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95-3945(IT)I

ENTRE :

PIERRE BROUILLETTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu avec l'appel de Pierre Brouillette (95-3954(IT)G)

le 6 novembre 1997, à Montréal (Québec) par

l'honorable juge P.R. Dussault

Comparutions

Avocat de l'appelant :       Me Roberto T. De Minico

Avocate de l'intimée :       Me Marie-Andrée Legault

JUGEMENT

          L'appel établi en vertu des paragraphes 227(10) et 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont l'avis porte le numéro 27980 et est daté du 17 janvier 1995 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation aux seules fins de réduire la cotisation d'un montant de 111,44 $ cotisé sans droit à titre de frais judiciaires et d'ajuster les intérêts en conséquence.

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          L'appel établi en vertu des paragraphes 227(10) et 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont l'avis porte le numéro 27982 et est daté du 17 janvier 1995 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de novembre 1997.

« P.R. Dussault »

J.C.C.I.


95-3954(IT)G

ENTRE :

PIERRE BROUILLETTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu avec l'appel de Pierre Brouillette (95-3945(IT)I)

le 6 novembre 1997, à Montréal (Québec) par

l'honorable juge P.R. Dussault

Comparutions

Avocat de l'appelant :       Me Roberto T. De Minico

          Avocate de l'intimée :       Me Marie-Andrée Legault

JUGEMENT MODIFIÉ

          Ce jugement modifie le jugement du 21 novembre 1997.

          L'appel établi en vertu des paragraphes 227(10) et 227.1(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont l'avis porte le numéro 27981 et est daté du 17 janvier 1995 est admis et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation aux seules fins de réduire la cotisation d'un montant de 139,42 $ cotisé sans droit à titre de frais judiciaires et d'ajuster les intérêts en conséquence.

          Des dépens sont adjugés en faveur de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 1998.

« P.R. Dussault »

J.C.C.I.


Date: 19980217

Dossiers: 95-3945(IT)I

95-3954(IT)G

ENTRE :

PIERRE BROUILLETTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

          Comparutions :

          Avocat de l'appelant :                 Me Roberto T. De Minico

          Avocate de l'intimée :                 Me Marie-Andrée Legault

MOTIFS DU JUGEMENT

(Rendus oralement à l'audience à Montréal (Québec), le 7 novembre 1997)

Le juge, P.R. Dussault C.C.I.

[1]      Les appels de ces dossiers ont été entendus ensemble.

[2]      Le dossier numéro 95-3945(IT)I concerne deux appels. Le premier est un appel d'une cotisation pour un montant de 3 960,25 $ établie en vertu de l'article 227.1 et du paragraphe 227(10) de la Loi de l'impôt sur le revenu ainsi que de l'article 54 de la Loi sur l'assurance-chômage à l'égard de déductions à la source de la compagnie Boulangerie Lasalle (Verdun) Inc. L'avis de cotisation porte le numéro 27982 et est en date du 17 janvier 1995. Le deuxième appel est d'une cotisation pour un montant de 7,854,78 $, établie en vertu des mêmes dispositions à l'égard des déductions à la source de la compagnie Boulangerie Lasalle (Montréal-Nord) Inc. L'avis de cotisation porte le numéro 27980 et est en date du 17 janvier 1995. La cotisation comprend un montant de 111,44 $ réclamé à titre de frais judiciaires.

[3]      Le dossier numéro 95-3954(IT)G concerne un appel d'une cotisation au montant de 24 691,53 $ établie en vertu des mêmes dispositions législatives à l'égard des déductions à la source de la compagnie 2745-7332 Québec Inc. L'avis de cotisation porte le numéro 27981 et est en date du 17 janvier 1995. La cotisation comprend un montant de 139,42 $ réclamé à titre de frais judiciaires.

[4]      Au début de l'audition l'avocat de l'appelant a indiqué que le seul point contesté dans les trois appels concernait le délai de prescription de deux ans prévu au paragraphe 227.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Selon lui, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) aurait dans les trois cas établi les cotisations après ce délai.

[5]      Par ailleurs, je signale que l'avocate de l'intimée reconnaît que les frais judiciaires inclus dans les cotisations dont les avis portent les numéros 27980 et 27981 doivent être annulés.

[6]      La compétence de la Cour concernant l'appel de la cotisation pour ce qui est des montants dus en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage n'est pas non plus contestée par l'avocate de l'intimée.

[7]      Pour revenir à la seule question en litige précisons que le paragraphe 227.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit ce qui suit:

            L'action ou les procédures visant le recouvrement d'une somme payable par un administrateur d'une corporation en vertu du paragraphe (1) sont prescrites après deux ans de la date à laquelle l'administrateur cesse pour la dernière fois d'être un administrateur de cette corporation.

[8]      Dans l'affaire The Queen v. Kalef, 96 DTC 6132 (C.A.F.), aux pages 6134 et 6135 la Cour d'appel fédérale indique bien que l'on doive se référer à la législation applicable en matière de droit corporatif pour déterminer le moment auquel une personne a cessé d'être administrateur.

[9]      D'après les documents soumis en preuve, notamment les pièces I-1, I-3 et I-5, les trois compagnies en cause étaient régies par la Partie 1A de la Loi sur les compagnies du Québec. L'article 123.76 de cette loi stipule ce qui suit:

[Mandat continué]

            Malgré l'expiration de son mandat, un administrateur demeure en fonction jusqu'à ce qu'il soit réélu, remplacé ou destitué.

[Démission]

            Il peut résigner ses fonctions en donnant un avis à cet effet.

[10]     L'article 123.81 traite par ailleurs de l'avis que doit donner la compagnie elle-même de tout changement dans la composition du conseil d'administration.

[11]     Pour ce qui est de l'appel de la cotisation dont l'avis porte le numéro 27982 en rapport avec les déductions à la source de Boulangerie Lasalle (Verdun) Inc., la pièce I-3 (extraits du livre des procès-verbaux de la compagnie) indique que l'appelant en serait devenu administrateur le 1er mai 1988. Sa signature apparaît sur des résolutions du 12 décembre 1990. En date du 2 juillet 1991, il signe également seul comme administrateur une résolution le désignant comme président et secrétaire-trésorier. Aucun autre document tendant à démontrer qu'il a donné avis de sa démission à un moment quelconque n'a été soumis en preuve. Dans son avis d'appel, l'appelant prétend qu'il aurait démissionné comme administrateur de cette compagnie le 2 juillet 1991 soit le jour même où il signe seul une résolution le désignant comme président et secrétaire-trésorier.

[12]     Lors d'un interrogatoire préalable tenu le 26 mai 1997, il prétend d'abord qu'il n'aurait jamais été administrateur de cette compagnie. Puis, confronté au fait qu'il aurait fourni à l'intimée une lettre de démission datée du 2 juillet 1991, il change sa version (voir les pages 25 et 26 des notes sténographiques de l'interrogatoire préalable) et admet qu'il l'a été pour ensuite revenir au point de départ en affirmant qu'à sa connaissance il n'aurait pas été administrateur (voir page 27).

[13]     En date du 14 août 1992, l'appelant signe également au nom de la compagnie un bilan en rapport avec la faillite de celle-ci (voir pièce I-4).

[14]     Dans son témoignage en contre-interrogatoire l'appelant admet qu'il aurait été administrateur en 1989 ou 1990 et se contente de dire que son père, Lucien Brouillette, avait beaucoup d'entreprises à l'époque et qu'il lui faisait signer plusieurs documents.

[15]     En l'absence d'éléments additionnels, j'estime cette preuve insuffisante pour établir que l'appelant aurait cessé d'être administrateur de cette compagnie en date du 2 juillet 1991 ou même à un moment quelconque par la suite.

[16]     L'appel à l'égard de cette cotisation est donc rejeté.

[17]     Pour ce qui est de l'appel de la cotisation dont l'avis porte le numéro 27980 en rapport avec les déductions à la source de Boulangerie Lasalle (Montréal-Nord) Inc., la pièce I-5 indique que l'appelant a signé une résolution à titre d'actionnaire et à titre d'administrateur en date du 27 juin 1986. Dans son avis d'appel, l'appelant soutient qu'il a démissionné « de la dite compagnie au mois d'août 1986 » . Lors de l'interrogatoire préalable en date du 26 mai 1997, l'appelant affirme qu'à sa connaissance il n'a jamais été administrateur de cette compagnie (voir page 37).

[18]     Aucune preuve n'ayant été apportée quant à la démission et quant à la date de démission de l'appelant comme administrateur de cette compagnie, l'appel est admis aux seules fins de réduire la cotisation d'un montant de 111,44 $ cotisé sans droit à titre de frais judiciaires. Les intérêts devront être rajustés en conséquence.

[19]     Finalement, en ce qui concerne l'appel de la cotisation dont l'avis porte le numéro 27981 en rapport avec les déductions à la source de la compagnie 2745-7332 Québec Inc., la pièce I-2 (extraits du livre des procès-verbaux de la compagnie) indique que l'appelant a été élu administrateur en date 25 juin 1991. Le même document démontre que l'appelant y signe des résolutions à titre d'administrateur en date du 28 juin 1991 et du 16 août 1991. Ces documents ne contiennent aucune indication que l'appelant aurait démissionné.

[20]     Selon le témoignage de monsieur Frank Philippe, agent de recouvrement pour Revenu Canada, ces documents correspondent à ceux contenus au dossier de recouvrement. Ils auraient été obtenus par un autre employé de Revenu Canada en mars 1994.

[21]     Dans son témoignage l'appelant affirme qu'en juin 1991 la compagnie a acquis les actifs de Boulangerie Lasalle (Verdun) Inc. et qu'il a lui-même tenté d'exploiter l'entreprise de boulangerie et pâtisserie jusqu'en juin 1992 mais sans succès. Il aurait alors remis les clés de l'entreprise à son père, Lucien Brouillette, et aurait démissionné comme administrateur le 29 juin 1992. Une lettre de démission a été déposée en preuve. Il s'agit de la pièce A-1 qui se lit comme suit :

DÉMISSION

À: 2745-7332 Québec Inc.                               le 29 juin 1992

et aux: Administrateurs

Je soussigné, remets ma démission comme Administrateur de la compagnie ci-haut en rubrique, pour prendre effet dès acceptation par l'assemblée des administrateurs de ladite compagnie.

          (Signature)                      

PIERRE BROUILLETTE

[22]     Dans son témoignage, l'appelant affirme que son père aurait repris les actifs de la compagnie et que lui-même ne se serait plus occupé de rien après juin 1992. Il dit ignorer les activités de la compagnie par la suite.

[23]     Lors de l'interrogatoire préalable du 26 mai 1997, l'appelant a dit qu'il croyait que c'était son père qui l'aurait remplacé comme administrateur et que l'entreprise aurait cessé ses opérations au mois d'août ou septembre 1992 (voir page 15). Il a alors également affirmé ne pas savoir si sa démission aurait été entérinée par une résolution du conseil d'administration ou acceptée par les actionnaires de la compagnie (voir page 15). Toujours lors du même interrogatoire l'appelant dit n'avoir aucune idée où peut se trouver « le livre des minutes » de la compagnie (voir page 12).

[24]     Je dirai d'abord, malgré l'affirmation catégorique de l'appelant qu'il a bel et bien signé l'avis de démission le 29 juin 1992, que j'ai des doutes sérieux à cet égard. Il est en effet étonnant que ce document n'ait pas été retrouvé dans les procès-verbaux de la compagnie lorsque Revenu Canada a procédé à une vérification en 1994. Il est également étonnant que l'appelant ait une mémoire si vive de cet événement alors qu'elle fait défaut sur le fait même d'avoir été administrateur de telle ou telle autre compagnie comme l'indique le même interrogatoire préalable.

[25]     À tout événement, à supposer même que j'accorde à l'appelant toute la crédibilité nécessaire sur ce point, j'estime que l'avis de démission du 29 juin 1992 est sans effet en l'absence d'une preuve quelconque que sa démission ait été acceptée par le conseil d'administration ou par les actionnaires car, en principe, ce sont eux qui ont le pouvoir d'élire les administrateurs. Aucune preuve non plus qu'il aurait été remplacé et quand il l'aurait été. Le premier alinéa de l'article 123.76 de la Loi sur les compagnies serait donc susceptible de trouver application. L'appelant s'appuie sur son avis de démission soumis en preuve. Il est normal de requérir également un document permettant d'établir quand la démission de l'appelant aurait pu prendre effet puisque lui-même indique que sa démission prendra effet « dès acceptation par l'assemblée des administrateurs » . Cette preuve n'a pas été apportée. Dans les circonstances, j'estime que l'appelant n'a pas établi le point de départ de la prescription du paragraphe 227.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[26]     L'appel de cette cotisation est donc admis aux seules fins de réduite la cotisation d'un montant de 139,42 $ cotisé sans droit à titre de frais judiciaires. Les intérêts devront être rajustés en conséquence.

[27]     Comme je le soulignais dans l'affaire Nagy et al. v. M.N.R., 91 DTC 993, (à la page 998) à la page 11 de la traduction française officielle :

            On ne peut se prévaloir des privilèges que confère l'exploitation d'une entreprise par le biais d'une compagnie constituée en personne morale, pour ensuite négliger complètement les dispositions et les exigences de la loi applicable.

[28]     La Cour d'appel fédérale a fait un commentaire dans le même sens dans l'affaire Kalef précitée.

[29]     Somme toute, sur le point en litige dans le cas des trois appels, je ne peux accepter les prétentions de l'appelant puisque aucune preuve n'a été apportée quant au moment où il aurait cessé d'être administrateur.

[30]     Si les livres sont mal tenus comme il a été souligné par l'avocat de l'appelant, ce n'est pas au gouvernement qu'on peut en imputer la responsabilité.

[31]     Des dépens sont adjugés en faveur de l'intimée à l'égard du dossier numéro 95-3954(IT)G.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de février 1998.

« P.R. Dussault »

J.C.C.I.


Nos DES DOSSIERS DE LA COUR : 95-3945(IT)I et 95-3954(IT)G

INTITULÉ DES CAUSES :                 Entre Pierre Brouillette et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  6 novembre 1997

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :        L'honorable P.R. Dussault

MOTIFS RENDUS ORALEMENT : 7 novembre 1997

DATE DES JUGEMENTS :                21 novembre 1997

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                        Me Roberto T. De Minico

Pour l'intimée :                          Me Marie-Andrée Legault

AVOCAT INSCRIT AUX DOSSIERS :

Pour l'appelant :

                   Nom :           Me Roberto T. De Minico

                   Étude :                   SEAL & ASSOCIES

                                                Montréal (Québec)

Pour l'intimée :                          George Thomson

                                                Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

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