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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

1999-3016(GST)I

ENTRE :

JOYCE LIND,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 5 novembre 2001 à Nanaimo (Colombie-Britannique) par

l'honorable juge D. W. Beaubier

Comparutions

Pour l'appelante :                                 L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :                           Me Nadine Taylor


JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 21 juillet 1998 et porte le numéro 973010468129P0001, est rejeté selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de novembre 2001.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de mai 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date : 20011116

Dossier : 1999-3016(GST)I

ENTRE :

JOYCE LIND,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1]      Le présent appel, interjeté sous le régime de la procédure informelle, a été entendu à Nanaimo (Colombie-Britannique) le 5 novembre 2001. Joyce Lind a témoigné et a appelé Ronald Brass, comptable, Robert Primeau, agent de vérification, et Kenneth Chow, agent des appels, travaillant tous trois à l'Agence des douanes et du revenu du Canada ( « ADRC » ) à Victoria. L'intimée a appelé Ian McKenzie ( « Ian » ) à témoigner.

[2]      Les faits et les questions en litige sont exposés aux paragraphes 5 à 10 inclusivement de la réponse à l'avis d'appel, qui sont reproduits ci-après :

          [TRADUCTION]

5.          Le 15 octobre 1997, l'appelante a adressé au ministre du Revenu national une demande générale de remboursement d'un montant de 12 997,71 $ au titre de la taxe sur les produits et services payée par erreur (le « remboursement » ) relativement à l'achat d'un logement en copropriété (le « logement » ) situé au 303-2275, avenue Comox, à Comox (C.-B.).

6.          Au moyen d'un avis de cotisation daté du 21 juillet 1998 (l' « avis de cotisation » ), le ministre a refusé la demande de remboursement.

7.          Pour établir la cotisation refusant le remboursement, le ministre s'est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

a)          les faits admis et exposés précédemment;

b)          l'appelante a acheté le logement de Contract Holdings Ltd. (le « constructeur » ) le 1er octobre 1997;

c)          le constructeur était inscrit aux fins de la taxe sur les produits et services ( « TPS » ) depuis le 1er janvier 1991 et détenait le numéro d'entreprise 101131621;

d)          à l'époque pertinente, le constructeur exploitait une entreprise d'achat et de vente de biens immobiliers;

e)          le constructeur a acquis le logement de Emerald Hill Shoreline Estate Ltd. quand les travaux de construction étaient achevés en grande partie et avant qu'il soit occupé à titre résidentiel ou d'hébergement;

f)           le constructeur a acquis le logement en vue principalement d'en effecteur la fourniture par vente;

g)          le marché étant défavorable, le constructeur n'a pas réussi à vendre immédiatement le logement;

h)          Ian McKenzie, un dirigeant du constructeur, a meublé le logement afin d'attirer les acheteurs;

i)                     M. McKenzie n'a pas fait livrer son courrier au complexe résidentiel non plus qu'il s'est occupé du paiement des factures de services publics;

j)           M. McKenzie n'avait pas d'inscription téléphonique au complexe résidentiel;

k)          le constructeur a vendu le logement à l'appelante pour une contrepartie égale à 194 000 $, y compris la TPS applicable, et l'appelante lui a cédé son droit au remboursement de la TPS pour habitations neuves;

l)           le logement n'avait pas été utilisé à titre résidentiel par quiconque avant la vente à l'appelante;

m)         le constructeur a imputé à l'appelante un remboursement de la TPS pour habitations neuves de 4 679,17 $ relativement à l'achat du logement;

n)          le 13 mars 1998, le ministre a reçu du constructeur une demande de remboursement de la TPS pour habitations neuves relativement à la vente du logement à l'appelante et il l'a ultérieurement approuvée.

B.         POINTS EN LITIGE

8.          Les points en litige sont les suivantes :

a)          le constructeur était-il le « constructeur » du logement au sens de l'article 123 de la Loi?

b)          le constructeur était-il tenu d'établir une autocotisation relativement à la fourniture et à l'acquisition réputées du logement en vertu de l'article 191 de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » )?

c)                  l'appelante a-t-elle droit au remboursement en vertu de l'article 261 de la Loi?

C.          DISPOSITIONS LÉGISLATIVES INVOQUÉES

9.          Le sous-procureur général du Canada s'appuie sur les articles 123, 165, 191 et 261 et sur l'article 2 de la partie I de l'annexe V de la Loi.

D.         MOYENS INVOQUÉS ET CONCLUSIONS RECHERCHÉES

10.        Il fait respectueusement valoir que le ministre a établi à juste titre la cotisation à l'égard de l'appelante en refusant le remboursement au motif que :

a)        le constructeur était le « constructeur » du logement au sens du paragraphe 123(1) de la Loi au moment où le logement a été vendu à l'appelante;

b)        le constructeur n'était pas tenu d'établir une autocotisation aux termes de l'article 191 de la Loi étant donné que le logement n'était pas occupé à titre résidentiel par quiconque avant d'être vendu à l'appelante;

c)        l'appelante a reçu une fourniture taxable du logement du constructeur et elle était tenue de payer la taxe à l'égard de cette fourniture aux termes de l'article 165 de la Loi;

d)        le paiement de la taxe par l'appelante au constructeur n'a pas été effectué par erreur et l'article 261 de la Loi ne s'applique donc pas dans les circonstances.

[3]      Aucune des hypothèses n'a été réfutée par la preuve, sauf celle selon laquelle Ian McKenzie est un dirigeant du constructeur. Cependant, les hypothèses 7d), e) et l) nécessitent quelques explications étant donné qu'elles constituent l'essentiel du différend qui oppose les parties.

[4]      Contract Holdings Ltd. ( « Contract » ) était sous le contrôle des parents de Ian McKenzie. En 1995, Emerald Hill Shoreline Estate Ltd. ( « Emerald » ) appartenait à une entreprise conjointe de sociétés dans lesquelles Ian avait une participation. Ian détenait aussi 11 % environ des actions de Contract.

[5]      En 1995, Emerald construisait trois complexes condominiaux à Comox (Colombie-Britannique) du côté est de l'île de Vancouver, à 200 kilomètres environ au nord de Victoria. Les ventes étaient au ralenti et Contract a alors décidé d'acheter les logements nos 303 et 307 du complexe n ° 3, le premier complexe à être achevé. Les deux logements n'avaient pas été utilisés à quelque fin que ce soit et ils étaient neufs, et Contract les a achetés dans le but de les revendre. En conséquence, Contract était un « constructeur » au sens où le terme était défini, à l'époque, au paragraphe 123(1) de la Loi sur la taxe d'accise.

[6]      En 1996, Contract n'avait toujours pas réussi à se départir des logements, dont la vente était alors confiée à un courtier. Ian a pris des meubles qu'il gardait en entreposage à Victoria et les a fait installer dans le logement n ° 303 en vue de le rendre plus attrayant pour des acheteurs éventuels. Les deux logements faisaient plus de 1 500 pieds carrés, mais le logement 307 était un appartement terrasse dont on s'attendait qu'il serait plus facile à vendre.

[7]      Il ressort des éléments de preuve que Ian avait commencé à avoir des difficultés financières en 1996. Il avait vendu sa résidence à Victoria pour s'acquitter de ses obligations financières relativement au projet de Emerald. Il était célibataire et il avait emménagé chez un ami à Richmond, en banlieue de Vancouver; il avait en outre un emploi dans sa propre société de vente de meubles dans la région de Vancouver. Ses problèmes financiers se sont poursuivis pendant toute la durée de la période en litige.

[8]      Ian a affirmé qu'après avoir meublé le logement n ° 303, il y a séjourné en tout de neuf à onze fins de semaine lorsqu'il s'est rendu à Comox pour rencontrer l'entrepreneur qui construisait les immeubles nos 1 et 2; l'agent immobilier chargé de la vente des logements n ° 303 et n ° 307 a été remplacé et on a augmenté la commission offerte. La Cour juge que ses propos sont dignes de foi. Son emploi et son avenir étaient dans la région de Richmond-Vancouver. Contrairement aux attentes, le projet de Comox n'était pas profitable, mais il fallait en achever la construction et vendre les logements. En plus d'être embourbé dans cette affaire, Ian avait aussi convaincu ses parents d'investir dans le projet par le truchement de Contract. En conséquence, il devait voir à ce que le projet Comox soit mené à bonne fin, mais c'est à Richmond que Ian vivait sa vie. Joyce Lind a contesté ce fait, mais elle n'a fait témoigner personne du complexe de Comox qui y aurait vu Ian en 1996 et 1997 et elle n'avait aucune connaissance directe du temps que Ian avait passé à Comox.

[9]      En septembre 1997, Joyce et son époux, Gordon, ont visité le logement n ° 303 trois fois environ et ils ont fait une offre d'achat que Contract a acceptée. Le 1er octobre 1997, les Lind ont acheté le logement n ° 303 situé au 2275, avenue Comox, à Comox (Colombie-Britannique). Sur place, il y avait du mobilier, des tableaux, un certificat de l'Université Queen, des disques dans des meubles de rangement, de la nourriture dans le garde-manger et dans le réfrigérateur, ainsi qu'une laveuse et une sécheuse, qui n'étaient pas branchées. Différents articles étaient entreposés dans le garage. En outre, Ian avait loué de l'espace d'entreposage dans le garage du logement n ° 303 pour une période de six mois au propriétaire d'une autre unité condominiale dans le complexe n ° 3 pour 300 $. Joyce a soutenu que Ian occupait le logement n ° 303 à titre résidentiel ou d'hébergement avant que les Lind en fassent l'acquisition.

[10]     Selon les éléments de preuve soumis à la Cour :

1.        Ian résidait dans la région de Vancouver durant toutes les périodes pertinentes.

2.        Ian n'avait obtenu aucun bail ni aucune licence en vue de l'occupation du logement n ° 303 à titre résidentiel ou d'hébergement.

3.        Ian a occupé le logement n ° 303 à intervalles irréguliers, une ou deux nuits, onze fois tout au plus en 1996 et 1997, quand il s'acquittait de diverses tâches se rapportant à la vente des logements n ° s 303 et 307 ou à la construction des deux autres immeubles. Il n'avait pas d'autre raison de se trouver dans le logement. Il demeurait dans le logement n ° 303 parce que c'était moins cher que de rester à l'hôtel à Comox.

4.        Le mobilier de Ian qui se trouvait dans le logement n ° 303 devait servir notamment à en faciliter la vente. C'était aussi un moyen pour lui d'entreposer gratuitement son mobilier.

5.        Ian n'a acquitté aucune facture de services publics. C'est Contract qui a payé les factures. Linda Manner, une représentante d'une autre société participant à l'entreprise conjointe, a aussi utilisé le logement n ° 303 à l'occasion d'un voyage d'affaires. Elle élevait seule son jeune enfant et il est possible qu'elle y ait installé un « petit pot » pour son enfant. Ian n'avait pas le téléphone dans le logement n ° 303 et il ne s'y faisait pas livrer de courrier. Son adresse postale était à Vancouver et il utilisait un téléphone cellulaire. Il possédait aussi un chalet d'été au lac Cowichan, à des fins d'agrément, pendant la période en cause.

6.        Ian a assuré le mobilier qui se trouvait dans le logement n ° 303 au moyen d'un avenant à sa police d'assurance habitation au motif que le mobilier s'y trouvait en entreposage.

7.        Ian n'a jamais eu l'intention d'occuper le logement n ° 303 à titre résidentiel ou d'hébergement.

8.        Ian siégeait au conseil des copropriétaires des complexes à titre de représentant de Contract et il a assisté à deux réunions du conseil en cette qualité, non pas en qualité de résidant de l'immeuble.

9.        Il n'existe aucun élément de preuve selon lequel Ian conservait des vêtements dans le logement n ° 303. Il existe une preuve, que j'accepte, qu'il apportait des draps de Vancouver quand il utilisait le logement n ° 303.

[11]     La Cour accepte le témoignage de Ian relativement aux éléments qui précèdent parce qu'elle juge qu'il est un témoin crédible. De plus, l'appelante aurait pu faire témoigner des témoins oculaires habitant dans l'immeuble où elle réside à Comox pour témoigner au sujet de la prétendue occupation du logement n ° 303 par Ian; cela n'aurait pas été plus dispendieux que d'assigner les représentants de l'ADRC à comparaître et aurait été plus simple. L'appelante ne l'a pas fait et il n'existe donc aucune preuve directe permettant de réfuter le témoignage de Ian. La Cour conclut que le logement n ° 303 n'était pas occupé par Ian à titre résidentiel, compte tenu des faits exposés au paragraphe [10]. En conséquence, le paragraphe 191(1) de la Loi sur la taxe d'accise ne s'applique pas et il n'y a pas eu de fourniture réputée à soi-même en vertu de cette disposition.

[12]     Contract ayant fait l'acquisition du logement n ° 303 avant que Ian ne l'occupe, la nature de cette occupation ne peut changer quoi que ce soit au fait que Contract est le « constructeur » du logement n ° 303. En conséquence, l'article 2 de la partie I de l'annexe V de la Loi ne s'applique pas à la vente du logement n ° 303 aux Lind. La vente du logement n ° 303 constitue une fourniture taxable. Si l'occupation par Ian du logement n ° 303 pouvait modifier le fait que Contract était le « constructeur » , il serait nécessaire de déterminer si l'utilisation du logement n ° 303 constituait une occupation par Ian « à titre résidentiel ou d'hébergement » . Les éléments pertinents de la définition de « constructeur » énoncée au paragraphe 123(1) de la Loi sur la taxe d'accise qui se rapportent à cette question sont libellés comme suit :

« constructeur » Est constructeur d'un immeuble d'habitation ou d'une adjonction à un immeuble d'habitation à logements multiples la personne qui, selon le cas :

[...]

d)          acquiert un droit sur l'immeuble d'habitation au moment suivant, en vue principalement soit d'effectuer par vente des fournitures de tout ou partie de l'immeuble, ou de droits sur celui-ci, soit d'effectuer des fournitures de tout ou partie de l'immeuble par bail, licence ou accord semblable au profit de personnes autres que des particuliers qui acquièrent l'immeuble ou la partie d'immeuble en dehors du cadre d'une entreprise, d'un projet à risques ou d'une affaire de caractère commercial :

[...]

(ii)         dans tous les cas, avant qu'il soit occupé à titre résidentiel ou d'hébergement;

[13]     Le logement n ° 303 n'était pas occupé par Ian à titre résidentiel, mais il faut quand même se demander s'il était occupé à titre d'hébergement. Le terme « lodging » (hébergement) est défini de la manière suivante dans l'ouvrage Concise Oxford Dictionary, 9e éd. :

                   [TRADUCTION]

l.           Logement temporaire (hébergement pour la nuit) [...]

2.          Une pièce ou des pièces louées pour se loger (ailleurs que dans un hôtel).

3.          Un lieu d'habitation [...]

Le Petit Robert, Dictionnaire de la langue française, 1990, définit le terme « hébergement » comme « action de loger » , et le deuxième sens de « loger » est : « établir dans une maison, de manière temporaire ou durable » . Cette notion se retrouve dans la définition du mot « logement » , qui désigne « tout local à usage d'habitation, et plus spécialt partie de maison, d'immeuble où l'on réside habituellement » . Ces définitions, examinées globalement, signifient que Ian doit utiliser le logement plus souvent que pour des visites occasionnelles ou intermittentes d'une ou deux journées.

[14]     Cependant, les séjours de Ian dans le logement n ° 303 étaient des visites occasionnelles et intermittentes d'une ou de deux journées. Il ne louait pas le logement. Il n'y habitait pas. Il n'occupait pas le logement n ° 303 à titre résidentiel ou d'hébergement.

[15]     Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de novembre 2001.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 20e jour de mai 2003.

Yves Bellefeuille, réviseur

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