Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2001-2212(IT)I

ENTRE :

BJORN FRIBERG,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 1er octobre 2001 à Saskatoon (Saskatchewan) par

l'honorable juge suppléant Michael H. Porter

Comparutions

Pour l'appelant :                                            L'appelant lui-même

Pour l'intimée :                                              Raj Sharma (stagiaire)

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Calgary (Alberta), ce 12e jour de novembre 2001.

« Michael H. Porter »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de mai 2003.

Mario Lagacé, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20011112

Dossier: 2001-2212(IT)I

ENTRE :

BJORN FRIBERG,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant PORTER, C.C.I.

Introduction

[1]      L'appel en l'instance a été entendu à Saskatoon (Saskatchewan) le 1er octobre 2001.

[2]      L'appelant, le contribuable, cherche à déduire de son revenu de professeur de mathématiques à l'Université de la Saskatchewan le plein montant des pertes provenant de son entreprise agricole subies en 1996 et 1997. Dans le calcul de son revenu pour ces années d'imposition, l'appelant a déduit des montants de 33 790,92 $ et de 25 955,33 $ respectivement comme pertes provenant d'une entreprise agricole et il a appliqué ces pertes contre ses revenus de 70 826,88 $ et de 67 750,08 $ provenant de son emploi à l'Université.

[3]      Dans des avis de nouvelle cotisation datés du 26 juillet 1999, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a, entre autres, restreint les pertes provenant d'une entreprise agricole au sens du paragraphe 31(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), L.R.C. (1985) ch. 1 (5e suppl.) à un montant de 8 750,00 $ par année.

[4]      L'appelant a déposé des avis d'opposition aux nouvelles cotisations et le ministre a ratifié ces nouvelles cotisations le 20 mars 2001 dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

Votre principale source de revenu pour les années d'imposition 1996 et 1997 n'était pas l'agriculture ni une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source. Par conséquent, en vertu du paragraphe 31(1), votre perte provenant d'une entreprise agricole est de 8 750,00 $ pour 1996 et de 8 750,00 $ pour 1997, et ce, aux fins des articles 3 et 111.

[5]      C'est de cette décision dont l'appelant interjette le présent appel.

Le droit

[6]      La décision de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt La Reine c. Donnelly, [1998] 1 C.F. 513 (220 N.R. 392) constitue le précédent jurisprudentiel le plus récent relatif à cet article de la Loi. L'appelant a désapprouvé cette décision. Néanmoins, celle-ci lie notre cour et je dois m'appuyer sur elle. Il est plutôt ironique que l'affaire Donnelly, comme c'est le cas en l'espèce, portait sur une perte provenant d'une entreprise agricole, soit une entreprise d'élevage de chevaux.

[7]      Le juge Robertson a affirmé au nom de la Cour :

Selon l'arrêt Moldowan, le contribuable doit satisfaire à deux critères pour avoir gain de cause. Il doit démontrer, en premier lieu, que son exploitation agricole avait une « expectative raisonnable de profit » et, en second lieu, que l'agriculture est sa « principale source de revenu » (communément appelé l'agriculteur « à temps complet » ). Si le contribuable est incapable de satisfaire au premier critère, il ne peut déduire aucune perte (communément appelé l'agriculteur « amateur » ). S'il satisfait au premier critère mais pas au second, il peut déclarer une perte agricole restreinte de 5 000 $ (maintenant 8 500 $) par application de l'article 31 de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63 (mod. par S.C. 1973-74, ch. 14, art. 7; 1979, ch. 5, art. 9; 1988, ch. 55, art. 16)] (communément appelé l'agriculteur « à temps partiel » ).

[8]      Je pense que l'on peut dire à juste titre que le ministre, comme dans l'affaire Donnelly, a admis, en l'espèce, que l'entreprise agricole donnait lieu à une expectative raisonnable de profit, sinon il aurait refusé complètement la déduction des pertes.

[9]      Le juge Robertson a continué comme suit :

... Le ministre prétend maintenant que le tribunal d'instance inférieure a rendu une décision erronée à cet égard. Je suis d'accord avec lui. À mon avis, le juge de la Cour de l'impôt n'a pas tenu compte de la différence qui existe entre le critère à appliquer pour déterminer si l'agriculture est la principale source de revenu d'un contribuable et le critère à appliquer pour déterminer si un contribuable a une expectative raisonnable de profit. Quand on envisage la question sous cet angle, on comprend facilement pourquoi le ministre était prêt à admettre ce dernier point. Ainsi qu'il est expliqué un peu plus loin, le critère juridique applicable pour déterminer si l'agriculture est la principale source de revenu d'un contribuable est plus exigeant sur le plan de la preuve.

et

... Pour déterminer si l'agriculture est la principale source de revenu d'un contribuable, il faut établir une comparaison favorable entre cette source de revenu et l'autre source de revenu du contribuable sous l'angle des capitaux investis, du temps consacré à chacune et de la rentabilité présente et future. Il s'agit d'un critère à la fois relatif et objectif. Ce n'est pas une simple question de proportion. Ces trois facteurs doivent être soupesés et aucun d'eux n'est décisif. Malgré tout, il ne saurait y avoir de doute que le facteur de la rentabilité est le principal obstacle auquel se heurtent les contribuables qui cherchent à convaincre les tribunaux que l'agriculture est leur principale source de revenu. Il en est ainsi parce que les contribuables ont la charge de prouver que le revenu net qu'ils pourraient raisonnablement s'attendre de tirer de l'agriculture est considérable par rapport à leur autre source de revenu : il s'agit invariablement d'un revenu d'emploi ou de profession libérale. Si la règle de droit était différente, la Cour de l'impôt n'aurait aucun moyen d'établir une comparaison entre les montants relatifs censés être tirés de l'agriculture et de l'autre source de revenu, ainsi que le prévoit l'article 31 de la Loi. J'approfondirai un peu plus loin la question de la mesure dans laquelle le fardeau de preuve pour ce qui est de la rentabilité diffère de celui qui régit l'expectative raisonnable de profit.

En résumé, les capitaux investis, le temps consacré à l'activité et la rentabilité sont les facteurs cumulatifs qui détermineront si l'agriculture sera considérée comme une « entreprise secondaire » visée par les dispositions relatives à la perte agricole restreinte. Ces principes directeurs découlent des décisions suivantes : Moldowan (supra); Timpson (R.) c. M.R.N., [1993] 2 C.T.C. 55 (C.A.F.); Succession Poirier (B.) c. Canada, [1992] 2 C.T.C. 9 (C.A.F.); Connell (J.P.) c. M.R.N., [1992] 1 C.T.C. 182 (C.A.F.); Roney (C.H.) c. M.R.N., [1991] 1 C.T.C. 280 (C.A.F.); Morrissey c. Canada, [1989] 2 C.F. 418 (C.A.); Gordon (R.T.) c. La Reine, [1986] 2 C.T.C. 280 (C.F. 1re inst.); Mott (P.S.) c. M.R.N., [1988] 2 C.T.C. 127 (C.F. 1re inst.); et Mohl (G.) c. Canada, [1989] 1 C.T.C. 425 (C.F. 1re inst.).

[10]     Il a ajouté :

Cette constatation m'amène inexorablement à mon troisième point : le contribuable a reconnu qu'il avait besoin de son revenu provenant de l'exercice de la médecine pour vivre et financer l'achat de nouveaux chevaux et d'autres aspects de ses activités d'élevage (supra, à la page 216). Dans ces circonstances, il est difficile de voir comment on peut considérer le contribuable comme un homme ayant modifié son orientation professionnelle. On ne saurait nier que le contribuable consacrait énormément de temps à l'élevage des chevaux, mais ce facteur quantitatif, pris isolément, ne reflète pas fidèlement la réalité, savoir que le contribuable dépendait financièrement de l'exercice de la médecine, qui était son principal gagne-pain.

L'analyse du facteur de la rentabilité permet de dissiper les doutes qui subsistent quant à savoir si la principale source de revenu d'un contribuable est l'agriculture. Il existe une différence entre le genre de preuve qu'un contribuable doit produire concernant la rentabilité en vertu de l'article 31 de la Loi et le genre de preuve applicable à l'expectative raisonnable de profit. Dans ce dernier cas, le contribuable n'a qu'à démontrer qu'il a ou avait une expectative de profit, que ce soit un dollar ou un million de dollars. Il est bien établi en droit fiscal que les termes « expectative raisonnable de profit » et « expectative de bénéfices raisonnables » ne sont pas synonymes. En ce qui concerne la rentabilité prévue à l'article 31, toutefois, le montant est pertinent parce qu'il permet de comparer un revenu agricole potentiel avec le revenu que le contribuable a effectivement tiré de l'autre occupation. Autrement dit, nous cherchons des éléments de preuve de nature à appuyer une conclusion d'expectative raisonnable de bénéfices « considérables » en provenance de l'agriculture.

[11]     Il a ajouté :

Il ne fait aucun doute que la perte de M. Rankin et les modifications qui ont été apportées aux lois fiscales américaines ont eu un effet négatif et inattendu sur l'entreprise, mais le contribuable n'a fourni aucun élément de preuve sur les bénéfices qu'il aurait pu réaliser si ces événements ne s'étaient pas produits ni sur la question de savoir si le montant aurait été jugé considérable par rapport à son revenu de profession libérale. Le contribuable ne pouvait pas se contenter d'affirmer qu'il pourrait avoir réalisé un bénéfice. Il aurait dû fournir assez d'éléments de preuve pour permettre au juge de la Cour de l'impôt d'évaluer à combien ce bénéfice aurait pu s'élever.

[12]     Finalement, il a affirmé ceci :

Il est bien établi que l'article 31 de la Loi vise à empêcher les « gentlemen-farmers » qui disposent d'un revenu considérable de déduire la totalité des pertes agricoles qu'ils subissent : voir l'arrêt Morrissey c. Canada, supra, aux pages 420 à 423. Plus souvent qu'autrement, cet arrêt est invoqué par les agriculteurs qui sont disposés à poursuivre l'exploitation de leur entreprise en demeurant ouvertement indifférents aux pertes subies. Concrètement et sur le plan juridique, ces agriculteurs sont des agriculteurs amateurs, mais le ministre leur accorde la déduction limitée prévue à l'article 31 de la Loi. Ces affaires concernent presque toujours des éleveurs de chevaux qui achètent ou élèvent des chevaux en vue de les faire courir. En vérité, ces entreprises ont rarement même une expectative raisonnable de profit, encore moins les éléments essentiels pour constituer la principale source de revenu de leur propriétaire.

Peut-être bien qu'en droit fiscal il faut établir une distinction entre le fermier qui va à la ville et le citadin qui va à la campagne. Les personnes qui insisteront à l'avenir pour obtenir un allégement fiscal dans des circonstances semblables aux circonstances de l'espèce devraient le faire par les voies législatives et non par l'entremise de la Cour canadienne de l'impôt. Le système judiciaire ne peut plus se permettre d'encourager les contribuables ou leurs avocats à engager de telles poursuites dans l'attente du triomphe de l'espoir sur l'expérience.

En résumé, la question de savoir si l'agriculture est la principale source de revenu d'un contribuable dépend de l'effet cumulatif de trois facteurs fondamentaux : les capitaux investis, le temps consacré à l'exploitation agricole et la rentabilité. À mon avis, le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur dans son appréciation de la preuve (les conclusions qui ont été tirées en fonction des faits acceptés) qui lui a été soumise du point de vue à la fois du changement d'orientation professionnelle du contribuable et de la rentabilité potentielle de l'entreprise d'élevage de chevaux. Compte tenu du fait qu'aucun facteur n'est décisif et des conclusions de fait fondamentales que le juge de la Cour de l'impôt a tirées, je conclus que la principale source de revenu du contribuable au cours des années en question était l'exercice de la médecine. L'élevage des chevaux était purement une entreprise secondaire. Par conséquent, je suis d'avis d'accueillir l'appel avec dépens dans cette Cour et dans le tribunal d'instance inférieure, d'annuler le jugement du juge de la Cour de l'impôt et de confirmer les nouvelles cotisations établies par le ministre pour les années d'imposition en question.

[13]     En résumé, je dois me concentrer sur « les capitaux investis, le temps consacré à l'exploitation agricole et la rentabilité » . Dans une certaine mesure, je dois dire que l'on doit faire preuve de bon sens lorsque l'on tient compte de tous les facteurs et que l'on s'arrête afin d'examiner la situation dans son ensemble, lorsque l'on veut savoir si la source principale de revenu est le revenu agricole ou le revenu professionnel.

[14]     Une dernière observation; l'appelant a prétendu que le revenu brut provenant de l'entreprise agricole doit être comparé au revenu professionnel brut. Il est clair que ce n'est pas le cas et que c'est le revenu agricole net que l'on doit considérer.

Les faits

[15]     Afin d'en arriver à sa décision, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)          à tout moment pertinent, l'appelant a travaillé à temps plein pour l'Université de la Saskatchewan comme professeur de mathématiques;

b)          l'appelant enseigne 9 heures par semaine et, y compris les heures d'enseignement, il consacre 15 à 20 heures par semaine à effectuer des activités liées à son emploi;

c)          l'appelant a reçu les revenus d'emploi suivants durant les années d'imposition 1996 et 1997 respectivement :

                             Année d'imposition                        Revenu d'emploi

                                    1996                                         70 826,88 $

                                    1997                                         67 750,08 $

d)          à tout moment pertinent, le revenu de l'appelant a surtout été constitué de son revenu d'emploi;

e)          l'appelant exploite une entreprise d'élevage de chevaux et de vaches (l' « activité agricole » );

f)           l'activité agricole a commencé en 1977;

g)          l'appelant demeure à cette ferme depuis 1981;

h)          font partie de la ferme :

i)           376 acres de terre, dont 60 acres servent à la culture du blé et du foin; le reste est composé de pâturage;

ii)          131 acres de terres louées;

i)           les valeurs du bétail en fin d'exercice pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997 de l'activité agricole sont les suivantes :

                                    1995                 1996                            1997

                              #          Valeur           #     Valeur              #          Valeur

Chevaux (2 000 $) 16        32 000 $       19      38 000 $        19         38 000 $

Taureaux (1 500 $) 1            1 500          1          1 500           1             1 500

Vaches (1 000 $)    16        16 000          12      12 000           0                    0

            Alimentateurs(700 $)12         8 400          11         7 000           12            8 400

Poulains (3 000 $) 0                   0          0                 0           3             9 000

                                         57 900 $                59 200 $                    56 900 $

j)           depuis le début de l'activité agricole en 1977, l'appelant a déclaré des pertes agricoles restreintes jusqu'à l'année d'imposition 1994 inclusivement;

k)          l'appelant a déclaré des pertes agricoles au cours des années d'imposition 1987 à 1995 comme suit :

            Année          Revenu              Perte           Perteagricole     Perteagricole

            d'imposition brut                 nette           admissible          restreinte

            1987           24 150 $          ( 6 610)     ( 4 555)             (2 055)

            1988           aucune déclaration de perte agricole

            1989           aucune déclaration de perte agricole

            1990           23 809            (14 483)    ( 8 491)             (5 992)

            1991           35 514            (13 615)    ( 8 057)             (5 558)

            1992           32 361            (14 980)    ( 8 740)             (6 240)

            1993           51 550            ( 6 267)     ( 4 383)             (1 884)

            1994           55 279            (18 304)    ( 8 750)           (9 554)

            1995           74 091            (17 824)    (17 824)                     0

l)           l'appelant a déclaré comme suit des pertes agricoles au cours des années d'imposition 1996 et 1997 (tel qu'il en est fait état à l'annexe A jointe à la réponse à l'avis d'appel) :

            Année                     Revenu                                        Perte

            d'imposition             brut                    Dépenses                nette

            1996                   86 058 22 $         119 849 14 $      (33 790 92)

            1997                   87 642 98 $         113 598 31         (25 955 33)

m)         des montants pour la valeur facultative du bétail et pour la valeur du bétail mort ont été inclus comme suit dans le revenu brut et les dépenses pour les pertes agricoles :

            Année           Valeurfacultativedubétail              Bétailmort

            d'imposition Revenu      Dépenses              Revenu            Dépenses

            1996           59 200 $ 57 900 $            4 000 $         4 000 $

            1997           56 900    59 200               4 000              4 000

n)          l'activité agricole de l'appelant ne lui procurait pas et on ne peut raisonnablement pas s'attendre à ce qu'elle lui procure de sitôt la plus grande partie de son revenu ou qu'elle lui permette de gagner sa vie;

o)          l'activité agricole n'était pas l'objet principal, la préoccupation majeure, le centre de la vie de l'appelant ni son travail habituel;

p)          l'activité agricole de l'appelant, depuis ses débuts en 1977, n'a fait que générer des pertes nettes;

q)          la principale source de revenu de l'appelant au cours des années d'imposition 1996 et 1997 n'était pas l'agriculture ni une combinaison de l'agriculture et de quelque autre source.

[16]     Dans l'ensemble, l'appelant est d'accord avec la majorité de ces hypothèses de fait, sauf ce qui suit :

a)          Alinéas a) et b) : selon lui, il était trompeur de dire qu'il travaillait à temps plein comme professeur à l'Université de la Saskatchewan. Bien qu'il avait acquis en quelque sorte la permanence, il a expliqué qu'il n'occupait pas une charge complète de professeur et qu'il travaillait environ de 15 à 20 heures par semaine, et ce, six mois et demi par an. Le reste du temps, il s'occupait de sa ferme.

            Il ne fait aucun doute dans mon esprit que l'appelant ne vivait que pour sa ferme et qu'il consacrait beaucoup plus de temps à son entreprise agricole qu'à sa tâche de professeur. S'il n'était question que de temps et d'effort, qui sont les critères utilisés, il n'aurait aucune difficulté à obtenir gain de cause dans le cadre de son appel.

b)          Alinéa e) : en 1996, l'entreprise, qui était en grande partie une entreprise d'élevage de bovins, s'est transformée en entreprise d'élevage de chevaux.

c)          Alinéa j) : l'appelant a contesté cet alinéa dans la mesure où il prétend qu'il n'a pas déclaré lesdites pertes à chaque année. Il appert clairement de la preuve qu'il ne les a pas déclarées à chaque année et je lis les hypothèses de fait en conséquence.

d)          Alinéa n) : l'appelant a contesté cette hypothèse parce qu'il estimait pouvoir prendre sa retraite après un certain nombre d'années et vivre à partir d'un modeste revenu de 20 000 $ par année généré par l'entreprise agricole. À ce moment-là, le revenu agricole serait sa seule source de revenu et son seul moyen de subsistance. On ne m'a pas prouvé comment cela serait possible et, en fait, en raison d'évènements ultérieurs, cela ne se produira probablement pas.

e)          Alinéa o) : l'appelant a contesté cette hypothèse du ministre selon laquelle l'activité agricole n'était pas le centre de sa vie. À mon sens, il ressort clairement de la preuve que c'était en fait plutôt le cas en termes d'efforts et de temps. Comme je l'ai dit, il ne fait aucun doute qu'il ne vivait que pour sa ferme. Il est clair que le ministre s'est trompé en ce qui concerne cette hypothèse.

f)           Alinéa p) : des pertes ont été déclarées en 1988 ou 1989.

g)          Alinéa q) : il s'agit là, en effet, de la question à trancher dans le présent appel.

[17]     L'appelant est sans aucun doute un individu qui travaille dur. Il s'est présenté comme une personne respectueuse, travaillante et qui possède de nombreuses qualités. Je ne mets aucunement en doute les efforts qu'il a consacrés afin de faire fonctionner cette ferme. Toutefois, il semble essuyer les échecs les uns après les autres. La seule constante est que son revenu provenant de l'Université est demeuré intact au fil des ans et que l'appelant l'a utilisé afin de subvenir à ses besoins et à ceux de la ferme. Le revenu agricole est demeuré déficitaire sauf en 1988 et 1989.

[18]     En 1996, lorsqu'il est passé d'une entreprise d'élevage de bovins à une entreprise d'élevage de chevaux, l'appelant a encouru des coûts d'investissement supplémentaires en rapport avec les actifs immobiliers de la ferme que l'on devait construire et améliorer et en rapport avec ses animaux reproducteurs. En particulier, il a acheté, moyennant une somme de 20 000 $, un étalon sur lequel il comptait beaucoup. L'étalon a produit trois poulains l'année suivante, en 1997, et sept poulains au cours de 1998, et ce, avant qu'il ne soit blessé. Avant de mourir en 1999, l'étalon a aussi produit quelques autres poulains pour le stock d'animaux de reproduction de l'appelant. Ainsi, toute anticipation ou tout espoir de revenu futur a été anéanti avec la mort de l'étalon. On a fait aucun bénéfice depuis cet évènement et l'appelant liquide actuellement son entreprise compte tenu des difficultés qu'il a rencontrées.

[19]     Toutefois, je dois examiner la situation dans la perspective de 1996 et 1997. L'appelant m'a expliqué l'optimisme dont il faisait preuve au cours de ces années-là en ce qui concerne la réalisation de bénéfices futurs. Il croyait que l'étalon pourrait produire des revenus de saillie de 19 000 $ par année, ce qui n'a pas été le cas, et il croyait qu'il aurait des revenus bruts de 129 000 $ et de 149 000 $ pour chacune des années en question, lesquels revenus auraient surtout provenus du cheptel qu'il aurait engendré et élevé lui-même. Il n'a présenté aucune donnée afin de démontrer de quelle manière le revenu brut aurait été produit et afin de donner un aperçu des dépenses. À mes yeux, il ne s'agissait que de pures conjectures et je crois qu'il prenait ses désirs pour la réalité. Avec tout le respect que je lui dois, il n'y a rien dans la preuve qu'il a présentée qui puisse raisonnablement m'amener à conclure que ces chiffres deviendraient un jour réalité. Comme on le sait, ils ne sont jamais devenus réalité.

[20]     Bien qu'il soit clair que, du point de vue des capitaux engagés, du temps et des efforts consacrés, la vie de l'appelant a été principalement centrée dans les années en question sur son entreprise agricole et bien que le ministre ait accepté qu'il existait une attente raisonnable de profit lorsqu'il a permis la déduction de pertes restreintes et qu'il n'a pas ainsi classé l'appelant dans la catégorie des agriculteurs amateurs, le facteur concernant la rentabilité, à mon avis, est absent. Le critère de l' « expectative raisonnable de profits » n'est pas le même que celui de l' « expectative de bénéfices raisonnables » que je dois examiner en vertu du paragraphe 31(1) de la Loi. À mon avis, il n'y a rien dans la preuve, malgré l'ardeur avec laquelle l'appelant a défendu sa cause, qui puisse me permettre de comparer objectivement tout revenu agricole potentiel avec le revenu qu'il recevait de l'Université. Comme la Cour d'appel fédérale l'a dit, je dois découvrir des éléments de preuve afin de constater l'existence d'une expectative raisonnable de profits « importants » provenant de l'entreprise agricole de telle sorte que je puisse dire que ceux-ci constituent la principale source de revenu de l'appelant. À mon avis, ces profits n'étaient pas pour bientôt et je suis incapable de conclure le contraire. Toute l'histoire révèle que l'appelant avait besoin de son revenu de professeur afin de subvenir aux besoins de l'exploitation agricole.


Conclusion

[21]     Selon moi, la « principale source de revenu » de l'appelant au cours des années en question, 1996 et 1997, était son revenu de professeur et non pas son revenu agricole ou une combinaison de son revenu agricole et de quelque autre revenu. Le ministre, à mon avis, était fondé à restreindre les pertes en vertu du paragraphe 31 (1) de la Loi et, en conséquence, les appels sont rejetés.

Signé à Calgary (Alberta), ce 12e jour de novembre 2001.

« Michael H. Porter »

J.S.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de mai 2003.

Mario Lagacé, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.