations qu'avait établies l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), anciennement connu sous le nom de Revenu Canada, les travailleurs avaient été réticents à fournir des services à l'entreprise VML - elle est maintenant insolvable et ne se livre plus à aucune activité commerciale. M. Carl a fourni à l'ADRC, à la demande de cette dernière, une liste des chèques délivrés aux travailleurs ainsi que d'autres renseignements détaillés. Il a reçu une lettre (pièce A-1) datée du 17 octobre 2000 en provenance de Gord Hawes de la Division de la validation et de l'exécution à l'ADRC l'informant qu'un examen avait permis d'établir qu'aucune relation employeur-employé n'existait entre l'entreprise VML et certains travailleurs, notamment Mme Becher, mais que l'ADRC avait déterminé que ces travailleurs, même s'ils étaient des entrepreneurs indépendants, avaient exercé un emploi dans des circonstances montrant que l'entreprise VML était une agence de placement. Conséquemment, l'ADRC a demandé à ce que des paiements de contributions au RPC et de cotisations d'a.-e. à l'égard des travailleurs désignés lui soient versés conformément aux calculs établis sur les deux feuilles jointes à ladite lettre. M. Carl a renvoyé la Cour à un accord de services (pièce A-2) daté du 31 janvier 1997 que l'entreprise VML avait conclu avec la ICBC et en vertu duquel l'entreprise VML acceptait de fournir certains services de soutien, tel qu'il est énoncé brièvement aux annexes A à E inclusivement jointes audit accord. L'entreprise VML a engagé Christine Becher et Randy Prime pour qu'ils fournissent ces services. M. Carl a également renvoyé la Cour à un autre contrat (pièce A-3) daté du 7 avril 1999 conclu entre l'entreprise VML et l'entreprise Cardinal conformément auquel l'entreprise VML acceptait de fournir certains services jusqu'au 31 mars 2000. Conformément à un accord présenté sous forme d'une lettre (pièce A-4) datée du 8 avril 1996, l'entreprise VML et la Synertech ont défini tous les aspects relatifs à leur relation d'affaires, étant donné qu'ils concernaient les exigences d'un contrat conclu entre la Synertech et le ministère de la Santé de la province de la Colombie-Britannique. Conformément à cet accord conclu entre l'entreprise VML et la Synertech, l'entreprise VML acceptait de fournir les services de Imer Shahini, à titre d'entrepreneur, à condition qu'il travaille sous la direction générale du gestionnaire des systèmes du Régime d'assurance-médicaments, un employé du gouvernement provincial. M. Carl a aussi renvoyé la Cour à une liasse de sept documents (pièce A-5) contenant des pages intitulées [traduction] « Accord de services de soutien » et portant sur des sujets tels que les taux, les modalités, le personnel assigné, l'étendu du travail, la liste des produits à livrer, les critères d'exécution du contrat et les dépenses. La date d'entrée en vigueur du contrat était le 16 décembre 1997, et le travail devait être exécuté par Randy Prime et Christine Becher le 30 juin 1998. Un employé de la ICBC, Sam van der Merwe, a été désigné à titre de gestionnaire de projet et agissait à titre d'agent de liaison avec l'entreprise VML. M. Carl a déclaré que l'entreprise VML n'avait conclu aucun contrat écrit avec l'un ou l'autre de ses sous-traitants. Les services fournis à la ICBC, qui au départ étaient fournis par Randy Prime et plus tard par Mme Becher, consistaient à organiser le contenu de certains manuels et de l'élaborer sous forme de mise à l'essai et de formation à l'intention des employés de la ICBC. M. Carl a déclaré qu'il ne supervisait pas le travail de Mme Becher, et il a fait observer que tout au long de leur relation à multiples facettes, il n'avait jamais été en mesure d'exercer un contrôle quelconque sur cette dernière. Mme Becher possédait de l'expérience en rédaction technique et en la mise à l'essai de programmes informatiques. Pendant la période où elle était copropriétaire de l'entreprise VML, Mme Becher était responsable des services de rédaction technique qu'offrait l'entreprise VML et possédait l'expertise nécessaire pour traduire le langage technique qu'employaient les technophiles en un anglais compréhensible pour les utilisateurs finaux d'un programme particulier. M. Carl a déclaré que l'entreprise VML avait accès à une réserve de travailleurs hautement qualifiés avec qui elle pouvait communiquer dans un délai relativement court en vue de faire appel à leurs services nécessaires à l'exécution d'un projet ou pour qu'ils fournissent des services de rédaction technique à différents groupes d'utilisateurs ayant divers niveaux de compétence dans l'utilisation de programmes informatiques. M. Carl a déclaré que Frank Trice et Susan Trice lui avaient été référés par la Technical Writers Association (l'association des rédacteurs techniques) et qu'il avait communiqué avec Susan Trice en vue de faire appel à ses services dans le cadre du projet du Régime d'assurance-médicaments. Plus tard, Frank Trice s'est joint à elle et tous deux ont continué à fournir des services de rédaction technique requis conformément à ce que M. Carl considérait comme un accord non officiel de partage d'emploi. M. Carl a également déclaré qu'il avait rencontré Richard Bird alors que ce dernier était un employé de la British Columbia Systems Corporation (BCSC). M. Bird a quitté son emploi et a conclu un accord avec l'entreprise VML pour fournir ses services à la Synertech. M. Carl a déclaré qu'il avait commencé à recevoir des plaintes concernant sa façon de travailler puisqu'il ne travaillait que sept heures par jour. M. Carl a congédié M. Bird et a lui-même fourni à l'entreprise Synertech les services pour lesquels M. Bird avait été embauché en vue d'exécuter un projet pour le ministère de la Santé (le Ministère), l'utilisateur final. M. Carl a déclaré que Randy Prime avait été enseignant dans une école en Ontario, mais qu'il avait quitté la province pour s'installer à Victoria et qu'il avait travaillé, en tant qu'employé, pour le compte de l'entreprise VML pendant environ un an. M. Prime a ensuite quitté l'entreprise VML pour exercer un emploi de formateur pour le compte d'une entre entreprise pendant environ 10 ans puis a de nouveau travaillé pour le compte de l'entreprise VML, mais pour fournir cette fois-ci ses services en tant qu'entrepreneur indépendant. M. Prime exploitait une entreprise individuelle faisant affaire sous le nom de Prime Consulting et a travaillé dans le cadre de certains projets. Cependant, M. Carl a décidé que M. Prime ne possédait pas les compétences nécessaires pour l'exécution du projet de la ICBC. M. Carl a déclaré que Michael Haas était un étudiant du Collège Camosun et qu'il avait participé à un Programme d'enseignement coopératif dans le cadre duquel il avait travaillé à titre d'employé pour le compte de l'entreprise VML en vue de mener à terme un projet pour la BC Online, un organisme du gouvernement provincial. M. Haas a dû reprendre ses cours au Collège Camosun avant que le contrat ne soit terminé, mais il a accepté de continuer à fournir ses services à condition que l'entreprise VML lui verse un taux horaire plus élevé parce qu'il fournirait ses services à titre d'entrepreneur indépendant. M. Carl a accepté cette entente, et M. Haas a terminé le projet dans un délai de trois semaines et a perçu environ 3 000 $ en honoraires. M. Carl a déclaré qu'il avait rencontré Imer Shahini alors que celui-ci travaillait comme livreur de pizza. M. Shahini était un réfugié du Kosovo et possédait certaines compétences en informatique. M. Carl a donc pris les dispositions nécessaires pour lui fournir un travail à la Synertech dans le cadre du projet du Régime d'assurance-médicaments pour le compte du ministère. M. Carl a déclaré que, plus tard, M. Shahini l'avait informé qu'il voulait travailler pour le compte d'entités autre que l'entreprise VML. M. Carl a déclaré qu'il avait été mis au courant que l'ADRC avait établi des cotisations à l'égard de l'entreprise Cardinal au motif qu'il s'agissait d'une agence de placement. Cependant, pour sa part, il considérait que l'entreprise VML était un fournisseur de services qui facturait le travail accompli en fonction des heures consacrées aux projets et aux dépenses engagées aux fins d'exécution de ces projets. Les travailleurs qui participaient au projet de la ICBC soumettaient une feuille de temps à l'entreprise ICBC ainsi qu'une copie à l'entreprise VML, et ce document servait au calcul des salaires dus à ces travailleurs. L'avocate a renvoyé M. Carl aux hypothèses de fait énoncées au paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel (la Réponse) déposée en preuve dans l'appel de l'entreprise VML. M. Carl a admis les hypothèses de fait suivantes :

[traduction]

a)          l'appelante exploite une entreprise qui fournit des services de consultation dans le domaine de l'informatique aux gouvernements et à d'autres clients (les « clients » );

b)          l'appelante conclut des contrats avec les clients en vertu desquels elle fournit les services de travailleurs qui possèdent l'expertise qu'exigent les clients;

c)          les clients doivent approuver le travailleur désigné pour remplir les modalités prévues au contrat conclu entre l'appelante et le client;

d)          les clients paient à l'appelante les services que fournissent les travailleurs, conformément aux modalités énoncées aux contrats.

[5]      En ce qui concerne l'hypothèse énoncée au point e) du paragraphe 7 selon laquelle les travailleurs facturaient la taxe sur les produits et services (TPS) à l'entreprise VML, M. Carl a déclaré que cette procédure ne s'appliquait qu'à l'égard des clients du secteur privé et non à l'égard des ministères ou organismes gouvernementaux provinciaux. Le ministre a présumé au point f) du paragraphe 7 que l'entreprise VML rémunérait un travailleur selon un taux horaire sur réception d'une facture. M. Carl a déclaré que le travailleur était rémunéré selon un taux horaire mais seulement lorsque l'entreprise VML percevait le paiement auprès du client en particulier. M. Carl a admis l'hypothèse suivante selon laquelle les travailleurs étaient autorisés à travailler quelquefois de leur domicile même si la plupart des tâches à accomplir s'effectuait sur le lieu d'affaires du client. Toutefois, il a fait remarquer que les clients ont des préoccupations en matière de sécurité qui exigent normalement que tous les services soient fournis au bureau du client. Au point h) du paragraphe 7, le ministre a présumé que les clients dirigeaient les travailleurs quant aux tâches à accomplir, à la façon dont elles devaient être exécutées et à l'endroit où le travail devait être fait. M. Carl a déclaré que les clients définissaient les tâches, mais que l'entreprise VML fournissait l'expertise nécessaire pour atteindre les résultats voulus. M. Carl a formulé des commentaires concernant l'hypothèse énoncée au point i) du paragraphe 7 selon laquelle les clients transmettaient des directives aux travailleurs relativement au nombre d'heures de travail par jour et au nombre de jours par semaine qu'ils étaient tenus de travailler pendant la période prévue au contrat pertinent conclu avec l'entreprise VML. M. Carl a déclaré que cette hypothèse était non fondée en ce sens que les contrats conclus entre l'entreprise VML et ses clients précisaient habituellement le nombre maximal d'heures ou de jours alloués pour l'exécution du projet et, bien que les travailleurs aient tenté de travailler selon les heures normales d'ouverture du client, aucune obligation contractuelle n'était prévue à cet égard. M. Carl a admis que les travailleurs étaient tenus de fournir leurs services personnellement et qu'ils devaient obtenir au préalable l'approbation d'un client avant d'affecter une autre personne-ressource à un projet en particulier. M. Carl a cependant nié l'hypothèse énoncée au point k) du paragraphe 7 selon laquelle l'entreprise VML avait certaines préférences lorsqu'elle faisait appel aux services de travailleurs, et il a déclaré que si un travailleur décidait de quitter, il était tenu de trouver un remplaçant convenable pour continuer à fournir les services au client. En ce qui concerne l'hypothèse énoncée au point n) du paragraphe 7 selon laquelle les clients dirigeaient et contrôlaient les travailleurs lorsqu'ils fournissaient leurs services, M. Carl a déclaré que les clients étaient investis d'un certain pouvoir d'autorité à l'égard d'un travailleur concernant l'établissement du calendrier d'activités et des priorités relativement aux tâches à accomplir en vue de respecter les délais établis pour la réception de certains produits livrables.

[6]      Lorsque l'avocate de l'intimé a contre-interrogé David Carl, ce dernier a admis que l'entreprise VML fournissait les services de personnes possédant des compétences spécialisées en vue d'exécuter des tâches particulières pour le compte d'autres entreprises, et il a déclaré qu'il considérait la société appelante comme un fournisseur de solution en mettant à la disposition des clients des conseillers pour fournir des services de soutien technique. On a renvoyé M. Carl à une liasse de documents (pièce R-1) ainsi qu'à l'annexe A du contrat conclu entre l'entreprise VML et la ICBC daté du 31 janvier 1997 et dans laquelle Christine Becher est désignée comme la personne affectée pour exécuter une tâche particulière à un taux de facturation de 62 $ l'heure, selon un horaire de sept heures par jour pendant une période de 113 jours. M. Carl a admis que dans l'annexe B du document suivant, Mark Mauger avait été désigné à titre de gestionnaire de projet pour la ICBC. M. Carl a déclaré qu'il ne communiquait avec M. Mauger qu'au cours du processus de facturation pendant lequel M. Mauger approuvait la feuille de temps de Mme Becher avant qu'elle ne la soumette à l'entreprise VML en vue de percevoir son paiement. M. Carl a également admis que l'entreprise VML avait fourni les services de certains travailleurs aux entreprises Synertech et Cardinal dans le cadre de certains projets, mais qu'elle avait directement mis à la disposition de la ICBC des travailleurs sans l'intervention d'une autre personnalité comptable. M. Carl a déclaré que tous les contrats conclus entre l'entreprise VML et ses clients désignaient la ou les personnes qui exécuteraient les tâches et qu'il était coutumier de prévoir à l'accord un nombre maximal d'heures de travail. Toutefois, l'entreprise VML facturait un taux horaire à ses clients en fonction du travail réellement accompli. M. Carl a expliqué que l'entreprise VML utilisait la feuille de temps du travailleur pour facturer l'entreprise Synertech et lorsque l'entreprise VML percevait le paiement du contrat, elle versait au travailleur la somme qui lui était due. En ce qui concerne le contrat conclu entre l'entreprise VML et la ICBC, M. Carl a admis que l'entreprise VML avait facturé le taux de facturation de 62 $ l'heure à la ICBC, mais que Mme Becher avait perçu un taux inférieur. M. Carl a également admis qu'un client pouvait contrôler, dans le cadre d'un projet, les aspects d'une situation dans son ensemble, notamment l'établissement de certains objectifs, et qu'il pouvait exiger la présence d'un travailleur à certaines réunions. Les travailleurs n'étaient pas autorisés à engager des remplaçants, étant donné que cette option relevait du privilège exclusif de l'entreprise VML. Cependant, elle pouvait obtenir l'approbation du client à cet égard. M. Carl a déclaré qu'à un certain moment donné, les travailleurs MM. Haas et Shahini avaient été des employés de l'entreprise VML, qu'ils avaient été rémunérés régulièrement, que l'entreprise leur avait fourni un ordinateur ainsi que l'accès à Internet, qu'elle leur avait garanti du travail pour une période de trois mois et qu'ils avaient été assurés qu'ils seraient rémunérés pour tout le travail accompli, même si le client omettait de payer l'entreprise VML. Plus tard, M. Carl a déclaré que MM. Haas et Shahini avaient fourni leur propre ordinateur et les accessoires connexes, qu'ils payaient les coûts liés à leur bureau, qu'ils engageaient des dépenses connexes, qu'ils ne s'attendaient pas à avoir du travail de façon continue et qu'il n'y avait aucune garantie qu'ils seraient payés dans l'éventualité où un client omettait de payer l'entreprise VML. Lorsque M. Haas a fourni ses services dans le cadre du projet de la BC Online, un employé de l'entreprise VML également affecté à ce projet supervisait son travail. M. Carl a déclaré que pendant les années 1998 et 1999, l'entreprise VML comptait 6 ou 7 employés dans sa feuille de paie courante, employés qui étaient assujettis aux retenues habituelles, mais qu'elle faisait également appel aux services de sous-traitants dont certains exploitaient une entreprise. M. Carl a admis qu'après que l'entreprise VML et M. Haas ont conclu cette nouvelle entente selon laquelle M. Haas ne serait plus considéré à titre d'employé, ce dernier a continué à fournir ses services de la même manière qu'avant l'entente, sauf que lorsqu'il était un employé il travaillait de 9 h à 17 h, alors qu'en vertu de cette entente, il organisait son horaire de travail en fonction de ses cours et que des dispositions avaient été prises pour qu'il puisse accéder à l'édifice en dehors des heures normales d'ouverture. Lorsque la relation de travail entre M. Shahini et l'entreprise VML est devenue une relation d'entrepreneur indépendant, soit pendant qu'il fournissait ses services à l'entreprise Synertech, le travail qu'il accomplissait n'a pas changé, à la seule différence que l'entreprise VML lui fournissait des feuilles de temps qu'il devait soumettre aux fins de facturation. M. Shahini a dû remettre à l'entreprise VML l'ordinateur qu'il utilisait lorsqu'il était un employé de l'entreprise VML, et il a été tenu d'aménager un bureau à son domicile où il était libre de travailler des heures supplémentaires, à sa propre discrétion.

[7]      Lors du réinterrogatoire, David Carl a déclaré qu'il n'avait jamais pensé que l'entreprise VML serait considérait comme une agence de placement au même titre que ces entités biens connues qui fournissent du personnel temporairement à divers clients. M. Carl a déclaré que l'entreprise VML n'avait conclu aucun contrat à prix fixe depuis de nombreuses années parce qu'un projet mis en oeuvre précédemment s'était avéré non rentable.

[8]      Mme Christine Becher a témoigné qu'elle est une travailleuse autonome, qu'elle agit à titre d'intervenante dans le présent l'appel interjeté par l'entreprise VML et qu'elle interjette aussi appel en son nom. Elle fournissait des services à l'entreprise VML et facturait ses honoraires régulièrement sous le nom de CBE Consulting Services, une entreprise qu'elle exploitait en tant qu'entreprise individuelle. Elle a renvoyé la Cour à une liasse de factures (pièce A-6) qu'elle a soumises à l'entreprise VML pour des services rendus et des dépenses engagées dans le cadre du projet de la ICBC en 1999. Elle a commencé à travailler sur ce projet en 1998 en vue de former une équipe de mise à l'essai, et elle a expliqué que ce processus nécessitait un conseiller pour fournir un soutien au chef d'équipe désigné, tâche dont s'est acquittée Mme Becher en fournissant notamment un soutien dans le cadre de certaines séances de formation relatives au bogue de l'an 2000 et en agissant quelquefois elle-même à titre de formatrice. Mme Becher a déclaré que les services qu'elle a fournis à la ICBC en 1999 avaient principalement été liés au projet de photographie radar parce qu'il avait été nécessaire d'assurer l'application du logiciel à la fonction requise en ce sens que certains renseignements devaient correspondre aux photographies des véhicules contrevenants. Mme Becher a déclaré qu'elle ne se rappelait pas d'avoir été en contact avec Mark Mauger, la personne qu'avait désignée la ICBC à titre de gestionnaire de projet responsable de la gestion du contrat conclu avec l'entreprise VML. Elle a plutôt travaillé avec une employée de la ICBC, soit Sherry Bennett, qui connaissait les procédures d'application des règlements de la circulation. Mme Becher communiquait régulièrement avec M. Carl et lui demandait conseil de temps à autre concernant certaines questions techniques relatives à un ordinateur central. En ce qui concerne certaines hypothèses sur lesquelles s'est appuyé le ministre, telles qu'elles sont énoncées au paragraphe 4 de la réponse applicable à son appel, Mme Becher a déclaré qu'elle niait les allégations énoncées aux points a) à g) inclusivement mais a ajouté que même si la ICBC exigeait qu'elle remplisse une feuille de temps et qu'elle la soumette à une personne désignée, elle facturait ses heures et certaines dépenses approuvées à l'entreprise VML. Elle a également expliqué qu'habituellement, elle était payée dans un délai de trente jours suivant la soumission de sa facture à l'entreprise VML et qu'elle pouvait travailler à son domicile seulement s'il ne lui était pas nécessaire d'avoir un accès en ligne. En ce qui concerne l'hypothèse énoncée au point h) du paragraphe 4 selon laquelle le client lui transmettait des directives quant à la nature du travail à accomplir et à la façon d'exécuter les tâches, Mme Becher a déclaré que la ICBC avait une intention générale concernant le travail à accomplir, mais qu'elle mettait à contribution ses propres compétences et qu'elle faisait appel à son propre jugement pour accomplir le travail demandé. Pour ce faire, elle avait accès au lieu d'affaires de la ICBC 24 heures sur 24 et elle pouvait travailler le nombre d'heures qu'elle voulait dans la mesure où cela ne compromettait pas l'état d'avancement du projet dans son ensemble. Mme Becher a nié les hypothèses suivantes dans la Réponse selon lesquelles le client lui avait indiqué quel était le nombre d'heures de travail et le nombre de jours par semaine qu'elle devait travailler pendant la durée du contrat. Elle a déclaré que le nombre d'heures travaillées était important en ce sens qu'il s'agissait du nombre d'heures requis à l'exécution du contrat conclu entre la ICBC et l'entreprise VML, mais qu'il n'était pas important de savoir quand ces heures seraient travaillées ou quelles seraient les journées qu'elle travaillerait. Elle a déclaré que certaines réunions étaient prévues avec des représentants de la ICBC auxquelles elle était tenue d'assister. Elle a admis qu'elle devait fournir ses services personnellement, mais elle a nié que l'entreprise VML avait un droit privilégié d'obtenir ses services, comme l'a prétendu le ministre au point k) du paragraphe 4 de la Réponse. Au cours de 1998, Mme    Becher a exploité une entreprise de jardinage qui a occupé une partie de son temps et, au cours de l'été 1999, elle est allée en Angleterre et y a séjourné pendant cinq mois, période durant laquelle elle a établi certains contacts d'affaires tout en visitant des membres de sa famille. Mme Becher a déclaré que selon son expérience professionnelle, elle considérait une agence de placement comme une entité avec laquelle un particulier communique pour que celle-ci l'aide à se trouver un emploi. Mme Becher a fourni ses services en utilisant le nom commercial CBE Consulting Services et a déclaré ses revenus à l'ADRC à titre de revenus d'un travail indépendant, et l'ADRC a établi des cotisations d'impôt en conséquence. Elle a reçu une lettre (pièce A-7) de l'ADRC datée du 21 mars 2001 concernant son année d'imposition 1999 et dans laquelle on l'informait qu'elle n'avait pas le droit de déduire certaines dépenses d'emploi pour le motif que l'ADRC considérait qu'elle avait été une employée de l'entreprise VML et que cet employeur devait fournir certains formulaires pour que les dépenses liées à son travail qu'elle avait réclamées puissent être considérées comme déductibles. Mme Becher a déclaré que cette lettre était une erreur puisque l'entreprise VML ne lui avait pas délivré un feuillet T4.

[9]      En contre-interrogatoire, Christine Becher a déclaré qu'elle avait rencontré Sherry Bennett ainsi qu'un autre employé de la ICBC après avoir commencé à travailler sur le projet. L'essai d'acceptation par l'utilisateur constituait une exigence importante pour assurer le succès du projet, et Mme Becher a déclaré qu'à cette fin, elle mettait ses compétences à contribution et faisait appel à son propre jugement. Elle n'a pas pris part au processus en vertu duquel le contrat a été conclu entre l'entreprise VML et la ICBC en 1999 et, par conséquent, elle n'a pas été mise au courant du document déposé en preuve sous la cote A-2. Bien qu'elle ait fourni ses services dans le cadre du projet de la ICBC, à la demande d'un autre entrepreneur engagé pour s'occuper d'un autre aspect particulier de l'engagement, elle a élaboré un plan d'essai que d'autres employés, y compris Mme Bennett qui devaient être satisfaite des services que fournissait Mme Becher en tant que conseillère, ont examiné. Mme Becher a admis qu'elle avait fourni la plupart de ses services à la ICBC selon les heures normales d'ouverture de cette société. Mme Becher a déclaré que si certains jours, elle ne voulait pas se rendre sur le lieu d'affaires de la ICBC, elle n'était pas tenue d'obtenir l'approbation d'un agent de la ICBC, mais que par courtoisie, elle informait certains employés de la ICBC de son intention de s'absenter. Mme Becher a également déclaré que le projet global avait consistait à passer de l'étape de conception à l'étape opérationnelle. Mme Becher a aussi déclaré que la ICBC n'avait formulé aucune plainte concernant le travail qu'elle avait accompli, mais elle a présumé que l'on aurait directement communiqué avec M. Carl chez VML à cet égard.

[10]     Lors du réinterrogatoire, Mme Becher a déclaré qu'avant et après la période de 1998 et 1999, elle avait fourni ses services à différentes entités et qu'après avoir quitté l'entreprise VML en 1995, elle avait travaillé sur le projet du Régime d'assurance-médicaments à titre d'entrepreneuse indépendante. En 2000, elle a constitué son entreprise en personne morale sous le nom de la CBE Consulting Services Ltd.

[11]     L'avocate de l'intimé a appelé Richard Bird à la barre des témoins. Il a témoigné qu'il est un analyste principal des systèmes et qu'en 1998, il a fourni ses services conformément à un accord conclu avec l'entreprise VML dans le cadre d'un projet sous les auspices du Ministère. Pendant qu'il travaillait à la BCSC, il a rencontré David Carl qui était sur le lieu d'affaires en tant que conseiller externe. M. Bird était au courant que l'entreprise VML était une entreprise d'experts-conseils en matière d'ordinateur central et il s'est donc entretenu avec M. Carl en vue de se renseigner sur les possibilités d'emploi à titre d'expert-conseil. Il a par la suite conclu un accord avec l'entreprise VML en vertu duquel M. Bird s'est engagé à fournir ses services en échange d'un certain taux horaire. Le travail que l'entreprise VML lui a assigné portait sur une vérification à laquelle on procédait dans le cadre du régime de soins médicaux et qui avait trait à certaines méthodes de facturation qu'utilisaient les médecins. Cette procédure nécessitait qu'une personne chargée de fournir un soutien effectue certaines révisions et mises à jour en vue de modifier la portée de la vérification. Tous ces services étaient fournis sur le lieu d'affaires du Ministère entre 8 h et 16 h, du lundi au vendredi. Un particulier dénommé Darcy Ayres dont les services avaient été fournis par l'entreprise Cardinal avait été désigné pour exercer une fonction de gestionnaire concernant les services qui seraient fournis au Ministère, et M. Ayres supervisait au besoin le travail qu'accomplissait M. Bird. M. Bird a déclaré qu'il devait assister régulièrement à des réunions, et bien qu'il n'ait pas été tenu d'exécuter des tâches particulières, on s'attendait à ce qu'il atteigne un résultat précis. S'il lui était impossible de se rendre au travail, il veillait à obtenir l'approbation de M. Ayres ou d'un employé désigné du Ministère qui participait également au processus de vérification. Il déclarait ses heures de travail à M. Ayres et soumettait également une facture à l'entreprise VML. Tout au long de son témoignage, M. Bird a déclaré qu'il n'avait jamais été mis au courant qu'une personne ou une entité avait le droit de le congédier.

[12]     En contre-interrogatoire, Richard Bird a déclaré qu'il connaissait David Carl depuis de nombreuses années et que M. Carl avait déjà cosigné un prêt pour lui. M. Bird a déclaré qu'il n'avait jamais été témoin d'un contrat conclu entre une entité quelconque et le Ministère, mais qu'il savait que l'entreprise VML en avait conclu un avec l'entreprise Cardinal.

[13]     Susan Trice a témoigné qu'elle est une rédactrice technique autonome et qu'elle avait fourni ses services à l'entreprise VML à compter de la fin du mois de janvier 1998 jusqu'au 30 juin 2000. Lorsqu'elle a fourni ses services au Ministère, elle travaillait pour le compte de l'entreprise Synertech. Au départ, elle avait compris qu'il ne restait qu'un délai de deux mois pour exécuter le contrat qu'avait conclu l'entreprise VML avec Synertech. Parce qu'elle était membre de la Society for Technical Communications, la secrétaire lui a téléphoné pour l'informer que David Carl de l'entreprise VML était à la recherche d'un sous-traitant pour travailler dans le cadre d'un certain projet. Mme Trice a déclaré qu'elle avait communiqué avec M. Carl et qu'elle avait également rencontré Jaime Peschiera de l'entreprise Synertech. Elle était au courant de la portée générale du travail à accomplir et du délai restant pour exécuter le contrat puisque le travail à effectuer se rapportait à la rédaction technique et aux communications d'entreprise. Lorsqu'elle s'est engagée à fournir ses services dans un délai limité, elle espérait que le gouvernement provincial renouvelle le contrat. La durée du contrat a été prolongée, et elle devait rendre compte à différentes personnes du Régime d'assurance-médicaments, dont l'une était un entrepreneur indépendant, ainsi qu'à un membre de la direction du Régime d'assurance-médicaments. Elle n'était toutefois pas tenue de rendre compte régulièrement, et les communications s'effectuaient quotidiennement ou hebdomadairement, selon les besoins. Les chefs de division et les gestionnaires du Régime d'assurance-médicaments avaient établi divers délais d'exécution. Outre ses autres tâches, Mme Trice rédigeait et mettait en forme des bulletins d'information du Régime d'assurance-médicaments. Selon elle, le projet était un engagement qu'avait contracté le Régime d'assurance-médicaments, une division du Ministère, et celui-ci pouvait établir des priorités. Elle n'avait aucun horaire de travail régulier à respecter et la plupart du temps elle accomplissait son travail sur le lieu d'affaires, mais étant donné qu'il y avait différents quarts de travail, elle pouvait accéder à l'édifice en soirée. Elle consignait ses heures de travail et les soumettait à l'entreprise Synertech et, à compter du 1er mai 1999, également à un employé du Régime d'assurance-médicaments. Après le 1er mai 1999, Mme Trice et Frank Trice se sont partagé une partie des tâches, et ce dernier accomplissait également d'autres tâches. Susan Trice facturait ses heures de travail à l'entreprise VML une fois par mois et était rémunérée 30 jours plus tard.

[14]     En contre-interrogatoire, Susan Trice a admis que David Carl avait accepté l'entente selon laquelle Frank Trice l'aiderait à accomplir le travail dans le cadre du projet du Régime d'assurance-médicaments et que le Ministère ainsi que la direction de la Synertech avaient également approuvé cette nouvelle convention. Elle a déclaré qu'elle avait produit ses déclarations de revenus à titre de travailleuse autonome et que l'ADRC avait établi des cotisations à son égard en conséquence.   

[15]     Frank Trice a témoigné qu'il est un rédacteur technique autonome. Entre le 1er mai 1999 et le 30 juin 2000, conformément à un contrat conclu verbalement avec David Carl à l'entreprise VML, il a fourni ses services dans le cadre du projet du Régime d'assurance-médicaments en vue de produire deux manuels requis aux fins d'exploitation d'un nouveau système informatique qu'utiliseraient les pharmaciens en Colombie-Britannique. Le contrat en vertu duquel Susan Trice avait été engagée exigeait la prestation de 1 800 heures de services pour une période de un an. Frank Trice a déclaré qu'il possédait de l'expérience en matière de projets à long terme et qu'il était au courant des exigences particulières inhérentes à un tel engagement. À son avis, il était important de [traduction] « toujours satisfaire le client, soit le Régime d'assurance-médicaments » . Au début, il était en contact avec M. Carl. Plus tard, il a rencontré le gestionnaire des opérations du projet du Régime d'assurance-médicaments, mais il n'a été présenté à aucun des représentants de la Synertech. Frank Trice a déclaré qu'il rendait compte, à sa discrétion, au gestionnaire des opérations qui avait l'autorité d'établir des priorités concernant son travail. Frank Trice et Susan Trice étaient des associés dans une entreprise faisant affaire sous le nom de Trice Technical Writing, et ils soumettaient une facture à l'entreprise VML sur laquelle les heures qu'ils avaient travaillées étaient exposées en détail. La plupart du temps, Frank Trice travaillait à partir de son domicile mais se rendait au lieu d'affaires du Ministère deux ou trois fois par semaine où il passait une partie de l'après-midi à rencontrer certaines personnes. Il tenait à jour une feuille de temps hebdomadaire et en remettait une copie à la Synertech ainsi qu'au gestionnaire des opérations. À la fin du mois, il délivrait une facture à l'entreprise VML sur laquelle les heures que M. Trice et Susan Trice avaient travaillées étaient facturées selon le même taux horaire.

[16]     En contre-interrogatoire, Frank Trice a déclaré que l'entreprise Synertech et le Régime d'assurance-médicaments s'intéressaient davantage au résultat final qu'aux détails relatifs à la procédure pour atteindre le résultat. Il ne considérait pas qu'il risquait de subir des pertes pendant cette période, et il avait déclaré ses revenus à titre de travailleur autonome et le ministre n'a établi aucune nouvelle cotisation à son égard.   

[17]     L'avocat de l'appelante a soutenu que pour être en mesure de déterminer si l'entreprise VML est une agence de placement, on doit tenir compte de deux critères différents que prévoient les dispositions législatives, notamment la Loi, le Régime et leur Règlement respectif. L'emploi exercé en vertu de l'alinéa 6g) du Règlement pris en application de la Loi relève de la catégorie des emplois assurables, sous réserve que le travailleur fournisse ses services sous « la direction et le contrôle » du client de l'agence, en étant rétribuée par l'agence pour fournir ces services. Conformément aux dispositions pertinentes du Règlement pris en application du Régime, on doit appliquer un critère différent selon lequel il faut déterminer si les services que fournit un travailleur étaient semblables à ceux devant être fournis aux termes d'un contrat de louage de services. L'avocat a soutenu que l'intention de l'alinéa 6g) du Règlement sur l'a.-e. est que le client doit contrôler le travailleur et que, par conséquent, cet aspect devrait normalement inclure le droit de mettre fin aux services que fournit ce travailleur. L'avocat a renvoyé la Cour à la preuve relative à plusieurs travailleurs visés par la cotisation établie en vertu de la Loi et a fait remarquer qu'il n'y avait guère d'éléments de preuve montrant qu'un contrôle était exercé sur leur travail, notamment par l'utilisateur final ou le client à qui ils fournissaient leurs services. De plus, l'avocat a soutenu que le Règlement pris en application de la Loi ou celui du Régime n'avaient jamais été appliqués à des circonstances semblables à celles en l'espèce, mais qu'ils visaient directement les agences d'emploi ou de placement qui doivent être accréditées à ce titre en vertu des lois provinciales. Pour illustrer la confusion que sème toute cette affaire, l'avocat a renvoyé la Cour à la conclusion du ministre, à laquelle il est parvenu par l'entremise de l'ADRC, et selon laquelle Christine Becher avait été considérée comme une employée aux fins d'établissement d'une cotisation à l'égard de sa déclaration de revenus, notamment des contributions au RPC et des cotisations d'a.-e., tout en ayant établi qu'elle était une travailleuse autonome et non une employée de l'entreprise VML pendant la période pertinente.   

[18]     L'avocate de l'intimé a reconnu que l'application de l'alinéa 6g) du Règlement sur l'a.-e. constituait l'unique fondement sur lequel le ministre s'est appuyé pour déterminer que les travailleurs désignés exerçaient un emploi assurable auprès de l'entreprise VML puisque aucun d'entre eux n'a fourni ses services à l'entreprise VML en vertu d'un contrat de louage de services. Par conséquent, la première question à trancher consiste à savoir si l'entreprise VML est une agence de placement. Si tel est le cas, la deuxième question consiste à déterminer si les travailleurs étaient sous la direction et le contrôle du client de l'agence pour l'application du Règlement sur l'a.-e. puis à analyser la preuve afin de déterminer si les travailleurs ont fourni leurs services dans des circonstances qui correspondent à celles d'un contrat de louage de services pour être en mesure d'établir s'ils exerçaient un emploi ouvrant droit à pension en vertu du paragraphe 34(1) du Règlement pris en application du Régime. L'avocate a renvoyé la Cour au témoignage de divers travailleurs puisqu'il porte sur des questions relatives au contrôle, à l'approbation du travail et à d'autres facteurs pertinents. Elle a également soutenu que de toute évidence, les différents clients exerçaient un degré considérable de contrôle et dirigeaient les travailleurs qui leur fournissaient des services.

[19]     L'alinéa 6g) du Règlement sur l'a.-e. est ainsi formulé :

6. Sont inclus dans les emplois assurables, s'ils ne sont pas des emplois exclus conformément aux dispositions du présent règlement, les emplois suivants :

g) l'emploi exercé par une personne appelée par une agence de placement à fournir des services à un client de l'agence, sous la direction et le contrôle de ce client, en étant rétribuée par l'agence.

[20]     Quant à l'article 34 du Règlement sur le RPC, il est ainsi rédigé :

Art. 34. - (1) Lorsqu'une personne est placée par une agence de placement pour la fourniture de services ou dans un emploi auprès d'un client de l'agence, et que les modalités régissant la fourniture des services et le paiement de la rémunération constituent un contrat de louage de services ou y correspondent, la fourniture des services est incluse dans l'emploi ouvrant droit à pension, et l'agence ou le client, quel que soit celui qui verse la rémunération, est réputé être l'employeur de la personne aux fins de la tenue de dossiers, de la production des déclarations, du paiement, de la déduction et du versement des contributions payables, selon la Loi et le présent règlement, par la personne et en son nom.

            (2) Une agence de placement comprend toute personne ou organisme s'occupant de placer des personnes dans des emplois, de fournir les services de personnes ou de trouver des emplois pour des personnes moyennant des honoraires, récompenses ou autres formes de rémunération.

[21]     Dans l'affaire Vendor Surveillance Corp. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.),[2000] A.C.I. no 620 (Vendor), l'honorable juge Lamarre de la C.C.I. a examiné l'appel qu'avait interjeté une entreprise qui fournissait à ses clients une liste de candidats qualifiés possédant les compétences nécessaires pour fournir certains services et répondre à leurs besoins dans l'industrie aérospatiale. Les travailleurs en question étaient des conseillers qualifiés et, comme l'a noté la juge Lamarre au paragraphe 7 de ses motifs, ils étaient « capables de fournir aux clients de l'appelante des renseignements, des suggestions, des recommandations et un soutien pour assurer l'exécution en temps opportun des obligations contractuelles entre un client et les tiers fournisseurs et pour assurer le contrôle de la qualité des produits » . Les circonstances pertinentes de l'affaire Vendor sont ainsi énoncées aux paragraphes 8 à 12 inclusivement des motifs du jugement de la juge Lamarre :

Au cours de la période en question, M. Budgen a été embauché par l'appelante en qualité de consultant pour remplir les fonctions susmentionnées. Un accord d'entrepreneur indépendant entre l'appelante et M. Budgen a été rédigé le 2 octobre 1997. Selon l'accord, l'appelante voulait que M. Budgen soit disponible pour fournir des services de contrôle de la qualité des approvisionnements à des moments et selon des modalités convenues entre les parties. Dans ce document, M. Budgen et l'appelante convenaient que l'entreprise de M. Budgen était indépendante de celle de l'appelante et de celle des clients de celle-ci et que tout travail effectué dans les installations du client était simplement fonction de la nature du contrôle de la qualité. M. Budgen n'a pas signé cet accord mais a signé l'annexe qui y était jointe et qui énonçait les modalités de paiement et précisait les services devant être rendus aux fins du projet pour lequel M. Budgen avait été engagé. Selon cette annexe, M. Budgen devait être payé 17 $ l'heure. Les heures supplémentaires devaient être autorisées préalablement par le client. Il était stipulé dans l'annexe que les heures travaillées et les dépenses faites devaient être présentées à l'appelante dans un délai déterminé pour que celle-ci puisse les facturer au client. Sans les feuilles de temps, l'appelante ne pouvait pas être payée par le client et M. Budgen n'aurait pas été payé par l'appelante.

            Par contre, il existait un bon de commande signé par l'appelante et par Northrop. Ce bon de commande autorisait l'appelante à aller de l'avant avec la fourniture d'expertise et à désigner quelqu'un pour accomplir un travail particulier à un prix déterminé. En outre, le bon de commande reconnaissait que Northrop paierait l'appelante pour les services qu'elle fournirait.

            Northrop est une société américaine et un sous-traitant important dans le domaine des cellules d'avions. Northrop avait sous-traité du travail, le confiant à, entre autres, deux fournisseurs (Cercast et Héroux) et avait besoin des services de M. Budgen (fournis par l'entremise de l'appelante) dans les établissements des fournisseurs à Montréal pour surveiller, examiner et analyser les différents éléments du processus de fabrication et les modalités de livraison pour les pièces commandées à ces fournisseurs. M. Budgen agissait en qualité d'inspecteur en matière de contrôle de la qualité.

            Selon le témoignage de M. Budgen, son principal contact avec Northrop était Louis Alfano, à New York. Cependant, il parlait quotidiennement au téléphone avec le gestionnaire de projet de Northrop à Dallas concernant Cercast et envoyait un rapport écrit complet une fois par semaine. En ce qui concerne Héroux, il communiquait avec le gestionnaire de projet en Floride de façon hebdomadaire.

            Le rôle de M. Budgen consistait à tenir le client au courant de ses suggestions et de ses instructions concernant toute modification ou tout ajustement à apporter aux opérations des fournisseurs. Des représentants de Northrop ne sont venus à Montréal que trois fois pour visiter les installations des fournisseurs. M. Budgen a témoigné qu'il avait accueilli ces personnes à l'aéroport et s'est occupé d'elles pendant la durée de leur visite. Il n'a pas été remboursé de ses dépenses pour ces services. On demandait à M. Budgen d'être présent aux établissements des fournisseurs pendant les heures de travail de leurs employés. Bien que la journée de travail des employés ait débuté à 6 h 30, M. Budgen ne se présentait pas au travail avant 7 h ou 8 h et il terminait sa journée entre 16 h et 17 h. Il travaillait 40 heures par semaine du lundi au vendredi. Bien qu'un bureau lui ait été fourni dans les établissements des fournisseurs, il réalisait 25 p. 100 de son travail (tout le travail d'écriture) chez lui. Personne ne vérifiait vraiment ses heures travaillées et il les signalait sur une feuille de temps; on lui faisait confiance à cet égard.

[22]     La juge Lamarre a fait remarqué que la Loi ne fournit aucune définition de l'expression « agence de placement » . De même, elle a fait référence à la définition contenue dans l'article 34 du Règlement pris en vertu duRégime. Aux paragraphes 19 et 20 de son jugement, elle a déclaré ceci :

            La prochaine question sur laquelle je dois me pencher est celle de savoir si M. Budgen travaillait sous la direction et le contrôle du client de l'appelante, Northrop. Il n'est pas contesté ici que M. Budgen recevait sa rémunération de l'appelante.

            L'avocat de l'intimé a renvoyé à l'affaire Hennick c. Canada, [1995] A.C.F. no 294, dans laquelle la juge Desjardins de la Cour d'appel fédérale a souligné que ce qui est pertinent ce n'est pas tant l'exercice effectif du contrôle que le droit d'exercer le contrôle. Dans le cas de Mme Hennick, la juge Desjardins a déclaré que, bien que le contrat de Mme Hennick avec le payeur n'ait pas précisé la façon dont elle devait enseigner, elle devait respecter certains paramètres en ce qui concerne le temps, ce qui constituait de toute évidence un contrôle.

[23]     Dans les appels en l'espèce, tous les travailleurs étaient rémunérés par l'entreprise VML.

[24]     Dans l'affaire Computer Action Inc. c. M.R.N., [1990] A.C.I. no 101, l'honorable juge Bonner de la C.C.I. a examiné un appel qu'avait interjeté une entreprise que l'on avait considérée comme une agence de placement conformément à l'alinéa 12g) du Règlement pris en vertu de la Loi. La disposition actuelle correspondante est l'alinéa 6g), mais les légères modifications apportées au libellé précédent ne sont pas pertinentes à une analyse quelconque applicable aux présents appels. En ce qui concerne la question de savoir si l'appelante était une agence de placement, le juge Bonner, à la page 5 de son jugement, a déclaré ce qui suit :

            L'avocat de l'appelante a soutenu que cette dernière n'était pas une agence de placement au sens de l'alinéa 12g). Il a prétendu que l'appelante offrait un service de marketing pour des consultants. Je ne considère pas qu'il s'agit d'un argument convaincant. L'expression « agence de placement » n'est pas définie par le Règlement et doit recevoir son sens ordinaire lu en contexte, à savoir un organisme s'occupant de faire correspondre des demandes de travail à des demandes de travailleurs. Il a également soutenu que l'appelante se distinguait d'une agence de placement normale en raison de l'entente portant sur les honoraires. À mon avis, rien du libellé de l'alinéa 12g) ne lie la signification de l'expression « agence de placement » à la présence ou à l'absence de tout type particulier d'entente pour la rémunération versée par l'agence, comme l'a à un certain moment suggéré l'avocat de l'appelante.

            On a ensuite soutenu que les consultants n'étaient pas rémunérés par l'appelante en contrepartie des service qu'ils avaient offerts. Je ne peux accorder aucun poids à cet argument. La preuve est claire. Les consultants, en fait, ont envoyé une facture à l'appelante pour des services offerts et ont été payés par elle, même si le client n'avait pas encore payé l'appelante. Il est difficile de voir comment les consultants auraient pu se tourner vers les clients pour obtenir un paiement à la lumière du paragraphe 3 du contrat de consultation, qui leur interdisait de divulguer au client le taux de rémunération du consultant. En outre, je ferai remarquer qu'il n'existait pas, entre le consultant et le client, de connexité contractuelle sur laquelle une réclamation effectuée par un consultant relativement à son taux horaire pourrait être basée.

[25]     L'honorable juge Watson de la C.C.I. s'est appuyé sur la décision ci-dessus pour parvenir à la même conclusion dans l'affaire Silverstone Computer Systems Inc. c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.), [1997] A.C.I. no 38. Au paragraphe 14 des motifs de son jugement, le juge Watson a conclu dans l'appel en question que « l'appelante a embauché le travailleur en raison de ses compétences pour qu'il fournisse des services à sa cliente, qui avait besoin de ces compétences et qui, de fait, était une organisation "qui s'occupe[ait] de jumeler les demandes et les offres d'emploi" » . Dans l'affaire Silverstone, tous les travailleurs qui fournissaient leurs services aux clients étaient des entrepreneurs indépendants.

[26]     En ce qui concerne la première question à trancher qui consiste à savoir si l'entreprise VML est une agence de placement pour l'application du Règlement sur l'a.-e. et aux termes de l'article 34 du Règlement sur le RPC, on doit tenir compte des témoignages tels qu'ils s'appliquent aux travailleurs désignés. David Carl, l'unique actionnaire de l'entreprise VML, a admis que les hypothèses suivantes du ministre, telles qu'elles sont énoncées aux points a) à d) inclusivement du paragraphe 7 de la Réponse étaient fondées. Bien qu'elles aient été énoncées précédemment dans les présents motifs, en vue de mettre de nouveau l'accent sur cette question en litige en particulier, nous les reformulons ci-dessous :

[traduction]

a)          l'appelante exploite une entreprise qui fournit des services de consultation dans le domaine de l'informatique aux gouvernements et à d'autres clients (les « clients » );

b)          l'appelante conclut des contrats avec les clients en vertu desquels elle fournit les services de travailleurs qui possèdent l'expertise qu'exigent les clients;

c)          les clients doivent approuver le travailleur désigné pour remplir les modalités prévues au contrat conclu entre l'appelante et le client;

d)          les clients paient à l'appelante les services que fournissent les travailleurs, conformément aux modalités énoncées aux contrats.

[27]     Après avoir lu le contrat (pièce A-2) conclu entre l'entreprise VML et la ICBC, il est clair que l'entreprise VML fournissait des services de soutien se rapportant aux obligations contractuelles pour accomplir certaines tâches relatives à l'installation et à l'utilisation d'outils de traitement de données. Au paragraphe 1 dudit accord, on fait référence à la ligne A aux [traduction] « [T]aux, modalités et personnel affecté » .

[28]     La lettre (pièce A-4) qu'ont échangée l'entreprise VML et Synertech et que ces deux sociétés ont utilisée pour définir leur relation d'affaires énonce divers aspects de leur accord, notamment une reconnaissance selon laquelle la Synertech « accepte de fournir les services de Imer Shahini en vertu du contrat numéro 97/040 qu'a adjugé le ministère de la Santé pour la période débutant le 1er avril 1996 et se terminant le 30 juin 1996 » . Ladite lettre stipule ensuite que les modalités de l'accord conclu entre l'entreprise VML et la Synertech seront prolongées de manière à être conformes à tout renouvellement subséquent du contrat conclu entre la Synertech et le Ministère. Cette lettre confirmait également que l'entreprise VML [traduction] « accepte de fournir les services de Imer Shahini pour un nombre minimal de 7,5 heures par jour, cinq jours par semaine, à l'exception des congés fériés. L'horaire des vacances sera établi par les parties. Des dispositions seront prévues en vue d'accorder au plus de trois semaines de vacances par année » . La lettre poursuit en stipulant que l'horaire proposé peut, de temps à autre, être révisé par l'une ou l'autre des trois parties intéressées, notamment le Ministère, l'entreprise VML et la Synertech.

[29]     Les services qu'ont fournis Randy Prime et Christine Becher à la ICBC sont documentés dans la pièce A-5 qui contient les annexes A à F ainsi que trois feuilles décrites comme l'annexe D. Toutes ces annexes faisaient partie intégrante de l'accord (pièce A-2) daté du 31 janvier 1997 et conclu entre l'entreprise VML et la ICBC. Tant Randy Prime que Christine Becher sont définis en tant que personnel affecté pour exécuter les tâches particulières relatives à un projet global mis en oeuvre par la ICBC.

[30]     Les modalités du contrat (pièce A-3) conclu entre l'entreprise Cardinal et l'entreprise VML sont quelque peu différentes. Cet accord daté du 7 avril 1999 et qui couvre la période du 1er avril 1999 au 31 mars 2000 n'exige pas le placement d'un travailleur particulier désigné dans ledit accord ou de toute autre personne en vue d'assurer ultérieurement la prestation de services. Il s'agit plutôt d'un contrat conclu entre l'entreprise VML et l'entreprise Cardinal selon lequel l'entreprise VML accepte de fournir ses services en échange d'un certain taux horaire en vue d'exécuter les tâches se rapportant aux services que l'entreprise Cardinal s'était engagée à fournir au ministère de la Santé en vertu d'un contrat. Conformément à la disposition 11 du contrat conclu entre l'entreprise VML et l'entreprise Cardinal, l'entreprise VML devait obtenir de l'entreprise Cardinal un consentement par écrit avant qu'elle puisse donner en sous-traitante ses obligations contractuelles ou faire cession de ses droits pouvant s'accumuler aux termes dudit accord. À la disposition 24 de ce même accord, l'entreprise VML, désignée au titre d'entrepreneur, fournissait une garantie selon laquelle elle s'acquitterait de tous les salaires, rémunérations, etc., engagés pour fournir les services prévus au contrat et qu'aucun des employés du Ministère, désigné au titre de client, ne percevrait une contrepartie de valeur découlant dudit accord. Bien que le contrat fasse référence à une annexe « B » jointe, le document en question n'était pas joint à celui déposé en preuve sous la cote A-3. Le travailleur, Richard Bird, a témoigné qu'il avait travaillé comme analyste de systèmes pour le compte du gouvernement provincial mais qu'il avait quitté cet emploi pour fournir ses services à l'entreprise VML précisément dans le but de travailler dans le cadre d'un projet de vérification médicale pour le compte du Ministère et que gérait l'entreprise Cardinal en vertu d'un contrat conclu avec le gouvernement provincial. Cependant, il a fourni ses services en 1998, soit avant la période prévue à l'accord déposé en preuve sous la cote A-3.   

[31]     Les travailleursImer Shahini et Michael Haas avaient été des employés de l'entreprise VML, mais plus tard, ils ont tous les deux changé leur statut pour celui d'entrepreneur indépendant. M. Shahini a travaillé dans le cadre d'un projet que dirigeait l'entreprise Synertech, et M. Haas a terminé le contrat conclu avec la BC Online, un organisme du gouvernement provincial, dans le cadre duquel il avait travaillé précédemment à titre de participant au Programme d'enseignement coopératif, soit pendant la période où il était considéré comme un employé ordinaire de l'entreprise VML.

[32]     M. Carl, au nom de l'entreprise VML, a fait appel aux services de Susan Trice, après que cette dernière a reçu un appel de la secrétaire de son association professionnelle pour l'informer que M. Carl était à la recherche d'un sous-traitant. Susan Trice a communiqué avec M. Carl et, au cours de leur entretien, il s'est avéré évident que ses services étaient requis dans le cadre d'un projet particulier que dirigeait la Synertech en lien avec le projet du Régime d'assurance-médicaments. De plus, l'entreprise VML avait contracté une obligation contractuelle pour le compte de l'entreprise Synertech qui consistait à fournir à cette dernière les services spécialisés de Mme Trice. Plus tard, Frank Trice a commencé à mettre à contribution ses compétences techniques dans le cadre de ce même projet avec l'assentiment de M. Carl et de Jaime Peschiera, au nom de la Synertech.

[33]     Après avoir tenu compte du témoignage de chaque travailleur dont le nom est mentionné dans l'évaluation, il est évident qu'en dépit de certaines différences dans les circonstances applicables à chacun d'eux, l'appelante, l'entreprise VML, était dans chaque cas responsable du placement de ces personnes dans une situation où ils fournissaient certains services pour lesquels ils percevaient une rémunération de l'entreprise VML. Le seul effet de la condition en vertu de laquelle un particulier ne peut exploiter une agence de placement ou une agence artistique sauf s'il obtient un permis à cette fin en vertu de la Employeur Standards Acte (la loi sur les normes du travail), RSBC chap. 113, est une poursuite judicaire intentée contre une personne, en l'espèce l'entreprise VML, pour avoir omis d'obtenir l'autorisation requise. Cependant, cela ne signifie pas que l'omission d'avoir obtenu le permis obligatoire empêche quiconque d'exploiter une entreprise d'une manière qui soit cohérente avec l'exploitation d'une agence de placement aux termes du Règlement sur l'a.-e. et du Règlement sur le RPC qui sont pertinents aux appels en l'espèce. Un chien sans médaille est quand même un chien.

[34]     Le législateur avait une intention précise en créant des catégories d'emplois assurables et ouvrant droit à pension pour les travailleurs qui, suivant l'application de normes ordinaires, ne répondent pas au critère d'emploi habituel. Dans l'affaire Sheridan c. M.R.N., C.A.F., no A-718-84, 12 mars 1985 (57 N.R. 69), la Cour d'appel fédérale a soutenu que l'ancien alinéa 12g) du Règlement sur l'a.-e. énonce ses propres conditions pour définir un « emploi assurable » et qu'il n'est pas nécessaire de chercher d'autres conditions dans la disposition habilitante de la loi. Dans cette affaire, l'effet consistait à inclure, dans la catégorie des emplois assurables, les infirmiers et infirmières qui avaient obtenu un emploi par l'entremise d'une agence de placement. La Cour d'appel fédérale avait précédemment décidé dans l'affaire Canada (A.G.) v. SkylineCabs (1982) Ltd., 70 N.R. 210 que même si des chauffeurs de taxi et d'autobus étaient des travailleurs autonomes, ils étaient visés en vertu des règlements par le régime d'assurance national. Elle avait également reconnu que le terme « emploi » avait un sens plus large pour l'application du Règlement et qu'elle pouvait donc y inclure une activité ou une profession.

[35]     Je suis convaincu que pendant les années 1998 et 1999, l'entreprise VML agissait à titre d'agence de placement à l'égard des travailleurs désignés.

[36]     La deuxième question en litige que je suis appelé à trancher en vue de déterminer la question de l'emploi assurable conformément aux dispositions du Règlement sur l'a.-e. consiste à savoir si tous les travailleurs en cause ou certains d'entre eux étaient sous la direction et le contrôle du client pertinent de l'entreprise VML qui, suivant ma conclusion, est maintenant considérée comme une agence de placement.

[37]     Dans l'affaire Vendor, précitée, la juge Lamarre a examiné l'aspect relatif au contrôle concernant le travailleur en cause et, aux paragraphes 26 et 27 de son jugement, elle a émis le commentaire suivant :

En l'espèce, je dois déterminer si M. Budgen se trouvait sous la direction et le contrôle de Northrop. Les faits sur lesquels Mme Bienvenue de Revenu Canada s'est fondée pour conclure que M. Budgen était soumis à un tel contrôle sont les suivants : M. Budgen devait présenter des feuilles de temps; il faisait des rapports quotidiens; les heures supplémentaires devaient être approuvées; il recevait des instructions d'un superviseur se trouvant à New York; il devait accompagner les gens de chez Northrop lors de leurs visites à Montréal.

La preuve a révélé que M. Budgen ne recevait pas d'instructions d'un superviseur se trouvant à New York, mais il appelait quotidiennement quelqu'un chez Northrop à Dallas pour l'informer des différents problèmes auxquels les fournisseurs étaient confrontés. Northrop n'a pas indiqué à M. Budgen chaque jour le travail à accomplir. C'était plutôt M. Budgen qui informait Northrop de ses propositions et instructions concernant les changements ou les ajustements à apporter aux opérations des fournisseurs. M. Budgen ne faisait l'objet d'aucun contrôle concernant ses heures de travail. Il présentait une feuille de temps sans le moindre contrôle de ses inscriptions, car on lui faisait confiance, et il était rémunéré sur la base de cette feuille de temps. Le fait que les heures supplémentaires devaient être approuvées faisait partie des conditions du contrat. M. Budgen avait accepté d'être rémunéré sur la base de 40 heures par semaine pour le travail à effectuer. Cela n'indique pas nécessairement, à mon avis, l'existence d'une relation employeur-employé, car il pouvait travailler, et a effectivement travaillé, plus de 40 heures par semaine sans rémunération supplémentaire. Qui plus est, M. Budgen pouvait travailler à la maison quand cela l'arrangeait sans en informer Northrop. Il est évident qu'il n'était pas obligé de travailler pendant les heures d'ouverture de Northrop, qui se trouvait à Dallas et en Floride. Bien qu'on lui ait dit qu'il était préférable qu'il soit présent chez les fournisseurs pendant les heures de travail des employés de ceux-ci, personne ne vérifiait s'il y était. En un sens, il était libre d'organiser son temps selon ce qui l'arrangeait le mieux.

[38]     Dans l'affaire Computer Action, précitée, le juge Bonner, concernant la question relative à la direction et au contrôle qu'exerçait un client d'une agence de placement sur un travailleur, a déclaré ce qui suit au paragraphe 5 de son jugement :

Enfin, on a soutenu que les consultants n'étaient pas appelés par l'appelante à offrir des services « sous la direction et le contrôle » des clients de l'appelante. En l'espèce, bien entendu, les services n'étaient pas offerts à quelqu'un d'autre qu'au client. La question du contrôle est plus complexe. Comme il fallait s'y attendre, aucun élément de preuve ne tendait à démontrer que le contrôle, quant à la manière dont les consultants accomplissaient leur travail, était en fait exercé par les clients. Toutefois, à mon avis, l'alinéa 12g) du Règlement s'attarde à l'existence du droit de contrôle, et non à l'exercice de ce droit. Rien dans la preuve n'indique que les clients ne possédaient pas, en vertu des ententes existantes, le droit de diriger et de contrôler la manière dont le travail devait être accompli. Il pourrait bien entendu ne pas être réaliste de s'attendre à ce qu'un tel droit soit exercé particulièrement par un client qui n'est pas « cultivé en informatique » . Comme le juge McGuigan l'a fait remarquer dans l'affaire Weibe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, à la page 559 (87 D.T.C. 5025, à la page 5028) :

[...] le critère s'est révélé tout à fait inapplicable pour ce qui est des professionnels et des travailleurs hautement qualifiés, qui possèdent des aptitudes bien supérieures à la capacité de leur employeur à les diriger.

Mais, je le répète, le critère n'est pas celui de savoir si le droit est ou sera probablement exercé, mais celui de savoir s'il existe. Il revenait à l'appelante d'établir que la décision en litige était erronée. Elle ne s'est pas déchargée de ce fardeau. Par conséquent, l'appel est rejeté.

[39]     Dans l'affaire Silverside, précitée, après avoir conclu que l'appelante était une agence de placement, le juge Watson s'est penché sur la question relative à la direction et au contrôle et, aux paragraphes 15 à 18 inclusivement de son jugement, il a émis le commentaire suivant :

            Il reste uniquement à savoir si le travailleur fournissait ses services « sous la direction et le contrôle [d'un] client » de l'appelante.

            Selon l'entente écrite qu'il a conclue avec l'appelante, le travailleur était embauché pour fournir tous ses services à Pitney Bowes, l'une des clientes de l'appelante, « d'une façon compétente et efficace » de façon que Pitney Bowes soit satisfaite; Pitney Bowes était « responsable de la description des services à fournir » ; si Pitney Bowes n'était pas satisfaite, il serait mis fin à l'emploi que le travailleur exerçait auprès de l'appelante. L'appelante n'assurait pas la formation du travailleur et ne supervisait pas son travail chez Pitney Bowes, mais on lui avait dit en fait de satisfaire la cliente.

            Quant à Pitney Bowes, elle avait besoin d'un opérateur sur ordinateur hautement qualifié et il a été jugé que le travailleur avait les compétences nécessaires. Le directeur indiquait au travailleur le travail qu'il devait accomplir et où il devait s'installer; il lui fournissait un poste de travail et les instruments de travail nécessaires et il vérifiait le résultat de son travail tant à l'égard de la forme que du contenu. Dans l'entente conclue avec l'appelante, il était stipulé que le travailleur avait « toute latitude au sujet de la façon dont les services devaient être fournis » , mais le directeur avait au besoin le droit d'examiner, de réviser et de contrôler la quantité et la qualité du travail effectué, puisque si Pitney Bowes n'était pas satisfaite, l'entente pouvait être résiliée ou le directeur pouvait refuser de signer la feuille de présence du travailleur. Le travailleur n'était pas un employé; mais il était « subalterne » .

            Quant au travailleur, il était envoyé à la cliente de l'appelante, Pitney Bowes, pour fournir les services à l'égard desquels il avait la compétence requise. On lui disait quoi faire, où travailler, et ce à quoi Pitney Bowes s'attendait; pour être rémunéré, le travailleur devait faire signer ses feuilles de présence par le directeur de Pitney Bowes; il devait aviser Pitney Bowes s'il s'absentait de son lieu de travail; il devait travailler pendant les heures de bureau de Pitney Bowes et il devait être disponible pour effectuer des heures supplémentaires. Le travailleur savait qu'il pouvait être mis fin à son emploi si Pitney Bowes n'était pas satisfaite de ses services, mais, apparemment, on ne lui avait pas dit qu'il avait « toute latitude au sujet de la façon dont » ses services devaient être fournis. Il devait obtenir la signature du directeur de Pitney Bowes avant de soumettre sa feuille de présence à l'appelante pour être payé.

[40]     J'examinerai maintenant les témoignages de chacun des travailleurs en cause en vue de trancher la question relative à la direction et au contrôle qu'exerçait un certain client de l'entreprise VML. Toutes les parties ont admis que chaque client de l'entreprise VML se réservait le droit d'établir des priorités, de changer l'orientation des travaux et de réviser les objectifs.

Christine Becher

[41]     Mme Becher a fourni ses services à la ICBC conformément à un contrat conclu verbalement entre elle et l'entreprise VML et celle-ci, en vue de satisfaire les obligations contractuelles découlant d'un accord conclu avec la ICBC (pièce A-2), s'était engagée à fournir un personnel pour exécuter les tâches définies afin de réaliser les objectifs établis. Les services qu'a fournis Mme Becher sont exposés en détail dans la liasse de documents (pièce A-5) et l'annexe A qui y est jointe indique clairement que Mme Becher travaillerait [traduction] « sous la direction du gestionnaire de projet, Sam van der Merwe » relativement à certains produits livrables dont il est fait mention dans l'annexe C. Mme Becher devait fournir ses services au cours de la période débutant le 16 décembre 1997 et se terminant le 30 juin 1998, mais elle a continué à travailler pour le compte de la ICBC jusqu'à la fin de 1999 et elle facturait ses services à l'entreprise VML, comme l'indique la liasse de factures déposée en preuve sous la cote A-6. Mme Becher a témoigné qu'elle pouvait travailler de son domicile, mais seulement s'il ne lui était pas nécessaire d'avoir un accès en ligne. Elle était tenue d'entretenir régulièrement des rapports avec Sherry Bennett, une employée de la ICBC, et Mme Becher consacrait la plupart de ses heures de travail à répondre aux besoins de la ICBC de manière à ce que l'entreprise VML puisse s'acquitter de ses obligations contractuelles. Lorsque le projet est passé de l'étape de conception à l'étape opérationnelle, les fonctions qu'assumait Mme Bennett ont été assignées à un autre employé de la ICBC. Mme Becher devait remplir une feuille de temps qu'elle remettait ensuite à un employé désigné de la ICBC. Même si Mme Becher avait accès au lieu d'affaires du client 24 heures sur 24, elle avait déduit que sa présence était requise lors de certaines réunions que prévoyaient des employés de la ICBC et que toute modification qu'elle apportait à son horaire de travail devait l'être en fonction des besoins de la ICBC de manière à ne pas compromettre les progrès à réaliser dans le cadre du projet précis en cours. Bien qu'elle n'ait pas été tenue d'obtenir une autorisation quelconque pour s'absenter de son travail à un jour précis, Mme Becher a déclaré qu'elle informait tout de même les employés de la ICBC de son intention de le faire tout simplement pour une question de courtoisie professionnelle. Mme Becher a témoigné qu'en fournissant ses services à la ICBC, elle pouvait mettre à contribution ses propres compétences et son propre jugement, mais qu'elle demeurait tout de même responsable d'accomplir certaines tâches, que l'on décrivait comme des produits livrables, sous la direction de Mark Mauger, l'employé de la ICBC nommé à titre de gestionnaire de projet. M. Carl a témoigné qu'il communiquait très peu avec M. Mauger, sauf lorsqu'il s'agissait de discuter du processus de facturation des heures que travaillaient les experts-conseils. Il a également déclaré que M. Mauger devait approuver les feuilles de temps de Mme Becher. De toute évidence, bien qu'elle n'ait pas été en soi une employée de la ICBC, elle était une subalterne et devait se conformer dans une large mesure aux rouages internes de ce client presque quotidiennement afin de réaliser les objectifs énoncés dans les contrats en cours conclus entre la ICBC et l'entreprise VML.

[42]     Après avoir tenu compte des facteurs pertinents portant sur l'aspect relatif à la direction et au contrôle, je suis convaincu que pendant toute la période pertinente, Mme Becher fournissait ses services sous la direction et le contrôle de la ICBC selon le sens général de cette expression composée pertinente pour permettre à la Cour de trancher cette question en litige.

Randy Prime

[43]     Le témoignage concernant ce travailleur a été présenté par David Carl qui a aussi témoigné qu'on avait fait appel aux services de Mme Becher en vue de remplacer M. Prime qui avait fourni ses services à la ICBC dans le cadre d'un certain projet. À ce moment-là, Mme Becher a succédé à ce travailleur pour rassembler du matériel aux fins d'élaboration d'un manuel de travail à l'intention des employés de la ICBC. Mme Becher a ultérieurement fourni d'autres services en raison de l'accroissement de ses tâches dans le cadre du projet de la ICBC. En ce qui concerne les services que fournissait M. Prime, M. Carl a indiqué que Derek Prout, un employé de la ICBC, était le gestionnaire de projet désigné. L'entreprise VML n'a fourni aucun autre élément de preuve concernant ce travailleur. Si l'on tient compte des faits qu'a présumés le ministre et de l'aveu de l'entreprise VML selon lequel la ICBC, en tant que cliente, se réservait le droit d'établir des priorités, de changer l'orientation des travaux et de réviser les objectifs, et si l'on prend en considération le libellé du contrat primordial (pièce A-2) conclu entre l'entreprise VML et la ICBC concernant la clause selon laquelle l'entreprise VML s'engageait à fournir du personnel en vue d'assurer la prestation de services, il n'y a aucune raison de contester la conclusion du ministre selon laquelle M. Prime travaillait sous la direction et le contrôle de la ICBC lorsqu'il fournissait ses services à l'intention de cette société.   

Richard Bird

[44]     Ce travailleur avait été fonctionnaire au gouvernement provincial de la Colombie-Britannique. Il a quitté cet emploi en vue de fournir ses services spécialisés à l'entreprise VML en vertu d'un accord selon lequel il exécutait ses tâches à titre d'entrepreneur indépendant et facturait ses services selon un taux horaire établi. M. Bird a témoigné que M. Ayres, un membre du personnel désigné de l'entreprise Cardinal, lui transmettait des directives dans le cadre du projet de vérification qui avait été mis en oeuvre pour le compte du Ministère. M. Bird fournissait ses services sur place, entre 8 h et 17 h, du lundi au vendredi. Des agents du Ministère formulaient certaines requêtes, et M. Bird a déclaré qu'il devait régulièrement assister à des réunions. Si certains jours, il devait s'absenter du travail, il en informait un employé de l'entreprise Cardinal, habituellement M. Ayres, mais il veillait également à obtenir l'approbation d'un agent du Ministère. M. Bird remettait sa feuille de temps à M. Ayres et soumettait aussi une facture à l'entreprise VML qu'il établissait en fonction de cette feuille de temps. De toute évidence, M. Bird, notamment en raison de son expérience en tant qu'ancien employé de la fonction publique, s'est rapidement plongé dans la routine quotidienne et s'est adapté au calendrier d'activités du Ministère. Un agent désigné lui transmettait des directives et, par ailleurs, il se conformait aux heures normales d'ouverture du bureau et respectait le protocole en vigueur lorsqu'il s'agissait d'obtenir une approbation pour s'absenter de son travail. Si l'on tient compte de tous les éléments de preuve pertinents en vue de trancher la question en litige, je conclus que M. Bird fournissait ses services sous la direction et le contrôle du Ministère puisqu'il s'agissait du client qui bénéficiait de ses services en vertu de l'entente commerciale conclue entre l'entreprise VML et l'entreprise Cardinal.   

Imer Shahini

[45]     M. Carl a témoigné que M. Shahini avait été un employé régulier de l'entreprise VML pendant la période où il a fourni ses services à l'entreprise Synertech dans le cadre d'un projet en particulier. Durant cette période, l'entreprise VML avait fourni à M. Shahini un ordinateur ainsi que l'accès à Internet. Plus tard, M. Shahini a accepté de modifier sa relation avec l'entreprise VML de manière à ce qu'il soit considéré au titre d'entrepreneur indépendant, mais il a continué à fournir ses services à l'entreprise Synertech en vue de mener à terme un projet qu'avait mis en oeuvre le Ministère. Le contrat (pièce A-4) conclu entre l'entreprise VML et la Synertech traite de la prestation de services de M. Shahini dans le cadre de ce projet en particulier et indique clairement que ce dernier était tenu de répondre aux exigences du Ministère, tel que le stipulait le contrat conclu avec la Synertech. M. Carl a témoigné qu'en vertu de ce nouvel accord, M. Shahini avait dû acheter son propre ordinateur et aménager un bureau à son domicile pour pouvoir faire des heures supplémentaires s'il le souhaitait. Cependant, les tâches principales sont demeurées les mêmes, et M. Shahini a continué de soumettre des feuilles de temps à la Synertech qui, à son tour, les soumettait au Ministère aux fins d'approbation et de paiement. L'une des modalités du contrat conclu entre l'entreprise VML et Synertech exigeait que l'entreprise VML se conforme à toutes les modalités qu'établissait le Ministère et que le travail qu'accomplissait M. Shahini pendant la période pertinente soit aussi conforme à ces modalités. Au premier paragraphe de la lettre (pièce A-4), l'entreprise VML et la Synertech conviennent qu'elles [traduction] « concluent un accord en vue de proposer les services de Imer Shahini en tant qu'entrepreneur qui fournira ses services sous la direction générale du gestionnaire des systèmes du Régime d'assurance-médicaments » . À mon avis, en vertu de cet accord, les parties reconnaissent que le Ministère avait le droit de diriger M. Shahini, le travailleur désigné et, implicitement, d'exercer un contrôle sur ce dernier.

Susan Trice

[46]     Susan Trice était une rédactrice technique que la Synertech a reconnue comme une personne suffisamment compétente pour travailler dans le cadre du projet du Régime d'assurance-médicaments. Elle a déclaré qu'elle rendait compte à divers employés du Régime d'assurance-médicaments et qu'à l'occasion, elle traitait directement avec un membre de la direction du Régime d'assurance-médicaments, au besoin. Les délais d'exécution avaient été établis par certains gestionnaires de la division, et Mme Trice rédigeait et mettait en forme des bulletins d'information que publiait et distribuait le Régime d'assurance-médicaments. Mme Trice a déclaré que même s'il n'y avait aucun horaire de travail établi, elle travaillait la plupart du temps sur place et que si elle voulait travailler en soirée, elle pouvait accéder à l'édifice en même temps que les employés du Ministère qui travaillaient pendant les quarts réguliers de soirée. Elle consignait ses heures de travail sur une feuille de temps qu'elle soumettait à la Synertech et, à compter du 1er mai 1999, elle en fournissait également une copie au membre désigné de la direction du Régime d'assurance-médicaments. Après avoir tenu compte de ces divers faits, je conclus que Mme Trice fournissait ses services sous la direction et le contrôle des gestionnaires du projet du Régime d'assurance-médicaments mis en oeuvre à l'échelle du Ministère.

Frank Trice

[47]     Ce particulier est entré en scène pour aider son épouse, Susan Trice, à accomplir le travail. Avant cela, Susan Trice avait dû obtenir l'approbation de M. Carl à l'entreprise VML ainsi que du gestionnaire de la Synertech et de la direction du projet du Régime d'assurance-médicaments. Frank Trice fournissait ses services en vue de produire certains manuels qu'avait préparés le Régime d'assurance-médicaments et savait qu'un total de 1 800 heures par année avait été établi en vertu du contrat concernant la prestation de services qu'avait signé Susan Trice. Frank Trice a témoigné qu'il n'avait aucun contact avec qui que ce soit à la Synertech et qu'il rendait compte au gestionnaire de projet du Régime d'assurance-médicaments quand bon lui semblait. Il a également admis que cet agent avait le droit d'établir des priorités quant au travail qu'il devait accomplir. Il a déclaré qu'il avait toujours été entendu que lui-même et son épouse exploitaient une entreprise en association faisant affaire sous le nom de Trice Technical Writing et que leur objectif consistait à s'assurer que [traduction] « le client, soit le Régime d'assurance-médicaments, était toujours satisfait » . Bien qu'il ait travaillé la plupart du temps à partir de son domicile, il assistait tout de même deux ou trois fois par semaine à des réunions prévues qui se tenaient pendant une partie de l'après-midi, sur le lieu d'affaires du Ministère, en vue de tenir des discussions avec un employé désigné concernant certains aspects du projet en cours. Il tenait à jour des feuilles de temps hebdomadaires et en soumettait une copie au Régime d'assurance-médicaments et à la Synertech.

[48]     Je suis convaincu que Frank Trice fournissait ses services sous la direction et le contrôle du gestionnaire de projet du Régime d'assurance-médicaments ainsi que d'autres agents du Ministère que l'on désignait quelquefois en vue de réaliser un objectif en particulier dans le contexte du projet dans son ensemble.

Michael Haas

[49]     M. Haas avait été un employé régulier de l'entreprise VML lorsqu'il travaillait en tant que participant à un Programme d'enseignement coopératif qu'offrait le Collège Camosun. Lorsqu'il a dû reprendre ses cours, M. Haas et M. Carl ont conclu un accord en vertu duquel M. Haas s'est engagé à fournir ses services selon différents horaires de travail de manière à ne pas compromettre son horaire de cours. À ce moment-là, M. Haas a accepté de fournir ses services à la BC Online par l'intermédiaire de l'entreprise VML à titre d'entrepreneur indépendant. M. Carl a témoigné que M. Haas fournissait ses services de la même manière que lorsqu'il était un employé, sauf qu'il avait accès à l'édifice après les heures normales d'ouverture. En ce qui concerne les tâches particulières qu'exécutait M. Haas pour le compte de l'entreprise VML tant à titre d'employé que, par la suite, à titre d'entrepreneur indépendant, M. Carl a déclaré qu'un autre employé de l'entreprise VML était présent sur le lieu d'affaires de la BC Online en vue de superviser le travail qu'accomplissait M. Haas. Aucune preuve indiquant qu'un autre employé ou un agent du gouvernement provincial était en contact de quelque façon que ce soit avec M. Haas concernant la prestation de ses services n'a été présentée, ce qui met l'entreprise VML dans une position selon laquelle elle dirigeait M. Haas et exerçait un contrôle sur ce dernier même après qu'il a commencé à fournir ses services dans le contexte de son tout nouvel esprit d'entreprise. Si l'employé désigné de l'entreprise VML était la personne qui dirigeait et exerçait un contrôle, alors il me semble qu'il est exagéré de conclure que M. Haas fournissait ses services sous la direction et le contrôle du gouvernement provincial, par l'intermédiaire de la BC Online, parce que selon la disposition pertinente du Règlement pris en application de la Loi, c'est le client qui doit assumer le rôle de supervision de façon directe de manière à se conformer au sens général de l'expression [traduction] « pour un client de l'agence et sous la direction et le contrôle de ce client » . Si l'entreprise VML est l'agence et que le gouvernement provincial est le client, mais que le seul contrôle exercé sur le travailleur est celui qu'exerce l'entreprise VML en vertu de l'accord de sous-traitance conclu avec M. Haas, alors il serait tout à fait illogique de conclure que le travailleur fournissait ses services sous la direction et le contrôle du client, l'élément essentiel requis pour constituer un emploi assurable en vertu du Règlement sur l'a.-e. Autrement, l'entreprise VML serait l'agence de placement et également un agent de son propre client en vue d'assurer le rôle de supervision du travail à accomplir. Je doute que l'intention de cette disposition soit celle de permettre que la direction et le contrôle soient exercés de cette façon. Je préfère laisser aux législateurs le soin d'apporter certaines précisions et je n'ai pas l'intention de brouiller les pistes en farfouillant ainsi.

[50]     Je conclus qu'en 1998 Michael Haas n'exerçait pas un emploi assurable dans le cadre de la prestation de ses services au gouvernement provincial.

[51]     La prochaine question à trancher consiste à savoir si les travailleurs exerçaient un emploi ouvrant droit à pension en vertu du Régime et aux termes de l'article 34 de son Règlement pris en application. J'ai établi que l'entreprise VML était une agence de placement, et cette conclusion s'applique à cette étape-ci de l'analyse des appels interjetés portant sur le RPC en prenant notamment compte du libellé du paragraphe 34(2) du Règlement applicable. Selon la preuve, il est clair que l'activité commerciale de l'entreprise VML consistait à placer des travailleurs qualifiés dans une situation où ils pouvaient mettre à contribution leurs compétences en échange d'une rémunération que leur versait l'entreprise VML. Pour sa part, l'entreprise VML, en garantissant un emploi à ces travailleurs (de manière à ce qu'ils puissent faire appel à leurs compétences), pouvait tirer un profit des efforts directs que déployaient les travailleurs dont les services étaient mis à la disposition d'un client. L'entreprise VML générait ses revenus en retenant la différence entre le taux horaire facturé au client pour les services que fournissait un travailleur et le montant moindre versé à ce travailleur pour ces services rendus.

[52]     Le paragraphe 34(1) du Règlement sur le RPC inclut un travailleur dans la catégorie d'un emploi ouvrant droit à pension si « les modalités régissant la fourniture des services et le paiement de la rémunération constituent un contrat de louage de services ou y correspondent » .

[53]     On doit garder à l'esprit que la relation qui fait l'objet d'un examen n'est pas celle qui existe entre un travailleur quelconque et l'entreprise VML puisque dans chaque cas, le ministre a déterminé qu'aucun des travailleurs n'était un employé de l'entreprise VML pour le motif qu'aucun d'entre eux n'a fourni ses services à l'entreprise VML ou à l'un ou l'autre de ses clients en vertu d'un contrat de louage de services. La question à laquelle il faut plutôt répondre consiste à savoir si les travailleurs fournissaient leurs services à un client de l'entreprise VML dans des circonstances qui « correspondent » à celles d'un contrat de louage de services, c'est-à-dire [traduction] « en partie semblable ou équivalent » , selon la définition que l'on fournit pour le mot « analogous » dans le Canadian Oxford Paperback Dictionary, Oxford University Press, 2000.

[54]     La Cour suprême du Canada, dans un arrêt récent, 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 983 (274 N.R. 366) - (Sagaz), se penchait sur une question de responsabilité du fait d'autrui et, dans l'analyse de diverses questions pertinentes, la Cour a également dû se pencher sur la question de savoir ce qui constitue un entrepreneur indépendant. Le jugement de la Cour a été rendu par le juge Major, qui a étudié l'évolution de la jurisprudence en ce qui concerne l'importance qu'elle accorde à la différence entre un employé et un entrepreneur indépendant relativement à la responsabilité du fait d'autrui. Après avoir cité les motifs du juge d'appel MacGuigan dans Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 ([1986] 2 C.T.C. 200) et le renvoi qu'il y fait au test d'organisation de lord Denning, ainsi que la synthèse du juge Cooke dans Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732, le juge Major, aux paragraphes 45 à 48 inclusivement de ses motifs, a affirmé ceci :

Enfin, un critère se rapportant à l'entreprise elle-même est apparu. Flannigan, [...] [ « Enterprise control: The servant-independent contractor distinction » (1987), 37 U.T.L.J. 25, à la page 29] énonce le [traduction] « critère de l'entreprise » selon lequel l'employeur doit être tenu responsable du fait d'autrui pour les raisons suivantes : (1) il contrôle les activités du travailleur, (2) il est en mesure de réduire les risques de perte, (3) il tire profit des activités du travailleur, (4) le coût véritable d'un bien ou d'un service devrait être assumé par l'entreprise qui l'offre. Pour Flannigan, chaque justification a trait à la régulation du risque pris par l'employeur, et le contrôle est donc toujours l'élément crucial puisque c'est la capacité de contrôler l'entreprise qui permet à l'employeur de prendre des risques. Le juge La Forest a lui aussi formulé un « critère du risque de l'entreprise » dans l'opinion dissidente qu'il a exposée relativement au pourvoi incident dans l'arrêt London Drugs. Il a écrit, à la p. 339, que « [l]a responsabilité du fait d'autrui a pour fonction plus générale de transférer à l'entreprise elle-même les risques créés par l'activité à laquelle se livrent ses mandataires. »

À mon avis, aucun critère universel ne permet de déterminer, de façon concluante, si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant. Lord Denning a affirmé, dans l'arrêt Stevenson Jordan, ([1952] 1 The Times L.R. 101), qu'il peut être impossible d'établir une définition précise de la distinction (p. 111) et, de la même façon, Fleming signale que [traduction] « devant les nombreuses variables des relations de travail en constante mutation, aucun critère ne semble permettre d'apporter une réponse toujours claire et acceptable » (p. 416).    Je partage en outre l'opinion du juge MacGuigan lorsqu'il affirme - en citant Atiyah, [...] [Vicarious Liability in the Law of Torts, Londres, Butterworths, 1967], p. 38, dans l'arrêt Wiebe Door, p. 563 - qu'il faut toujours déterminer quelle relation globale les parties entretiennent entre elles :

[traduction]    [N]ous doutons fortement qu'il soit encore utile de chercher à établir un critère unique permettant [page 1005] d'identifier les contrats de louage de services [...]    La meilleure chose à faire est d'étudier tous les facteurs qui ont été considérés dans ces causes comme des facteurs influant sur la nature du lien unissant les parties. De toute évidence, ces facteurs ne s'appliquent pas dans tous les cas et n'ont pas toujours la même importance. De la même façon, il n'est pas possible de trouver une formule magique permettant de déterminer quels facteurs devraient être tenus pour déterminants dans une situation donnée.

Bien qu'aucun critère universel ne permette de déterminer si une personne est un employé ou un entrepreneur indépendant, je conviens avec le juge MacGuigan que la démarche suivie par le juge Cooke dans la décision Market Investigations, précitée, est convaincante. La question centrale est de savoir si la personne qui a été engagée pour fournir les services les fournit en tant que personne travaillant à son compte. Pour répondre à cette question, il faut toujours prendre en considération le degré de contrôle que l'employeur exerce sur les activités du travailleur. Cependant, il faut aussi se demander, notamment, si le travailleur fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses assistants, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion et jusqu'à quel point il peut tirer profit de l'exécution de ses tâches.

Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n'y a pas de manière préétablie de les appliquer. Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l'affaire.

[55]     J'examinerai maintenant les faits en fonction du critère énoncé dans le jugement qu'a rendu le juge Major dans l'affaire Sagaz pour déterminer si les travailleurs ont fourni leurs services dans des circonstances qui correspondent à celles d'un contrat de louage de services.

Degré de contrôle

[56]     J'ai déjà discuté de ce critère lorsque j'ai conclu que l'entreprise VML était une agence de placement en raison des circonstances dans lesquelles les travailleurs fournissaient leurs services sous la direction et le contrôle des clients tout en étant rémunérés par l'entreprise VML pour ces services rendus. Il ne fait aucun doute qu'un certain degré de contrôle était exercé sur les différents travailleurs, mais dans l'ensemble les clients assumaient la direction de façon significative, notamment en exigeant que les travailleurs se conforment aux heures normales d'ouverture, qu'ils rendent compte à un agent désigné, qu'ils respectent les exigences d'obligation de rendre compte et la politique en vigueur à l'interne ainsi qu'ils respectent les échéanciers en fonction des priorités qu'établissait le client de temps à autre. Chaque travailleur visé par les cotisations qu'a établies le ministre en vertu du Régime possédait une compétence particulière et avait la capacité de travailler dans l'environnement où l'entreprise VML le plaçait avec l'accord du client, directement, ou par l'intermédiaire de l'entreprise Synertech et/ou de l'entreprise Cardinal, selon les circonstances. Selon la preuve qui m'a été présentée, la distinction entre l'un ou l'autre de ces travailleurs, à l'exception de Michael Haas, et de toute autre personne hautement qualifiée ayant le statut d'employé sur le lieu d'affaires du client où la plupart des services étaient fournis est minime. Toute différence à cet égard n'est pas suffisamment importante pour constituer un écart marqué de la norme applicable dans ce domaine d'expertise. Il se peut que parmi ces travailleurs, certains d'entre eux n'aient pas compris clairement quelle était l'entité qui avait le droit de mettre fin à leurs services. Cependant, tous comprenaient que leur fonction était de fournir leurs services de façon à satisfaire le client désigné dans un contrat en particulier en vertu duquel l'entreprise VML avait contracté des obligations.

Fourniture d'équipement et d'assistants

[57]     De toute évidence, lorsque M. Prime et Mme Becher ont fourni leurs services à la ICBC, ils n'ont fourni aucun équipement ou outil en particulier en vue d'exécuter leurs tâches. Mme Becher a témoigné qu'elle pouvait travailler de son domicile, mais seulement lorsqu'elle n'avait pas besoin d'accéder à Internet. Le travailleur Richard Bird occupait un espace sur le lieu d'affaires du Ministère et travaillait selon les heures normales d'ouverture du bureau. Imer Shahini fournissait ses services de la même manière que lorsqu'il avait été un employé de l'entreprise VML, et même s'il a aménagé un bureau à son domicile et acheté un ordinateur, il n'était pas autorisé à engager un assistant sans obtenir d'abord l'approbation de l'entreprise VML et du client. Susan Trice travaillait sur le lieu d'affaires du Ministère dans le cadre du projet du Régime d'assurance-médicaments, et c'est là qu'elle fournissait la plupart de ses services. Frank Trice et Susan Trice ont été autorisés à se partager les tâches qu'elle s'était engagée à exécuter en vertu du contrat conclu avec l'entreprise VML, mais cette convention a nécessité l'approbation des agents du Ministère. Frank Trice travaillait quelquefois de son domicile, mais il utilisait également les lieux, les installations et l'équipement du client. Quant à Michael Haas, il a continué de travailler à la BC Online de la même manière que lorsqu'il avait été un participant du Programme d'enseignement coopératif et un employé de l'entreprise VML, sauf qu'il pouvait établir son propre horaire de travail afin de ne pas compromettre son horaire de cours. La seule chose qu'il a dû fournir pour terminer le travail qu'il avait commencé avant qu'il reprenne ses cours au collège Camosun était lui-même.

Étendue des risques financiers et responsabilité en matière de mises de fonds et de gestion

[58]     Selon la preuve, je ne peux pas conclure que les travailleurs risquaient de subir des pertes financières. Aucun d'entre eux n'a été tenu d'investir pour fournir des services à un client. Comme je l'ai mentionné précédemment dans un autre contexte, chaque travailleur fournissait ses services sous la direction et le contrôle du client à divers degrés, et aucun d'entre eux n'a exercé une fonction de gestion dans le sens où on emploie ce terme dans un contexte commercial.   

Possibilité de tirer un profit dans l'exécution des tâches

[59]     Tous les travailleurs étaient rémunérés selon un taux horaire, et le client, par l'intermédiaire de l'entreprise VML, remboursait les dépenses engagées, le cas échéant. Certains travailleurs devaient travailler un nombre maximal d'heures qui pouvaient être consacrées au projet en cours. M. Carl a témoigné qu'il concluait au nom de l'entreprise VML seulement des contrats qui prévoyaient un taux horaire, et ce, en vue d'éviter de subir une perte. Quant aux travailleurs, aucun d'entre eux ne pouvait tirer un profit de la gestion adroite de ses tâches puisque les heures de travail étaient dans une certaine mesure limitées par les ententes contractuelles conclues entre l'entreprise VML et le client et parce que les travailleurs étaient rémunérés selon les feuilles de temps calculées en fonction des heures réellement travaillées. Aucun des travailleurs ne pouvait engager une autre personne pour exécuter les tâches à un taux inférieur et tirer ainsi un profit de l'écart. Cette possibilité de générer un profit relevait du domaine de l'entreprise VML et, dans une large mesure, cet écart dans les taux horaires constituait le moyen grâce auquel la société générait des revenus. Les travailleurs ne pouvaient pas traiter directement avec le client en vue de négocier un paiement ou des profits plus élevés puisqu'ils n'y étaient pas autorisés en raison de l'accord qu'ils avaient conclu avec l'entreprise VML ou avec un intermédiaire tel que l'entreprise Synertech ou l'entreprise Cardinal. Il n'existait aucun lien contractuel entre l'un ou l'autre des travailleurs et le client et, hormis le fait que les clients s'assuraient de payer les factures que l'entreprise VML leur soumettait, ils n'étaient pas tenus de s'assurer que les travailleurs percevaient une rémunération en échange de leurs services. Dans la mesure où il était nécessaire, dans les présents appels, de déterminer si les travailleurs ont fourni leurs services à la ICBC, au Ministère ou à tout autre client en vertu d'un contrat de louage de services plutôt qu'en vertu d'un contrat d'entreprise, il n'y a guère de preuve qui appuie l'allégation selon laquelle l'un ou l'autre d'entre eux a fourni des services en tant que personne exploitant une entreprise à son compte. C'est la relation qui existait entre les travailleurs pertinents et le client particulier qui fait l'objet d'un examen puisque le ministre a reconnu qu'aucun contrat de louage de services n'a jamais été conclu entre l'un ou l'autre des travailleurs et l'entreprise VML pendant la période pertinente.

[60]     Après avoir tenu compte de la preuve et après avoir appliqué les principes exposés dans l'affaire Sagaz, précitée, je conclus que chaque travailleur, que ce soit pendant l'année 1998 ou l'année 1999, fournissait ses services à un client de l'entreprise VML conformément à des modalités et dans des circonstances générales qui correspondaient à celles d'un contrat de louage de services et, dans chaque cas, c'est l'entreprise VML qui rémunérait les travailleurs.

[61]     Il ne m'a pas été nécessaire de trancher la question suivante pour que je puisse statuer sur les présents appels, mais il est fort probable que dans les cas où un travailleur était désigné pour fournir des services à l'entreprise Cardinal ou à l'entreprise Synertech plutôt que d'être placé directement chez un client, tel que la ICBC ou la BC Online, même si l'entreprise VML demeure une agence de placement pour l'application du Règlement sur l'a.-e. et du Règlement sur le RPC, respectivement, le client est soit l'entreprise Cardinal, soit l'entreprise Synertech. Lorsque ces dernières plaçaient certains travailleurs au Ministère, elles pouvaient, à leur tour, être considérées comme des agences de placement aux termes des Règlements pertinents relatifs aux emplois assurables et ouvrant droit à pension.

[62]     L'appel numéro 2002-687(EI) qu'a interjeté l'entreprise VML à l'encontre de la décision du ministre datée du 18 janvier 2002 et qui confirme une cotisation établie précédemment en vertu de la Loi est admis et la décision est modifiée pour qu'il soit tenu compte de ce qui suit :

Michael Haas n'a pas fourni ses services sous la direction et le contrôle du client, soit le gouvernement provincial de la Colombie-Britannique ou de son organisme gouvernemental, la BC Online, et, par conséquent, il n'exerçait pas un emploi assurable aux termes de l'alinéa 6g) du Règlement sur l'assurance-emploi.

[63]     L'appel portant le numéro 2002-685(EI) qu'a interjeté Christine Becher à l'encontre de ladite cotisation est par la présente rejeté et la décision du ministre est confirmée.

[64]     L'appel portant le numéro 2002-688(CPP) qu'a interjeté l'entreprise VML est rejeté et la décision du ministre est confirmée.

[65]     L'appel portant le numéro 2002-686(CPP) qu'a interjeté Christine Becher est rejeté et la décision du ministre est confirmée.

[66]     Il est à espérer que Gord Hawes de l'ADRC qui a établi que Mme Becher n'était pas une employée de l'entreprise VML pendant les années 1998 et 1999 (voir pièce A-1) trouvera le temps de s'entretenir avec G. Kanelles également de l'ADRC qui a établi, pour sa part, que Mme Becher était une employée de l'entreprise VML et qui, par voie d'une lettre (pièce A-7) datée du 21 mars 2001, a demandé à ce que Mme Becher obtienne de l'entreprise VML le feuillet T2200 requis (qui s'applique à un employé) de manière à ce qu'elle puisse réclamer certaines dépenses qu'elle a engagées dans le cadre de son travail.

Signé à Victoria (Colombie-Britannique), ce 7e jour de juin 2003.

« D. W. Rowe »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme,

ce 29e jour de mars 2004.

Nancy Bouchard, traductrice


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