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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

DEMANDE PRÉSENTÉE EN VERTU DE L'ARTICLE 305 DE LA

LOI SUR LA TAXE D'ACCISE(APPEL)

2001-1784(GST)APP

ENTRE :

106850 CANADA INC.,

requérante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Demande entendue le 27 novembre 2001 à Montréal (Québec), par

l'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Avocat de la requérante :            Me Roger Vokey

Avocat de l'intimée :                   Me Gérald Danis

ORDONNANCE

          Vu la demande présentée afin d'obtenir une ordonnance prolongeant le délai dans lequel peut être interjeté un appel à l'encontre de la cotisation PL-99184 en date du 23 juin 1999 établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise;

          Et vu les allégations des parties;

          La demande est rejetée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2001.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de mai 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20011205

Dossier: 2001-1784(GST)APP

ENTRE :

106850 CANADA INC.,

requérante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

La juge Lamarre, C.C.I.

[1]      La présente demande faite à notre cour en vertu de l'article 305 de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ) vise à obtenir une ordonnance prolongeant le délai dans lequel un appel peut être interjeté en vue de faire annuler la cotisation PL-99184 en date du 23 juin 1999 établie en vertu de la Loi.

[2]      L'intimée s'oppose à ce que soit rendue une telle ordonnance, et ce, pour les raisons suivantes (extraites textuellement de la réplique de l'intimée à la demande) :

[TRADUCTION]

1.      Le 15 juin 1999, l'intimée a envoyé à la requérante une lettre d'intention disant qu'une cotisation allait être délivrée par suite d'une opération entre la requérante et 130231 Canada Inc., société liée, laquelle lettre a été expédiée à l'adresse de la requérante, à savoir : 7965, boul. Décary, Montréal.

2.      Le 23 juin 1999, un avis de nouvelle cotisation PL-99184 à l'égard de la requérante a été délivré, à la même adresse que dans le cas de la lettre d'intention, en vertu du paragraphe 325(2) de la Loi sur la taxe d'accise [L.R.C. 1985, ch. E-15], dans sa forme modifiée (la « LTA » ), et ce, par suite d'un transfert et / ou d'une opération entre la requérante et 130231 Canada Inc., société liée, concernant un immeuble situé au 1595, boul. Des Laurentides, à Laval.

3.      La requérante n'a pas fait opposition à ladite cotisation dans le délai de 90 jours prévu au paragraphe 301(1.1) de la LTA; en vertu du paragraphe 303(1) de la LTA, elle a demandé au ministre une prolongation du délai pour faire opposition - 155 jours après la mise à la poste de ladite cotisation - par des documents signés le 24 novembre 1999 et le 3 décembre 1999, à savoir un avis d'opposition et une lettre indiquant que l'adresse de la requérante correspondait à l'adresse à laquelle avaient été envoyés la lettre d'intention et l'avis de cotisation.

4.      Les raisons données par la requérante pour demander une prolongation du délai pour faire opposition étaient que le seul administrateur et propriétaire de la requérante était hors du pays et qu'il n'avait donc pu donner un mandat à son avocat.

5.      Le 17 mars 2000 ou vers cette date, le ministre a fait droit à la demande de prolongation du délai pour faire opposition, l'avis d'opposition étant considéré comme déposé à ladite date en vertu du paragraphe 303(6) de la LTA.

6.      Le 9 novembre 2000, a été rendue au sujet de l'opposition une décision ratifiant l'avis de cotisation du 23 juin 1999; le document faisant état de cette décision a été envoyé à l'adresse de la requérante, à savoir : 7965, boul. Décary, Montréal.

7.      Une copie de ladite décision relative à l'opposition a également été envoyée le 9 novembre 2000 aux avocats de la requérante Gross Pinsky, c'est-à-dire à Me Roger Vokey, avocat de la requérante à l'étape de l'opposition et dans la demande considérée en l'espèce.

8.      Néanmoins, la requérante n'a pas interjeté appel dans les 90 jours de ladite décision, et c'est seulement le 16 mai 2001, c'est-à-dire 188 jours après ladite décision relative à l'opposition, que les avocats de la requérante ont présenté la demande considérée en l'espèce.

9.      Jamais depuis 1999 la requérante n'a fait savoir qu'elle avait une adresse différente de l'adresse utilisée par l'intimée ou qu'elle avait une autre adresse d'entreprise au Canada.

10.    L'intimée soutient que la demande présentée afin d'obtenir une ordonnance prolongeant le délai pour interjeter appel devrait être rejetée pour les raisons suivantes :

        a)        la requérante n'a pas démontré comment elle entre dans le cadre de l'alinéa 305(5)b) de la LTA (principale raison);

        b)        après avoir produit en retard son avis d'opposition, la requérante n'a pris aucune mesure simple, normale et raisonnable pour veiller à ce que des lettres importantes soient examinées dans un délai raisonnable, alléguant de nouveau, cette fois concernant la demande considérée en l'espèce, qu'elle était en retard parce que son seul administrateur et propriétaire était en Chine et qu'il n'a été mis au courant de la décision relative à l'opposition qu'en février 2001, prétendument;

        c)        les avocats de la requérante ont tardé à agir ou à présenter une demande à cette cour, alors qu'ils avaient depuis le 9 novembre 1999 le document faisant état de la décision relative à l'opposition;

        d)        la requérante ne peut alléguer sa propre négligence et son manque d'ordre dans ses affaires commerciales pour être excusée de ne pas avoir interjeté appel avant l'expiration du délai de 90 jours;

        e)        après avoir produit en retard son avis d'opposition, la requérante n'a pris aucune mesure simple, normale et raisonnable pour s'assurer qu'elle avait mandaté quelqu'un pour veiller à ce que soient prises des mesures importantes et préventives concernant les affaires commerciales de la requérante;

        f)         en négligeant ainsi ses affaires, la requérante ne montre pas qu'elle a en fait été incapable d'agir dans le délai de 90 jours et complètement incapable de mandater quelqu'un pour agir en son nom;

        g)        au 5 février 2001, d'après le paragraphe 4 de la demande considérée en l'espèce, la requérante n'avait même pas déterminé si elle allait faire appel de la cotisation : [TRADUCTION] « [...] le dirigeant [...] n'a reçu une copie [...] que le 5 février 2001 [...] un représentant de la requérante désirait comprendre les options [...] » ;

        h)        vu la façon dont la requérante a mené ses affaires commerciales avant et depuis la délivrance de l'avis de cotisation, il ne serait pas juste et équitable de faire droit à la demande, car cela indiquerait que la Cour ne considère pas que la requérante avait l'obligation d'agir comme l'aurait fait une personne raisonnable;

        i)         la requérante n'a pas présenté la demande considérée en l'espèce dès que les circonstances le permettaient parce qu'elle a pris 69 jours après qu'elle aurait pris avis de la décision relative à l'opposition, n'invoquant ainsi aucune raison valable comme des retards liés aux services téléphoniques et postaux, malgré le fait que la demande pouvait être présentée et a été présentée par les avocats de la requérante et qu'aucun affidavit n'était nécessaire.

11.    L'intimée conteste également tous les énoncés de fait de la requérante concernant la demande considérée en l'espèce et interrogera le représentant de la requérante sur l'ensemble de ces événements.

[3]       M. Shu Qin Gu, qui agit apparemment en tant que représentant de la requérante, habite en Chine et n'est pas venu au Canada pour témoigner. Son avocat, qui était présent à l'audience, a déposé un affidavit prétendument signé en Chine par M. Shu Qin Gu devant un commissaire à l'assermentation. Au paragraphe 20 de cet affidavit, M. Shu Qin Gu dit ce qui suit :

[TRADUCTION]

Je n'ai reçu une copie de ladite décision relative à l'opposition qu'au début de février, c'est-à-dire vers le 5 février 2001, à cause du fait que - moi qui suis le représentant de 106850 Canada Inc. - j'habite à Beijing, en Chine (immeuble 35, appartement 1104, zone 3, district Majapu, Jiayauan Fengtai) et que la correspondance entre la Chine et le monde extérieur est fréquemment interrompue pour diverses raisons, notamment parce qu'il y a eu en l'occurrence une fermeture complète de la Chine pendant deux semaines au cours du Nouvel An, c'est-à-dire au mois de janvier 2001, et qu'il y a normalement une congestion des communications durant la période de Noël, de sorte que je n'ai été mis au courant de la décision relative à l'opposition que vers ladite date du 5 février 2001.

[4]       L'affidavit n'était pas dans le dossier de la Cour, et l'avocat de l'intimée a informé la Cour que l'affidavit n'avait jamais été signifié à l'intimée. Néanmoins, l'avocat de la requérante a dit qu'il avait lui-même déposé auprès de notre cour l'affidavit et la demande de prolongation du délai pour interjeter appel, ainsi que l'avis d'appel.

[5]       L'avocat de l'intimée s'oppose au dépôt de cet affidavit parce que celui-ci n'a pas été valablement signifié et qu'il ne répond pas aux exigences des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (les « Règles » ), car la signature est en chinois, l'affidavit n'est pas daté, et aucun élément de preuve n'indique que l'affidavit a été signé devant un commissaire à l'assermentation ou un fonctionnaire judiciaire en Chine.

[6]       À première vue, j'étais tentée d'accepter l'affidavit comme constituant une preuve quant aux raisons pour lesquelles le représentant de la requérante n'avait pu enjoindre à l'avocat de la requérante d'interjeter appel avant le mois de février 2001 (date à laquelle il a apparemment été mis au courant de la décision du ministre datée du 9 novembre 2000). Le fait que M. Shu Qin Gu habite en Chine et le fait qu'il est le seul représentant de la requérante sont assurément des circonstances exceptionnelles dans lesquelles un affidavit pourrait être autorisé par notre cour (en vertu de l'article 71 des Règles), notamment dans le cas d'une demande de prolongation de délai.

[7]       Toutefois, aucun élément de preuve n'indique que l'affidavit en question a été signé devant un fonctionnaire judiciaire en Chine ou une personne faisant partie de l'une des autres catégories de personnes énumérées à l'article 52 de la Loi sur la preuve au Canada. De plus, l'affidavit n'est pas daté et ne répond donc pas aux exigences de l'article 19 des Règles. Il ne répond pas non plus aux exigences de l'article 91 du Code de procédure civile du Québec, qui se lit comme suit :

91. Tout affidavit doit être rédigé à la première personne, et être divisé en paragraphes numérotés consécutivement.

Il doit y être fait mention des noms, profession et adresse précise du déclarant.

Le jour et le lieu de l'attestation doivent être insérés dans le jurat.

L.R.Q., 1977, ch. C-25

L'omission de se conformer à ces exigences constitue des motifs suffisants pour ne pas accepter un affidavit (voir par exemple l'affaire Caron c. Tribunal du travail, [1976] C.S. 864, dans laquelle un affidavit n'a pas été accepté parce que la « commission du commissaire à l'assermentation » n'avait pas été mentionnée, et l'affaire Syndicat des travailleurs de Commonwealth Plywood (C.S.N.) c. Commonwealth Plywood Compagnie Limitée, [1979] C.S. 905, dans laquelle un affidavit non daté n'a pas été accepté). Il m'est donc difficile dans les circonstances d'accorder beaucoup de poids à l'affidavit considéré en l'espèce.

[8]       De plus, même si je devais accepter cet affidavit tel quel, je ne conclus pas qu'il est suffisant pour justifier une prolongation de délai en vertu du paragraphe 305(5) de la Loi, qui se lit comme suit :

(5) Acceptation de la demande - Il n'est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

     a) la demande a été présentée dans l'année suivant l'expiration du délai d'appel par ailleurs imparti;

     b) la personne démontre ce qui suit :

        (i) dans le délai d'appel par ailleurs imparti, elle n'a pu ni agir ni mandater quelqu'un pour agir en son nom, ou avait véritablement l'intention d'interjeter appel,

        (ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l'espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

        (iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient,

        (iv) l'appel est raisonnablement fondé.

[9]     Bien que l'alinéa 305(5)a) ne soit pas en cause, l'intimée est d'avis que la requérante n'a pas démontré qu'il avait été satisfait à toutes les conditions requises par l'alinéa 305(5)b) pour qu'il soit fait droit à la demande.

[10] Après avoir examiné les documents dont j'ai été saisie, je suis d'accord avec l'avocat de l'intimée.

[11] Je conclus que le représentant de la requérante n'a pas démontré, par son affidavit ou autrement, qu'il n'avait pu agir ou mandater quelqu'un pour agir au nom de la requérante ou que celle-ci avait véritablement l'intention d'interjeter appel dans le délai d'appel par ailleurs imparti par la Loi. En fait, la requérante avait eu les mêmes problèmes à l'étape de l'opposition. M. Shu Qin Gu savait qu'une cotisation avait été établie à l'égard de la requérante et il a tardé à faire opposition à cette cotisation. Le ministre n'était pas contre une prolongation du délai pour déposer un avis d'opposition et en a avisé la requérante le 17 mars 2000, acceptant ainsi de traiter de cette opposition. À partir de ce moment-là, la requérante était au courant qu'une décision sur son opposition devait être rendue par le ministre. Cette décision a été rendue le 9 novembre 2000, le document qui en faisait état a été expédié à l'adresse de la requérante à Montréal, et une copie de ce document a été envoyée à l'avocat de la requérante.

[12] L'avocat de la requérante a dit que M. Shu Qin Gu l'avait contacté à la fin de février 2001 après avoir appris cette décision. À mon avis, comme la requérante savait qu'une décision du ministre était imminente et comme elle était au courant de retards attribuables au fait que son représentant vivait en Chine, elle aurait dû enjoindre à son avocat d'appeler M. Shu Qin Gu dès après la décision pour recevoir des instructions à cet égard. Cela n'a manifestement pas été fait. Aucun élément de preuve n'indique qu'il y avait quelqu'un qui s'occupait du problème fiscal de la requérante au Canada. La preuve montre plutôt que la requérante a été inattentive aux exigences de la Loi, tout particulièrement en matière de délais. Je ne pense donc pas que la requérante puisse dire qu'elle était incapable de mandater son avocat pour agir en son nom après que, le 9 novembre 2002, la décision fut rendue ou qu'elle avait véritablement l'intention d'interjeter appel dans le délai d'appel par ailleurs imparti par la Loi.

[13] De plus, même si je devais accepter le fait que la requérante n'a pu agir ou mandater quelqu'un pour agir en son nom avant le mois de février 2001, je ne suis pas convaincue que la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient. En fait, la demande n'a été présentée que le 16 mai 2001, c'est-à-dire six mois après que l'avis de décision a été délivré et trois mois après que la requérante est devenue au courant de cette décision. L'avocat de la requérante a expliqué ce retard en disant que la requérante lui avait enjoint de rédiger un document et de l'envoyer à M. Shu Qin Gu en Chine, lequel document n'a été reçu par M. Shu Qin Gu qu'au début d'avril 2001 et a été renvoyé au Canada au début de mai 2001. Aucune partie de cette information n'est attestée par un document ou un autre élément de preuve fiable. Ces renseignements ne sont même pas mentionnés dans l'affidavit de M. Shu Qin Gu. Il est difficile dans les circonstances de se fonder sur une telle explication.

[14] Je conclus donc que la requérante n'a pas démontré selon la prépondérance des probabilités qu'elle avait pris toutes les mesures pertinentes exigées par la Loi pour que lui soit accordée une prolongation du délai pour déposer son avis d'appel conformément à l'article 305 de la Loi.

[15] La demande présentée afin d'obtenir une ordonnance prolongeant le délai pour déposer un avis d'appel est rejetée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de décembre 2001.

« Lucie Lamarre »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de mai 2003.

Mario Lagacé, réviseur


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