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Dossier : 2000-482(GST)G

ENTRE :

9004-5733 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

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Appel entendu le 24 avril 2003 à Montréal (Québec)

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions :

Avocate de l'appelante :

Me Josée Cavalancia

Avocat de l'intimée :

Me Louis Cliche

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JUGEMENT

          L'appel de la cotisation de la taxe sur les produits et services établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 23 mars 1999 et qui porte le numéro 02304444, est rejeté, avec dépens en faveur de l'intimée, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa,Canada ce 9e jour de mai 2003.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


Référence : 2003CCI327

Date : 20030509

Dossier : 2000-482(GST)G

ENTRE :

9004-5733 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]      Il s'agit d'un appel de deux cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ) couvrant deux périodes, soit le 16 juin 1995 au 30 septembre 1998, au montant de 2 592,80 $ et l'autre du 1er avril 1998 au 30 juin 1998 pour un montant de 2 086,38 $. Dans les deux, les pénalités et les intérêts sont en sus.

[2]      Il y a deux questions en litige dans cette affaire. La première concerne la contrepartie de services de gestion d'immeubles locatifs fournis par l'appelante à son unique actionnaire propriétaire de ces immeubles locatifs. La deuxième question est de savoir si l'appelante a droit au crédit pour intrants à l'égard de deux véhicules-moteurs.

[3]      Il a été admis que l'appelante a été constituée le 18 avril 1994, que toutes les actions appartiennent à monsieur Alain Déziel et que par conséquent l'appelante et ce dernier sont des personnes liées au sens de la Loi. Il a aussi été admis que les activités de l'appelante sont de gérer les immeubles locatifs appartenant à monsieur Déziel.

[4]      L'avocate de l'appelant a d'abord demandé à la vérificatrice, madame Louise Langlois de venir expliquer les motifs de ces cotisations.

[5]      La vérificatrice a relaté qu'elle a tenté de rejoindre monsieur Déziel par téléphone le 20 octobre 1998. Vers la fin de la journée, on l'a appelée pour lui dire que madame Marie-France Beaudoin répondrait à ses questions concernant l'appelante. Madame Beaudoin lui a rapporté entre autres choses que ses services avaient été requis cette journée même par monsieur Déziel.

[6]      Lors de la vérification, madame Langlois a constaté que les factures de l'appelante pour services de gestion rendus à monsieur Déziel n'indiquaient qu'un montant sans aucune description des services rendus. Elle a demandé sur quelle base ces factures étaient établies. Madame Beaudoin lui a répondu que les factures étaient établies en fonction des liquidités de monsieur Déziel.

[7]      La vérificatrice a calculé les dépenses engagées par l'appelante. Elle n'a pas ajouté de marge bénéficiaire. C'est sur cette base qu'elle a établi la contrepartie des services de gestion. La contrepartie de ces services étant plus élevée que ce qui avait été payé, la taxe additionnelle due sur ces montants était de 1 794,39 $.

[8]      Selon la pièce I-3 qui est le « Mémoire sur opposition » dans une lettre en date du 19 avril 1999 écrite par monsieur Déziel à la vérificatrice, son propos est que des dépenses en capital comme l'achat d'équipement en informatique et le mobilier de bureau ne doivent pas être prises en compte dans le calcul des coûts de gestion. Il n'a pas repris ce point lors de son témoignage à l'audience. Il suggérait alors que le montant des factures avait été établi selon le temps qu'il avait consacré à l'appelante.

[9]      Monsieur Déziel a aussi expliqué que c'était un comptable qui lui avait conseillé d'utiliser la forme corporative pour les services de gestion.

[10]     La vérificatrice a dit que lors d'une réunion le 12 novembre 1998, elle a rencontré monsieur Déziel pour la première fois. Il était accompagné de madame Beaudoin et monsieur Raynald Gagnon, le comptable externe de l'appelante. La vérificatrice affirme qu'il n'a jamais été question que les factures aient été établies selon les heures consacrées par monsieur Déziel chez l'appelante.

[11]     En ce qui concerne les voitures acquises par l'appelante, la vérificatrice a demandé à voir le carnet de route des voitures. Madame Beaudoin lui a dit qu'il n'y en avait pas. La vérificatrice a trouvé des factures concernant les voitures provenant de garages situés en Floride, New-York et Caroline du Nord.

[12]     Selon la pièce I-1, le 30 septembre 1995 il y a eu l'acquisition d'une voiture Chevrolet S-10 1991, le 17 juillet 1995, il y avait eu la location d'une Pontiac Grand Am 1994 et le 18 juin 1998, l'acquisition d'une Jeep Cherokee 1998. Il s'agissait des voitures possédées par l'appelante. Selon les informations de la Société de l'assurance automobile du Québec fournies à la vérificatrice, monsieur Déziel était propriétaire d'une voiture de marque Corvette depuis le 4 juillet 1996.

[13]     La vérificatrice a expliqué que les immeubles locatifs sont situés très près du siège social de l'appelante et que, dans un des immeubles locatifs, il y a un concierge qui s'occupe de la location et de la perception des chèques. Elle a expliqué qu'on ne lui a présenté aucun élément qui aurait pu l'amener à déterminer un pourcentage d'utilisation commerciale à plus de 50 p. 100 des véhicules en question.

[14]     Monsieur Déziel, lors de son témoignage, a affirmé que l'appelante utilisait ces voitures pour les fins des services de gestion et que lui-même en faisait un usage personnel minime. Il n'a fourni aucun document expliquant le kilométrage fait et les lieux de destination.

Arguments, analyse et conclusion

[15]     L'avocate de l'appelante a fait valoir qu'il n'y avait pas eu de la part de l'intimée un expert pour déterminer quelle était la juste valeur marchande de ces services et que la détermination faite par l'appelante valait celle de l'intimée. En ce qui concerne les voitures, elle s'est reportée au témoignage de monsieur Déziel. Pour ce qui est des pénalités, elle soumet qu'il y a eu diligence raisonnable de la part de l'appelante puisque son principal actionnaire, monsieur Déziel, avait suivi les conseils d'un comptable.

[16]     L'avocat de l'intimée a fait valoir que l'appelante avait changé de versions plusieurs fois en ce qui concerne la base de la facturation et qu'il lui appartenait de faire la preuve de la juste valeur marchande des services rendus. En ce qui concerne le kilométrage, elle n'avait pas tenu de registres. Il n'y avait en preuve aucun élément de diligence raisonnable.

[17]     Le paragraphe 155(1) de la Loi se lit comme suit :

Fourniture entre personnes liées

155(1) Pour l'application de la présente partie, la contrepartie d'une fourniture effectuée à titre gratuit ou pour une valeur inférieure à la juste valeur marchande, au moment de la fourniture, du bien ou du service entre personnes ayant entre elles un lien de dépendance et dont l'acquéreur n'est pas un inscrit qui acquiert le bien ou le service pour le consommer, l'utiliser ou le fournir exclusivement dans le cadre de ses activités commerciales est réputée égale à la juste valeur marchande du bien ou du service au moment de la fourniture, et payée, relativement à la fourniture à titre gratuit, à ce moment.

[18]     Ce paragraphe prévoit que la contrepartie d'une fourniture effectuée pour une valeur inférieure à la juste valeur marchande sera réputée égale à la juste valeur marchande dans les cas où il existe un lien de dépendance entre le fournisseur et l'acquéreur et où l'acquéreur n'est pas un inscrit qui acquiert le bien ou le service pour le consommer, l'utiliser ou le fournir dans le cadre de ses activités commerciales.

[19]     Il est admis par les deux parties que les deux circonstances mentionnées existent. Le lien de dépendance ne fait pas de doute et les activités de location de monsieur Déziel sont exonérées. Il ne s'agit donc pas d'activités commerciales.

[20]     Il s'agit donc de déterminer la juste valeur marchande des services de gestion fournis à monsieur Déziel. La définition de juste valeur marchande au paragraphe 123(1) de la Loi se lit comme suit :

« juste valeur marchande » Juste valeur marchande d'un bien ou d'un service fourni à une personne, abstraction faite de la taxe exclue de la contrepartie de la fourniture en application de l'article 154.

[21]     Comme on peut le lire cette définition n'est d'aucune assistance dans la compréhension de cette notion juridique. On doit donc donner à cette expression son sens juridique normal. Dans le Dictionnaire de droit québécois et canadien, Hubert Reid, (1994) W & L, « juste valeur marchande » est ainsi définie :

Prix le plus élevé qui puisse être obtenu sur un marché libre, lorsque les parties à une transaction sont bien informées, prudentes et indépendantes l'une de l'autre et qu'aucune d'elles n'est forcée de conclure la transaction.

[22]     Ces mots sont les mêmes que ceux utilisés par le juge Cattanach dans Henderson Estate and Bank of New York v. M.N.R., 73 DTC 5471, à la page 5476.

[23]     Dans l'Énoncé de politique P-165, on explique qu'il y a trois méthodes ou approches qui sont généralement utilisées pour évaluer cette valeur soit la méthode du coût, la méthode de la parité et la méthode du revenu. Il est vrai que l'énoncé de politique a comme objet les immeubles. Il pourrait y avoir des méthodes différentes concernant l'évaluation de la juste valeur marchande des services. Ainsi il est intéressant de lire la Circulaire d'information 87-2R ayant pour titre : « Prix de transfert international » et le Bulletin d'interprétation IT 468R intitulé : « Frais de gestion ou d'administration payés à des non-résidents » .

[24]     Mais je ne veux pas élaborer plus sur les méthodes d'évaluation de la juste valeur marchande des services car on ne m'a fait de part et d'autre aucune preuve spécifique sur le sujet.

[25]     L'intimée n'a pas fait de preuve d'expert, mais l'appelante non plus et le fardeau de la preuve lui appartenait. Je dois donc choisir parmi les deux propositions celle qui me paraît le plus raisonnablement représenter la juste valeur marchande des services.

[26]     La vérificatrice a choisi la méthode du coût. Je suis d'avis que cette méthode est appropriée et raisonnable. Elle ne tient même pas compte d'une marge bénéficiaire normale. La méthode du coût est d'autant plus appropriée et raisonnable qu'il s'agit d'une entreprise dont la seule fonction est de rendre des services de gestion d'immeubles et que ces immeubles appartiennent tous à son seul actionnaire. Le calcul de la juste valeur marchande proposé par monsieur Déziel en fonction des heures qu'il aurait consacrées à l'appelante ne prend à mon sens en considération qu'une partie des coûts de l'appelante. Il aurait fallu expliquer en quoi cela pouvait raisonnablement déterminer la juste valeur marchande des services de gestion rendus. Avec égard, je ne comprends pas la logique de la proposition.

[27]     En ce qui concerne le crédit de taxe pour intrants ( « CTI » ) concernant les voitures, le paragraphe 199(2) de la Loi prévoit qu'un inscrit peut demander un CTI relatif à la taxe payable par lui à l'acquisition d'un bien meuble corporel devant lui servir d'immobilisation si le bien est acquis en vue de l'utiliser principalement dans le cadre de ses activités commerciales. Le ministre du Revenu national interprète « principalement » comme signifiant plus de 50 p. 100.

[28]     Le paragraphe 199(2) de la Loi se lit comme suit :

(2)         Acquisition d'immobilisations. Les règles suivantes s'appliquent à l'inscrit qui acquiert, importe ou transfère dans une province participante un bien meuble à utiliser comme immobilisation :

a)          la taxe payable par lui relativement à l'acquisition, à l'importation ou au transfert du bien n'est incluse dans le calcul de son crédit de taxe sur les intrants pour une période de déclaration que si le bien est acquis, importé ou transféré, selon le cas, en vue d'être utilisé principalement dans le cadre de ses activités commerciales;

b)          pour l'application de la présente partie, il est réputé avoir acquis, importé ou transféré le bien pour l'utiliser exclusivement dans le cadre de ses activités commerciales s'il l'a acquis, importé ou transféré, selon le cas, pour l'utiliser principalement dans ce cadre.

[29]     L'article 286 de la Loi exige aussi de tenir des registres :

286(1) Obligation de tenir des registres. Toute personne qui exploite une entreprise au Canada ou y exerce une activité commerciale, toute personne qui est tenue, en application de la présente partie, de produire une déclaration ainsi que toute personne qui présente une demande de remboursement doit tenir des registres en anglais ou en français au Canada ou à tout autre endroit, selon les modalités que le ministre précise par écrit, en la forme et avec les renseignements permettant d'établir ses obligations et responsabilités aux termes de la présente partie ou de déterminer le remboursement auquel elle a droit.

[30]     Je n'ai pas de preuve de la proportion du kilométrage faite par les voitures pour les fins de l'entreprise sur la totalité du kilométrage qui me permettrait de conclure que les voitures ont été utilisées principalement pour les fins de l'entreprise de l'appelante. Une simple affirmation d'usage minime pour fins autres que celles de l'entreprise ne peut pas suffire.

[31]     En ce qui concerne la défense de diligence raisonnable, je ne constate pas dans cette affaire d'éléments de cette diligence. L'appelante aurait été constituée sur la recommandation d'un comptable. Ceci ne cause pas de problème. Mais la méthode de facturation a-t-elle été discutée avec le comptable? Il n'y a eu aucune preuve à cet égard ni que cela ait été fait ni quels auraient été les propos du comptable. Il aurait fallu aussi prouver ces propos. En ce qui concerne les voitures de l'appelante pour lesquelles elle a réclamé des crédits de taxe sur intrants, il n'y a pas non plus de preuve de diligence raisonnable. Il n'y avait aucun maintien de registres appropriés ou autre documentation valable qui auraient servi à prouver l'utilisation principale de ces voitures par l'appelante.

[32]     L'appel est en conséquence rejeté avec dépens en faveur de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada ce 9e jour de mai 2003.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.


RÉFÉRENCE :

2003CCI327

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2000-482(GST)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

9004-5733 Québec Inc. et La Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :

le 24 avril 2003

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

l'hon. juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :

le 9 mai 2003

COMPARUTIONS :

Avocate de l'appelante :

Me Josée Cavalancia

Pour l'intimée :

Me Louis Cliche

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER:

Pour l'appelante :

Nom :

Me Josée Cavalancia

Étude :

Brouillette Charpentier Fortin

Montréal (Québec)

Pour l'intimé(e) :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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