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1999-2995(EI)

ENTRE :

CAMIL FLAMAND,

requérant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Requête entendue le 23 octobre 2001 à Roberval (Québec) par

l'honorable juge Alain Tardif

Comparutions

Avocate du requérant :                         Me Annie Desrosiers

Avocat de l'intimé :                             Me Stéphane Arcelin

ORDONNANCE

La requête est rejetée, selon les motifs de l'ordonnance ci-joints.

Signée à Ottawa, Canada, ce 17e jour de janvier 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


Date : 20020117

Dossier : 1999-2995(EI)

ENTRE :

CAMIL FLAMAND,

requérant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Tardif, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'une requête en rétractation de jugement.

[2]      La requête a été formulée et introduite au moyen d'une lettre en date du 26 avril 2001. Il y a lieu de reproduire le contenu de la lettre :

...

Nous avons reçu mandat de notre client, monsieur Camil Flamand, de le représenter dans le présent dossier.

Monsieur Flamand était représenté par des procureurs qui représentaient à la fois tous les employés de l'entreprise Coopérative forestière Girardville.

Ces procureurs ont été en appel de la décision de l'agent de Développement des ressources humaines Canada. Une décision a alors été rendue par monsieur Laval Mailloux, chef des appels, en date du 23 mars 1999. Suite à cette décision, un appel a été formulé à la Cour canadienne de l'impôt.

Le 19 décembre 2000 notre client recevait une lettre des procureurs des employés de l'entreprise coopérative forestière Girardville, lui indiquant qu'ils avaient procédé à un désistement de l'appel. Or, jamais notre client n'a mandaté ses procureurs à l'effet de se désister de l'appel.

Comme notre client n'a jamais pu rencontrer directement ses procureurs, aucune explication relativement au désistement ne lui a été donnée. Notre client croyait donc que son dossier suivait toujours son cours.

Or, le 23 avril dernier, notre client a discuté avec une agente de Développement des ressources humaines Canada. soit madame Sylvie Mérette, suite à une lettre qu'elle leur avait fait parvenir. C'est alors que l'agente a expliqué à notre client qu'il y avait eu un désistement dans la demande d'appel, ce qui avait pour conséquence que le dossier était terminé et que la réclamation était toujours valide. Notre client n'a jamais mandaté ses procureurs afin de se désister du dossier et aurait continué seul les démarches si ses procureurs n'avaient pas voulu poursuivre le dossier.

Par conséquent, notre client demande à ce que le dossier puisse être réouvert relativement à sa demande devant la Cour canadienne de l'impôt compte tenu qu'il a des motifs justifiant la présente demande.

Si vous avez besoin d'informations supplémentaires, n'hésitez pas à nous contacter.

...

                                                                   Me Annie Desrosiers, avocate

[3]      En guise de réplique à la requête, l'intimé a fait valoir ses arguments au moyen d'une lettre en date du 31 mai 2001, se lisant comme suit :

OBJET :           Camil Flamand c. Ministre du Revenu national

                        No C.C.I. : 1999-2995(EI)

                        N/dossier : 3-164919

...

La présente fait suite à la requête en rétractation de jugement déposée par Me Annie Desrosiers, procureur de monsieur Camil Flamand dans l'affaire mentionnée en titre.

L'intimé s'oppose à cette requête.

Résumé des faits

La question en litige dans cette affaire consistait à déterminer si monsieur Camil Flamand occupait un emploi assurable au sens de la Loi sur l'assurance-chômage pendant la semaine du 14 au 20 juin 1992.

Monsieur Flamand avait présenté une demande de prestations d'assurance-chômage, appuyée d'un relevé d'emploi daté du 24 novembre 1992 pour la Coopérative forestière de Girardville.

Après enquête, le ministre du Revenu national avait conclu qu'il n'avait pas travaillé 11 semaines mais plutôt 12 semaines: la semaine du 14 au 20 juin 1992 devait aussi être considérée assurable.

Tel qu'indiqué par Me Guylaine Boivin dans une lettre datée du 10 mai 2001 (une copie de cette lettre a été envoyée à la Cour), monsieur Flamand a fait appel de la décision du ministre et a donné mandat aux procureurs de l'étude CAIN LAMARRE CASGRAIN WELLS de le représenter dans cette affaire.

Le cas de monsieur Flamand était semblable à celui de quarante-neuf (49) autres travailleurs de la Coopérative forestière de Girardville. Tous les appels devaient procéder ensemble à Dolbeau. Deux semaines consécutives d'audition étaient prévues à cette fin.

La preuve documentaire et la déclaration statutaire de monsieur Flamand permettait de conclure qu'il avait réellement travaillé pendant la semaine du 14 au 20 juin 1992. Tel que déjà indiqué dans la lettre de Me Guylaine Boivin, monsieur Flamand avait admis avoir travaillé pendant cette semaine-là et ne pas l'avoir déclaré afin de créer une « banque » pour augmenter les semaines de « timbres » . De plus, la preuve documentaire démontrait qu'il avait payé une pension cette semaine-là pour le logement au camp forestier.

Suite à de nombreuses discussions et à deux rencontres entre les procureurs de monsieur Flamand et le procureur de l'intimé, un désistement de l'appel de monsieur Flamand a été déposé à la Cour le 7 décembre 2000.

Tel qu'indiqué dans la requête de monsieur Flamand, le 19 décembre 2000, celui-ci recevait une copie du désistement et de la lettre de la Cour adressée à ses procureurs. Dans cette lettre, la Cour spécifiait que suite au dépôt de l'avis de désistement, « ce dossier est maintenant clos » .

Ce n'est que le 23 avril 2001, suite à la réception d'une lettre de Développement des ressources humaines du Canada (possiblement pour le recouvrement des prestations d'assurance-chômage perçues en trop) que monsieur Flamand a donné le mandat à Me Desrosiers de présenter la présente requête.

Motifs de l'opposition à la requête

L'intimé s'oppose à la présente requête principalement pour les raisons suivantes :

Premièrement, monsieur Flamand n'a pas démontré sa diligence à s'occuper de son appel. Au contraire, son inaction lors de la réception de la lettre de ses procureurs et de celle de la Cour indiquant que, suite au désistement, son dossier était considéré clos, démontre plutôt sa négligence. Ce n'est que quatre mois plus tard qu'il décida de faire les démarches pour donner suite à la correspondance de ses procureurs.

Deuxièmement, monsieur Flamand doit faire la preuve « Prima facie » que si la Cour annulait sa décision et que si une audition avait lieu, le résultat pourrait être différent, ce qu'il n'a pas fait. Il n'a pas démontré qu'il existe une possibilité qu'il ait gain de cause.

Conclusion

En conclusion, l'intimé demande à cette Cour le rejet de la demande de rétractation de jugement de monsieur Flamand.

Subsidiairement, si la Cour ne désire pas rejeter la requête sur la base des observations écrites des parties, l'intimé demande qu'une audition de la requête ait lieu pour pouvoir faire entendre les témoins utiles, plus particulièrement les procureurs qui ont représenté monsieur Flamand.

...

[4]      Lors des procédures, le requérant était représenté par un avocat qui agissait également pour plusieurs dizaines d'autres travailleurs à l'emploi du même employeur, soit la Coopérative forestière de Girardville.

[5]      Vu la complexité administrative à gérer un aussi grand nombre de dossiers pour les avocats qui agissaient comme procureurs, l'employeur ayant mandaté les procureurs en question a également mis sur pied une véritable structure de communication.

[6]      La personne responsable des communications a témoigné et expliqué qu'elle agissait comme intermédiaire et vulgarisatrice au niveau de chacun des dossiers. À cet effet, elle a rencontré le requérant pour lui expliquer l'état de son dossier, les possibilités de règlement, et finalement les intentions des procureurs de produire un désistement dans le dossier qui le concernait. Le désistement fut effectivement déposé le 7 décembre 2000.

[7]      Des suites de la rencontre, le dossier a cheminé comme il avait été mentionné au requérant et un désistement a été produit. Le désistement, dont le requérant a obtenu copie le 19 décembre 2000, a entraîné une réclamation avec laquelle il est en total désaccord. Or, ce n'est que le 23 avril 2001 qu'il a décidé d'initier les procédures pour réobtenir le droit de se faire entendre par le Tribunal. Pour soutenir ses prétentions, il a produit un affidavit déclarant notamment sous serment ce qui suit :

...

Je, soussigné, CAMIL FLAMAND, domicilié et résidant au 4006 du Héron Bleu à St-Félicien, district de Roberval, déclare solennellement ce qui suit :

1.          Je suis le Demandeur en la présente instance;

2.          Dans le présent dossier, j'étais représenté par des procureurs qui représentaient à la fois tous les employés de l'entreprise Coopérative forestière Girardville;

3.          Ces procureurs ont été en appel de la décision de l'agent de Développement des ressources humaines Canada;

4.          En date du 23 mars 1999, une décision a alors été rendue par monsieur Laval Mailloux, chef des appels;

5.          Suite à cette décision, un appel a été formulé à la Cour canadienne de l'impôt;

6.          Le 19 décembre 2000, je recevais une lettre des procureurs des employés de l'entreprise Coopérative forestière Girardville m'indiquant qu'ils avaient procédé à un désistement de l'appel;

7.          Jamais je n'ai mandaté ces procureurs à l'effet de se désister de l'appel;

8.          Je n'ai jamais pu rencontrer directement mes procureurs;

9.          Comme aucune explication relativement au désistement ne m'a été donnée, je croyais que mon dossier suivait toujours son cours;

10.        Le 23 avril dernier, j'ai discuté avec une agente de Développement des ressources humaines Canada, soit madame Sylvie Mérette, suite à une lettre qu'elle m'avait fait parvenir. Cette dernière m'a expliqué qu'il y avait eu un désistement dans la demande d'appel, ce qui avait pour conséquence que le dossier était terminé et que la réclamation était toujours valide;

11.        Je n'ai jamais mandaté mes procureurs afin de me désister du dossier et j'aurais continué seul les démarches si mes procureurs n'avaient pas voulu poursuivre le dossier;

12.        Je demande à ce que mon dossier puisse être réouvert relativement à ma demande devant la Cour canadienne de l'impôt, compte tenu qu'il a des motifs justifiant la présente demande;

13.        Tous les faits allégués dans le présent affidavit sont vrais à ma connaissance personnelle.

                                                            Roberval, ce 17 mai 2001

                                                            CAMIL FLAMAND

                                                            Demandeur

...

[8]      Les circonstances entourant la décision de produire un désistement sont assez nébuleuses. D'une part, le requérant allègue à son affidavit aux paragraphes 7, 8 et 9 les faits suivants :

7.          Jamais je n'ai mandaté ces procureurs à l'effet de se désister de l'appel;

8.          Je n'ai jamais pu rencontrer directement mes procureurs;

9.          Comme aucune explication relativement au désistement ne m'a été donnée, je croyais que mon dossier suivait toujours son cours;

[9]      D'autre part, la preuve a révélé que l'employeur avait mandaté, outre un avocat, une personne dont la responsabilité était de faire le suivi des dossiers, mais surtout de voir à ce que les intéressés, dont le requérant, sachent ce qu'il advenait de leur dossier respectif tout particulièrement dans la période qui a précédé le règlement.

[10]     Monsieur Flamand n'a pas été très explicite sur cet aspect pourtant fondamental; il était manifestement plus préoccupé par les conséquences du jugement que par les éléments et procédures qui l'ont précédé.

[11]     Compte tenu de la preuve, je crois que le requérant a consenti tout au moins tacitement au dépôt d'un désistement. Le long délai écoulé entre le moment où il a reçu la copie du désistement et la décision de présenter une requête pour rétractation de jugement est assez révélateur. Ce seul motif est suffisant pour ne pas faire droit à la requête.

[10]     Même s'il avait agi avec diligence, il se devait, pour réussir, de faire la démonstration qu'il avait été lésé dans ses droits, mais aussi, qu'il avait été privé de celui de faire valoir des arguments de faits et de droit susceptibles de commander un jugement différent.

[11]     Non seulement, le requérant n'a pas soumis de preuve à cet effet, au contraire, il appert que le fondement de la détermination qui a fait l'objet de l'appel était aussi déterminant qu'un aveu écrit consigné dans une déclaration statutaire.

[12]     Les fondements de la requête en rétractation de jugement découlent de la réclamation ultérieure au jugement.

[13]     Le requérant n'a pas démontré le bien-fondé de sa requête en faisant la preuve qu'il avait agi avec diligence et surtout qu'il avait tout au moins une apparence de droit à faire valoir et la requête doit être rejetée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de janvier 2002.

« Alain Tardif »

J.C.C.I.


No DU DOSSIER DE LA COUR :                1999-2995(EI)

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Camil Flamand et MRN

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Roberval (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 23 octobre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :        l'honorable Juge Alain Tardif

DATE DE L'ORDONNANCE :           le 17 janvier 2002

COMPARUTIONS :

Avocate du requérant :                         Me Annie Desrosiers

Avocat de l'intimé :                             Me Stéphane Arcelin

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour le requérant :

          Nom :                              Me Annie Desrosiers

          Étude :                                       Loranger et Desrosiers

          Ville :                               Roberval (Québec)

Pour l'intimé :                                      Morris Rosenberg

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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